vendredi 19 décembre 2014

DÉFINITION DE L’ARTICLE 118 ET INTERPRÉTATION JURISPRUDENTIELLE (définition de fonctionnaire)

Thibault c. R., 2014 QCCQ 6474 (CanLII)


[18]        L’article 118 C.cr. apporte une définition de la notion de fonctionnaire dans le cadre de l’application de l’article 122 de la même loi. Le fonctionnaire, au sens de cette disposition, serait entre autres la personne qui est nommée pour remplir une fonction publique.
[19]        En anglais, « official », qui a aussi comme synonyme le mot « officer », représente « a person holding public office or having official duties » et peut également recevoir le vocable d’officier en français.
[20]        Dans la cause R. c. Lafrance, la Cour d’appel du Québec précise qu’au sens du Code criminel, pour être un fonctionnaire, il n’est pas nécessaire d’occuper un poste permanent dans l’administration gouvernementale. Selon elle, le critère le plus important est le fait que la personne ait des responsabilités et une autorité qui la placent dans un poste de confiance et qui soit sujet, d’une certaine manière, à l’autorité du gouvernement.
[21]        Dans C.L. c. La Reine la Cour d’appel a eu à trancher la question de savoir si un contractuel engagé par un organisme gouvernemental pouvait être considéré comme un fonctionnaire au sens du Code criminel. Elle indique : « La notion de fonctionnaire du Code criminel est plus large que l’acceptation commune de ce terme puisqu’en général dans ce dernier cas, l’une des conditions essentielles du statut est la permanence de l’emploi ».  Pour la Cour d’appel, la notion de remplir une fonction publique retrouve une importance primordiale. Au paragraphe 27 de la décision, les juges donnent plusieurs exemples de décisions où des individus ont été considérés comme étant des fonctionnaires au sens des articles 118 et 122 C.cr. :
         un employé de Radio-Canada;
         un employé sous-contractant de la Société d’habitation du Québec;
         un ministre du gouvernement;
         un membre du Conseil législatif de la province de Québec nommé par arrêté en conseil;
         un sénateur.
[22]        Pour la Cour d’appel, il n’y a rien d’incompatible à ce que la fonction soit celle de mandataire, et pour elle, le critère le plus important est celui qui veut que la personne ait des responsabilités et une autorité qui la place dans un poste de confiance.
[23]        Dans l’arrêt R. c. Yellow Old Woman, la Cour d’appel de l’Alberta a eu à se prononcer sur les notions de fonctionnaire prévues auxarticles 118 et 122 C.cr. dans le cas d’une accusée faisant face à des infractions d’abus de confiance alors qu’elle aurait accepté des montants d’argent à titre de directrice de la santé d’un organisme communautaire et comme chef d’une nation autochtone.
[24]        Dans ce dossier, on reprochait à l’accusée d’avoir détourné une partie des subventions reçues dans le cadre de l’engagement d’un employé sans que le gouvernement ni le conseil de bande n’en furent avisés.
[25]        C’est en s’inspirant de l’arrêt Sheets que la Cour d’appel règle la question en établissant que la définition de l’article 118 ne se limite pas à la personne qui détient une charge pour le gouvernement fédéral ou provincial. Selon elle, l’interprétation donnée par la Cour suprême inclut dans la notion de fonctionnaire une personne occupant une position de devoir, d’autorité ou de confiance dans un service public ou autre service de même nature. Dans ce dernier arrêt, la Cour suprême indique ne déceler aucune intention du Parlement d’établir une différence selon la méthode par laquelle on accède à une fonction publique. Dans le cas de Sheets, il s’agissait d’un échevin municipal.

