mercredi 6 décembre 2017

Les agents de la paix ne doivent pas nécessairement adopter un langage formaliste pour communiquer l'ordre prévu à 254(2) C.cr

Piazza c. R., 2016 QCCS 1622 (CanLII)


[51]        La Couronne plaide que bien que l'ordre formel, en l'occurrence la lecture d'une carte de service n'intervient qu'à 3 h 50, il ressort de la preuve et de la conclusion du juge de première instance que l'agent Trudelle explique ses intentions à l'Appelant dès la cristallisation des soupçons, donc vers 3 h 40.
[52]        Spécifions que les agents de la paix ne doivent pas nécessairement adopter un langage formaliste pour communiquer l'ordre prévu à 254(2) C.cr.  Un seul énoncé d'intention compréhensible s'avère suffisant:
« The demand need not be in any particular form, provided it is made clear to the driver that he or she is required to give a sample of his or her breath forthwith.  This can be accomplished through words or conduct, including the "tenor [of the officer's] discussion with the accused".  See R. v. Horvath, [1992] B.C.J. No. 1107 (B.C.S.C.) (A.D.)  What is crucial is that the words used be sufficient to convev to the detainee the nature of the demand.  See R. v. Ackerman (1972), 6 C.C.C. (2d) 425 at 427 (Sask. C.A.) and R. v. Flegel (1972), 7 C.C.C. (2d) 55 at 57 (Sask. C.A.). »
[53]        Dans Quansah, on lit:
[45] In sum, I conclude that the immediacy requirement in s. 254(2) necessitates the courts to consider five things. First, the analysis of the forthwith or immediacy requirement must always be done contextually. Courts must bear in mind Parliament’s intention to strike a balance between the public interest in eradicating driver impairment and the need to safeguard individual Charter rights.
[46] Second, the demand must be made by the police officer promptly once he or she forms the reasonable suspicion that the driver has alcohol in his or her body. The immediacy requirement, therefore, commences at the stage of reasonable suspicion.
[47] Third, “forthwith” connotes a prompt demand and an immediate response, although in unusual circumstances a more flexible interpretation may be given. In the end, the time from the formation of reasonable suspicion to the making of the demand to the detainee’s response to the demand by refusing or providing a sample must be no more than is reasonably necessary to enable the officer to discharge his or her duty as contemplated by s. 254(2).
[48] Fourth, the immediacy requirement must take into account all the circumstances. These may include a reasonably necessary delay where breath tests cannot immediately be performed because an ASD is not immediately available, or where a short delay is needed to ensure an accurate result of an immediate ASD test, or where a short delay is required due to articulated and legitimate safety concerns. These are examples of delay that is no more than is reasonably necessary to enable the officer to properly discharge his or her duty. Any delay not so justified exceeds the immediacy requirement.
[49] Fifth, one of the circumstances for consideration is whether the police could realistically have fulfilled their obligation to implement the detainee’s s. 10(b) rights before requiring the sample. If so, the “forthwith” criterion is not met.

Quel critère permet au juge de rejeter une suggestion commune

R. c. Anthony‑Cook, [2016] 2 RCS 204, 2016 CSC 43 (CanLII)

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[32]                          Selon le critère de l’intérêt public, un juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public. Mais que signifie ce seuil? Deux arrêts de la Cour d’appel de Terre‑Neuve‑et‑Labrador sont utiles à cet égard.
[33]                          Dans Druken, par. 29, la cour a jugé qu’une recommandation conjointe déconsidérera l’administration de la justice ou sera contraire à l’intérêt public si, malgré les considérations d’intérêt public qui appuient l’imposition de la peine recommandée, elle [traduction] « correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale ». Et, comme l’a déclaré la même cour dans R. c. B.O.22010 NLCA 19 (CanLII), par. 56 (CanLII), lorsqu’ils examinent une recommandation conjointe, les juges du procès devraient [traduction] « éviter de rendre une décision qui fait perdre au public renseigné et raisonnable sa confiance dans l’institution des tribunaux ».
[34]                          À mon avis, ces déclarations fermes traduisent l’essence du critère de l’intérêt public élaboré par le comité Martin. Elles soulignent qu’il ne faudrait pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe, une conclusion à laquelle je souscris. Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner. Il s’agit indéniablement d’un seuil élevé — et à juste titre, comme je l’explique ci‑après

Quelques indications à l’intention des juges du procès sur l’approche qu’ils devraient suivre lorsqu’une suggestion commune relative à la peine les préoccupe

