R. c. Turcotte, [2005] 2 R.C.S. 519, 2005 CSC
Il arrive que le droit de garder le silence doive céder le pas. Dans R. c. Crawford, [1995] 1 R.C.S. 858, par exemple, la Cour se trouvait en présence d’un conflit entre le droit de garder le silence et le droit à une défense pleine et entière. Deux hommes avaient été accusés de meurtre au deuxième degré après qu’un homme eut été battu à mort. À leur procès conjoint, chacun blâmait l’autre. M. Crawford, l’un des accusés, n’avait fait aucune déclaration à la police, mais avait choisi de témoigner au procès pour sa propre défense. L’avocat de son coaccusé l’avait contre‑interrogé sur son omission de faire une déclaration à la police. Cette omission avait été négativement mise en contraste avec le fait que son coaccusé avait fait une déclaration complète à la police à la première occasion. Au nom de la majorité, le juge Sopinka a statué qu’il était possible d’établir un équilibre entre les deux droits opposés en admettant la preuve relative au silence, mais en ne l’utilisant que pour apprécier la crédibilité, et non pour conclure à la culpabilité. Étant donné que le jury avait été invité à inférer la culpabilité du silence de M. Crawford, la Cour a ordonné la tenue d’un nouveau procès.
La preuve relative au silence peut également être admissible lorsque la défense soulève une question qui démontre la pertinence du silence de l’accusé. Citons, par exemple, le cas où la défense cherche à attirer l’attention sur la collaboration de l’accusé avec les autorités (R. c. Lavallee, [1980] O.J. No. 540 (QL) (C.A.)); le cas où l’accusé témoigne avoir nié les accusations portées contre lui au moment de son arrestation (R. c. Ouellette (1997), 200 A.R. 363 (C.A.)); le cas où le silence est utile à la thèse de la défense fondée sur une erreur sur la personne et une enquête policière bâclée (R. c. M.C.W. (2002), 169 B.C.A.C. 128, 2002 BCCA 341).
De même, les affaires dans lesquelles l’accusé a omis de divulguer son alibi en temps utile ou de manière appropriée constituent des exceptions bien établies à l’interdiction de se servir du silence avant le procès contre un accusé : R. c. Cleghorn, [1995] 3 R.C.S. 175. Le silence pourrait également être admissible s’il est inextricablement lié à l’exposé des faits ou à tout autre élément de preuve et ne peut être facilement extrait.
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jeudi 19 février 2009
mercredi 18 février 2009
Comportement postérieur à l’infraction
R. c. White, [1998] 2 R.C.S. 72
Résumé des faits
Les présents pourvois portent essentiellement sur le comportement des appelants après l’assassinat de Chiu. Les appelants sont demeurés à Ottawa le 27 août, mais n’ont pas regagné leur domicile ce soir‑là et n’ont pas été vus dans les environs pendant près de deux semaines. On ignore la date précise de leur départ d’Ottawa. Mais le matin du 29 août, ils ont commis un vol qualifié dans une banque à Mississauga, en Ontario, soit à quelque 500 kilomètres de la capitale nationale. Une semaine plus tard, le 5 septembre, ils ont commis un second vol qualifié dans la même banque. Chaque fois, Côté a tiré des coups de feu à l’aide d’un fusil de chasse de calibre 12 et d’un revolver de calibre .22, laissant derrière lui des cartouches et des douilles de cartouche qui correspondaient à celles trouvées sur les lieux du meurtre de Chiu. Les appelants ont reconnu l’exactitude des faits allégués relativement aux deux vols qualifiés.
Analyse
Dans certaines circonstances, le comportement de l’accusé après la perpétration d’un crime peut constituer une preuve circonstancielle de sa culpabilité. Par exemple, la culpabilité peut s’inférer du fait que l’accusé s’est enfui des lieux du crime ou a quitté la circonscription dans laquelle celui‑ci a été commis, qu’il a tenté de se soustraire à l’arrestation ou qu’il n’a pas comparu au procès. Une telle conclusion peut aussi reposer sur des actes de dissimulation, par exemple lorsque l’accusé a menti, a employé un faux nom, a modifié son apparence ou a tenté de dissimuler ou de supprimer un élément de preuve incriminant. La preuve relative au comportement après le fait est admise d’ordinaire pour établir que l’accusé a agi d’une manière jugée compatible, selon l’expérience humaine et la logique, avec la conduite d’une personne coupable et non avec celle d’une personne innocente. (par 19)
Il faut appeler l’attention du jury sur les éléments de preuve précis qui sont présentés ‑‑ la fuite, les déclarations mensongères, selon le cas ‑‑ et sur leur pertinence quant à la question ultime à trancher, soit celle de la culpabilité ou de l’innocence (par 20)
La preuve relative au comportement postérieur à l’infraction ne diffère pas fondamentalement des autres types de preuve circonstancielle. Comme tout élément de preuve circonstancielle, la fuite ou la dissimulation peut se prêter à des interprétations divergentes et doit être appréciée par le jury à la lumière de l’ensemble de la preuve pour déterminer si elle est compatible avec la culpabilité de l’accusé et incompatible avec toute autre conclusion rationnelle. (par 21)
Notre Cour a statué également que lorsqu’est présenté au jury un élément de preuve relatif au comportement de l’accusé après l’infraction, des «directives appropriées» doivent lui être données afin que cet élément ne soit pas mal utilisé: Arcangioli, à la p. 143, et Gudmondson c. The King (1933), 60 C.C.C. 332 (C.S.C.), aux pp. 332 et 333.
L’arrêt Arcangioli établit qu’un élément de preuve ne doit être présenté au jury que s’il est pertinent aux fins de trancher un point litigieux dans l’affaire. La question de savoir s’il faut autoriser le jury à tenir compte du comportement de l’accusé après l’infraction dépend des faits de chaque espèce. Il faut tout d’abord se demander ce qui suit: que tente d’établir le ministère public grâce à cet élément de preuve? Lorsque, en raison d’un aveu, le comportement de l’accusé ne peut être imputé à l’infraction faisant l’objet du procès, plutôt qu’à une autre, le jury doit recevoir des directives en ce sens. La preuve relative au comportement après l’infraction peut néanmoins servir à d’autres fins, dans les cas qui s’y prêtent, notamment pour relier l’accusé aux lieux du crime ou à un élément de preuve matérielle, ou encore, pour miner la crédibilité de l’accusé en général.(par 26)
En règle générale, il appartient au jury de déterminer, eu égard à l’ensemble de la preuve, si le comportement de l’accusé après l’infraction est lié au crime qui lui est reproché, plutôt qu’à un autre acte coupable. Il est également du ressort du jury de déterminer le poids qu’il convient d’accorder à cette preuve aux fins de rendre ultimement un verdict de culpabilité ou de non‑culpabilité.
