jeudi 25 juillet 2013

Portée de la révision par voie de certiorari de la décision de la juge de l’enquête préliminaire de libérer l’accusé

R. c. Deschamplain, 2004 CSC 76 (CanLII)


Lien vers la décision


23                              Selon la jurisprudence de notre Cour, il est indubitable que le juge de l’enquête préliminaire commet une erreur de compétence lorsqu’il se fonde sur l’al. 548(1)a) pour renvoyer un accusé à son procès en l’absence de preuve relative à un élément constitutif de l’infraction : voir les arrêts Skogman c. La Reine,1984 CanLII 22 (CSC), [1984] 2 R.C.S. 93, p. 104; Dubois, précité, p. 376; et Russell, précité, par. 21.  Par contre, il ne commet pas une erreur de compétence si, après examen de l’ensemble de la preuve et en l’absence de preuve directe concernant chacun des éléments constitutifs de l’infraction, il conclut à tort que l’ensemble de la preuve (directe et circonstancielle) ne suffit pas pour satisfaire au critère applicable en matière de renvoi à procès et, en conséquence, libère l’accusé conformément à l’al. 548(1)b) : voir les arrêts Arcuri, précité, par. 21-23, et Russell, précité, par. 26.  Dans ce cas, il ne conviendrait pas qu’une cour de révision intervienne simplement parce que la conclusion du juge de l’enquête préliminaire diffère de celle qu’elle aurait tirée : voir l’arrêt Russell, précité, par. 19.  Cependant, le juge de l’enquête préliminaire qui agit de façon arbitraire commet une erreur de compétence : Dubois, précité, p. 377.


35                              J’estime que la juge de l’enquête préliminaire a commis une erreur de compétence à l’égard des deux chefs d’accusation en libérant l’intimé sans avoir examiné l’ensemble de la preuve.



36                              Le juge Fish conclut, au par. 82, que toute erreur qu’a pu commettre la juge de l’enquête préliminaire « concernait le caractère suffisant de la preuve et n’était pas susceptible de révision par voie de certiorari ».  Il part du principe suivant, au par. 62 : 

Et il est bien établi qu’une erreur quant au caractère suffisant de la preuve ne saurait à juste titre être qualifiée d’erreur « de compétence », à moins qu’elle n’entraîne un renvoi à procès en l’absence de preuve susceptible d’étayer une déclaration de culpabilité. . .

Il cite ensuite les propos de la juge en chef McLachlin aux par. 28-29 de l’arrêt Russell, précité.  Dans ce passage, la juge en chef McLachlin explique que les principes qui s’appliquent aux erreurs de compétence sont les mêmes, peu importe que l’erreur soit évoquée par le ministère public ou par l’accusé.  Cependant, elle ajoute qu’en pratique les erreurs portant sur les éléments constitutifs d’un crime n’auraient pas les mêmes effets sur le ministère public et l’accusé.  Voici ce qu’elle écrit, au par. 29 :

Il est vrai qu’il découle de ce principe qu’en règle générale l’erreur portant sur des éléments constitutifs du crime n’est susceptible de révision que sur contestation par l’accusé, et non par le ministère public, mais cette disparité se justifie par le rapport des préjudices éventuels de part et d’autre . . . [Souligné dans l’original.]



37                              Comme nous l’avons vu plus haut, au par. 23, lorsqu’il soulève une erreur de compétence, l’accusé aura gain de cause s’il peut démontrer l’absence de preuve relative à un élément constitutif du crime.  J’estime que, lorsqu’elle évoque la disparité des effets sur le ministère public et l’accusé, la juge en chef McLachlin fait allusion au fait qu’en revanche le ministère public ne peut pas établir l’existence d’une erreur de compétence en démontrant simplement qu’il existe des éléments de preuve relatifs à chaque élément constitutif du crime.  Il en va ainsi parce qu’il ne conviendrait pas que la cour de révision intervienne simplement parce qu’elle aurait tiré, quant au caractère suffisant de la preuve, une conclusion différente de celle du juge de l’enquête préliminaire.  Toutefois, une décision sur le caractère suffisant de la preuve n’échappe à la révision par voie de certiorari que si le juge de l’enquête préliminaire agissait dans les limites de sa compétence lorsqu’il l’a prise, conformément aux dispositions impératives de l’art. 548.

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