R. c. Anthony‑Cook, [2016] 2 RCS 204, 2016 CSC 43 (CanLII)

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[49]                          Enfin, voici à l’intention des juges du procès quelques indications sur l’approche qu’ils devraient suivre lorsqu’une recommandation conjointe relative à la peine les préoccupe.
[50]                          Dans l’ensemble, les tribunaux de partout au pays s’entendent sur la procédure qu’un juge devrait suivre quand il est enclin à écarter une recommandation conjointe (voir, par exemple, B.O.2, par. 74‑82; R. c. Sinclair, 2004 MBCA 48 (CanLII)185 C.C.C. (3d) 569, par. 17; G.W.C., par. 26). Les parties et les intervenants insistent sur l’importance de la procédure. Elle fait en sorte que le juge tiendra compte des recommandations conjointes, et que les personnes accusées — qui ont déjà enregistré un plaidoyer de culpabilité — soient traitées avec équité. La procédure qui suit reflète la sagesse pratique que nos tribunaux de première instance et d’appel ont acquise par l’expérience. Elle n’est censée s’appliquer qu’aux affaires dans lesquelles la recommandation conjointe est controversée et soulève des préoccupations pour le juge du procès. Comme je l’ai déjà mentionné, la plupart des recommandations conjointes n’ont rien d’exceptionnel et sont facilement approuvées d’emblée par les juges du procès.
[51]                          Premièrement, les juges du procès devraient aborder la recommandation conjointe telle qu’elle leur est présentée. Autrement dit, le critère de l’intérêt public s’applique, que le juge envisage de modifier la peine recommandée ou d’y ajouter quelque chose dont les parties n’ont pas fait mention, par exemple une ordonnance de probation. Si les parties n’ont pas sollicité une ordonnance en particulier, le juge devrait supposer qu’elle a été examinée et exclue de la recommandation conjointe. Toutefois, si les avocats ont omis d’inclure une ordonnance impérative, le juge ne devrait pas hésiter à les en informer. Le besoin de certitude dans le contexte des recommandations conjointes ne peut justifier l’omission d’imposer une ordonnance impérative.
[52]                          Deuxièmement, les juges du procès doivent appliquer le critère de l’intérêt public lorsqu’ils envisagent d’infliger une peine plus lourde ou plus clémente que celle recommandée conjointement (DeSousa, le juge Doherty). Cela ne veut pas dire pour autant que l’analyse sera la même dans les deux cas. Au contraire, du point de vue de l’accusé, l’infliction d’une peine plus clémente ne suscite pas chez lui de préoccupations relativement au droit à un procès équitable, ni ne mine sa confiance envers la certitude des négociations sur le plaidoyer. De plus, quand il se demande si la sévérité d’une peine recommandée conjointement irait à l’encontre de l’intérêt public, le juge du procès doit être conscient de l’inégalité du rapport de force qu’il peut y avoir entre le ministère public et la défense, surtout lorsque l’accusé n’est pas représenté par avocat ou est détenu au moment de la détermination de la peine. Ces facteurs peuvent atténuer l’intérêt qu’a le public dans la certitude et justifier l’imposition d’une peine plus clémente dans des circonstances limitées. Par contre, lorsque le juge du procès envisage d’infliger une peine plus clémente, il doit se rappeler que la confiance de la société envers l’administration de la justice risque d’en souffrir si un accusé profite des avantages d’une recommandation conjointe sans avoir à purger la peine convenue (voir DeSousa, par. 23‑24). 
[53]                          Troisièmement, en présence d’une recommandation conjointe controversée, le juge du procès voudra sans aucun doute connaître les circonstances à l’origine de la recommandation conjointe, en particulier tous les avantages obtenus par le ministère public ou toutes les concessions faites par l’accusé. Plus les avantages obtenus par le ministère public sont grands, et plus l’accusé fait de concessions, plus il est probable que le juge du procès doive accepter la recommandation conjointe, même si celle‑ci peut paraître trop clémente. Par exemple, si la recommandation conjointe est le fruit d’une entente par laquelle l’accusé s’engage à prêter main‑forte au ministère public ou à la police, ou si elle reflète une faille dans la preuve du ministère public, une peine très clémente peut ne pas être contraire à l’intérêt public. Par contre, si la recommandation conjointe ne découlait que du constat de l’accusé qu’une déclaration de culpabilité était inévitable, la même peine pourrait faire perdre au public la confiance que lui inspire le système de justice pénale.
[54]                          Les avocats doivent évidemment donner au tribunal un compte rendu complet de la situation du contrevenant, des circonstances de l’infraction ainsi que de la recommandation conjointe sans attendre que le juge du procès le demande explicitement. Puisque les juges du procès sont tenus de ne s’écarter que rarement des recommandations conjointes, [traduction] « les avocats ont l’obligation corollaire » de s’assurer qu’ils « justifient amplement leur position en fonction des faits de la cause, tels qu’ils ont été présentés en audience publique » (rapport du comité Martin, p. 329). La détermination de la peine — y compris celle fondée sur une recommandation conjointe — ne peut se faire à l’aveuglette. Le ministère public et la défense doivent [traduction] « présenter au juge du procès non seulement la peine recommandée, mais aussi une description complète des faits pertinents à l’égard du contrevenant et de l’infraction », dans le but de donner au juge « un fondement convenable lui permettant de décider si [la recommandation conjointe] devrait être acceptée » (DeSousa, par. 15; voir aussi Sinclair, par. 14).
[55]                          Cela ne veut pas dire que les avocats doivent informer le juge du procès [traduction] « des positions qu’ils ont adoptées lors des négociations ou du contenu de leurs discussions ayant mené à l’entente » (R. c. Tkachuk2001 ABCA 243 (CanLII)293 A.R. 171, par. 34). Les avocats doivent cependant être en mesure d’expliquer au juge pourquoi la peine qu’ils recommandent n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou n’est pas par ailleurs contraire à l’intérêt public. S’ils ne le font pas, ils courent le risque de voir le juge du procès rejeter la recommandation conjointe.
[56]                          Certes, dans certains cas, il ne sera pas possible de consigner au dossier les principales considérations sous‑tendant une recommandation conjointe, en raison de préoccupations quant à la sécurité ou la vie privée, ou du risque de mettre en péril des enquêtes criminelles en cours (voir le rapport du comité Martin, p. 317). Dans de tels cas, les avocats doivent trouver d’autres moyens de communiquer ces considérations au juge du procès, et ce, dans le but de s’assurer que le juge est au fait des facteurs pertinents et qu’un dossier adéquat est créé pour les besoins d’un appel éventuel.
[57]                          Une justification exhaustive de la recommandation conjointe comporte également un élément important relatif à la perception du public. À moins que les avocats consignent au dossier les considérations sous‑tendant la recommandation conjointe, [traduction] « la justice peut être rendue, mais elle peut paraître ne pas l’être; le public peut soupçonner, à tort ou à raison, qu’elle est entachée d’une irrégularité » (C. C. Ruby, G. J. Chan et N. R. Hasan, Sentencing (8e éd. 2012), p. 73).
[58]                          Quatrièmement, si le juge du procès n’est pas satisfait de la peine recommandée par les avocats, [traduction] « l’équité fondamentale exige que soit offerte aux avocats la possibilité de présenter des observations additionnelles en vue de tenter de répondre aux préoccupations du juge [. . .] avant qu’il impose la peine » (G.W.C., par. 26). Le juge devrait faire part aux avocats de ses préoccupations, et les inviter à y répondre, en leur indiquant notamment la possibilité de permettre à l’accusé de retirer son plaidoyer de culpabilité, comme l’a fait le juge du procès en l’espèce.
[59]                          Cinquièmement, si les préoccupations que le juge du procès a soulevées au sujet de la recommandation conjointe ne sont pas atténuées, le juge peut permettre à l’accusé de demander le retrait de son plaidoyer de culpabilité. Il n’est pas nécessaire d’établir, dans les présents motifs, les circonstances dans lesquelles un plaidoyer peut être retiré. Toutefois, à titre d’exemple, le retrait peut être autorisé lorsque les avocats ont commis une erreur fondamentale quant à la légalité de la recommandation conjointe, par exemple si une peine d’emprisonnement avec sursis a été recommandée mais ne peut être imposée.
[60]                          Enfin, le juge du procès qui n’est toujours pas convaincu par les observations des avocats devrait énoncer des motifs clairs et convaincants à l’appui de sa décision d’écarter la recommandation conjointe. Ces motifs permettront d’expliquer aux parties pourquoi la peine recommandée n’était pas acceptable, et pourront leur être utiles pour le règlement d’affaires ultérieures. Les motifs faciliteront aussi l’examen en appel.

