lundi 22 octobre 2012

Le calcul de la détention provisoire post-22 février 2010

R. c. Alonso, 2012 QCCQ 7919 (CanLII)

Lien vers la décision

[12] Le 22 février 2010 marque l’entrée en vigueur des articles 719(3) et (3.1) qui se lisent comme suit :

(...)

[13] Deux approches ont été considérées par les tribunaux dans l’analyse de l’exception prévue à l’article 719(3.1). Il s'agit des approches dites quantitative et qualitative.

[14] Les tenants de l'approche quantitative ont comparé des peines de durée équivalente qui seraient imposées à un accusé détenu provisoirement et à un autre qui aurait bénéficié d’une mise en liberté pendant les procédures.

[15] Ainsi, dans le cas d’une même peine prononcée le même jour, l’accusé détenu purgerait une peine plus longue que celui en liberté puisque la période de détention provisoire n’est pas prise en compte dans le calcul de la peine aux fins de la libération conditionnelle.

[16] Dans R. c. Gosselin, 2011 QCCQ 11688 (CanLII), 2011 QCCQ 11688, mon collègue Denis Lavergne, se basant sur plusieurs décisions, a procédé à une analyse de l’expression « si les circonstances le justifient » mentionnée au paragraphe 3.1. Pour lui, la méthode quantitative doit être écartée parce que l’exception prévue par le législateur deviendrait la règle s’il fallait accorder automatiquement le crédit d’un jour et demi aux accusés en détention provisoire parce que pour une même peine, ils purgeraient une peine plus longue que ceux remis en liberté en attendant l'issue des procédures.

[17] Cette règle quasi automatique n'a certainement pas été voulue par le législateur dont on doit présumer qu'il connaissait cette situation.

[18] Je partage l'opinion du juge Lavergne et je ne retiens pas l'approche quantitative. Mes collègues Provost et Marleau ont fait de même dans leur décision respective soit dans R. c. Beaudry, 505-01-090819-109, le 25 avril 2012 et dans R. c. Lefrançois, 2012 QCCQ 5655 (CanLII), 2012 QCCQ 5655.

[19] Le crédit majoré sur la base de cette approche n’est donc pas accordé.

[20] Dans l’approche qualitative, on considère les conditions et les divers aspects affairant à la période de détention provisoire et je cite mon collègue Lavergne dans l’affaire Gosselin, précitée :

[49] Ainsi le délai écoulé entre le plaidoyer de culpabilité et la détermination de la peine, l’indisponibilité du tribunal pour raison de maladie, l’éloignement de la famille du détenu, l’impossibilité financière du détenu de verser la caution exigée et les conditions difficiles représentent autant de circonstances dont les tribunaux ont tenu compte pour accorder un crédit d’un jour et demi.

[50] Toutefois, dans R. c. Velez-Lau, 2011 ONSC 4805 (CanLII), 2011 ONSC 4805, le tribunal laisse entendre que les conditions difficiles de détention provisoire ne déclenchent pas un automatisme déterminant à tous coups un crédit d’un jour et demi. Les circonstances doivent être établies.

[21] Le juge Lavergne ajoute que la méthode qualitative exprimée dans l’affaire R. v. Morris, 2011 ONSC 5206 (CanLII), 2011 ONSC 5206, semble être majoritairement suivie par les tribunaux du pays malgré la décision de principe du juge Green de la Cour de justice de l'Ontario dans R. v. Johnson, 2011 ONCJ 77 (CanLII), 2011 ONCJ 77, où l’approche quantitative avait été retenue.

[22] Le 6 septembre dernier, dans l'affaire R. c. Mayers, 2011 BCCA 365 (CanLII), 2011 BCCA 365, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, en raison de l'absence de fondement factuel, a refusé de déterminer si les circonstances justifiaient le crédit majoré. La Cour a aussi conclu que l'accusé n'avait pas droit au crédit majoré. Cette décision, qui serait la seule d'une cour d'appel, n'apporte aucun éclairage sur les deux approches.

[23] Dans R. c. Bérubé, 2012 QCCS 1379 (CanLII), 2012 QCCS 1379, le juge Richard Grenier a conclu que les circonstances suivantes justifiaient l’application de l’exception prévue à 719(3.1). Je le cite :

[58] Au surcroît, le ministère public a, à l’origine, accusé monsieur Bérubé dans les districts de Longueuil et de Rimouski alors que tout cela aurait pu se faire dans le même district.

[59] Pendant un an et demi, on l’a transporté de Rimouski à Longueuil en passant par Québec et Trois-Rivières.

[60] À chaque occasion, il a dû interrompre ses activités intra-muros, être reclassé dans un nouveau secteur et subir différents préjudices qu’il a relatés dans son témoignage.

[61] Après le transfert à Rimouski du dossier de Longueuil et l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité, le Tribunal a dû, à deux occasions, rendre des ordonnances, pour empêcher le transport de l’accusé à Longueuil, parce que la poursuite s’entêtait à ne pas faire rayer le dossier du rôle.

[24] En l’espèce, la défense allègue essentiellement la barrière linguistique pour appuyer sa demande de crédit majoré sans présenter de preuve des préjudices et des inconvénients occasionnés par cette situation.

[25] Même si je suis prêt à convenir que l’accusé a pu subir certains inconvénients inhérents à cette situation, cela ne relève pas de la connaissance judiciaire d’en mesurer l’ampleur ou d’en soupeser le poids sans élément de preuve sur lesquels s’appuyer.

[26] Il appartient à l’accusé de présenter une preuve afin d’obtenir le crédit majoré prévu à l’exception et il ne l’a pas fait.

[27] La simple demande basée sur la barrière linguistique n’est pas suffisante pour me permettre de conclure que les circonstances justifient l’exception du crédit majoré.

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