mercredi 8 novembre 2023

L’intoxication n’a pas à être la seule cause de l’affaiblissement des capacités de conduire, d’autres facteurs contributifs pouvaient être présents

Borja c. R., 2023 QCCS 3975

Lien vers la décision


[3]           La juge du procès devait décider si la Couronne avait prouvé hors de tout doute raisonnable que la capacité de conduire de l’accusé était affaiblie à un degré quelconque par l’effet de l’intoxication, comme l’enseigne l’arrêt R. c. Stellato1994 CanLII 94 (CSC), [1994] 2 RCS 478 et plusieurs arrêts de la Cour d’appel, notamment R. c. Aubé1993 CanLII 4143 et R. c. Laprise1996 CanLII 6000.

[7]           La juge du procès n’a pas imposé le fardeau de la preuve à l’accusé en soulignant certaines failles dans son témoignage. Une telle erreur n’apparait aucunement des motifs de la juge. L’accusé a présenté une défense selon laquelle son état n’était pas causé par l’ivresse, mais plutôt par la fatigue et les blessures provoquées par l’accident. Dans ce contexte, la juge pouvait certainement considérer les lacunes dans les explications de l’accusé pour décider si sa version soulevait un doute raisonnable et si la Couronne avait prouvé l’infraction hors de tout doute raisonnable. Essentiellement, l’accusé soulève une divergence de point de vue avec la juge relativement à l’appréciation des explications qu’il a données dans son témoignage à propos des symptômes qu’il présentait. Il reproche à la juge de ne pas avoir accepté sa version, en particulier concernant sa démarche difficile considérant qu’il souffrait d’une blessure à la jambe. Mais, la juge n’a commis aucune erreur manifeste et dominante à ce propos. Elle pouvait considérer que la version de l’accusé comportait des imprécisions. Comme c’est pratiquement toujours le cas en cette matière, la preuve des effets de l’alcool était circonstancielle. La juge pouvait déduire que les symptômes observés chez l’accusé, incluant sa démarche, indiquaient un affaiblissement de la capacité de conduire causé par l’alcool. La juge devait apprécier la suffisance des explications de l’accusé pour déterminer les inférences pouvant être tirées de la preuve dans son ensemble. Dans l’arrêt Aubé, mentionné précédemment, la Cour d’appel affirmait ceci à ce sujet :

« Ce n'est qu'exceptionnellement que l'état de boisson d'un conducteur se prouve autrement que par une preuve circonstancielle, comprenant un certain nombre de manifestations physiques distinctes touchant l'apparence de l'individu, sa façon de parler et de marcher, soit des manifestations anormales qui, à défaut d'explication ou de justification, permettent l'inférence certaine d'un affaiblissement de la capacité de conduire par l'alcool ou une drogue ».

[8]           Ensuite, la fatigue, la douleur ou l’état de choc ne disculpaient pas l’accusé. L’infraction pouvait être commise si l’affaiblissement de la capacité de conduire était causé par l’effet combiné de l’alcool et de la fatigue. L’intoxication n’avait pas à être la seule cause de l’affaiblissement, d’autres facteurs contributifs pouvaient être présents. De même, les symptômes observés après l’accident pouvaient être causés, à la fois, par les effets de l’alcool et ceux de l’accident. Ces éléments n’étaient pas mutuellement exclusifs. Il revenait à la juge du procès, dans son rôle de juge des faits, d’apprécier la preuve relative aux divers facteurs en cause pour décider si la capacité de conduire de l’accusé était affaiblie par l’effet de l’alcool. L’examen en appel à cet égard doit être mené avec déférence, car il s’agit essentiellement d’une question factuelle. Il ressort des motifs de la juge qu’elle a correctement évalué la preuve dans son ensemble et que ses conclusions sont raisonnables. Sur l’effet combiné et l’analyse globale des facteurs et symptômes liés aux effets de l’alcool, voir notamment: Belle-Isle c. R., 2021 QCCA 600, par. 93Lépine c. R., 2007 QCCA 69, par. 22R. c. Blais1996 CanLII 6313, p. 7; Provost Blanchard c. R., 2022 QCCS 4189, par. 57Fournier c. R., 2017 QCCS 5361, par. 48R. c. Goldblatt2011 ONCA 301, par. 3R. c. Poulin2008 QCCQ 7791, par. 30.

[9]           Enfin, la juge ne s’est pas basée sur des facteurs non pertinents pour conclure que la capacité de conduire de l’accusé était affaiblie par l’alcool. Elle pouvait considérer que le comportement et les décisions de l’accusé au cours de la soirée et de la nuit – incluant la conduite de son véhicule avec le régulateur de vitesse alors qu’il était fatigué – démontraient que sa faculté de jugement était diminuée et qu’il s’agissait d’un indice d’intoxication. Selon l’arrêt R. c. Laprise1996 CanLII 6000 de la Cour d’appel, « L'affaiblissement des facultés de conduire s'entend généralement de l'altération du jugement et de la diminution de l'habilité physique ».

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