Baron c. Canada, [1993] 1 RCS 416, 1993 CanLII 154 (CSC)
À mon avis, il ressort d'une analyse des principes sur lesquels l'arrêt Hunter était fondé que l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire judiciaire de décider d'accorder ou de refuser l'autorisation d'un mandat de perquisition était essentiel au régime d'autorisation préalable qui, selon le juge Dickson, constituait une condition indispensable du respect de l'art. 8 dans cette affaire. Il ressort très clairement de cet arrêt que la décision d'accorder ou de refuser le mandat exige de soupeser deux droits: celui du particulier d'être libre de toute ingérence de l'État et celui de l'État de s'immiscer dans la vie privée du particulier en vue d'appliquer la loi. Aux pages 158 à 160 de l'arrêt, le juge Dickson affirme:
À mon avis, les droits protégés par l'art. 8 ont une portée plus large que ceux qui sont énoncés dans l'arrêt Entick v. Carrington. L'article 8 est une disposition constitutionnelle enchâssée. Les textes législatifs ne peuvent donc pas empiéter sur cet article de la même façon que sur la protection offerte par la common law. En outre, le texte de l'article ne le limite aucunement à la protection des biens ni ne l'associe au droit applicable en matière d'intrusion. Il garantit un droit général à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives.
. . .
À l'instar de la Cour suprême des États‑Unis, j'hésiterais à exclure la possibilité que le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives protège d'autres droits que le droit à la vie privée mais, pour les fins du présent pourvoi, je suis convaincu que la protection qu'il offre est au moins aussi étendue. La garantie de protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives ne vise qu'une attenteraisonnable. Cette limitation du droit garanti par l'art. 8, qu'elle soit exprimée sous la forme négative, c'est‑à‑dire comme une protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies «abusives», ou sous la forme positive comme le droit de s'attendre «raisonnablement» à la protection de la vie privée, indique qu'il faut apprécier si, dans une situation donnée, le droit du public de ne pas être importuné par le gouvernement doit céder le pas au droit du gouvernement de s'immiscer dans la vie privée des particuliers afin de réaliser ses fins et, notamment, d'assurer l'application de la loi. [Souligné dans l'original.]
Les circonstances dans lesquelles ces droits opposés doivent être soupesés varient beaucoup. Des questions comme la nature de l'infraction alléguée, la nature de l'ingérence demandée y compris l'endroit devant faire l'objet de la perquisition, le moment de la perquisition et la ou les personnes visées par la perquisition influeront sur la force de ces droits. Le caractère variable des facteurs qui influent sur la décision du juge qui accorde l'autorisation a été souligné par le juge Lamer (maintenant Juge en chef) dans l'arrêt Descôteaux c. Mierzwinski, précité. Il s'agit d'une affaire antérieure à la Charte, dans laquelle notre Cour a conclu que l'art. 443 (maintenant l'art. 487) prévoyait un pouvoir discrétionnaire lorsqu'un mandat était demandé à un juge aux termes du Code criminel. À la page 889, le juge Lamer dit:
J'opte en faveur de la discrétion, car elle permet un contrôle judiciaire plus efficace des forces de l'ordre. La perquisition est une exception aux principes les plus anciens et les plus fondamentaux de la common law et le pouvoir de perquisition doit être contrôlé strictement. Il va de soi que le juge de paix peut être parfois mal placé pour juger d'avance du besoin de perquisitionner. Après tout, la perquisition, tout en étant un véhicule de preuve, est aussi un instrument d'enquête. Il sera souvent difficile de déterminer péremptoirement la valeur probante d'une chose avant la fin de l'enquête policière. Quoi qu'il en soit, il y a des endroits dont on ne devrait de façon générale permettre la fouille qu'avec réticence et, le cas échéant, avec plus de manières que pour d'autres endroits. On n'entre pas à l'église comme on le fait chez le loup; ni à l'entrepôt comme chez l'avocat. On ne perquisitionne pas chez le tiers qu'on n'allègue pas avoir participé à la commission du crime comme chez celui qui fait l'objet d'une telle allégation.
Pour tenir compte des divers facteurs qui influent sur l'appréciation des deux droits, le juge qui donne l'autorisation doit être habilité à examiner toutes les circonstances. Aucune série de critères ne sera toujours déterminante ou suffisante pour l'emporter sur le droit d'un particulier à la protection de sa vie privée. Il est donc impérieux que l'officier qui donne l'autorisation jouisse d'une latitude suffisante pour que justice soit rendue à l'égard des droits respectifs visés.
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