CRITÈRES JURIDIQUES APPLICABLES À LA MOTION DE NON-LIEU

Thibault c. R., 2014 QCCQ 6474 (CanLII)


[13]        Il est reconnu que le devoir du juge au procès à qui l’on soumet une requête pour insuffisance de preuve sur un élément essentiel d’une infraction est le même que celui du juge de paix présidant une enquête préliminaire.
[14]        Le juge doit décider s’il existe ou non des éléments de preuve en vertu desquels un jury agissant raisonnablement et ayant reçu des directives appropriées pourrait conclure à la culpabilité.
[15]        Autrement dit, pour accueillir la motion de non-lieu présentée dans le présent dossier relativement aux accusations d’abus de confiance, le Tribunal doit en venir à la conclusion qu’il y a absence totale de preuve sur un des éléments essentiels, c’est-à-dire sur le fait que l’accusée Lise Thibault était une fonctionnaire lors de l’exercice de ses fonctions de lieutenant-gouverneur.
[16]        Cette possibilité de présenter, après la preuve de la poursuite, une motion visant à rejeter les accusations, et ce, avant que l’accusée n’ait décidé de présenter ou non une défense, est un corollaire découlant de la présomption d’innocence qui attribue à l’État la charge de démontrer la culpabilité d’un individu.
[17]              Selon un courant jurisprudentiel constant (R. c. RowbothamR. c. YebesR. c. MonteleoneR. c. Mezzo et R. c. Litchfield), la poursuite doit s’assurer d’avoir soumis une preuve prima facie de l’infraction, c’est-à-dire une preuve admissible relative à chacun des éléments essentiels de celle-ci permettant au maître des faits de prononcer un verdict de culpabilité en appliquant les critères juridiques appropriés.

La connexité existant entre les articles 122 Ccr & 426 Ccr



22               In my opinion, the essence of the offences pursuant to ss. 122 and 426 of the Criminal Code are the same - the receipt of a benefit related to the Appellant’s duty as an office holder in the Siksika Nation (pursuant to s. 122 of the Criminal Code) and the acceptance of a benefit related to the affairs of Siksika Nation (pursuant to s. 426 of the Criminal Code). Section 426 requires that the Crown establish an agency relationship between the accused and, in the case at bar, the Siksika Nation. Under s. 122, the requirement is that the Appellant be the holder of a public office. In this case, both offences require a relationship of agency to the government or the community, satisfied by acting as a public official. Both require a benefit to the accused and an act contrary to the accused’s duties. Neither offence requires an actual corrupt bargain or action. While s. 122 does not require secrecy, s. 426 clearly requires non-disclosure of the commission as a constituent element of the secret commissions offence: R. v. Kellysupra, at para 47 (“corruptly, in the context of secret commissions, means without disclosure.”). This additional element of secrecy/corruption in s. 426 does not, in my opinion, detract from the conclusion that the essence of the offences remains the same. The legal nexus between the elements of the actus reus is made out.

23               As to mens reass. 122 and 426 of the Criminal Code enact general intent crimes. Both require some awareness or knowledge on the part of the accused of his or her position, i.e. as an official or an agent. Both require that the accused know or be reckless or wilfully blind to the fact that he or she was receiving a benefit. While it is true that s. 426 additionally requires that the accused know that he or she is in receipt of a benefit in relation to the affairs of the agent’s principal, in my view, this requirement is no more than a particularization of the mens rea requirement in s. 122, sufficient, on the authority of Princesupra, to satisfy the Kienappleprinciple. (As to the mens rea of the two offences, see also R. v. Arnold1992 CanLII 63 (SCC), [1992] 2 S.C.R. 208R. v. Gross (1945), 1945 CanLII 55 (ON CA), 1 C.R. 14 (Ont. C.A.)R. v. Flamand (1999), 1999 CanLII 13326 (QC CA), 141 C.C.C. (3d) 169 (Que. C.A.), leave to appeal to the S.C.C. refused March 30, 2000, and R. v. Pilarinos (2003), 2002 BCSC 452 (CanLII), 168 C.C.C. (3d) 548 (B.C.S.C.)).

24               The following comments of Dickson, C.J. in R. v. Princesupra, at p. 500-501, lend support:

“... Parliament may create offences of varying degrees of generality, with the objective (vis-à-vis the more general offence) of ensuring that criminal conduct will not escape punishment because of a failure of the drafters to think of each individual circumstance in which the conduct might be committed, or with the objective (vis-à-vis the more specific offence) of addressing with certainty particular conduct in particular circumstances. In the absence of some indication of Parliamentary intent that there should be multiple convictions or added punishment in the event of an overlap, the particularization of an element ought not to be taken as a sufficient distinction to preclude the operation of the Kienapple principle.”