Résumé des faits
Les présents pourvois portent essentiellement sur le comportement des appelants après l’assassinat de Chiu. Les appelants sont demeurés à Ottawa le 27 août, mais n’ont pas regagné leur domicile ce soir‑là et n’ont pas été vus dans les environs pendant près de deux semaines. On ignore la date précise de leur départ d’Ottawa. Mais le matin du 29 août, ils ont commis un vol qualifié dans une banque à Mississauga, en Ontario, soit à quelque 500 kilomètres de la capitale nationale. Une semaine plus tard, le 5 septembre, ils ont commis un second vol qualifié dans la même banque. Chaque fois, Côté a tiré des coups de feu à l’aide d’un fusil de chasse de calibre 12 et d’un revolver de calibre .22, laissant derrière lui des cartouches et des douilles de cartouche qui correspondaient à celles trouvées sur les lieux du meurtre de Chiu. Les appelants ont reconnu l’exactitude des faits allégués relativement aux deux vols qualifiés.
Analyse
Dans certaines circonstances, le comportement de l’accusé après la perpétration d’un crime peut constituer une preuve circonstancielle de sa culpabilité. Par exemple, la culpabilité peut s’inférer du fait que l’accusé s’est enfui des lieux du crime ou a quitté la circonscription dans laquelle celui‑ci a été commis, qu’il a tenté de se soustraire à l’arrestation ou qu’il n’a pas comparu au procès. Une telle conclusion peut aussi reposer sur des actes de dissimulation, par exemple lorsque l’accusé a menti, a employé un faux nom, a modifié son apparence ou a tenté de dissimuler ou de supprimer un élément de preuve incriminant. La preuve relative au comportement après le fait est admise d’ordinaire pour établir que l’accusé a agi d’une manière jugée compatible, selon l’expérience humaine et la logique, avec la conduite d’une personne coupable et non avec celle d’une personne innocente. (par 19)
Il faut appeler l’attention du jury sur les éléments de preuve précis qui sont présentés ‑‑ la fuite, les déclarations mensongères, selon le cas ‑‑ et sur leur pertinence quant à la question ultime à trancher, soit celle de la culpabilité ou de l’innocence (par 20)
La preuve relative au comportement postérieur à l’infraction ne diffère pas fondamentalement des autres types de preuve circonstancielle. Comme tout élément de preuve circonstancielle, la fuite ou la dissimulation peut se prêter à des interprétations divergentes et doit être appréciée par le jury à la lumière de l’ensemble de la preuve pour déterminer si elle est compatible avec la culpabilité de l’accusé et incompatible avec toute autre conclusion rationnelle. (par 21)
Notre Cour a statué également que lorsqu’est présenté au jury un élément de preuve relatif au comportement de l’accusé après l’infraction, des «directives appropriées» doivent lui être données afin que cet élément ne soit pas mal utilisé: Arcangioli, à la p. 143, et Gudmondson c. The King (1933), 60 C.C.C. 332 (C.S.C.), aux pp. 332 et 333.
L’arrêt Arcangioli établit qu’un élément de preuve ne doit être présenté au jury que s’il est pertinent aux fins de trancher un point litigieux dans l’affaire. La question de savoir s’il faut autoriser le jury à tenir compte du comportement de l’accusé après l’infraction dépend des faits de chaque espèce. Il faut tout d’abord se demander ce qui suit: que tente d’établir le ministère public grâce à cet élément de preuve? Lorsque, en raison d’un aveu, le comportement de l’accusé ne peut être imputé à l’infraction faisant l’objet du procès, plutôt qu’à une autre, le jury doit recevoir des directives en ce sens. La preuve relative au comportement après l’infraction peut néanmoins servir à d’autres fins, dans les cas qui s’y prêtent, notamment pour relier l’accusé aux lieux du crime ou à un élément de preuve matérielle, ou encore, pour miner la crédibilité de l’accusé en général.(par 26)
En règle générale, il appartient au jury de déterminer, eu égard à l’ensemble de la preuve, si le comportement de l’accusé après l’infraction est lié au crime qui lui est reproché, plutôt qu’à un autre acte coupable. Il est également du ressort du jury de déterminer le poids qu’il convient d’accorder à cette preuve aux fins de rendre ultimement un verdict de culpabilité ou de non‑culpabilité.
Droit de garder le silence
R. c. Turcotte, [2005] 2 R.C.S. 519, 2005 CSC
Résumé
Le présent pourvoi est fondé sur le comportement de M. Turcotte le matin où il s’est rendu de son plein gré au poste de police et a demandé qu’une voiture soit envoyée au ranch. Malgré les questions répétées de la police, il a refusé d’expliquer pourquoi une voiture était nécessaire ou ce qu’on allait trouver au ranch.
