St-Antoine c. R., 2017 QCCA 2044
[85] Notre Cour a pu, dans l’arrêt Thiffault[21], se prononcer sur un moyen de défense de nécessité qu’invoquait un délinquant pour justifier la possession illégale d’une arme à feu. Voici ce qu’on y lit :
[10] Le caractère exceptionnel de la défense de nécessité a été de nouveau souligné par la Cour suprême dans l'arrêt R. c. Latimer, 2001 CSC 1 (CanLII), [2001] 1 R.C.S. 3, para 27 et 28 qui reprend les propos du juge Dickson (plus tard juge en chef) dans l'arrêt de principe R. c. Perka, 1984 CanLII 23 (CSC), [1984] 2 R.C.S. 232. Les paragraphes 27 et 28 de l'affaire Latimer se lisent comme suit:
Le juge Dickson a insisté sur le fait que le moyen de défense fondé sur la nécessité doit être restreint aux rares cas où l'on retrouve un véritable «caractère involontaire». Selon lui, ce moyen de défense doit être «strictement contrôlé et scrupuleusement limité» (p. 250). Il est bien établi qu'il doit avoir une application limitée. À l'instar du lord juge Edmund Davies, certains craignent que, si les critères du moyen de défense étaient assouplis ou étaient interprétés d'une manière purement subjective, la nécessité puisse [TRADUCTION] «très facilement devenir simplement le masque de l'anarchie»: Southwark London Borough Council c. Williams, [1971] Ch. 734 (C.A.), p. 746.
L'arrêt Perka a exposé les trois éléments qui doivent être présents pour que la nécessité puisse être invoquée comme moyen de défense. Premièrement, il doit y avoir danger imminent. Deuxièmement, l'accusé ne doit pas avoir d'autre solution raisonnable et légale que d'agir comme il l'a fait. Troisièmement, il doit y avoir proportionnalité entre le mal infligé et le mal évité.
[11] Pour trancher le pourvoi, il suffit de constater que le caractère involontaire de la contravention à la loi, qui est pourtant au cœur de cette défense, est ici absent. Si l'appelant s'est senti obligé de posséder, sans autorisation, une arme à feu chargée pour assurer sa sécurité et celle de sa famille, cela découle directement de sa participation volontaire et continue aux activités d'une organisation criminelle dont les membres se livraient à une guerre sans merci avec ceux de clubs rivaux. C'est sa participation comme membre et son statut chez les Hell's Angels de Trois-Rivières et chez les Blatnois de Grand-Mère qui sont à l'origine de sa situation. L'appelant savait ou devait savoir qu'il se plaçait ainsi en situation de danger. Cet élément de prévisibilité est incompatible avec la défense de nécessité, comme le souligne le juge Dickson dans l'affaire Perka:
À mon avis, la meilleure façon d'aborder le lien entre la faute et la possibilité d'invoquer la nécessité comme moyen de défense est celle qui consiste encore une fois à se demander si les actes qu'on demande d'excuser ont été vraiment «involontaires». Si l'état de nécessité était clairement prévisible par un observateur raisonnable, si l'auteur a prévu ou aurait dû prévoir que ses actes pourraient donner lieu à une situation d'urgence qui exigerait la perpétration d'une infraction à la loi, alors je doute que ce à quoi l'accusé a fait face ait été une situation d'urgence au sens pertinent. Sa réaction n'a pas, dans ce sens, été «involontaire». Une «faute contributive» de cette nature, mais de cette nature seulement, est une considération pertinente quant à la possibilité d'invoquer le moyen de défense. (page 256)
[86] Je crois bon de paraphraser cet enseignement en notant que si l’appelant s’est réellement senti obligé de fuir parce qu’il se croyait attaqué par des voleurs, cela découle directement de sa participation volontaire et continue à une activité illégale très rentable pour lui, le trafic de cannabis. Il a d’ailleurs témoigné, et la juge l’a bien noté, que sa « connaissance acquise des façons de faire du monde criminalisé lui a enseigné que la méfiance y est omniprésente, étant donné la tendance de ses acteurs à agir de façon malhonnête, le principal risque étant de subir des vols, compte tenu des sommes d’argent transigées »[22].
Aucun commentaire:
Publier un commentaire