La répudiation d’une suggestion commune est un événement rare et exceptionnel

R. c. Nixon, [2011] 2 RCS 566, 2011 CSC 34 (CanLII)

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[63]                          Toutefois, la répudiation d’une entente sur le plaidoyer n’est pas qu’une simple allégation.  C’est une preuve que la Couronne n’a pas tenu parole.  Tout le monde en convient : le respect des ententes sur le plaidoyer revêt une importance cruciale pour l’administration saine et équitable de la justice criminelle.  La répudiation d’une telle entente est un événement rare et exceptionnel.  Selon moi, la preuve que la Couronne a conclu une entente sur le plaidoyer qu’elle a par la suite répudiée est conforme à la norme préliminaire à laquelle il doit être satisfait pour entreprendre un examen de la décision en vue de décider si elle constitue un abus de procédure.  En outre, dans la mesure où la Couronne est la seule partie au courant de l’information, c’est à elle qu’il incombe d’exposer au tribunal les circonstances et les motifs qui sous-tendent sa décision de répudier l’entente.  En d’autres termes, la Couronne doit expliquer au tribunal pourquoi et comment elle est parvenue à la décision de ne pas respecter l’entente qu’elle avait pourtant conclue.  En bout de ligne, c’est au demandeur qu’il revient d’établir qu’il y a eu abus de procédure et, comme il a déjà été discuté, il doit satisfaire à un critère rigoureux.  Cependant, le peu, voire l’absence d’explications de la Couronne, le cas échéant, constitue un facteur qui milite fortement en faveur de la thèse du demandeur qui cherche à établir qu’il y a eu abus de procédure