Analyse
Le « comportement postérieur à l’infraction » est un terme (...)désignant seulement le comportement probant quant à la culpabilité. Par sa nature, ce comportement constitue une preuve circonstancielle (par 37)
Seuls les éléments de preuve postérieurs à un crime qui sont probants quant à la culpabilité peuvent être invoqués comme preuve relative au « comportement postérieur à l’infraction » (par 39)
Selon les règles traditionnelles de common law, en l’absence d’une contrainte légale, chacun a le droit de garder le silence face à l’interrogatoire de la police. (par 41)
La juge McLachlin a fondé le droit de garder le silence prévu par l’art. 7 sur deux doctrines de common law : la règle des confessions et le privilège de ne pas s’incriminer, expliquant qu’elles découlent toutes deux du thème unificateur suivant : L’idée qu’une personne assujettie au pouvoir de l’État en matière criminelle a le droit de décider de parler aux policiers ou de garder le silence. (par 43)
Ce serait un droit illusoire si la décision de ne pas parler à la police pouvait être utilisée par le ministère public comme preuve de culpabilité. Il a été reconnu en outre que, comme il y a un droit de garder le silence, ce serait tendre un piège que de prévenir l’accusé qu’il n’est pas tenu de répondre aux questions du policier, pour ensuite soumettre en preuve que l’accusé s’est manifestement prévalu de son droit en gardant le silence face à une question tendant à établir sa culpabilité (par 44)
Ce serait également « tendre un piège » que de permettre qu’un exercice valide du droit soit utilisé comme preuve de culpabilité (par 45)
Puisque, dans la plupart des cas, les personnes ne sont pas tenues d’aider la police, leur silence ne peut, en soi, être probant quant à la culpabilité :
[traduction] . . . le refus d’aider n’est rien d’autre que l’exercice d’une liberté reconnue et n’apporte aucun éclairage, en soi, sur la culpabilité de cette personne. (par 46)
La preuve relative au silence est cependant admissible dans des cas limités. Comme le juge Cory l’a statué dans Chambers, p. 1318, si « le ministère public [peut] établir une pertinence réelle et une justification légitime », la preuve relative au silence peut être admise à condition d’être accompagnée d’une mise en garde appropriée au jury. (par 47)
En général, en l’absence d’une exigence légale contraire, les personnes ont le droit de choisir de parler à la police ou non, même si elles ne sont pas détenues ou en état d’arrestation. Le droit de garder le silence reconnu en common law existe en tout temps contre l’État, peu importe que la personne qui le revendique soit ou non assujettie au pouvoir ou contrôle de ce dernier. Comme c’est le cas pour la règle des confessions, le droit de l’accusé de garder le silence s’applique chaque fois qu’il interagit avec une personne en situation d’autorité, qu’il soit détenu ou non. Ces considérations de principe existent tant avant qu’après l’arrestation ou la détention. Il n’y a, par conséquent, aucune raison fondée sur des principes de ne pas étendre l’application du droit de garder le silence reconnu en common law aux deux périodes. (par 51)
La volonté de communiquer certains renseignements à la police ne fait pas complètement disparaître le droit d’une personne de ne pas répondre aux questions de la police. Elle n’a pas à rester muette pour manifester son intention de l’invoquer. Une personne peut fournir certains, aucun ou la totalité des renseignements qu’elle possède. L’interaction volontaire avec la police, même si elle est engagée par l’intéressé, ne constitue pas une renonciation au droit de garder le silence. Le droit de choisir de parler ou de garder le silence demeure entier tout au long de l’interaction. (par 52)
Le comportement postérieur à un crime n’est admissible comme preuve relative au « comportement postérieur à l’infraction » que s’il fournit une preuve circonstancielle de la culpabilité. La pertinence nécessaire n’existe plus s’il n’y a aucun lien entre le comportement et la culpabilité. La loi n’impose aucune obligation de parler à la police ou de collaborer avec elle. Ce fait, à lui seul, rompt tout lien pouvant exister entre le silence et la culpabilité. Le silence face à l’interrogatoire de la police est donc rarement admissible comme preuve relative au comportement postérieur à l’infraction parce qu’il est rarement probant quant à la culpabilité. Refuser de faire ce qu’on a le droit de refuser de faire ne révèle rien. (par 55)
Résumé
Le présent pourvoi est fondé sur le comportement de M. Turcotte le matin où il s’est rendu de son plein gré au poste de police et a demandé qu’une voiture soit envoyée au ranch. Malgré les questions répétées de la police, il a refusé d’expliquer pourquoi une voiture était nécessaire ou ce qu’on allait trouver au ranch.
Analyse
Le « comportement postérieur à l’infraction » est un terme (...)désignant seulement le comportement probant quant à la culpabilité. Par sa nature, ce comportement constitue une preuve circonstancielle (par 37)
Seuls les éléments de preuve postérieurs à un crime qui sont probants quant à la culpabilité peuvent être invoqués comme preuve relative au « comportement postérieur à l’infraction » (par 39)
Selon les règles traditionnelles de common law, en l’absence d’une contrainte légale, chacun a le droit de garder le silence face à l’interrogatoire de la police. (par 41)
La juge McLachlin a fondé le droit de garder le silence prévu par l’art. 7 sur deux doctrines de common law : la règle des confessions et le privilège de ne pas s’incriminer, expliquant qu’elles découlent toutes deux du thème unificateur suivant : L’idée qu’une personne assujettie au pouvoir de l’État en matière criminelle a le droit de décider de parler aux policiers ou de garder le silence. (par 43)
Ce serait un droit illusoire si la décision de ne pas parler à la police pouvait être utilisée par le ministère public comme preuve de culpabilité. Il a été reconnu en outre que, comme il y a un droit de garder le silence, ce serait tendre un piège que de prévenir l’accusé qu’il n’est pas tenu de répondre aux questions du policier, pour ensuite soumettre en preuve que l’accusé s’est manifestement prévalu de son droit en gardant le silence face à une question tendant à établir sa culpabilité (par 44)
Ce serait également « tendre un piège » que de permettre qu’un exercice valide du droit soit utilisé comme preuve de culpabilité (par 45)
Puisque, dans la plupart des cas, les personnes ne sont pas tenues d’aider la police, leur silence ne peut, en soi, être probant quant à la culpabilité :
[traduction] . . . le refus d’aider n’est rien d’autre que l’exercice d’une liberté reconnue et n’apporte aucun éclairage, en soi, sur la culpabilité de cette personne. (par 46)
La preuve relative au silence est cependant admissible dans des cas limités. Comme le juge Cory l’a statué dans Chambers, p. 1318, si « le ministère public [peut] établir une pertinence réelle et une justification légitime », la preuve relative au silence peut être admise à condition d’être accompagnée d’une mise en garde appropriée au jury. (par 47)
En général, en l’absence d’une exigence légale contraire, les personnes ont le droit de choisir de parler à la police ou non, même si elles ne sont pas détenues ou en état d’arrestation. Le droit de garder le silence reconnu en common law existe en tout temps contre l’État, peu importe que la personne qui le revendique soit ou non assujettie au pouvoir ou contrôle de ce dernier. Comme c’est le cas pour la règle des confessions, le droit de l’accusé de garder le silence s’applique chaque fois qu’il interagit avec une personne en situation d’autorité, qu’il soit détenu ou non. Ces considérations de principe existent tant avant qu’après l’arrestation ou la détention. Il n’y a, par conséquent, aucune raison fondée sur des principes de ne pas étendre l’application du droit de garder le silence reconnu en common law aux deux périodes. (par 51)
La volonté de communiquer certains renseignements à la police ne fait pas complètement disparaître le droit d’une personne de ne pas répondre aux questions de la police. Elle n’a pas à rester muette pour manifester son intention de l’invoquer. Une personne peut fournir certains, aucun ou la totalité des renseignements qu’elle possède. L’interaction volontaire avec la police, même si elle est engagée par l’intéressé, ne constitue pas une renonciation au droit de garder le silence. Le droit de choisir de parler ou de garder le silence demeure entier tout au long de l’interaction. (par 52)
Le comportement postérieur à un crime n’est admissible comme preuve relative au « comportement postérieur à l’infraction » que s’il fournit une preuve circonstancielle de la culpabilité. La pertinence nécessaire n’existe plus s’il n’y a aucun lien entre le comportement et la culpabilité. La loi n’impose aucune obligation de parler à la police ou de collaborer avec elle. Ce fait, à lui seul, rompt tout lien pouvant exister entre le silence et la culpabilité. Le silence face à l’interrogatoire de la police est donc rarement admissible comme preuve relative au comportement postérieur à l’infraction parce qu’il est rarement probant quant à la culpabilité. Refuser de faire ce qu’on a le droit de refuser de faire ne révèle rien. (par 55)
Obligation du policier d'avoir des motifs raisonnables pour procéder à une arrestation