25               I conclude, accordingly, that the two offences have no significant, additional distinguishing elements. It follows that the legal nexus as to mens rea is made out.

lundi 15 décembre 2014

L'importance pour les policiers de prendre des notes détaillées de ce qu’ils ont examiné sur le téléphone cellulaire

R. c. Fearon, 2014 CSC 77 (CanLII)

Lien vers la décision

[82]                          Enfin, les policiers doivent prendre des notes détaillées de ce qu’ils ont examiné sur le téléphone cellulaire.  La Cour a encouragé la prise de notes de ce genre dans l’arrêt Vu dans le contexte d’une fouille autorisée par un mandat : par. 70.  Elle a également encouragé la prise de notes dans le contexte de fouilles à nu :Golden, par. 101.  À mon avis, étant donné que nous sommes en présence d’un pouvoir extraordinaire de procéder à une fouille qui ne requiert ni mandat ni motifs raisonnables et probables, l’obligation de consigner soigneusement le contenu fouillé et la façon dont il a été fouillé devrait être imposée comme impératif constitutionnel.  Il faudrait généralement consigner les applications ayant fait l’objet d’une fouille ainsi que l’étendue, l’heure, les objectifs et la durée de la fouille.  Le contrôle judiciaire après le fait est particulièrement important lorsque, comme c’est le cas lors de fouilles accessoires à l’arrestation, il n’y a aucune autorisation préalable.  Pour assurer l’efficacité de ce contrôle, il est important que l’on ait une image claire des mesures qui ont été prises.  De plus, l’exigence de conserver des notes aura probablement pour effet accessoire d’aider les policiers à se concentrer sur la question de savoir si les mesures prises à l’égard du téléphone sont conformes aux paramètres de la fouille légale accessoire à l’arrestation.

L'état du droit quant à la fouille d’un téléphone cellulaire ou d’un appareil similaire accessoirement à une arrestation

R. c. Fearon, 2014 CSC 77 (CanLII)
[83]                          En résumé, les policiers ne seront pas autorisés à procéder à la fouille d’un téléphone cellulaire ou d’un appareil similaire accessoirement à chaque arrestation.  Les fouilles de cette nature seront plutôt conformes à l’art. 8 lorsque :
                    (1)      l’arrestation est légale;
                    (2)      la fouille est véritablement accessoire à l’arrestation puisque les policiers peuvent invoquer un objectif d’application de la loi valable et objectivement raisonnable pour procéder à la fouille.  Dans ce contexte, les objectifs valables d’application de la loi sont les suivants :
                           a)     protéger les policiers, l’accusé ou le public;
                           b)     conserver les éléments de preuve;
                           c)     découvrir des éléments de preuve, notamment trouver d’autres suspects, lorsque l’enquête sera paralysée ou sérieusement entravée si l’on n’effectue pas rapidement une fouille accessoire à l’arrestation à l’égard du téléphone cellulaire;
                    (3)      la nature et l’étendue de la fouille sont adaptées à l’objectif de la fouille;
                    (4)      les policiers prennent des notes détaillées de ce qu’ils ont examiné sur l’appareil et de la façon dont ils l’ont fait

samedi 6 décembre 2014

L'objet des dispositions relatives au mandat de perquisition du Code criminel



19                              Bien que le par. 487(1) fasse partie du Code criminel et puisse occasionner des atteintes importantes à la vie privée, l’intérêt public commande qu’une enquête prompte et approfondie soit menée s’il y a possibilité d’infraction.  C’est par rapport à cet intérêt que tous les renseignements et éléments de preuve pertinents doivent être trouvés et conservés le plus rapidement possible.  Cette interprétation est compatible avec les objets qui sous‑tendent le Code criminel et les exigences d’une administration de la justice prompte et équitable.

B.  Objet des dispositions relatives au mandat de perquisition du Code criminel

20                              Le Code criminel, et les dispositions pénales en général, visent principalement, mais non exclusivement, à favoriser une société pacifique et intègre qui soit sûre.  En vue de réaliser cet objectif, des lignes directrices interdisent les agissements inacceptables et prescrivent la poursuite et le châtiment justes de ceux qui transgressent ces normes.  S’il y a possibilité d’infraction, une enquête prompte et approfondie est essentielle pour atteindre ce but.  L’enquête vise à rassembler tous les éléments de preuve pertinents de manière à permettre une prise de décision judicieuse et éclairée sur l’opportunité de porter des accusations.


