samedi 3 septembre 2011

Revue de la jurisprudence sur l'infraction de complot

R. c. Lepage, 2009 QCCQ 7741 (CanLII)

[119] « L'infraction de complot est reconnue depuis longtemps en droit pénal. Elle peut souvent jouer un rôle important dans la poursuite de ceux qui cherchent à faire le trafic de drogues illicites. L'infraction de complot est en soi difficile à décrire, mais l'acte d'accusation doit être rédigé avec une précision suffisante pour renseigner l'accusé sur la nature fondamentale du complot qui lui est imputé. Essentiellement, l'infraction de complot est une entente en vue d'accomplir un acte illicite ou d'obtenir un résultat par des moyens illicites. »

[120] L'une des importantes décisions sur le complot est certainement l'arrêt Carter (reprise dans 195 décisions). Le Ministère public avait déposé contre Monsieur Carter l'accusation de complot en vue d'importer un stupéfiant. Dans ses directives aux jurés, le juge avait mentionné à ces derniers que le complot devait être prouvé selon la norme de preuve « hors de tout doute raisonnable », mais il n'avait pas expliqué la norme à appliquer quant à la participation de l'accusé au complot. Cette attitude pouvait laisser croire que la norme était la même pour ce deuxième élément. Le Juge McIntyre au nom de la Cour y voit là une erreur importante et on peut lire dans le jugé :

« Pour déclarer un accusé coupable de complot, le jury doit être convaincu hors de tout doute raisonnable (1) que le complot a eu lieu et (2) que l’accusé y a participé. En tranchant la question de la participation, l’exception à la règle du ouï-dire peut être invoquée seulement lorsqu’une preuve directe contre l’accusé établit la probabilité de sa participation au complot. »

[121] On doit comprendre de cet arrêt que dès que le juge des faits est en mesure d'affirmer qu’il y a eu complot, (établi selon la norme de preuve hors de tout doute raisonnable) il doit alors examiner la preuve directement recevable contre l’accusé, et décider s'il est probable que ce dernier ait participé au complot. S'il en vient à telle conclusion que tel est le cas, il peut alors appliquer l’exception à la règle du ouï-dire et considérer comme recevable contre l’accusé, relativement à la question de sa culpabilité, la preuve des actes posés et des déclarations faites par les coconspirateurs, même de ceux qui ne sont pas accusés en vue de réaliser les objets du complot.

[122] Notre Cour d'appel eut à se pencher sur la question dans l'arrêt Couture du 19 novembre 2007. La Cour (paragraphe 110) écrira :

« En principe, la preuve d’une déclaration faite par une personne qui n’est pas assignée comme témoin constitue une preuve irrecevable si l’on veut en établir la véracité. Le témoin peut toutefois relater cette déclaration si l’on cherche uniquement à établir qu’elle a été faite. Par ailleurs, la preuve par ouï-dire est admissible lorsque visée par une des exceptions traditionnelles de Common Law dont, notamment, celle relative aux coconspirateurs et à la recevabilité des actes manifestes. »

[123] Rejetant l'appel sur la question des directives sur les actes manifestes, le plus haut tribunal s'exprime ainsi (paragraphe 150) :

« Le juge a énoncé les éléments essentiels du complot, soit (1) une entente entre deux ou plusieurs personnes, (2) pour commettre un acte criminel, et ce, (3) avec l'intention de commettre cet acte criminel. »

[124] Donc, si tous les actes et toutes les paroles d'un accusé lui sont toujours opposables dans la preuve de quelque accusation que ce soit, il en ira différemment de ses coaccusés. À titre d'exemple, l'accusé « A » qui se glorifie d'avoir réussi un vol qualifié en compagnie de « B » après une méticuleuse préparation, verra cette preuve opposable à lui-même, mais la poursuite ne pourra se servir de cette conversation contre « B », puisqu'elle n'est que narrative.