R. c. Storrey, 1990 CanLII 125 (C.S.C.)
Résumé des faits
Trois Américains qui retournaient au Michigan se sont fait barrer la route par un autre véhicule alors qu'ils s'approchaient de la frontière près de Windsor et ont été forcés d'arrêter. Le conducteur et le passager sont sortis de ce véhicule et se sont dirigés vers la voiture des Américains. Le conducteur a asséné un coup de poing à l'un de ces derniers tandis que son passager les a tous tailladés avec un couteau. Les victimes ont donné à la police une description générale des agresseurs et de leur véhicule -- une Ford bleue, peut-être une Thunderbird fabriquée entre 1973 et 1975. Deux des victimes ont par la suite été amenées au poste de police où, après avoir examiné quelque 800 photographies, elles en ont choisi 4 ou 5 d'hommes "ressemblant" à l'agresseur armé du couteau. Fait révélateur, elles ont toutes les deux choisi la photo d'un nommé Darryl Cameron. À la suite d'une enquête, la police a écarté Cameron comme suspect.
Toutefois, les recherches du policier enquêteur ont révélé que l'appelant avait été arrêté à maintes reprises au volant d'une Thunderbird bleue de l'année 1973, qu'il ressemblait beaucoup à Cameron et qu'il avait un casier judiciaire faisant état notamment de crimes violents. La police a lancé un bulletin requérant son arrestation relativement à l'accusation de voies de fait graves. L'appelant a été trouvé six jours plus tard et arrêté à 19 h 25. L'accusation a été portée contre lui le lendemain à 13 h 44. Le policier a dit que, si l'on avait attendu 18 heures pour porter l'accusation officiellement, cela découlait de la nécessité de faire venir les victimes à Windsor pour procéder à la séance d'identification qui était la seule méthode d'identification dont on disposait.
Analyse
Le paragraphe 495(1) exige que l'agent de police qui effectue une arrestation ait subjectivement des motifs raisonnables et probables d'y procéder. Ces motifs doivent en outre être objectivement justifiables, c'est-à-dire qu'une personne raisonnable se trouvant à la place de l'agent de police doit pouvoir conclure qu'il y avait effectivement des motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation. Par ailleurs, la police n'a pas à démontrer davantage que l'existence de motifs raisonnables et probables. Plus précisément, elle n'est pas tenue, pour procéder à l'arrestation, d'établir une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité.
Une arrestation effectuée légalement ne devient pas illégale du simple fait que la police entend poursuivre son enquête après l'arrestation. Le rôle de la police consiste essentiellement à faire enquête sur les crimes. C'est là une fonction qu'elle peut et devrait continuer à exercer après avoir effectué une arrestation légale.
La détention de l'appelant pendant 18 heures avant que l'accusation ne soit portée, principalement pour permettre à la police de poursuivre son enquête, n'était pas arbitraire. La séance d'identification représentait la méthode d'identification la plus juste et la seule pratique.
Afin de sauvegarder la liberté des citoyens, le Code criminel exige que la police, lorsqu'elle tente d'obtenir un mandat d'arrestation, démontre à un officier de justice qu'elle a des motifs raisonnables et probables de croire que la personne à arrêter a perpétré l'infraction. Dans le cas d'une arrestation sans mandat, il importe encore davantage que la police établisse l'existence de ces mêmes motifs raisonnables et probables justifiant l'arrestation.
Résumé des faits
Trois Américains qui retournaient au Michigan se sont fait barrer la route par un autre véhicule alors qu'ils s'approchaient de la frontière près de Windsor et ont été forcés d'arrêter. Le conducteur et le passager sont sortis de ce véhicule et se sont dirigés vers la voiture des Américains. Le conducteur a asséné un coup de poing à l'un de ces derniers tandis que son passager les a tous tailladés avec un couteau. Les victimes ont donné à la police une description générale des agresseurs et de leur véhicule -- une Ford bleue, peut-être une Thunderbird fabriquée entre 1973 et 1975. Deux des victimes ont par la suite été amenées au poste de police où, après avoir examiné quelque 800 photographies, elles en ont choisi 4 ou 5 d'hommes "ressemblant" à l'agresseur armé du couteau. Fait révélateur, elles ont toutes les deux choisi la photo d'un nommé Darryl Cameron. À la suite d'une enquête, la police a écarté Cameron comme suspect.
Toutefois, les recherches du policier enquêteur ont révélé que l'appelant avait été arrêté à maintes reprises au volant d'une Thunderbird bleue de l'année 1973, qu'il ressemblait beaucoup à Cameron et qu'il avait un casier judiciaire faisant état notamment de crimes violents. La police a lancé un bulletin requérant son arrestation relativement à l'accusation de voies de fait graves. L'appelant a été trouvé six jours plus tard et arrêté à 19 h 25. L'accusation a été portée contre lui le lendemain à 13 h 44. Le policier a dit que, si l'on avait attendu 18 heures pour porter l'accusation officiellement, cela découlait de la nécessité de faire venir les victimes à Windsor pour procéder à la séance d'identification qui était la seule méthode d'identification dont on disposait.
Analyse
Le paragraphe 495(1) exige que l'agent de police qui effectue une arrestation ait subjectivement des motifs raisonnables et probables d'y procéder. Ces motifs doivent en outre être objectivement justifiables, c'est-à-dire qu'une personne raisonnable se trouvant à la place de l'agent de police doit pouvoir conclure qu'il y avait effectivement des motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation. Par ailleurs, la police n'a pas à démontrer davantage que l'existence de motifs raisonnables et probables. Plus précisément, elle n'est pas tenue, pour procéder à l'arrestation, d'établir une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité.