21                              Au stade de l’enquête, il incombe aux autorités de trancher les points suivants:  Que s’est‑il passé?  Qui est responsable?  La conduite reprochée est‑elle un comportement susceptible d’engager la responsabilité criminelle?  Le mandat de perquisition est un instrument d’enquête de base qui permet de répondre à ces questions, et la disposition qui en autorise la délivrance doit être interprétée sous cet angle.

22                              Le paragraphe 487(1) vise à permettre aux enquêteurs de découvrir et de conserver le plus d’éléments de preuve pertinents possible.  Pour être en mesure d’exercer convenablement les fonctions qui leur ont été confiées, les autorités doivent pouvoir découvrir, examiner et conserver tous les éléments de preuve se rapportant à des événements susceptibles de donner lieu à une responsabilité criminelle.  Il n’appartient pas aux policiers de mener une enquête pour décider si les éléments essentiels d’une infraction sont établis – cette décision relève des tribunaux.  Le rôle des policiers et autres agents de la paix consiste à enquêter sur des incidents qui pourraient être criminels, à prendre une décision consciencieuse et éclairée sur l’opportunité de porter des accusations, puis à soumettre l’ensemble des faits sans les dénaturer aux autorités chargées des poursuites.  À cette fin, une interprétation du par. 487(1)qui est restrictive et qui ne s’impose pas va à l’encontre du but recherché.  Voir Re Church of Scientology and the Queen (No. 6) (1987), 1987 CanLII 122 (ON CA), 31 C.C.C. (3d) 449, à la p. 475:

[TRADUCTION]  Le travail des policiers ne devrait pas être gêné par l’examen minutieux des faits et du droit, exercice qui est pertinent dans le cadre d’un procès [. . .] La question de savoir si les faits déclarés constituent une infraction criminelle peut soulever d’importantes questions de droit [. . .]  Toutefois, ces questions ne peuvent guère être tranchées tant que le ministère public n’a pas rassemblé ses éléments de preuve et qu’il n’est pas en mesure d’engager des poursuites.


23                              De plus, des facteurs extrinsèques tel le mobile de l’accusé ou le défaut de faire preuve de diligence raisonnable sont souvent pertinents quant à la question de savoir si l’événement qui a déclenché l’enquête en premier lieu est de nature à engager la responsabilité criminelle.  Toute personne, y compris le prévenu, qui est privée des moyens de recueillir et de conserver des éléments de preuve avant un procès a intérêt à ce que ces faits soient connus.  Il ne serait pas souhaitable qu’une interprétation étroite du par. 487(1) entraîne la perte d’éléments de preuve inculpatoires ou disculpatoires parce que les enquêteurs ne peuvent les obtenir.  Voir R. c. Storrey1990 CanLII 125 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 241, motifs du juge Cory, à la p. 254:

Le rôle de la police consiste essentiellement à faire enquête sur les crimes.  C’est là une fonction qu’elle peut et devrait continuer à exercer après avoir effectué une arrestation légale.  La continuation de l’enquête profitera à la société dans son ensemble et souvent aussi à la personne arrêtée.  En effet, il est dans l’intérêt de la personne innocente arrêtée que l’enquête se poursuive afin que son innocence à l’égard des accusations puisse être établie dans les plus brefs délais.

vendredi 5 décembre 2014

La décision d'accorder ou de refuser le mandat exige de soupeser deux droits: celui du particulier d'être libre de toute ingérence de l'État et celui de l'État de s'immiscer dans la vie privée du particulier en vue d'appliquer la loi

Baron c. Canada, [1993] 1 RCS 416, 1993 CanLII 154 (CSC)