Les fourchettes de peines

R. c. Lacasse, [2015] 3 RCS 1089, 2015 CSC 64 (CanLII),

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[57]                          Les barèmes diffèrent des fourchettes de peines en ce que l’infliction d’une peine selon un barème s’oppose théoriquement à l’individualisation de celle-ci, ce que les fourchettes permettent : Thomas, p. 8. En revanche, le principe qui sous-tend les deux méthodes est le même : faire en sorte que les délinquants ayant commis des crimes semblables dans des circonstances semblables reçoivent des peines semblables. Il en va de même de la méthode des points de départ, qui est utilisée principalement en Alberta, mais parfois aussi dans d’autres provinces du pays : R. c. McDonnell, 1997 CanLII 389 (CSC)[1997] 1 R.C.S. 948, par. 69. Au final, peu importe le mécanisme utilisé ou la terminologie employée, le principe à sa base demeure le même. Quant aux fourchettes de peines, bien qu’elles soient utilisées principalement dans un but d’harmonisation, elles reflètent l’ensemble des principes et des objectifs de la détermination de la peine. Les fourchettes de peines ne sont rien de plus que des condensés des peines minimales et maximales déjà infligées, et qui, selon le cas de figure, servent de guides d’application de tous les principes et objectifs pertinents. Toutefois, ces fourchettes ne devraient pas être considérées comme des « moyennes », encore moins comme des carcans, mais plutôt comme des portraits historiques à l’usage des juges chargés de déterminer les peines. Ces derniers demeurent tenus d’exercer leur pouvoir discrétionnaire dans chaque espèce :
[traduction] Même lorsqu’une cour d’appel a établi une fourchette, il peut arriver que surgisse une situation factuelle qui soit suffisamment différente de celles des décisions antérieures pour que la « fourchette » [« range »], si on peut l’appeler ainsi, doive être élargie. Le point fondamental est qu’une « fourchette » ne constitue pas un carcan assujettissant l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge chargé de déterminer la peine.

(R. c. Keepness2010 SKCA 69 (CanLII)359 Sask. R. 34, par. 24)
[58]                          Il se présentera toujours des situations qui requerront l’infliction d’une peine à l’extérieur d’une fourchette particulière, car si l’harmonisation des peines est en soi un objectif souhaitable, on ne peut faire abstraction du fait que chaque crime est commis dans des circonstances uniques, par un délinquant au profil unique. La détermination d’une peine juste et appropriée est une opération éminemment individualisée qui ne se limite pas à un calcul purement mathématique. Elle fait appel à une panoplie de facteurs dont les contours sont difficiles à cerner avec précision. C’est la raison pour laquelle il peut arriver qu’une peine qui déroge à première vue à une fourchette donnée, et qui pourrait même n’avoir jamais été infligée par le passé pour un crime semblable, ne soit pas pour autant manifestement non indiquée. Encore une fois, tout dépend de la gravité de l’infraction, du degré de responsabilité du délinquant et des circonstances particulières de chaque cas. Je rappelle les propos du juge LeBel à ce sujet :
Un juge peut donc prononcer une sanction qui déroge à la fourchette établie, pour autant qu’elle respecte les principes et objectifs de détermination de la peine. Une telle sanction n’est donc pas nécessairement inappropriée, mais elle doit tenir compte de toutes les circonstances liées à la perpétration de l’infraction et à la situation du délinquant, ainsi que des besoins de la collectivité au sein de laquelle l’infraction a été commise.

(Nasogaluak, par. 44)
[59]                          Dans l’arrêt Brutus, la Cour d’appel du Québec a décrit ainsi les limites du processus d’harmonisation des peines :
Il est certain que la peine imposée se démarque de certaines peines rendues dans d’autres affaires pour la même infraction. Par ailleurs, comme le mentionnait notre collègue Rochon dans l’arrêt Ferland c. R2009 QCCA 1168 (CanLII), à l’égard du principe d’harmonisation des peines édicté à l’article 718.2 b) C.cr., il « comporte certaines limites en raison du processus individualisé suivi en matière de détermination de la peine » et ne saurait permettre de déroger à la règle du respect de la discrétion des juges d’instance en matière de détermination de la peine (R. c. L.M., précité, paragr. 35). [par. 12]
[60]                          Autrement dit, les fourchettes de peines demeurent d’abord et avant tout des lignes directrices et elles ne constituent pas des règles absolues : Nasogaluak, par. 44. En conséquence, une dérogation à une fourchette de peines n’est pas synonyme d’erreur de droit ou de principe. D’ailleurs, le juge Sopinka l’a clairement énoncé dans l’arrêt McDonnell, même s’il parlait alors de catégories d’agressions :
. . . j’estime que l’omission de situer une infraction particulière dans une catégorie d’agressions créée par les tribunaux, aux fins de la détermination de la peine, ne constitue jamais une erreur de principe en soi. [. . .] Si les catégories sont définies de façon stricte et que les dérogations à cette catégorisation sont généralement infirmées, le pouvoir discrétionnaire qui devrait être laissé aux juges du procès et aux juges qui infligent les peines est donc largement transféré aux cours d’appel. [par. 32]
[61]                          Conclure autrement aurait pour effet d’autoriser les cours d’appel à créer sans véritable justification des catégories d’infractions et, de ce fait, à intervenir sans retenue pour substituer une peine en appel. Or, le pouvoir de créer des catégories d’infractions appartient au législateur, et non aux tribunaux : McDonnell, par. 33.
[62]                          Il convient en outre de souligner que le législateur a régulièrement haussé le seuil des peines minimales et maximales applicables aux infractions liées à la conduite d’un véhicule avec les capacités affaiblies. À titre d’exemple, la peine maximale d’emprisonnement pour le crime de conduite avec les capacités affaiblies causant la mort est passée, en l’an 2000, de 14 ans à la prison à perpétuité : Loi modifiant le Code criminel (conduite avec facultés affaiblies causant la mort et autres matières), L.C. 2000, c. 25.
[63]                          De même, en 2008, le seuil des peines minimales pour l’ensemble des crimes reliés à la conduite avec les capacités affaiblies a été augmenté à 1 000 $ pour une première infraction, à un emprisonnement de 30 jours pour une deuxième infraction et à 120 jours d’incarcération pour toute infraction subséquente : Loi sur la lutte contre les crimes violents, L.C. 2008, c. 6.
[67]                          Tout comme la fourchette elle-même, les catégories qui la composent sont des outils visant en partie à favoriser l’harmonisation des peines. Cependant, une dérogation à une telle fourchette ou catégorie ne constitue pas une erreur de principe et ne saurait à elle seule justifier d’office l’intervention d’une cour d’appel, à moins que la peine infligée ne s’écarte nettement et sans motif de celles prévues. En effet, en l’absence d’une erreur de principe, une cour d’appel ne peut modifier une peine que si celle-ci est manifestement non indiquée.
[72]                          En somme, la peine prononcée par le juge Couture respecte les objectifs et les principes de détermination de la peine énoncés au Codecriminel. Il a souligné à bon droit l’importance de la dissuasion et de la dénonciation en l’espèce, mais il n’a pas pour autant fait abstraction de l’objectif de la réinsertion sociale (par. 92 (CanLII)). La Cour d’appel reconnaît d’ailleurs que « [l]e jugement visé par la requête est longuement motivé et il est clair que le juge de première instance a soupesé avec beaucoup d’attention les objectifs et les principes de détermination de la peine énoncés aux articles 718 à 718.2 du Code criminel » (par. 5 (CanLII)). Comme le juge Couture n’a pas commis d’erreur révisable dans son jugement et que la peine infligée n’était pas manifestement non indiquée, la Cour d’appel ne pouvait intervenir et substituer son appréciation à celle du juge. La peine — au demeurant sévère — prononcée en première instance a néanmoins été réduite par la Cour d’appel sans qu’il soit tenu compte du principe selon lequel la dissuasion et la dénonciation devaient être favorisées en semblable matière. En réduisant la peine infligée par le juge Couture au motif qu’elle dérogeait au principe de la proportionnalité, la Cour d’appel a également fait abstraction de la réalité locale, le tout au détriment des objectifs de dissuasion et de dénonciation.

