samedi 6 décembre 2014

L'objet des dispositions relatives au mandat de perquisition du Code criminel



19                              Bien que le par. 487(1) fasse partie du Code criminel et puisse occasionner des atteintes importantes à la vie privée, l’intérêt public commande qu’une enquête prompte et approfondie soit menée s’il y a possibilité d’infraction.  C’est par rapport à cet intérêt que tous les renseignements et éléments de preuve pertinents doivent être trouvés et conservés le plus rapidement possible.  Cette interprétation est compatible avec les objets qui sous‑tendent le Code criminel et les exigences d’une administration de la justice prompte et équitable.

B.  Objet des dispositions relatives au mandat de perquisition du Code criminel

20                              Le Code criminel, et les dispositions pénales en général, visent principalement, mais non exclusivement, à favoriser une société pacifique et intègre qui soit sûre.  En vue de réaliser cet objectif, des lignes directrices interdisent les agissements inacceptables et prescrivent la poursuite et le châtiment justes de ceux qui transgressent ces normes.  S’il y a possibilité d’infraction, une enquête prompte et approfondie est essentielle pour atteindre ce but.  L’enquête vise à rassembler tous les éléments de preuve pertinents de manière à permettre une prise de décision judicieuse et éclairée sur l’opportunité de porter des accusations.


21                              Au stade de l’enquête, il incombe aux autorités de trancher les points suivants:  Que s’est‑il passé?  Qui est responsable?  La conduite reprochée est‑elle un comportement susceptible d’engager la responsabilité criminelle?  Le mandat de perquisition est un instrument d’enquête de base qui permet de répondre à ces questions, et la disposition qui en autorise la délivrance doit être interprétée sous cet angle.

22                              Le paragraphe 487(1) vise à permettre aux enquêteurs de découvrir et de conserver le plus d’éléments de preuve pertinents possible.  Pour être en mesure d’exercer convenablement les fonctions qui leur ont été confiées, les autorités doivent pouvoir découvrir, examiner et conserver tous les éléments de preuve se rapportant à des événements susceptibles de donner lieu à une responsabilité criminelle.  Il n’appartient pas aux policiers de mener une enquête pour décider si les éléments essentiels d’une infraction sont établis – cette décision relève des tribunaux.  Le rôle des policiers et autres agents de la paix consiste à enquêter sur des incidents qui pourraient être criminels, à prendre une décision consciencieuse et éclairée sur l’opportunité de porter des accusations, puis à soumettre l’ensemble des faits sans les dénaturer aux autorités chargées des poursuites.  À cette fin, une interprétation du par. 487(1)qui est restrictive et qui ne s’impose pas va à l’encontre du but recherché.  Voir Re Church of Scientology and the Queen (No. 6) (1987), 1987 CanLII 122 (ON CA), 31 C.C.C. (3d) 449, à la p. 475:

[TRADUCTION]  Le travail des policiers ne devrait pas être gêné par l’examen minutieux des faits et du droit, exercice qui est pertinent dans le cadre d’un procès [. . .] La question de savoir si les faits déclarés constituent une infraction criminelle peut soulever d’importantes questions de droit [. . .]  Toutefois, ces questions ne peuvent guère être tranchées tant que le ministère public n’a pas rassemblé ses éléments de preuve et qu’il n’est pas en mesure d’engager des poursuites.


23                              De plus, des facteurs extrinsèques tel le mobile de l’accusé ou le défaut de faire preuve de diligence raisonnable sont souvent pertinents quant à la question de savoir si l’événement qui a déclenché l’enquête en premier lieu est de nature à engager la responsabilité criminelle.  Toute personne, y compris le prévenu, qui est privée des moyens de recueillir et de conserver des éléments de preuve avant un procès a intérêt à ce que ces faits soient connus.  Il ne serait pas souhaitable qu’une interprétation étroite du par. 487(1) entraîne la perte d’éléments de preuve inculpatoires ou disculpatoires parce que les enquêteurs ne peuvent les obtenir.  Voir R. c. Storrey1990 CanLII 125 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 241, motifs du juge Cory, à la p. 254:

Le rôle de la police consiste essentiellement à faire enquête sur les crimes.  C’est là une fonction qu’elle peut et devrait continuer à exercer après avoir effectué une arrestation légale.  La continuation de l’enquête profitera à la société dans son ensemble et souvent aussi à la personne arrêtée.  En effet, il est dans l’intérêt de la personne innocente arrêtée que l’enquête se poursuive afin que son innocence à l’égard des accusations puisse être établie dans les plus brefs délais.

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