À mon avis, il ressort d'une analyse des principes sur lesquels l'arrêt Hunter était fondé que l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire judiciaire de décider d'accorder ou de refuser l'autorisation d'un mandat de perquisition était essentiel au régime d'autorisation préalable qui, selon le juge Dickson, constituait une condition indispensable du respect de l'art. 8 dans cette affaire.  Il ressort très clairement de cet arrêt que la décision d'accorder ou de refuser le mandat exige de soupeser deux droits:  celui du particulier d'être libre de toute ingérence de l'État et celui de l'État de s'immiscer dans la vie privée du particulier en vue d'appliquer la loi.  Aux pages 158 à 160 de l'arrêt, le juge Dickson affirme:

                  À mon avis, les droits protégés par l'art. 8 ont une portée plus large que ceux qui sont énoncés dans l'arrêt Entick v. Carrington.  L'article 8 est une disposition constitutionnelle enchâssée.  Les textes législatifs ne peuvent donc pas empiéter sur cet article de la même façon que sur la protection offerte par la common law.  En outre, le texte de l'article ne le limite aucunement à la protection des biens ni ne l'associe au droit applicable en matière d'intrusion.  Il garantit un droit général à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives.

                                                                  . . .

                  À l'instar de la Cour suprême des États‑Unis, j'hésiterais à exclure la possibilité que le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives protège d'autres droits que le droit à la vie privée mais, pour les fins du présent pourvoi, je suis convaincu que la protection qu'il offre est au moins aussi étendue.  La garantie de protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives ne vise qu'une attenteraisonnable.  Cette limitation du droit garanti par l'art. 8, qu'elle soit exprimée sous la forme négative, c'est‑à‑dire comme une protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies «abusives», ou sous la forme positive comme le droit de s'attendre «raisonnablement» à la protection de la vie privée, indique qu'il faut apprécier si, dans une situation donnée, le droit du public de ne pas être importuné par le gouvernement doit céder le pas au droit du gouvernement de s'immiscer dans la vie privée des particuliers afin de réaliser ses fins et, notamment, d'assurer l'application de la loi.  [Souligné dans l'original.]
                  

 Les circonstances dans lesquelles ces droits opposés doivent être soupesés varient beaucoup.  Des questions comme la nature de l'infraction alléguée, la nature de l'ingérence demandée y compris l'endroit devant faire l'objet de la perquisition, le moment de la perquisition et la ou les personnes visées par la perquisition influeront sur la force de ces droits.  Le caractère variable des facteurs qui influent sur la décision du juge qui accorde l'autorisation a été souligné par le juge Lamer (maintenant Juge en chef) dans l'arrêt Descôteaux c. Mierzwinski, précité.  Il s'agit d'une affaire antérieure à la Charte, dans laquelle notre Cour a conclu que l'art. 443 (maintenant l'art. 487) prévoyait un pouvoir discrétionnaire lorsqu'un mandat était demandé à un juge aux termes du Code criminel.  À la page 889, le juge Lamer dit:

                  J'opte en faveur de la discrétion, car elle permet un contrôle judiciaire plus efficace des forces de l'ordre.  La perquisition est une exception aux principes les plus anciens et les plus fondamentaux de la common law et le pouvoir de perquisition doit être contrôlé strictement.  Il va de soi que le juge de paix peut être parfois mal placé pour juger d'avance du besoin de perquisitionner.  Après tout, la perquisition, tout en étant un véhicule de preuve, est aussi un instrument d'enquête.  Il sera souvent difficile de déterminer péremptoirement la valeur probante d'une chose avant la fin de l'enquête policière.  Quoi qu'il en soit, il y a des endroits dont on ne devrait de façon générale permettre la fouille qu'avec réticence et, le cas échéant, avec plus de manières que pour d'autres endroits.  On n'entre pas à l'église comme on le fait chez le loup; ni à l'entrepôt comme chez l'avocat.  On ne perquisitionne pas chez le tiers qu'on n'allègue pas avoir participé à la commission du crime comme chez celui qui fait l'objet d'une telle allégation.