lundi 4 décembre 2017

Les pouvoirs du juge de gestion de l’instance en ce qui a trait aux admissions


R. c. Charron, 2017 QCCS 688 (CanLII)

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[54]        Cela dit, le juge de gestion de l’instance, confronté au refus de l’accusé d’admettre certains faits secondaires, s’avère-t-il sans recours?
[55]        Dans un jugement rendu dans l’affaire Bordo, le Tribunal conclut que le pouvoir d’établir des horaires et d’imposer des échéances comprend celui de fixer la durée du procès et celle de la présentation de la preuve par les parties.
[56]        Depuis cette décision, la Cour suprême a confirmé, dans l'arrêt Jordan, le pouvoir des tribunaux de mettre en œuvre des procédures plus efficaces, notamment des pratiques d’établissement de calendriers pour les procès.
[57]        La gestion de l’instance ne constitue pas un outil réservé aux procès de grande envergure.
[58]        Le pouvoir d’établir des horaires, d’imposer des échéances et de fixer la durée du procès comprend nécessairement les pouvoirs qui permettent de fixer la durée de la présentation de la preuve, la manière dont celle-ci sera présentée par les parties et les modalités qui permettent d’en assurer le respect.  

[59]        La gestion équitable et efficace de l’instance s’exerce en respectant le droit des parties de présenter la preuve pertinente et les règles fondamentales de notre système de justice criminelle accusatoire et contradictoire.
[60]        Bien entendu, tel qu’indiqué précédemment, le juge du procès doit être prudent avant de s’immiscer dans la conduite du procès et de rendre des décisions qui ont un effet sur la stratégie des parties.
[61]        Les parties ne possèdent pas le droit absolu de présenter la preuve comme elles le souhaitent. La poursuite et l’accusé ne disposent pas d’un droit de présenter une preuve qui exige un temps excessivement long qui est sans commune mesure avec la valeur probante de la preuve à l’égard des questions véritablement en litige lors du procès. 
[62]        Ainsi, le juge du procès peut fixer la manière dont la preuve sera présentée.
[63]        Voici ce qu’écrit le juge Rosenberg à ce sujet dans Felderhof :
[…] In my view, the trial judge must have the power to control the procedure in his or her court to ensure that the trial is run effectively. Sometimes, the exercise of this power may mean that the trial judge will require counsel to proceed in a different manner than counsel desired.
[64]        La gestion de l’instance doit fournir aux parties les outils nécessaires pour collaborer et mener les dossiers avec diligence. Les parties doivent utiliser de façon efficace le temps du tribunal. Elles doivent être soucieuses de faire des admissions raisonnables, de simplifier la preuve et d’identifier les questions qui doivent être tranchées avant la présentation de la preuve lors du procès.
[65]        En cas de désaccord entre les parties ou lorsque l'accusé refuse de faire des admissions raisonnables à l'égard de questions qui ne sont pas véritablement en litige, le juge de gestion de l’instance peut et doit intervenir.
[66]        Les pouvoirs généraux de gestion de l'instance, et plus particulièrement ceux prévus à l’article 551.3(3)d), permettent de fixer les modalités de la présentation d’une preuve qui est périphérique par rapport aux véritables enjeux du procès si cela ne met pas en jeu le droit à une défense pleine et entière de l’accusé.
[67]        Le juge de gestion de l’instance peut autoriser la poursuite à présenter une telle preuve par le biais d'une déclaration écrite sous serment, sous réserve du droit de l'accusé de contre-interroger l’auteur de la déclaration assermentée ou, le cas échéant, d'un autre témoin, lorsqu’il subsiste vraisemblablement une question à trancher (« a live issue »).
[68]        Dans le présent dossier, plusieurs des admissions sollicitées par la poursuite paraissent raisonnables sans qu’elles ne mettent en péril le droit à une défense pleine et entière de l’accusé.
[69]        À titre d’exemple, il s’avère difficile de comprendre pourquoi l’accusé ne veut pas admettre l’identité de sa conjointe, plusieurs chaines de possession d’objets saisis, la preuve de certaines filatures et certains aspects de la preuve du déroulement des événements qui ne mettent pas en cause la connaissance de l’accusé ou sa participation personnelle aux infractions.
[70]        La poursuite doit donc avoir la possibilité de demander l’autorisation de présenter la preuve de certains faits secondaires au moyen d’une déclaration écrite sous serment. 
[71]        L’accusé doit se voir offrir l’opportunité de la contester et d’exiger, le cas échéant, la présentation d’une preuve testimoniale.

