R. c. Couturier, 2001 CanLII 12282 (QC C.A.)
[10] (...) En effet, la juge n'exprimait pas une règle de droit lorsqu'elle a dit que les tribunaux n'imposaient que très exceptionnellement le pénitencier à de très jeunes hommes sans dossier criminel antérieur mais plutôt une tendance suivant laquelle les juges, dans l'examen de la peine la plus adéquate, tiendront compte du fait que fréquemment les très jeunes gens sont facilement influençables et font preuve d'un manque de maturité. Or dans cette perspective, les tribunaux, dans le but d'assurer la réhabilitation de ces jeunes adultes délinquants se montrent cléments et évitent généralement de les placer dans un milieu carcéral où les détenus purgent de longues peines et sont souvent lourdement criminalisés
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lundi 10 mai 2010
mercredi 5 mai 2010
Le droit concernant la requête pour verdict dirigé ou en non lieu
R. c. Monteleone, [1987] 2 R.C.S. 154
Le juge du procès n'est pas justifié d'imposer un verdict d'acquittement lorsqu'il existe des éléments de preuve admissibles qui, si un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant de manière raisonnable y accorde foi, justifieraient une déclaration de culpabilité (le critère de l'arrêt Shephard). Ce critère s'applique à une affaire fondée sur la preuve directe de même que sur la preuve circonstancielle. Ce n'est pas la fonction du juge du procès d'évaluer la preuve, en vérifiant sa force probante ou sa fiabilité lorsqu'on a décidé qu'elle était admissible. En outre, il n'incombe pas au juge du procès de faire des déductions de fait d'après les éléments de preuve qui lui sont présentés. Ces fonctions incombent au juge des faits, le jury.
En l'espèce, l'appelant a soutenu qu'il n'y avait aucun élément de preuve quant à la nature de l'incendie et, par conséquent, quant à la perpétration d'un crime. Bien que le témoignage d'expert de l'inspecteur du service des incendies ne constitue pas un élément de preuve de l'origine criminelle du sinistre, celle‑ci pouvait être déduite à partir d'autres circonstances incriminantes qui pourraient relier l'appelant à l'incendie. Les éléments de preuve relatifs au mobile, à l'occasion de commettre l'infraction et aux contradictions dans la déclaration de l'appelant à l'inspecteur du service des incendies satisfaisaient aux critères de l'arrêt Shephard et auraient dû être présentés au jury. Ce n'était pas au juge, dans un procès avec jury, d'évaluer la force probante des éléments de preuve. C'est la fonction du jury et cela devrait le rester.
Le juge du procès n'est pas justifié d'imposer un verdict d'acquittement lorsqu'il existe des éléments de preuve admissibles qui, si un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant de manière raisonnable y accorde foi, justifieraient une déclaration de culpabilité (le critère de l'arrêt Shephard). Ce critère s'applique à une affaire fondée sur la preuve directe de même que sur la preuve circonstancielle. Ce n'est pas la fonction du juge du procès d'évaluer la preuve, en vérifiant sa force probante ou sa fiabilité lorsqu'on a décidé qu'elle était admissible. En outre, il n'incombe pas au juge du procès de faire des déductions de fait d'après les éléments de preuve qui lui sont présentés. Ces fonctions incombent au juge des faits, le jury.
En l'espèce, l'appelant a soutenu qu'il n'y avait aucun élément de preuve quant à la nature de l'incendie et, par conséquent, quant à la perpétration d'un crime. Bien que le témoignage d'expert de l'inspecteur du service des incendies ne constitue pas un élément de preuve de l'origine criminelle du sinistre, celle‑ci pouvait être déduite à partir d'autres circonstances incriminantes qui pourraient relier l'appelant à l'incendie. Les éléments de preuve relatifs au mobile, à l'occasion de commettre l'infraction et aux contradictions dans la déclaration de l'appelant à l'inspecteur du service des incendies satisfaisaient aux critères de l'arrêt Shephard et auraient dû être présentés au jury. Ce n'était pas au juge, dans un procès avec jury, d'évaluer la force probante des éléments de preuve. C'est la fonction du jury et cela devrait le rester.
mardi 4 mai 2010
La personne morale n’agit en droit criminel que par son âme dirigeante
R. c. Houle, 2000 CanLII 14469 (QC C.Q.)
Me Doré plaide l’innocence de la requérante en invoquant la théorie du voile corporatif. Même en retenant celle-ci, pour les raisons ci-haut énoncées, la preuve ne fait que convaincre le Tribunal de la complicité et la collusion entre l’actionnaire unique et sa compagnie. Quoi qu’il en soit cette théorie n’est pas applicable en droit criminel. La personne morale n’agit en droit criminel que par son âme dirigeante. La responsabilité ou l’innocence de la personne morale ne peut exister que par la responsabilité ou l’innocence de son âme dirigeante.
Me Doré plaide l’innocence de la requérante en invoquant la théorie du voile corporatif. Même en retenant celle-ci, pour les raisons ci-haut énoncées, la preuve ne fait que convaincre le Tribunal de la complicité et la collusion entre l’actionnaire unique et sa compagnie. Quoi qu’il en soit cette théorie n’est pas applicable en droit criminel. La personne morale n’agit en droit criminel que par son âme dirigeante. La responsabilité ou l’innocence de la personne morale ne peut exister que par la responsabilité ou l’innocence de son âme dirigeante.