                  Pour tenir compte des divers facteurs qui influent sur l'appréciation des deux droits, le juge qui donne l'autorisation doit être habilité à examiner toutes les circonstances.  Aucune série de critères ne sera toujours déterminante ou suffisante pour l'emporter sur le droit d'un particulier à la protection de sa vie privée.  Il est donc impérieux que l'officier qui donne l'autorisation jouisse d'une latitude suffisante pour que justice soit rendue à l'égard des droits respectifs visés.

mercredi 3 décembre 2014

La possession innocente (aussi appellé la possession d’une « patate chaude »)

Spencer c. R., 2014 QCCA 2062 (CanLII)


[4]         La juge était justifiée de conclure que l’appelant avait la possession personnelle de l’arme, quelle qu’en soit l’origine, puisqu’il exerçait le contrôle sur cette arme dont il connaissait la nature. Par ailleurs, elle pouvait aussi rejeter son argument de la possession innocente (qu’elle appelle la possession d’une « patate chaude »), une forme d’excuse ainsi décrite dans R. v. Chalk2007 ONCA 815 (CanLII) :
24     The "innocent possession" line of authorities was helpfully examined by Green J. in R. v. Loukas2006 ONCJ 219 (CanLII), [2006] O.J. No. 2405 (Ont. C.J.). Green J. points out that some of the "innocent possession" cases recognize a public duty defence as for example where an accused takes possession of contraband to deliver it to the authorities. In other cases, "innocent possession" is said to arise from the absence of an intention to exercise control beyond that needed to destroy the contraband or otherwise put it permanently beyond one's control. Green J. observes that in all of these cases there is, despite the existence of possession in the strict sense, an absence of a blameworthy state of mind or blameworthy conduct. Convictions for criminal possession by a technical application of the concepts of knowledge and control in these circumstances would overreach the purpose underlying the criminal prohibition against possession.
25     I agree with the analysis described above. There are cases where an individual has the requisite control and knowledge, but cannot be said to be in possession for the purpose of imposing criminal liability. These cases will include cases in which a person takes control of contraband exclusively for the purpose of immediately destroying the contraband or otherwise placing it permanently beyond that person's ability to exercise any control over the contraband. In such cases, the intention is solely to divest oneself of control rather than to possess. Like the other appellate courts whose discussions are referred to above, I do not think that criminal liability should attach to that kind of brief, "innocent" possession: see e.g. R. v. Glushek, supraR. v. York, supra.

dimanche 30 novembre 2014

Revue des règles applicables aux témoignages et au rafraîchissement de la mémoire du témoin