Une arrestation effectuée légalement ne devient pas illégale du simple fait que la police entend poursuivre son enquête après l'arrestation. Le rôle de la police consiste essentiellement à faire enquête sur les crimes. C'est là une fonction qu'elle peut et devrait continuer à exercer après avoir effectué une arrestation légale.
La détention de l'appelant pendant 18 heures avant que l'accusation ne soit portée, principalement pour permettre à la police de poursuivre son enquête, n'était pas arbitraire. La séance d'identification représentait la méthode d'identification la plus juste et la seule pratique.
Afin de sauvegarder la liberté des citoyens, le Code criminel exige que la police, lorsqu'elle tente d'obtenir un mandat d'arrestation, démontre à un officier de justice qu'elle a des motifs raisonnables et probables de croire que la personne à arrêter a perpétré l'infraction. Dans le cas d'une arrestation sans mandat, il importe encore davantage que la police établisse l'existence de ces mêmes motifs raisonnables et probables justifiant l'arrestation.
Obligation du juge du procès de motiver sa décision en matière criminelle
R. c. Sheppard, [2002] 1 R.C.S. 869, 2002 CSC 26
Lien vers la décision
L’obligation de donner des motifs est liée à leur fin, qui varie selon le contexte. L’état actuel du droit en ce qui concerne l’obligation du juge de première instance de donner des motifs, dans le contexte de l’intervention d’une cour d’appel en matière criminelle, peut se résumer par les propositions suivantes :
1. Prononcer des décisions motivées fait partie intégrante du rôle du juge. Cette fonction est une composante de son obligation de rendre compte de la façon dont il s’acquitte de sa charge. Dans son sens le plus général, c’est en faveur du public qu’est établie l’obligation de motiver une décision.
2. Il ne faut pas laisser l’accusé dans le doute quant à la raison pour laquelle il a été déclaré coupable. Il peut être important d’exprimer les motifs du jugement pour clarifier le fondement de la déclaration de culpabilité, mais il se peut que ce fondement ressorte clairement du dossier. Il s’agit de savoir si, eu égard à l’ensemble des circonstances, le besoin fonctionnel d’être informé a été comblé.
3. Il se peut que les motifs s’avèrent essentiels aux avocats des parties pour les aider à évaluer l’opportunité d’interjeter appel et à conseiller leurs clients à cet égard. Par contre, il est possible que les autres éléments du dossier leur apprennent tout ce qu’ils doivent savoir à cette fin.
4. Comme le droit d’appel conféré par la loi s’applique à la déclaration de culpabilité (ou, dans le cas du ministère public, au jugement ou au verdict d’acquittement) plutôt qu’aux motifs, chaque omission ou lacune dans l’exposé des motifs ne constituera pas nécessairement un moyen d’appel.
5. L’exposé des motifs joue un rôle important dans le processus d’appel. Lorsque les besoins fonctionnels ne sont pas comblés, la cour d’appel peut conclure qu’il s’agit d’un cas de verdict déraisonnable, d’une erreur de droit ou d’une erreur judiciaire qui relèvent de l’al. 686(1)a) du Code criminel, suivant les circonstances de l’affaire, et suivant la nature et l’importance de la décision rendue en première instance.
6. Les motifs revêtent une importance particulière lorsque le juge doit se prononcer sur des principes de droit qui posent problème et ne sont pas encore bien établis, ou démêler des éléments de preuve embrouillés et contradictoires sur une question clé, à moins que le fondement de la conclusion du juge de première instance ressorte du dossier, même sans être précisé.
7. Il faut tenir compte des délais et du volume des affaires à traiter dans les cours criminelles. Le juge du procès n’est pas tenu à une quelconque norme abstraite de perfection. On ne s’attend pas et il n’est pas nécessaire que les motifs du juge du procès soient aussi précis que les directives adressées à un jury.
8. Le juge de première instance s’acquitte de son obligation lorsque ses motifs sont suffisants pour atteindre l’objectif visé par cette obligation, c’est‑à‑dire lorsque, compte tenu des circonstances de l’espèce, sa décision est raisonnablement intelligible pour les parties et fournit matière à un examen valable en appel de la justesse de la décision de première instance.
9. Les juges sont certes censés connaître le droit qu’ils appliquent tous les jours et trancher les questions de fait avec compétence, mais cette présomption a une portée limitée. Même les juges très savants peuvent commettre des erreurs dans une affaire en particulier, et c’est la justesse de la décision rendue dans une affaire en particulier que les parties peuvent faire examiner par un tribunal d’appel.
10. Lorsque la décision du juge de première instance ne suffit pas à expliquer le résultat aux parties, et que la cour d’appel s’estime en mesure de l’expliquer, l’explication que cette dernière donne dans ses propres motifs est suffisante. Un nouveau procès n’est alors pas nécessaire. L’erreur de droit décelée, le cas échéant, est corrigée au sens du sous‑al. 686(1)b)(iii).
Lien vers la décision
L’obligation de donner des motifs est liée à leur fin, qui varie selon le contexte. L’état actuel du droit en ce qui concerne l’obligation du juge de première instance de donner des motifs, dans le contexte de l’intervention d’une cour d’appel en matière criminelle, peut se résumer par les propositions suivantes :
1. Prononcer des décisions motivées fait partie intégrante du rôle du juge. Cette fonction est une composante de son obligation de rendre compte de la façon dont il s’acquitte de sa charge. Dans son sens le plus général, c’est en faveur du public qu’est établie l’obligation de motiver une décision.
2. Il ne faut pas laisser l’accusé dans le doute quant à la raison pour laquelle il a été déclaré coupable. Il peut être important d’exprimer les motifs du jugement pour clarifier le fondement de la déclaration de culpabilité, mais il se peut que ce fondement ressorte clairement du dossier. Il s’agit de savoir si, eu égard à l’ensemble des circonstances, le besoin fonctionnel d’être informé a été comblé.
3. Il se peut que les motifs s’avèrent essentiels aux avocats des parties pour les aider à évaluer l’opportunité d’interjeter appel et à conseiller leurs clients à cet égard. Par contre, il est possible que les autres éléments du dossier leur apprennent tout ce qu’ils doivent savoir à cette fin.
4. Comme le droit d’appel conféré par la loi s’applique à la déclaration de culpabilité (ou, dans le cas du ministère public, au jugement ou au verdict d’acquittement) plutôt qu’aux motifs, chaque omission ou lacune dans l’exposé des motifs ne constituera pas nécessairement un moyen d’appel.