Comment mesurer le caractère équitable d'une preuve d’identification

Joseph c. R., 2014 QCCA 2232 (CanLII)

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[41]        L’appelant avance que la parade d’identification ne rencontre pas en tout point les recommandations du Rapport Sophonow. C’est vrai. Ce rapport, fort pertinent et d’une grande importance, formule des observations fondamentales sur les dangers de la preuve d’identification et suggère des moyens pour les contrer. Notons que l’enregistrement vidéo de la séance d’identification découle de ce rapport et qu’elle existe dans le présent dossier. Toutefois, encore récemment dans l’arrêt Pelletier, la Cour d’appel de l’Ontario rappelait que les recommandations du rapport n’établissaient ni une procédure obligatoire ni un préalable à l’admissibilité d’une preuve de parade photographique.
[42]        Dans l’arrêt Beaulieu, la Cour s’est largement inspirée des propositions faites par diverses commissions sur la preuve d’identification pour en mesurer le caractère équitable.  Bien que la Cour fût divisée sur le résultat, elle constate l’importance d’un processus rigoureux inspiré des meilleures pratiques sans toutefois en faire une exigence gouvernant l’admissibilité de la preuve. Dans la mesure où l’appelant invite spécifiquement la Cour à le faire, je suis d’avis qu’il n’y pas lieu de créer une telle exigence, tout en rappelant qu’une procédure d’identification qui ne suit pas les meilleures pratiques est plus susceptible d’interpeller l’intervention des tribunaux d’appel.
[43]        Le jury doit cependant connaître les dangers entourant la preuve d’identification. En réalité, les directives nécessaires dans un cas donné varient selon les faits de chaque cas. Dans la présente affaire, je suis convaincu que les directives reçues mettaient en évidence les faiblesses de la parade d’identification. L’exercice d’identification s’est fait rapidement après le meurtre. Au surplus, une preuve vidéo de la procédure était disponible. La juge invite le jury à la revoir pour évaluer la fiabilité de l’identification par le témoin Sanon.