R. v. Colangelo, 2007 ONCJ 489 (CanLII)

[26]               Perhaps the first rule of the law of evidence is that all evidence that is relevant that goes to prove a fact in issue  and not subject to any exceptions such as the rule against hearsay, is admissible: R. v. Zeolkowski, 1989 CanLII 72 (SCC), [1989] 1 S.C.R. 1378; R. v. Watson, 1996 CanLII 4008 (ON CA), 108 C.C.C. (3d) 310, (Ont. C.A.); Cross on Evidence (6th ed. 1985).
[27]               Evidence is generally led through the viva voce testimony of witnesses. Witnesses do not often recall the event about which they are testifying or the details thereof. Witnesses may refresh their memory from a previous statement, even one not made contemporaneous with the events about which the witnesses seek to testify leaving it open to the defence to attempt to demonstrate through cross-examination that the witnesses had, in fact, no present memory of the events or that the memory was unreliable: R. v. B. (K.G.) (1998), 1998 CanLII 7125 (ON CA), 125 C.C.C. (3d) 61. Witnesses may also be allowed to refresh their memory by reference to an earlier deposition such as a preliminary hearing transcript: Reference Re R. v. Coffin, 1956 CanLII 94 (SCC), [1956] S.C.R. 191; 114 (C.C.C.) 1; 23 C.R. 1.
[28]               Professionals such as doctors, nurses, lawyers, judges, police officers, deal with hundreds of cases over the course of weeks, months or years. They cannot possibly recall all and so they make notes to trigger their memory of events. They may readily recall some cases – the delivery by a doctor or a nurse of the first child; counsel’s first murder case or initial appearance in the Supreme Court of Canada; the swearing in of a judge; the first investigation by a police officer into the affairs of a major criminal organisation. But in many, if not most cases, theirmemory will be refreshed only after consulting their notes. That does not mean to say that the person does not have an independent recollection of the event.
[29]               A forgetful witness may rely on any means to jar or spark a memory. What triggers recollection is not significant. In this way the witness’ memory is presently revived in the witness box and he or she can then give oral testimony of the remembered event present memoryrevived. Although not the only way, the usual means to revive memory is by reference to a written document made at an earlier time by the witness: see The Law of Evidence in Canada, (2nd ed.) by Sopinka, Lederman and Bryant, p. 924, para. 16.77. The evidence is the refreshedmemory of the witness and not the document.
[30]               Where a witness has no memory whatsoever of the event even after consulting a statement made by him, the witness can rely on the document. That is the situation with past recollection recorded. The Ontario Court of Appeal has distinguished between past recollection recorded and present memory revived in respect of prior statements. For the former, the document is the evidence and provided that the proper foundation is laid, it may be marked as an exhibit: Fleming v. Toronto Railway (1911), 25 O.L.R. 317R. v. Salutin (1979), 11 C.R. (3d) 284. But there are strict rules governing the admissibility of evidence as past recollection recorded. In R. v. Meddoui 1990 CanLII 2592 (AB CA), [1990] 61 C.C.C. (3d) 345; 2 C.R. (4th) 316; Mr. Justice Kerans speaking for the majority of the Alberta Court of Appeal stated the criteria for admissibility as follows at p. 352 (C.C.C.):
               (a) the past recollection must have been recorded in some reliable way;
   (b) at the time, it must have been sufficiently fresh and vivid to be probably accurate;
   (c) the witness must be able now to assert that the record accurately represented his knowledge and recollection at the time. The usual phrase requires the witness to affirm that he “knew it to be true at the time”; and
               (d) the original record itself must be used, if it is procurable.   
[31]               In R. v. Weinberg (unreported) released on April 7, 1992, I stated the criteria as follows:
               (a) first hand knowledge (of the witness);
               (b) no present recollection (by the witness);
   (c) an original record made at or near the time of the event while the witness’s memory was clear.
               (d) a present attestation as to the accuracy of the statement.
[32]               On November 9th, 1993 the Ontario Court of Appeal held that the four conditions stipulated in Weinberg required for admissibility of the statement on the basis as past recollection recorded, were established.
[33]               A somewhat similar issue as in the case at bar came before Mr. Justice Nadel of the Ontario Court of Justice as recently as April 18th, 2007 in R. v. Nauma Kassam [2007] O.J. No. 2104. The authority is persuasive and not binding upon me. However I endorse what Justice Nadel has stated and refer to certain passages of his judgment. In paragraph 32 he states as follows:
   There are in my view two answers to the complaint made by Mr. Houlahan on behalf of Mrs. Kassam. The first and most significant is that Mr. Houlahan’s submission that a witness must have an independent recollection before he is entitled to have that recollection refreshed and become greater or more clear is not in accordance with binding authority, and it is that error that has caused him to make the submissions that he has made…. The second answer to his complaint is one that is also shown in the authorities, namely that once notes are qualified and allowed to be used the question of the bona-fides of the professed present recollection is a matter for the trier of fact to consider and a matter for the trier of fact to weigh. The authorities also disclose that.
[34]               His Honour then reviewed an article titled “Eliciting Evidence from the Reluctant, Adverse or Hostile Witness” by Marilyn Bartlett, an Assistant Crown Attorney, as well as R. v. Gwozdowski, 1972 CanLII 541 (ON CA), [1973] 2 O.R. 50; R. v. K.G.B., supra; R. v. Muise [1974].22 C.C.C. (2d) 487; and R. v. Fliss (2002), 2002 SCC 16 (CanLII), 161 C.C.C. (3d) 225; 209 D.L.R.(4th) 347 (S.C.C.), following which he stated:
   I take it from the passage from Fliss and from the passage from K. G. B. that it does not matter if a witness has no present or current recollection before that witness’ recollection is sparked by reference to some other item, whether it is a piece of music, or a person, or in most cases some item written by him, or confirmed by him to be accurate. It is that item which then is the spark that revives the recollection.
   So I reject the formulation submitted by Mr. Houlahan that there is some obligation in law that a witness must have some independent recollection before that witness is entitled to have the recollection revived by reference to an aide-memoire; rather, it is the aide-memoirewhich allows a current recollection to be revived.
[35]               His Honour then quoted from The Law of Evidence (2nd ed) by David Paciocco and Lee Stuesser at p. 256 which indicated the type of questions asked for the purpose of qualifying notes. At paras. 40 to 47 he states:
               They pose the questions as follows:
               Q. “Do you wish to refer to your notes”
               Q. Do you need them to refresh your memory?
               Q. Were those notes made by you?
               Q. Were they made near the time of the events that they record?
               Q. Was your memory fresh at that time?
               Q. Have there been any changes made to those notes since then?
   You will see from those questions that although it is common practice in courts to hear the question asked, “Officer, do you have an independent recollection without reference to your notes?” and the answer normally given is, “Yes”, in my view, that is not a necessary question and answer that must be given for a witness to be entitled to be allowed to refresh their memory from notes. (Emphasis in original).

