Proulx c. R., 2012 QCCA 1302 (CanLII)
Lien vers la décision
[42] Les auteurs Béliveau et Vauclair rappellent que « les cas les plus fréquents de violation du droit à une défense pleine et entière se présentent dans les cas de refus d'ajournement ». Dans l'arrêt Barrette, le juge Pigeon rappelait les principes applicables à une demande d'ajournement :Il est vrai que la décision sur une demande d’ajournement relève de la discrétion du juge. Mais c’est une discrétion qu’il a le devoir d’exercer judicieusement de sorte que sa décision peut être révisée en appel si elle repose sur des motifs erronés en droit. Ce pouvoir de révision est particulièrement rigoureux lorsque l’exercice de la discrétion a eu pour conséquence la privation d’un droit, que ce soit en matière civile ou en matière criminelle. […]
[Notre soulignement]
[43] Il revient toutefois à la partie qui attaque le refus d’accorder un ajournement de démontrer que le juge du procès n’a pas exercé sa discrétion de façon judicieuse. Une telle démonstration est absente ici. [44] Rappelons qu'un avocat doit éviter de discuter du contenu du témoignage des témoins, et cela concerne également un accusé, en cours d'interrogatoire principal, ce qui est encore plus vrai en cours de contre-interrogatoire. Dans l'arrêt Brouillette c. R., l'avocat du ministère public et les policiers avaient discuté avec un témoin expert qui avait fait volte-face en réinterrogatoire. Le juge Tyndale écrit : In my opinion, it was highly improper, if not strictly illegal, for the Crown prosecutor to discuss his evidence with Dr. Authier between cross and re-examination. In my opinion, with respect, it was up to the judge in his address to the jury to point out and explain the impropriety of Crown counsel's conduct, the enormity of the error of the witness, and the destructive effect on the value of the evidence. This he did not do; instead, he made no reference at all to counsel's conduct, and he defended the witness and his evidence. […]
[Références omises]
[45] Dans ses motifs concurrents, le juge Proulx ajoute : Au départ, j'estime que compte tenu des remarques faites par les avocats peu de temps avant l'ajournement du témoignage du Dr Authier au lundi suivant, il aurait été plus que prudent de rappeler au témoin ce que plusieurs juges de procès s'empressent de faire dans ces circonstances, à savoir que son témoignage n'est pas terminé et qu'il ne peut discuter de son témoignage avec aucune des parties à moins d'y être autorisé par la Cour.
Quoi qu'il en soit, et même en l'absence d'une pareille mise en garde au témoin, le substitut devait ou aurait dû savoir qu'il est tout à fait inconvenant et contraire à la pratique (mon collègue a dit «highly improper») qu'un avocat communique ou rencontre le témoin qu'il a produit avant de procéder au ré-interrogatoire: cette prohibition débute au moment où le témoin est contre-interrogé par la partie adverse. Mon collègue cite plusieurs sources réitérant cette règle. Je me permettrai d'ajouter ce que Earl A. Cherniak en a dit:
It is commonly understood that counsel conducting examination-in-chief may communicate with a witness while he or she is being examined in chief with regard to matters that have not yet been dealt with and may communicate not at all with his witness during cross-examination or re-examination. However, exceptions do occur. For instance, suppose a medical witness, whose examination had concluded in chief the day before, approached counsel unsolicited the next morning saying that he made an error in the previous day's testimony and wished to correct it, without indicating what the error was. It would
probably be in order to bring the matter to the attention of the trial judge in open court. Most judges would allow the witness to explain his error.
[Les italiques sont du soussigné.]
[Notre soulignement] [Référence omise]
[46] En l'espèce, la décision du premier juge n'est pas erronée en droit, elle est même conforme à la pratique en la matière. Par ailleurs, l'appelant n'a pas avancé de motifs particularisés ou exceptionnels qui auraient pu justifier un ajournement. Au surplus, le juge a raison de souligner que la préparation d'un accusé à son contre-interrogatoire doit se faire avant le début de son témoignage, comme l'enseigne Earl J. Levy : The client should be made aware of anticipated questions that opposing counsel may pose in an attempt to negate his/her evidence-in-chief. Counsel should review with the witness any evidence that could impeach him/her, such as prior statements, other witness's testimony or exhibits. A witness is less likely to be nervous when he/she is aware of all the potential weakness of his/her testimony and knows how best to respond to them when they are exposed. Counsel should put himself in the shoes of his/her opponent and ask the witness those searching questions a well-prepared cross-examiner would ask. […]