L'identification par témoin oculaire

R. c. Boussedra, 2015 QCCQ 7503 (CanLII)

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[46]      Dans les affaires où l'identification par témoin oculaire est en cause, le Tribunal doit faire preuve de prudence et procéder à un examen approfondi de la preuve. Ceci s'explique par la fragilité inhérente de ce type de preuve qui repose sur une opinion fondée sur plusieurs facteurs psychologiques et physiologiques. Ce principe bien connu a récemment été réitéré par la Cour suprême dans R. c. Hay, au paragraphe 40 :
Il est bien établi que lorsque le ministère public a recours à l’identification par témoin oculaire, le juge du procès a l’obligation de mettre le jury en garde au sujet des faiblesses reconnues de la preuve d’identification; voir Mezzo, p. 845, citant R. c. Turnbull, [1976] 3 All E.R. 549 (C.A.); R. c. Hibbert, 2002 CSC 39 (CanLII)[2002] 2 R.C.S. 445, par. 78‑79 (le juge Bastarache, dissident, mais non sur ce point); R. c. Canning, 1986 CanLII 20 (CSC)[1986] 1 R.C.S. 991.  Toutefois, un jury ayant reçu les directives appropriées peut, en dépit des faiblesses de l’identification par témoin oculaire, conclure à la fiabilité de la déposition du témoin oculaire et rendre un verdict de culpabilité sur ce fondement, et ce, même si le ministère public n’a cité qu’un seul témoin oculaire; voir Mezzo, p. 844; R. c. Nikolovski, 1996 CanLII 158 (CSC)[1996] 3 R.C.S. 1197, par. 23.
[47]      Lorsque la suffisance de la preuve d’identification est en litige, comme en l’espèce, il est essentiel de faire preuve d’une prudence particulière afin d’éviter une erreur judiciaire.
[48]      Dans R. v. Gonsalves, au paragraphe 39, le juge Hill de la Cour supérieure de l’Ontario énonce des facteurs et critères que peut considérer le juge des faits lorsqu’il évalue la fiabilité de la preuve d’identification par témoin oculaire :
[39] Our experience with eyewitness identification evidence has taught us to use discriminating scrutiny for badges of unreliability. Judicially created checklists, based on long experience with the inherent dangers of eyewitness identification evidence, assist in assessment of the circumstances of a specific identification: The Queen v. Nikolovski, at 409, 412; Mezzo v. The Queen, at 129-132 per Wilson J. Was the suspect a complete stranger or known to the witness? Was the opportunity to see the suspect a fleeting glimpse or something more substantial? (a fleeting glance of a suspect by an eyewitness is generally setting in the darkness of night or in well-illuminated conditions? Was the sighting by the witness in circumstances of stress (R. v. Nikolovski, at 412, 418; R. v.Francis, 2002 CanLII 41495 (ON CA), [2002] O.J. No. 4010 (C.A.) at para. 4)? Did the witness commit the Did the witness commit the description to writing or report the description to the police in a timely way? Is the witness' description general, generic or vague or is there a description of detail including distinctive features of the suspect and his or her clothing (R. v. Ellis, 2008 ONCA 77 (CanLII), [2008] O.J. No. 361 (C.A.) at para. 5, 8; R. v. F.A., at para. 64; R. v. Richards, at para. 9)? Were there intervening circumstances, capable of tainting or contaminating the independence of the identification, between the witness' initial sighting of the suspect and the rendering of the descriptive account to the police or the court? Has the witness described a distinguishing feature of the suspect not shared by the accused or conversely has the witness' description of the suspect failed to include mention of a distinctive feature of the accused? Is the eyewitness identification unconfirmed?
[49]      Tel que le mentionne le juge Doherty de la Cour d’appel de l’Ontario dans R. v. Quercia, à la page 389:
[T]he existence of confirmatory circumstantial evidence can go a long way to minimizing the dangers inherent in eyewitness identification.
[50]      Par ailleurs, lorsque la preuve est essentiellement et principalement de nature circonstancielle, le Tribunal doit être convaincu hors de tout doute raisonnable que la culpabilité de l’accusé est la seule conclusion rationnelle pouvant être tirée de la preuve en question.  Tel que le mentionne la Cour suprême dans R. c. Griffin, au paragraphe 33 :
L’élément essentiel d’une directive en matière de preuve circonstancielle consiste à faire comprendre aux jurés que, pour prononcer un verdict de culpabilité, ils doivent être convaincus hors de tout doute raisonnable que la seule conclusion rationnelle pouvant être tirée de la preuve circonstancielle est que l’accusé est coupable.  Il y a différentes façons de communiquer ce message aux jurés : R. c. Fleet (1997), 1997 CanLII 867 (ON CA)120 C.C.C. (3d) 457 (C.A. Ont.), par. 20.  Voir également R. c. Guiboche (2004), 2004 MBCA 16 (CanLII)183 C.C.C. (3d) 361, par. 108‑110; R. c.Tombran (2000), 2000 CanLII 2688 (ON CA)142 C.C.C. (3d) 380 (C.A. Ont.), par. 29.
[51]      Plus récemment, dans R. v. Mufuta, au paragraphe 49, la Cour d’appel de l’Ontario énonce le test applicable de la façon suivante dans le cadre d’une affaire de voyeurisme reposant exclusivement sur une preuve circonstancielle :
[T]he Crown must prove guilt beyond a reasonable doubt, which burden carries with it, in a circumstantial case, the duty of excluding all rational conclusions alternative to guilt.

La preuve d'identification

Ragab c. R., 2011 QCCS 2000 (CanLII)

