R. c. St-Jean, 2020 QCCS 4547
[2] M. L... craint pour sa vie et refuse de venir témoigner. Le ministère public présente une requête pour que soient déposées en preuve sa déclaration audio au 911 tout de suite après les événements et sa déclaration vidéo KGB prise trois jours plus tard à l’hôpital. Il soutient que le critère de nécessité est satisfait par la non-disponibilité du témoignage de M. L... et que les deux déclarations satisfont au critère de fiabilité, l’appel au 911 parce qu’il constitue de la res gestae et la déclaration vidéo KGB principalement compte tenu des garanties procédurales l’entourant en plus de la corroboration de son contenu par d’autres témoins.
[3] Les accusés contestent le critère de nécessité et tiennent à ce que M. L... témoigne pour pouvoir le contre-interroger et éventuellement faire entrer en preuve des éléments favorables à leur cause qui ne figurent pas nécessairement à ses déclarations. Ils suggèrent à contrecœur l’émission d’un mandat d’arrestation pour le faire amener et lui proposer de témoigner à huis-clos. Subsidiairement, ils ne contestent pas qu’est satisfait le seuil de fiabilité de ses déclarations, mais désirent que soit également admise en preuve sa déclaration vidéo KGB du 9 septembre 2014 suite à la première tentative de meurtre à son endroit.
[4] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal a refusé d’émettre un mandat d’arrestation et a accueilli la requête pour déposer les déclarations du 3 et du 6 février 2018 de M. L... pour valoir de la véracité de leur contenu. Le Tribunal a également ordonné que soit déposée pour valoir au fond la déclaration vidéo KGB de Y... L... du 9 septembre 2014.
Il n’est pas opportun d’émettre un mandat d’arrestation contre la victime
[14] Il est évident qu’un témoignage complet et sincère de la victime Y... L... n’est pas disponible. Émettre un mandat d’arrestation pour le forcer à se présenter à la cour ne rendrait pas ce témoignage davantage disponible. Au mieux, on pourrait s’attendre à un témoignage incomplet et peu fiable, ce qui ne serait pas dans l’intérêt de la recherche de la vérité. La non-disponibilité qu’il faut analyser est celle du témoignage et non pas celle du témoin[3], par exemple si le témoin refuse de témoigner comme en l’espèce[4].
Les déclarations de la victime franchissent le seuil de nécessité pour leur admissibilité
[15] Il ne s’agit pas d’un cas de peur capricieuse de témoigner ou de manque d’enthousiasme; la victime s’est fait tirer dessus à deux reprises en trois ans et demi et ses craintes pour sa sécurité sont tout à fait légitimes. La preuve démontre que les accommodements raisonnables pour rassurer M. L... ont été tentés et que rien n’y fait. La S/D Trahan a mentionné à trois reprises que la possibilité d’un témoignage à huis-clos lui a été offerte. De toute façon, il ne s’agit pas d’une alternative utile puisque la victime a peur des accusés.
[16] Le Tribunal souligne que les déclarations que souhaite mettre en preuve le ministère public ne sont pas défavorables aux accusés de sorte qu’un éventuel contre-interrogatoire n’aurait pas pour objectif de les discréditer, mais plutôt de les confirmer ou les compléter. Malheureusement, cet exercice de contre-interrogatoire, si tant est qu’il soit même possible en l’espèce, n’aurait pratiquement aucune valeur compte tenu de l’état mental dans lequel se trouve M. L..., affectant considérablement la fiabilité de son témoignage anticipé. Il en résulte que l’absence de possibilité de contre-interrogatoire par le dépôt en preuve des déclarations concerne exceptionnellement ici autant la question de la nécessité que celle de la fiabilité. Le seuil de nécessité pour l’admissibilité des déclarations est moins élevé qu’il ne le serait dans les circonstances habituelles puisque le contre-interrogatoire de M. L... serait peu utile.
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