5. L’exposé des motifs joue un rôle important dans le processus d’appel. Lorsque les besoins fonctionnels ne sont pas comblés, la cour d’appel peut conclure qu’il s’agit d’un cas de verdict déraisonnable, d’une erreur de droit ou d’une erreur judiciaire qui relèvent de l’al. 686(1)a) du Code criminel, suivant les circonstances de l’affaire, et suivant la nature et l’importance de la décision rendue en première instance.
6. Les motifs revêtent une importance particulière lorsque le juge doit se prononcer sur des principes de droit qui posent problème et ne sont pas encore bien établis, ou démêler des éléments de preuve embrouillés et contradictoires sur une question clé, à moins que le fondement de la conclusion du juge de première instance ressorte du dossier, même sans être précisé.
7. Il faut tenir compte des délais et du volume des affaires à traiter dans les cours criminelles. Le juge du procès n’est pas tenu à une quelconque norme abstraite de perfection. On ne s’attend pas et il n’est pas nécessaire que les motifs du juge du procès soient aussi précis que les directives adressées à un jury.
8. Le juge de première instance s’acquitte de son obligation lorsque ses motifs sont suffisants pour atteindre l’objectif visé par cette obligation, c’est‑à‑dire lorsque, compte tenu des circonstances de l’espèce, sa décision est raisonnablement intelligible pour les parties et fournit matière à un examen valable en appel de la justesse de la décision de première instance.
9. Les juges sont certes censés connaître le droit qu’ils appliquent tous les jours et trancher les questions de fait avec compétence, mais cette présomption a une portée limitée. Même les juges très savants peuvent commettre des erreurs dans une affaire en particulier, et c’est la justesse de la décision rendue dans une affaire en particulier que les parties peuvent faire examiner par un tribunal d’appel.
10. Lorsque la décision du juge de première instance ne suffit pas à expliquer le résultat aux parties, et que la cour d’appel s’estime en mesure de l’expliquer, l’explication que cette dernière donne dans ses propres motifs est suffisante. Un nouveau procès n’est alors pas nécessaire. L’erreur de droit décelée, le cas échéant, est corrigée au sens du sous‑al. 686(1)b)(iii).
mardi 17 février 2009
Arrestation sans mandat dans un domicile / perquisition accessoire à une arrestation
R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13
Résumé des faits
Au cours d’une enquête sur un meurtre en 1991, les policiers sont entrés sans permission chez l’accusé qui demeurait dans une remorque d’entreposage. Ne recevant pas de réponse, ils sont entrés, ont réveillé l’accusé, lui ont touché la jambe et lui ont ordonné de se lever, puis l’ont amené à l’avant de la remorque où il y avait plus de lumière. Les policiers l’ont arrêté après avoir vu du sang sur sa chemise.
Après avoir informé l’accusé de son droit à l’assistance d’un avocat, mais non de son droit de consulter immédiatement un avocat, les policiers lui ont posé quelques questions auxquelles il a répondu. Sa chemise a été saisie et il a été amené au détachement de la police où d’autres déclarations et ses empreintes digitales ont été recueillies avant qu’il ait consulté un avocat.
Les policiers ont saisi de l’argent, des cigarettes et des chaussures en vertu d’un mandat obtenu sur la foi de la perquisition initiale dans la remorque (la chemise et les chaussures), de l’interrogatoire initial (les chaussures) et de l’interrogatoire effectué par la suite au détachement (l’argent sous le matelas).
Analyse
Le critère objectif est de savoir si une personne raisonnable, mise à la place du policier, aurait cru à l’existence de motifs raisonnables et probables d’effectuer une arrestation. Toute conclusion qu’on ne satisfait pas au critère subjectif implique généralement qu’on ne satisfait pas au critère objectif, sauf si l’on juge que la norme appliquée par le policier est excessivement élevée.
En général, le droit à la vie privée l’emporte désormais sur le droit de la police et les arrestations sans mandat dans une maison d’habitation sont interdites.
En général, un mandat est requis pour effectuer une arrestation dans une maison d’habitation. Il y a des exceptions en ce qui concerne le caractère abusif des perquisitions sans mandat visant à trouver des choses. Une perquisition sans mandat respecte l’art. 8 si elle est autorisée par la loi, et si la loi et la manière dont la perquisition est effectuée sont raisonnables. Dans le cas d’une prise en chasse, le droit à la vie privée doit céder le pas à l’intérêt qu’a la société à garantir une protection policière suffisante.
Les droits à la vie privée garantis par la Charte exigent que la police obtienne généralement une autorisation judiciaire préalable d’entrer dans une maison d’habitation pour y arrêter la personne recherchée.
La création d’une procédure d’obtention d’une telle autorisation préalable permet de dissiper la crainte qu’un suspect puisse se réfugier de façon permanente dans une maison d’habitation.
Les arrestations sans mandat dans une maison d’habitation sont généralement interdites. Avant de procéder à une telle arrestation, le policier doit obtenir l’autorisation judiciaire de l’effectuer au moyen d’un mandat l’autorisant à entrer, à cette fin, dans la maison d’habitation. Un tel mandat ne sera décerné que s’il existe des motifs raisonnables d’effectuer une arrestation et des motifs raisonnables de croire que la personne sera à l’adresse indiquée, assurant ainsi aux droits à la vie privée du particulier, en cas d’arrestation, la protection requise par notre Cour à l’égard des fouilles, perquisitions et saisies.
Le mandat n’est pas la seule condition pour assurer la protection de la vie privée; l’entrée par la force dans une maison d’habitation, pour y effectuer une arrestation en vertu d’un mandat relatif à un acte criminel, doit être précédée d’une annonce régulière. Il y a exception dans le cas d’une prise en chasse.
L’exigence qu’une personne soit informée des droits que lui garantit l’al. 10b) s’applique dès sa mise en détention ou en état d’arrestation. Il y a détention au sens de l’art. 10 de la Charte lorsqu’un agent de la paix restreint la liberté d’action d’une personne au moyen d’une sommation ou d’un ordre.
La police a découvert l’existence de la somme d’argent, des cigarettes et des chaussures par suite de la violation de l’art. 8 et de l’al. 10b) de la Charte, et, sans ces violations, elle n’aurait eu aucune raison d’obtenir un mandat l’autorisant à procéder à la seconde perquisition.
