mercredi 4 avril 2018

Il revient à l’accusé d’annoncer et de faire valoir ses moyens constitutionnels

R. c. Godbout, 2001 CanLII 10732 (QC CA)

Lien vers la décision

[45]           Les auteurs Lise Côté et Louise Viau écrivent de la même façon, en regard du recours en exclusion d’une preuve :
Initialement, le fardeau de persuader le juge de la violation d’un droit garanti par la Charte revient au requérant.  Le fardeau qui incombe à l’accusé est de satisfaire le juge par prépondérance de probabilités de la violation d’un droit garanti par la Charte.  Après avoir établi la violation, l’accusé pourra demander l’exclusion de cette preuve s’il est établi que son utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice conformément à l’article 24 (2) de la Charte.
[46]           Il est vrai que les tribunaux ont créé des présomptions faisant en sorte que dans certains cas, la charge de persuation passe de l’accusé à la poursuite.  Il en est ainsi lorsqu’une perquisition est faite sans mandat.
[47]           Mais comme notre Cour le rappelait récemment dans une affaire Demetris Tsiris c. R., il revient néanmoins à l’accusé d’annoncer et de faire valoir ses moyens constitutionnels :
(…)  la requête d’un accusé pour exclure une preuve obtenue en violation de la Charte canadienne des droits et libertés (article 24(2)) doit, généralement, être présentée au moment où cette preuve est offerte, ou même avant qu’elle ne le soit, et non pas après que le ministère public ait déclaré sa preuve close (R. c. Kutynec70 C.C.C. (3d) 289, le J. Finlayson, pages 294-295 (C.A. Ontario); R. c. Dwernychuk1992 ABCA 316 (CanLII)77 C.C.C. (3d) 385 (C.A. Alberta)R. c. Vukelich1996 CanLII 1005 (BC CA)108 C.C.C. (3d) 193 (C.A. Colombie-Britannique); R. c. Yorke1992 CanLII 2521 (NS CA)77 C.C.C. (3d) 529 (C.A. Nouvelle-Écosse), confirmé par la Cour suprême le 15 octobre 1993 CanLII 83 (CSC)1993, 84 C.C.C. (3d) 286R. c. Timm1998 CanLII 12523 (QC CA)[1998] A.Q. no 3168, le juge Fish, par. [89]-[91]; (…)
[48]           Le juge Fish écrivait également dans une affaire R. c. Timm, sur la nécessité que soit faite en temps utile toute objection à l’admissibilité d’une preuve :
[para 89]  Most if not all of that evidence was led by the Crown without any objection by the defence on Charter grounds.  Before the Crown closed its case, however, the defence moved for exclusion of the impugned evidence under s. 24(2) of the Charter.
[para 90]  In order to ensure an orderly trial that is fair not only to both sides, but to the presiding judge and to the jury as well, objections to the admissibility of evidence should be made either before – or as soon as – the challenged evidence is proferred.
[para 91]  Trial judges are nonetheless entitled, in the interests of justice, to permit counsel to challenge evidence that has already been received
[49]           Ainsi, notre Cour n’intervient pas, de façon générale, lorsqu’un moyen constitutionnel n’a pas été plaidé en première instance :
Je spécifie que c’est maintenant que l’appelant reproche cette façon de faire à l’intimée, car il ne s’en est pas plaint au procès lors de la formation du jury.  Ceci me paraît déterminant pour une cour d’appel lorsqu’elle entend le grief d’un inculpé qui se plaint de la violation d’un droit constitutionnel (art. 11 d) de la charte) alors qu’il n’a pas revendiqué ce droit en première instance, par exemple en s’objectant à la façon de procéder de l’intimée.  (…)
Les tribunaux d’appel se sont montrés très réticents à statuer sur la portée de la violation d’un droit garanti par la Charte canadienne des droits et libertés qui n’a pas été plaidée en première instance.
[50]           Plus particulièrement en matière de fouille et de perquisition, la juge L’Heureux-Dubé écrivait déjà en 1986, alors qu’elle était encore à notre Cour :
En l’absence d’objection en temps utile à leur admission en preuve, le dossier ne permet pas d’établir les circonstances de la perquisition et saisie, la bonne ou mauvaise foi qui y ont présidé, non plus que tous autres éléments de la preuve qui auraient pu donner lieu à une détermination aux termes de l’article 24(1) et à l’exclusion de certains documents s’ils rencontraient le test de l’article 24(2) de la Charte, disposition non rétroactive (La Reine c. Hynds(1982) 1982 CanLII 1307 (AB QB)1 C.R.R. 378).
Le juge du procès n’a pas été saisi de cette question non plus que le juge de la Cour supérieure devant lequel ce moyen, aussitôt invoqué, semble avoir été abandonné.  Conformément à la règle générale applicable à l’époque, le juge du procès avait discrétion pour admettre les documents en preuve (R. c. Robotham (No 2), 2 nov. 1984, Ont. S.C.).
[51]           Ainsi, le fardeau du procureur de l’accusé est lourd, comme le rappelle la Cour d’appel d’Ontario dans R. v. Ryan :
It was the obligation of trial counsel for the appellant to raise and develop these Charter issues at trial.  The appellant bore the burden of persuading the trial judge that his constitutional rights or freedoms had been infringed or denied.  He also bore the initial burden of presenting evidence:  see Collins v. The Queen (1987), 1987 CanLII 84 (CSC)33 C.C.C. (3d) 1 (S.C.C.) at pp. 13-14.  However, counsel at trial made no effort to discharge that burden with respect to what are now said to be ss. 10(a) and (b) violations and did not place the court on notice that he intended to argue these issues.  Where there is no assertion of a Charter violation, the court is entitled to proceed on the basis that one did not occur:  see Collins, supra at p. 14.
Counsel on appeal is not entitled to argue these additional Charter issues on an incomplete record.  We can only speculate as to what the evidence might have been if these issues had been explored factually at trial by both the Crown and the appellant.  It is not appropriate to rise them after the Crown has closed its case and the appellant has been convicted.
[Je souligne]
[52]           En l’espèce, c’est précisément cela qui se produit.  L’appelant n’a pas soulevé en première instance le caractère illégal de la fouille et de la perquisition effectuées à sa résidence, non plus que l’illégalité de son arrestation en regard de la Charte.  Il n’a pas initié de requête, n’a pas étayé son point de vue et a même consenti à ce que la preuve matérielle recueillie à l’occasion de la fouille et de la perquisition soit déposée pour valoir comme preuve.
[53]           Le procureur de l’appelant a fait des choix.  Il ne pouvait méconnaître les règles de droit fondamental applicables.  Il a établi sa stratégie en se fondant sur des motifs et des considérations qui nous sont étrangers.  Je me suis certes interrogé sur la légalité de la fouille et de la perquisition soulevée in limine litis, devant notre Cour.  Mais vu le fardeau qui était celui de l’appelant, vu les choix qu’il a faits et les lacunes majeures qui en résultent dans la preuve, j’estime que notre Cour ne doit pas examiner ce nouveau moyen qui n’a pas été débattu et plaidé en temps utile.

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