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[31]      La preuve d'identification a un statut particulier en droit criminel. Je suis d'avis que l'appel réussit complètement sur le grief de l'identification.
[32]      Dans l'arrêt R. c. Beaulieu2007 QCCA 402 (CanLII), le juge Chamberland rappelait encore la fragilité de la preuve d'identification fondée sur des témoignages:
[42]   Les erreurs d'identification visuelle sont possibles; le témoin le mieux intentionné et le plus honnête peut se tromper quand il s'agit pour lui d'identifier un agresseur dont il n'a souvent eu que quelques secondes pour remarquer les traits du visage, souvent dans un moment de grande tension. Les tribunaux canadiens reconnaissent depuis longtemps la fragilité inhérente de toute preuve de reconnaissance visuelle par les témoins.
[44]   Les erreurs d'identification ont été la cause de plusieurs erreurs judiciaires par suite de la condamnation injustifiée de personnes qu'un ou plusieurs témoins de bonne foi avaient identifiées par erreur.
[45] Plusieurs commissions d'enquête, groupes de travail et universitaires se sont penchés sur la question et ont fait des recommandations visant à préserver l'intégrité, la qualité et la fiabilité des preuves d'identification en réduisant le risque que des influences externes ne les contaminent, même par accident.
(références omises)
[33]      En cette matière, la jurisprudence exige une motivation adéquate de la décision afin de comprendre que le juge des faits a dûment pris acte des écueils relativement à l'identification et de la preuve pertinente à cet égard. Lorsque la preuve de la poursuite dépend largement sur la preuve d'identification, le juge doit démontrer qu'il avait à l'esprit les difficultés inhérentes à la preuve d'identification lorsqu'il l'analyse.
[34]      Sans vouloir prétendre qu'il s'agit de la liste exhaustive des considérations pertinentes, je crois opportun de rappeler ce que la Cour d'appel de la Saskatchewan a écrit dans l'arrêt
R. c. Bigsky (2007), 2006 SKCA 145 (CanLII)217 C.C.C. (3d) 441, au paragraphe 41:
In the judge-alone cases, when a court of appeal will intervene depends on a variety of factors: (i) whether the trial judge can be taken to have instructed himself or herself regarding the frailties of eyewitness testimony and the need to test its reliability; (ii) the extent to which the trial judge has reviewed the evidence with such an instruction in mind; (iii) the extent to which proof of the Crown's case depends on the eyewitness's testimony or, in other words, the presence or absence of other evidence that can be considered in determining whether a court of appeal should intervene; (iv) the nature of the eyewitness observation including such matters as whether the eyewitness had previously known the accused and the length and quality of the observation; and (v) whether there is other evidence which may tend to make the evidence unreliable, i.e., the witness's evidence has been strengthened by inappropriate police or other procedures between the time of the eyewitness observation and the time of testimony.

Comment apprécier la crédibilité et la fiabilité d'un témoignage

Chrétien c. R., 2008 QCCA 2398 (CanLII)

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[2]               À la différence de la Cour, le juge de première instance a eu l’avantage de voir et d’entendre les témoins. Le reproche voulant qu’il ait traité différemment les témoins du ministère public et l’appelant ne tient pas. Chaque témoignage comporte son lot d’imprécisions, de nuances, et parfois même, d’incohérences ou de contradictions. Il appartient au juge du procès de les prendre en compte dans son évaluation de la crédibilité de la fiabilité des témoignages entendus. C’est, selon la Cour, ce que le juge a fait en l’espèce.

Le droit relatif à l’exigence de la prise d’échantillons d’haleine dès que matériellement possible

Simard c. R., 2016 QCCS 2712 (CanLII)

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[20]        Bien évidemment, le fardeau d’établir les prérequis à l’application de la présomption, mentionnés aux sous-al. 258 (1) c) (ii) à (iv), incombe à la poursuite (R. c. Burwell2015 SKCA 37 (CanLII), par. 93; R. c. O’Meara2012 ONCA 420 (CanLII), par. 28; R. c. Vanderbruggen (2006), 2006 CanLII 9039 (ON CA)206 CCC (3d) 489 (CAO), par. 8 à 17; R. c. Maroussis2016 QCCS 209 (CanLII), par. 29 et 30).
[21]        Ainsi, contrairement à ce qu’a avancé l’intimée, une requête en exclusion de preuve en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés n’est pas requise lorsqu’il s’agit de décider de l’application de la présomption eu égard aux exigences préalables mentionnées auxsous-al. 258 (1) c) (ii) à (iv) du Code criminel. En effet, dans ce contexte, l’enjeu n’est pas l’admissibilité en preuve des résultats de l’alcootest mais plutôt les effets de ceux-ci. Il n’est pas non plus question de déterminer si les échantillons d’haleine ont été obtenus en vertu d’un ordre valide au sens du par. 254 (3) du Code et des droits garantis par la Charte, c’est-à-dire un ordre qui est notamment fondé sur des « motifs raisonnables de croire ». Il y a donc lieu de distinguer la situation sous études de celles examinées dans les arrêts R. c. Anderson,2013 QCCA 2160 (CanLII)R. c. Forsythe2009 MBCA 123 (CanLII); et R. c. Charrette2009 ONCA 310 (CanLII).
[22]        L’arrêt ontarien Vanderbruggen, précité, aux par. 12 et 13, expose, dans les termes suivants, le droit relatif à l’exigence de la prise d’échantillons d’haleine dès que matériellement possible:
[12]      That leaves the question that is at the heart of this appeal—the meaning of as soon as practicable.  Decisions of this and other courts indicate that the phrase means nothing more than that the tests were taken within a reasonably prompt time under the circumstances. (…) There is no requirement that the tests be taken as soon as possible. The touchstone for determining whether the tests were taken as soon as practicable is whether the police acted reasonably.  (…)
[13]      In deciding whether the tests were taken as soon as practicable, the trial judge should look at the whole chain of events bearing in mind that the Criminal Code permits an outside limit of two hours from the time of the offence to the taking of the first test.   The “as soon as practicable” requirement must be applied with reason.  In particular, while the Crown is obligated to demonstrate that—in all the circumstances—the breath samples were taken within a reasonably prompt time, there is no requirement that the Crown provide a detailed explanation of what occurred during every minute that the accused is in custody. (…)
[Citations omises]
[23]        Le juge du procès a appliqué les principes énoncés dans l’arrêt Vanderbruggen. Il a décidé, au regard de l’ensemble des circonstances, que les policiers ont agi de manière raisonnable et que l’appelante a soufflé dans l’alcootest dès que matériellement possible