jeudi 28 juillet 2011

Les déclarations de l’accusée faites en vertu de l’obligation de déclarer les accidents de la circulation sont‑elles admissibles dans des procédures criminelles?

R. c. White, [1999] 2 RCS 417

Les déclarations requises par l’art. 61 de la Motor Vehicle Act ne peuvent pas être utilisées dans des poursuites criminelles contre leur auteur. Leur utilisation dans un procès criminel contreviendrait au principe interdisant l’auto‑incrimination, qui est un des principes de justice fondamentale que protège l’art. 7 de la Charte. (...)

Plusieurs des préoccupations relatives à l’auto‑incrimination étaient présentes en l’espèce. Premièrement, s’il n’y a pas lieu de percevoir l’obligation de déclarer les accidents de la circulation comme une coercition de l’État, il ne faut pas ignorer complètement, dans ce contexte, le souci de protéger la liberté humaine qui est à la base du principe interdisant l’auto‑incrimination. Deuxièmement, le fait de confier à la police la responsabilité de recueillir les déclarations d’accident a pour effet de transformer ce qui pourrait autrement être un partenariat en une relation de nature contradictoire, car le policier peut enquêter en même temps sur une infraction possible à l’égard de laquelle le conducteur est un suspect. Le conducteur se trouve généralement en présence immédiate du policier au moment de faire une déclaration d’accident et il en résulte un contexte de pression psychologique et émotive. Troisièmement, la perspective de confessions indignes de foi est très réelle parce que les déclarations d’accident sont fréquemment faites à un policier, qui est susceptible d’être considéré comme une personne en situation d’autorité dont le pouvoir et la présence physique peuvent induire une personne à faire une déclaration dans des circonstances où cette personne ne désire pas parler et où il peut y avoir une forte incitation à faire une fausse déclaration. Quatrièmement, il existe une possibilité réelle et sérieuse que permettre l’utilisation de déclarations obligatoires d’accident dans des procédures criminelles augmente la possibilité de conduite abusive de l’État. Les policiers peuvent interroger une personne soupçonnée d’une infraction de la route, mais s’ils veulent utiliser ces renseignements dans des procédures criminelles, ils ne doivent pas avoir été fournis en vertu de la Motor Vehicle Act. Enfin, une déclaration d’accident constitue une version personnelle de son auteur, et son utilisation pour l’incriminer affecte manifestement sa dignité. Les attentes moindres quant au caractère privé d’un véhicule sont sans pertinence.

La protection donnée par le principe interdisant l’auto‑incrimination ne varie pas selon l’importance relative des renseignements incriminants que l’on cherche à utiliser. Si les circonstances entourant l’utilisation d’une déclaration forcée tombent sous l’application de l’art. 7, la préoccupation relative à l’auto‑incrimination s’applique à l’ensemble des renseignements fournis dans cette déclaration. La création d’une immunité contre l’utilisation d’une déclaration d’accident dans des procédures criminelles ultérieures est elle‑même la recherche d’un équilibre entre le but de la société de découvrir la vérité et l’importance fondamentale pour la personne de ne pas être contrainte de s’incriminer. L’équilibre recherché dans le contexte de l’obligation de déclarer les accidents prévue par la Motor Vehicle Act se situe entre le droit du conducteur de ne pas être forcé à s’incriminer dans le cadre de procédures criminelles et l’intérêt de la province dans la sécurité routière.

L’auteur d’une déclaration faite en vertu de l’art. 61 de la Motor Vehicle Act n’est protégé par l’immunité contre son utilisation en vertu de l’art. 7 de la Charte que lorsque la déclaration peut être considérée comme faite sous la contrainte. La contrainte en vertu du par. 61(1) est établie si, au moment où il a déclaré l’accident, le conducteur avait la croyance sincère et raisonnable qu’il était légalement tenu de déclarer l’accident à la personne à qui il a fait la déclaration. Le fondement d’une croyance subjective existe parce que la contrainte comporte l’absence de consentement. L’exigence que la croyance soit raisonnable est également liée à la signification de contrainte.

Le ministère public n’a pas le fardeau de démontrer qu’une déclaration d’accident n’a pas été faite en vertu de l’obligation imposée par la loi. Au contraire, étant donné qu’il incombe à la personne qui invoque la Charte de démontrer l’atteinte à ses droits, c’est l’accusé qui doit prouver selon la prépondérance des probabilités que la déclaration était forcée. (...)

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