Rafraîchir la mémoire d'un témoin

R. v. Thom, 2010 ONCJ 492 (CanLII)

[4]                       It is well-established that notes, documents and other testimonial aids can be used for two purposes: (1) to provide a record of a past recollection where the witness has no present memory of events; or (2) to refresh a witness’s present memory of events. The qualification of notes procedure is designed to determine the purpose for which a witness requires the notes. 

(1) Past Recollection Recorded

[5]                       If the witness has no memory of the events, the notes themselves constitute a record of a past recollection and become admissible evidence themselves as an exception to the hearsay rule, if four conditions are met.
[6]                       As summarized in R. v. J.R.2003 CanLII 3896 (ON CA), [2003] O.J. No. 3215 OCA at para. 24, these conditions are:
1.      Reliable record: The past recollection must have been recorded in a reliable way.  This requirement can be broken down into two separate considerations: First, it requires the witness to have prepared the record personally, or to have reviewed it for accuracy if someone else prepared it.  Second, the original record must be used if available.
2.      Timeliness: The record must have been made or reviewed within a reasonable time, while the event was sufficiently fresh in the witness’s mind to be vivid and likely accurate.
3.      Absence of memory: At the time the witness testifies, he or she must have no memory of the recorded events.
4.      Present voucher as to accuracy: The witness, although having no memory of the recorded events, must vouch for the accuracy of the assertions in the record; in other words, the witness must be able to say that he or she was being truthful at the time the assertions were recorded. 
These conditions need only be met in the case of a past recollection recorded because the notes are entered as an exhibit at the trial.

(2) Present Memory Refreshed

[7]                       On the other hand, if a witness has a recollection of the events and wishes to use his or her notes to refresh present memory, the evidence is the refreshed memory of the witness, not the notes.  Accordingly, there is no test or conditions to be satisfied before the notes can be used to refresh a witness’s memory.
[8]                       What triggers recollection is not significant. Any external source or event may be used to refresh a witness’s memoryR. v. K.G.B.(1998), 1998 CanLII 7125 (ON CA), 125 C.C.C. (3d) 61, paras 18-20 (Ont. C.A.).  
[9]                       Thus, a witness may use any notes or document to jog his or her memory, including a preliminary hearing transcript (see Reference re R. v. Coffin (1956), 1956 CanLII 94 (SCC), 114 C.C.C. 1 (S.C.C)), a newspaper copy of a story he had written where the original was lost (seeTopham et ux v. McGregor et ux (1844), 1 Car.& K. 320; 174 E.R. 829 and a carbon copy of a memorandum (see R. v. Alward [1976] N.B.J.  No. 220 N.B.C.A.(affirmed [1977] S.C.J. No. 63 without comment on this issue (S.C.C.)).
[10]                  It does not matter who made the notes, or when they were made.
[11]                  Witnesses may use the notes to refresh their memory before testifying (as in R. v. K.G.B.) or when they are testifying in the witness box (as in Coffin).
[12]                  When a witness refreshes his or her memory from some external source or event, the witness has a present recollection of events, albeit one that has been refreshed. It is up to the judge or justice to determine how reliable and truthful that recollection is.  In other words, after cross-examination, it is up to the trier of fact to determine the weight to be given to the witness’s testimony.