[125] Louise Viau écrivit sur le sujet :

« … une déclaration purement narrative n'est pas faite dans la poursuite du but commun pas plus que la déclaration faite par un conspirateur en état d'arrestation ou celle faite après la réalisation de l'entente. Les actes directement reliés et nécessaires à la pleine réalisation de l'entente font partie de l'objet de l'entente. »

[126] Mais quand un des accusés dira : « we are in the hashish business » dans le but de recruter un individu devenu par la suite membre du complot, ce sera admissible puisqu'elle visait à consolider l'organisation, et par conséquent faire avancer le complot.

[127] Dans son ouvrage Criminal Pleadings and Practice in Canada, second edition, volume II Ewaschuk (19:4050) donne quelques exemples sur la déclaration purement narrative en ces termes :

« 19:4050 Pure narrative not admissible as against co-conspirators

At stage three, it is important to keep in mind the distinction between declarations made in furtherance of a conspiracy, and declarations constituting past narrative. Past narrative is not admissible for or against co-conspirators who are not parties to the declaration.

R. v. Hook (1975), 22 C.C.C. (2d) 118, 31 C.R.N.S. 124 (Alta. C.A.). R. v. Lynch, Malone and King (1978), 40 C.C.C. (2d) 7 (Ont. C.A.)

However, declarations merely constituting past narrative are admissible for or against the declarant and the other parties to the conversation,R. v. Cook reflex, (1980), 53 C.C.C. (2d) 217 at p. 221 (Ont. C.A.)

though "narration of past facts" made between co-conspirators may be construed as being made in furtherance of the conspiracy, e.g., as a reporting back between the co-conspirators and as necessary discussions in planning future conduct.R. v. White 1997 CanLII 2426 (ON C.A.), (1997), 114 C.C.C. (3d) 225 (Ont. C.A.)

Thus, pure narration of past facts is inadmissible against an accused not present when the statement is made though it may be admissible where the declaration relates to "directions, instructions or arrangements or utterances accompanying acts" made in furtherance of the conspiracy. R. v. Tripodi (1961), 104 C.L.R. 1 at p. 7 (Austr.) Cf. R. v. Jones, [1997] 2 Cr. App. R. 119 (C.A.) (declaration admissible as evidence of the progress of the offence charged) »

[128] Il est donc loisible au Ministère public dans une accusation de complot, de mettre en preuve contre l'accusé les paroles et gestes commis par les coconspirateurs, mais seulement si ces gestes et/ou paroles sont posés ou prononcés dans le but d'atteindre le but commun, une fois la preuve du complot établie. La Cour d'appel du Québec avait ainsi défini l'expression « dans la poursuite du but commun » :

« …la narration par la victime de la déclaration de la coaccusée coïncide avec l'exécution de l'objet de la conspiration, de sorte qu'on ne saurait assimiler cette déclaration à un acte manifeste exécuté dans la poursuite du but commun. En effet, un tel acte ou une telle déclaration ne seraient exécutés dans la poursuite du but commun que s'ils étaient nécessaires ou utiles pour aider à atteindre le but de la conspiration. »

[129] Est aussi cité dans cette décision le commentaire du Juge Martin dans une décision de 1978 :

« …The «in furtherance» requirement implies that the declaration of one conspirator is admissible against a co-conspirator only if it is made for the purpose of advancing the objectives of the conspiracy, or constitues a step in furtherance of the common design. as distinct from a mere statement about the conspiracy made by a conspirator during the course of the conspiracy. »

[130] Dans la présente instance, à plusieurs reprises ont été soulevées des objections alléguant que telle ou telle preuve constituait du « ouï-dire ». Dans de nombreux cas ces preuves ne visaient pas à établir la véracité des paroles prononcées par des tiers qui n'étaient ni accusés ni assignées comme témoins : ces paroles ne servaient qu'à établir ou expliquer le contexte ou la séquence des événements. On comprendra qu'en aucun cas de telles paroles ne peuvent être opposables aux accusés sauf s'ils visent la réalisation du complot. C'est seulement lorsque le but de présenter cette preuve est d'en établir la véracité qu'il importe d'en vérifier la recevabilité. Comme on le mentionne dans l'affaire Kelawon :

« Dans certains cas, la preuve par ouï‑dire présente des dangers minimes et son exclusion au lieu de son admission gênerait la constatation exacte des faits. »

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