Il a été jugé que la prise d’empreintes digitales accessoire à une arrestation légale ne viole pas la Charte. En l’espèce, toutefois, l’arrestation était illégale et comportait diverses violations de la Charte. Obliger l’accusé à fournir des empreintes digitales dans le présent contexte violait l’art. 8 de la Charte, du fait que cela impliquait une fouille et une saisie relatives au corps de l’accusé, à l’égard duquel, tout au moins quand l’arrestation n’est pas légale, les attentes en matière de vie privée sont nettement élevées. Les procédures accessoires et consécutives à une arrestation illégale, qui empiètent sur les attentes raisonnables en matière de vie privée qu’a la personne arrêtée, violent l’art. 8.
Le fait que la violation de la Charte a été commise sans autorisation légale est un indice de mauvaise foi.
Nous reproduisons ci-dessous l'analyse trouvée dans le CONDENSÉ DE JURISPRUDENCE VISANT LA POLICE de la GRC de cet arrêt
La Cour a établi le critère suivant pour l'obtention d'un mandat autorisant à procéder à une arrestation dans une maison d'habitation : il doit y avoir des motifs raisonnables et probables non seulement pour effectuer l'arrestation, mais également des motifs raisonnables de croire que la personne sera à l'adresse indiquée. La Cour a ajouté que, même avec un mandat, l'entrée doit être précédée d'une annonce régulière.
La Cour a également conclu que les droits de l'accusé garantis par l'alinéa 10b) avaient été violés, parce que a) l'accusé n'a pas été informé de ses droits assez rapidement, la Cour étant d'avis que la détention avait commencé dès que le policier lui avait touché la jambe et lui avait ordonné de sortir du lit; b) l'accusé n'a pas été bien informé de son droit à l'assistance d'un avocat; c) la police a entrepris de le questionner et l'a forcé à faire des déclarations incriminantes avant de lui avoir donné la possibilité de consulter un avocat.
Résumé des faits
Au cours d’une enquête sur un meurtre en 1991, les policiers sont entrés sans permission chez l’accusé qui demeurait dans une remorque d’entreposage. Ne recevant pas de réponse, ils sont entrés, ont réveillé l’accusé, lui ont touché la jambe et lui ont ordonné de se lever, puis l’ont amené à l’avant de la remorque où il y avait plus de lumière. Les policiers l’ont arrêté après avoir vu du sang sur sa chemise.
Après avoir informé l’accusé de son droit à l’assistance d’un avocat, mais non de son droit de consulter immédiatement un avocat, les policiers lui ont posé quelques questions auxquelles il a répondu. Sa chemise a été saisie et il a été amené au détachement de la police où d’autres déclarations et ses empreintes digitales ont été recueillies avant qu’il ait consulté un avocat.
Les policiers ont saisi de l’argent, des cigarettes et des chaussures en vertu d’un mandat obtenu sur la foi de la perquisition initiale dans la remorque (la chemise et les chaussures), de l’interrogatoire initial (les chaussures) et de l’interrogatoire effectué par la suite au détachement (l’argent sous le matelas).
Analyse
Le critère objectif est de savoir si une personne raisonnable, mise à la place du policier, aurait cru à l’existence de motifs raisonnables et probables d’effectuer une arrestation. Toute conclusion qu’on ne satisfait pas au critère subjectif implique généralement qu’on ne satisfait pas au critère objectif, sauf si l’on juge que la norme appliquée par le policier est excessivement élevée.
En général, le droit à la vie privée l’emporte désormais sur le droit de la police et les arrestations sans mandat dans une maison d’habitation sont interdites.
En général, un mandat est requis pour effectuer une arrestation dans une maison d’habitation. Il y a des exceptions en ce qui concerne le caractère abusif des perquisitions sans mandat visant à trouver des choses. Une perquisition sans mandat respecte l’art. 8 si elle est autorisée par la loi, et si la loi et la manière dont la perquisition est effectuée sont raisonnables. Dans le cas d’une prise en chasse, le droit à la vie privée doit céder le pas à l’intérêt qu’a la société à garantir une protection policière suffisante.
Les droits à la vie privée garantis par la Charte exigent que la police obtienne généralement une autorisation judiciaire préalable d’entrer dans une maison d’habitation pour y arrêter la personne recherchée.
La création d’une procédure d’obtention d’une telle autorisation préalable permet de dissiper la crainte qu’un suspect puisse se réfugier de façon permanente dans une maison d’habitation.
Les arrestations sans mandat dans une maison d’habitation sont généralement interdites. Avant de procéder à une telle arrestation, le policier doit obtenir l’autorisation judiciaire de l’effectuer au moyen d’un mandat l’autorisant à entrer, à cette fin, dans la maison d’habitation. Un tel mandat ne sera décerné que s’il existe des motifs raisonnables d’effectuer une arrestation et des motifs raisonnables de croire que la personne sera à l’adresse indiquée, assurant ainsi aux droits à la vie privée du particulier, en cas d’arrestation, la protection requise par notre Cour à l’égard des fouilles, perquisitions et saisies.
Le mandat n’est pas la seule condition pour assurer la protection de la vie privée; l’entrée par la force dans une maison d’habitation, pour y effectuer une arrestation en vertu d’un mandat relatif à un acte criminel, doit être précédée d’une annonce régulière. Il y a exception dans le cas d’une prise en chasse.
L’exigence qu’une personne soit informée des droits que lui garantit l’al. 10b) s’applique dès sa mise en détention ou en état d’arrestation. Il y a détention au sens de l’art. 10 de la Charte lorsqu’un agent de la paix restreint la liberté d’action d’une personne au moyen d’une sommation ou d’un ordre.
La police a découvert l’existence de la somme d’argent, des cigarettes et des chaussures par suite de la violation de l’art. 8 et de l’al. 10b) de la Charte, et, sans ces violations, elle n’aurait eu aucune raison d’obtenir un mandat l’autorisant à procéder à la seconde perquisition.
Il a été jugé que la prise d’empreintes digitales accessoire à une arrestation légale ne viole pas la Charte. En l’espèce, toutefois, l’arrestation était illégale et comportait diverses violations de la Charte. Obliger l’accusé à fournir des empreintes digitales dans le présent contexte violait l’art. 8 de la Charte, du fait que cela impliquait une fouille et une saisie relatives au corps de l’accusé, à l’égard duquel, tout au moins quand l’arrestation n’est pas légale, les attentes en matière de vie privée sont nettement élevées. Les procédures accessoires et consécutives à une arrestation illégale, qui empiètent sur les attentes raisonnables en matière de vie privée qu’a la personne arrêtée, violent l’art. 8.
