Lien vers la décision
[31] Le droit d’un accusé à l’avocat de son choix est fondé sur la Charte canadienne des droits et libertés. On cite généralement l’arrêt McCallen sur ce point :
[31] Section 10 (b) of the Charter provides:
10. Everyone has the right on arrest or detention
…
(b) to retain and instruct counsel without delay and to be informed of that right;…
[32] It is well established that s. 10 (b) includes not only the right to retain counsel but the right to retain the counsel of the accused’s choice and the right to be represented by that counsel throughout the proceedings.
[33] In Re Regina and Speid (1983), 1983 CanLII 1704 (ON CA), 8 C.C.C. (3d) 18 (Ont. C.A.), Dubin J.A. described this as a fundamental right. At p. 20, he said:
The right of an accused to retain counsel of his choice has long been recognized at common law as a fundamental right. It has been carried forth as a singular feature of the Legal Aid Plan in this province and has been inferentially entrenched in the Charter of Rights which guarantees everyone upon arrest or detention the right to retain and instruct counsel without delay. However, although it is a fundamental right and one to be zealously protected by the court, it is not an absolute right and is subject to reasonable limitations.
[32] Les derniers mots de cette citation font voir que la règle comporte une limite et que parfois un juge peut refuser de reporter une affaire et, par voie de conséquence, obliger un accusé à procéder avec un avocat qui ne serait pas son premier choix ou même, dans certains cas, à procéder sans avocat, si l’accusé ne veut plus être représenté par ce dernier.
[33] Cette limite à la règle est explicitée dans ce même arrêt :
[45] The law is clear that the decision to fix a date for trial is discretionary and that in choosing a date the court must act judicially and balance a number of factors including the availability of an accused’s counsel of choice within a reasonable period of time. Many of the same factors come into play in decisions whether to adjourn a trial date in order to permit an accused’s counsel of choice to be available. The emphasis is on the reasonableness of the delay involved in accommodating the accused’s choice; if the counsel of choice is not available within a reasonable time, then the rights of the accused must give way to other considerations and the accused will be required, if he or she chooses to be represented, to retain another counsel who is available within a reasonable period of time: see R. v. Lai, [1991] O.J. No. 725 (Gen. Div.);Barette v. The Queen (1976), 1976 CanLII 180 (CSC), 29 C.C.C. (2d) 189 (S.C.C.) and R.v. Smith reflex, (1989), 1989 CanLII 7222 (ON CA), 52 C.C.C. (3d) 90 (Ont. C.A.).
[46] In determining what is a reasonable period of time, the court will balance many factors including the reason counsel is not available sooner, the previous involvement of the particular counsel in the case, the public interest in having criminal cases disposed of in an expeditious manner, the age and history of the case, the availability of judicial resources and the best use of courtroom facilities, the availability of the complainant and witnesses, the availability and use of Crown counsel and law enforcement officers and the potential impact of the scheduling decisions on the rights of an accused under s. 11(b) of the Charter guaranteeing a trial within a reasonable period of time. See Smith, supra, at p. 93; Lai, supra.
[34] Tous les facteurs ci-dessus mentionnés sont certes importants, mais celui de l’attention due aux témoins l’est particulièrement à mon avis.
[35] C’est par ordre du tribunal que les témoins sont convoqués et contraints de se rendre au palais, « toute affaire cessante », selon la formule traditionnelle. La Charte des droits des témoins commande à la Magistrature « d’éviter l’assignation répétée du témoin et de minimiser pour lui les inconvénients; ».
[36] Selon l’Appelant le droit d’un accusé à l’avocat de son choix ne souffre toutefois pas d’exception. Il invoque à son soutien l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Cunningham, où l’on peut lire, rédigé par le juge Rothstein :
[9] L’accusé a le droit absolu de révoquer à son gré le mandat accordé à son avocat. Le tribunal ne peut intervenir dans ce choix et lui imposer un avocat dont il ne veut pas (voir Vescio c. The King, 1948 CanLII 53 (SCC), [1949] R.C.S. 139, p. 144; toutefois, à titre exceptionnel, un amicus curiae peut être nommé pour assister le tribunal). Par contre, l’avocat n’a pas le droit absolu de cesser de représenter son client. La nature fiduciale du lien créé avec son client limite sa faculté de cesser d’occuper une fois qu’il a accepté le mandat. […]
[37] À mon avis, l’Appelant donne à la sentence du début de cette citation une portée qu’elle n’a pas. On ne saurait extrapoler du « droit absolu » de révoquer son avocat, un « droit absolu » à l’avocat de son choix. Ce dernier « droit absolu » n’existe pas.
[38] L’arrêt Cunningham ne traite pas du droit à l’avocat de son choix, mais plutôt du droit de l’avocat de cesser d’occuper pour un client. Il suffit de continuer la citation pour le constater :
[9] […] Les règles de déontologie des barreaux provinciaux ou territoriaux [références omises] énoncent en détail les limites applicables. Le pourvoi soulève la question de savoir si le pouvoir du tribunal de faire respecter sa procédure impose une limite supplémentaire à la faculté de l’avocat de cesser d’occuper.
[39] Le rapprochement fait par le rédacteur en début de paragraphe entre le droit du client de révoquer son avocat et celui de ce dernier de cesser de le représenter, ne vise, à mon avis, qu’à mettre en relief le caractère moins absolu du second par rapport au premier. D’ailleurs le rédacteur lui-même énonce une exception à l’absolu du premier, celle de l’amicus curiae, sans discuter qu’il puisse en exister d’autres puisque ce n’était pas l’objet du débat.
[40] Par la suite, il va distinguer entre un motif fondé sur le délai entre la demande de retrait et le procès et un motif d’ « ordre déontologique » comme fondement de la demande. Deux éléments intéressants pour notre affaire.
[41] Quant au délai, il retient que plus il est serré, plus le Tribunal doit être circonspect :
[46] Les principes suivants devraient présider à l’exercice du pouvoir discrétionnaire du tribunal de faire droit ou non à la demande présentée par un avocat pour cesser d’occuper.
[47] Le tribunal devrait faire droit à la demande qui est présentée suffisamment à l’avance pour que la procédure inscrite au rôle ne doive pas être reportée. Il n’y a pas lieu alors d’examiner le fondement de la demande ni d’exiger que l’avocat continue de représenter son client.
48] Lorsque le délai est plus serré, le tribunal est justifié de pousser l’examen. […]
[42] Enfin, quant au fondement de la demande, le juge Rothstein distingue si l’avocat invoque des motifs déontologiques ou si la véritable raison à l’origine est le non-paiement des honoraires de l’avocat. Dans ce dernier cas, le tribunal pourra rejeter la demande dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.
[43] Reste à voir si, dans la présente affaire, le contexte justifiait la mesure assez exceptionnelle du Juge de refuser la remise.
L’exception
[44] À l’évidence, l’absence de délai joue dans l’affaire. La demande à la toute dernière minute, sans préavis à quiconque, alors que tous sont prêts, ressemble fort à une manœuvre dilatoire.
[45] Sans tenter de fixer les balises qui doivent guider un juge en pareil cas, force est de constater que le simple souhait d’un accusé au matin du procès de changer d’avocat est insuffisant. Il faut des motifs sérieux – comme ceux d’ordre déontologique dans le cas d’un avocat – pour reporter un procès prêt à procéder, autrement la bonne marche des affaires devant les tribunaux serait grandement perturbée.
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