Le fait que la violation de la Charte a été commise sans autorisation légale est un indice de mauvaise foi.
Nous reproduisons ci-dessous l'analyse trouvée dans le CONDENSÉ DE JURISPRUDENCE VISANT LA POLICE de la GRC de cet arrêt
La Cour a établi le critère suivant pour l'obtention d'un mandat autorisant à procéder à une arrestation dans une maison d'habitation : il doit y avoir des motifs raisonnables et probables non seulement pour effectuer l'arrestation, mais également des motifs raisonnables de croire que la personne sera à l'adresse indiquée. La Cour a ajouté que, même avec un mandat, l'entrée doit être précédée d'une annonce régulière.
La Cour a également conclu que les droits de l'accusé garantis par l'alinéa 10b) avaient été violés, parce que a) l'accusé n'a pas été informé de ses droits assez rapidement, la Cour étant d'avis que la détention avait commencé dès que le policier lui avait touché la jambe et lui avait ordonné de sortir du lit; b) l'accusé n'a pas été bien informé de son droit à l'assistance d'un avocat; c) la police a entrepris de le questionner et l'a forcé à faire des déclarations incriminantes avant de lui avoir donné la possibilité de consulter un avocat.
lundi 16 février 2009
Ce qu'est une tentative au sens du droit criminel
Tentatives
24. (1) Quiconque, ayant l’intention de commettre une infraction, fait ou omet de faire quelque chose pour arriver à son but est coupable d’une tentative de commettre l’infraction, qu’il fût possible ou non, dans les circonstances, de la commettre.
Question de droit
(2) Est une question de droit la question de savoir si un acte ou une omission par une personne qui a l’intention de commettre une infraction est ou n’est pas une simple préparation à la perpétration de l’infraction, et trop lointaine pour constituer une tentative de commettre l’infraction.
Deutsch c. La Reine, [1986] 2 R.C.S. 2
La distinction entre préparation et une étape de perpétration qui est la tentative est qualitative. Les circonstances constituent un facteur déterminant : la proximité sous l’angle du temps, du lieu, des actes sous le contrôle de l’accusé qui restent à être accomplis. L’acte ne doit pas être trop éloigné de la perpétration ou doit avoir une imminence relative. (par 27)
Comme dans le cas de tout autre crime, le ministère public doit prouver la mens rea, c'est‑à‑dire l'intention de commettre l'infraction en question, et l'actus reus, c'est‑à‑dire une mesure quelconque en vue de commettre l'infraction, autre que les simples actes de préparation. Le plus important de ces deux éléments est la mens rea.
La perpétration d'un crime comprend habituellement une série d'actes qui débute par l'idée d'accomplir un acte criminel; l'idée se transforme en décision d'accomplir cet acte; un projet peut être élaboré pour mettre cette décision à exécution; l'étape suivante peut être la préparation seulement en vue de mettre en oeuvre l'intention et le projet; mais lorsque cette préparation est en fait entièrement terminée, l'étape suivante dans la série d'actes accomplis par l'accusé dans le but et l'intention de commettre le crime projeté ne peut, à mon avis, être considérée comme éloignée dans son rapport avec ce crime. Le rapport est en fait rapproché. (par 28)
L'actus reus doit être plus qu'une simple préparation en vue de commettre un crime. Mais lorsque la préparation en vue de commettre un crime est en fait entièrement terminée, la démarche suivante faite par l'accusé dans le but et l'intention de commettre un crime précis constitue un actus reus suffisant en droit pour établir la tentative criminelle de commettre ce crime. (par 28)
L'imminence relative peut conférer la qualité de tentative à un acte qui autrement pourrait sembler constituer une simple préparation. Toutefois, un acte, qui à première vue est un acte de perpétration, ne perd pas sa qualité d'actus reus de la tentative parce que d'autres actes étaient nécessaires ou parce qu'un délai important peut s'être écoulé avant la perpétration de l'infraction. (par 31)
24. (1) Quiconque, ayant l’intention de commettre une infraction, fait ou omet de faire quelque chose pour arriver à son but est coupable d’une tentative de commettre l’infraction, qu’il fût possible ou non, dans les circonstances, de la commettre.
Question de droit
(2) Est une question de droit la question de savoir si un acte ou une omission par une personne qui a l’intention de commettre une infraction est ou n’est pas une simple préparation à la perpétration de l’infraction, et trop lointaine pour constituer une tentative de commettre l’infraction.
Deutsch c. La Reine, [1986] 2 R.C.S. 2
La distinction entre préparation et une étape de perpétration qui est la tentative est qualitative. Les circonstances constituent un facteur déterminant : la proximité sous l’angle du temps, du lieu, des actes sous le contrôle de l’accusé qui restent à être accomplis. L’acte ne doit pas être trop éloigné de la perpétration ou doit avoir une imminence relative. (par 27)
Comme dans le cas de tout autre crime, le ministère public doit prouver la mens rea, c'est‑à‑dire l'intention de commettre l'infraction en question, et l'actus reus, c'est‑à‑dire une mesure quelconque en vue de commettre l'infraction, autre que les simples actes de préparation. Le plus important de ces deux éléments est la mens rea.
La perpétration d'un crime comprend habituellement une série d'actes qui débute par l'idée d'accomplir un acte criminel; l'idée se transforme en décision d'accomplir cet acte; un projet peut être élaboré pour mettre cette décision à exécution; l'étape suivante peut être la préparation seulement en vue de mettre en oeuvre l'intention et le projet; mais lorsque cette préparation est en fait entièrement terminée, l'étape suivante dans la série d'actes accomplis par l'accusé dans le but et l'intention de commettre le crime projeté ne peut, à mon avis, être considérée comme éloignée dans son rapport avec ce crime. Le rapport est en fait rapproché. (par 28)
L'actus reus doit être plus qu'une simple préparation en vue de commettre un crime. Mais lorsque la préparation en vue de commettre un crime est en fait entièrement terminée, la démarche suivante faite par l'accusé dans le but et l'intention de commettre un crime précis constitue un actus reus suffisant en droit pour établir la tentative criminelle de commettre ce crime. (par 28)
L'imminence relative peut conférer la qualité de tentative à un acte qui autrement pourrait sembler constituer une simple préparation. Toutefois, un acte, qui à première vue est un acte de perpétration, ne perd pas sa qualité d'actus reus de la tentative parce que d'autres actes étaient nécessaires ou parce qu'un délai important peut s'être écoulé avant la perpétration de l'infraction. (par 31)
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