Les règles applicables pour vérifier la fiabilité des informations émanant d’un indicateur dans le cadre d’une autorisation judiciaire
R. c. Future Électronique Inc., 2000 CanLII 11375 (QC C.A.)
[23] Depuis l'arrêt Hunter c. Southam, 1984 CanLII 33 (C.S.C.), [1984] 2 R.C.S. 145, il est constant d'affirmer que les motifs raisonnables constituent une exigence constitutionnelle minimale. Une seconde exigence, toujours selon le même arrêt, prévoit que ces motifs raisonnables doivent être appuyés du serment du dénonciateur: ces deux exigences sont d'ailleurs prévues au par. 12(1) de la Loi. Enfin, dans un cas comme en l'espèce où les renseignements qui servent de motifs raisonnables proviennent d'éléments de preuve qui constituent du ouï-dire, la jurisprudence a fixé certains critères permettant de répondre à la norme constitutionnelle du caractère raisonnable.
[24] Trois arrêts de la Cour suprême du Canada font le point sur cette dernière question: R. c. Debot, 1989 CanLII 13 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 1140, R. c. Greffe, 1990 CanLII 143 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 755, et R. c. Garofoli, 1990 CanLII 52 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 1421.
[25] La croyance du dénonciateur dans ses motifs raisonnables doit être judiciairement contrôlable et c'est ce qui ressort fondamentalement des trois arrêts de principe précités.
[26] En soi, la preuve d'un renseignement provenant d'un informateur est insuffisante pour répondre à la norme du caractère raisonnable (R. c. Garofoli, p. 1456). C'est en fonction de l'«ensemble des circonstances» (1) que la fiabilité de l'informateur doit être évaluée (R. c. Garofoli, p. 1457) et (2) qu'il peut être déterminé si les renseignements sont convaincants (R. c. Debot, p. 1168). À cet égard, divers facteurs doivent être examinés, dont les suivants:
1. le niveau de détail du renseignement;
2. les sources de l'informateur;
3. les indices de la fiabilité de l'informateur, comme son expérience antérieure ou la confirmation des renseignements par d'autres sources (R. c. Garofoli, p. 1457).
[27] Le ouï-dire n'est pas interdit (R. c. Garofoli, p. 1456, et R. c. Debot, p. 1167), mais à condition d'y assortir des éléments qui permettent de rassurer le juge émetteur de la fiabilité des renseignements: le dénonciateur doit pouvoir en répondre. À cet égard, la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Greffe, supra, a repris avec approbation un principe énoncé dans R. c. Cheecham reflex, (1989), 51 C.C.C. (3d) 498 (C.A. Sask.), à savoir que le contrôle judiciaire d'un renseignement ne peut être exercé en se fiant à la dernière personne de la chaîne du ouï-dire: il ne suffit pas qu'un policier qui a reçu un renseignement d'un informateur le communique à son collègue pour justifier pour autant ce dernier de prétendre qu'il a des motifs raisonnables d'agir en conséquence de ce renseignement.
[28] Dans l'arrêt Perreault, le juge Nichols précisait:
Lorsque les motifs reposent exclusivement sur la foi de renseignements fournis par un informateur, le tribunal doit pouvoir s'assurer de la fiabilité du renseignement. Pour ce faire, on doit lui fournir suffisamment d'éléments pour pouvoir apprécier cette fiabilité. Parmi ceux-ci, on tiendra compte de l'expérience du policier, de la réputation de l'informateur, de son rôle dans le milieu intéressé, de la précision des renseignements; on cherchera à vérifier la valeur des renseignements par des éléments corroboratifs.
[23] Depuis l'arrêt Hunter c. Southam, 1984 CanLII 33 (C.S.C.), [1984] 2 R.C.S. 145, il est constant d'affirmer que les motifs raisonnables constituent une exigence constitutionnelle minimale. Une seconde exigence, toujours selon le même arrêt, prévoit que ces motifs raisonnables doivent être appuyés du serment du dénonciateur: ces deux exigences sont d'ailleurs prévues au par. 12(1) de la Loi. Enfin, dans un cas comme en l'espèce où les renseignements qui servent de motifs raisonnables proviennent d'éléments de preuve qui constituent du ouï-dire, la jurisprudence a fixé certains critères permettant de répondre à la norme constitutionnelle du caractère raisonnable.
[24] Trois arrêts de la Cour suprême du Canada font le point sur cette dernière question: R. c. Debot, 1989 CanLII 13 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 1140, R. c. Greffe, 1990 CanLII 143 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 755, et R. c. Garofoli, 1990 CanLII 52 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 1421.
[25] La croyance du dénonciateur dans ses motifs raisonnables doit être judiciairement contrôlable et c'est ce qui ressort fondamentalement des trois arrêts de principe précités.
[26] En soi, la preuve d'un renseignement provenant d'un informateur est insuffisante pour répondre à la norme du caractère raisonnable (R. c. Garofoli, p. 1456). C'est en fonction de l'«ensemble des circonstances» (1) que la fiabilité de l'informateur doit être évaluée (R. c. Garofoli, p. 1457) et (2) qu'il peut être déterminé si les renseignements sont convaincants (R. c. Debot, p. 1168). À cet égard, divers facteurs doivent être examinés, dont les suivants:
1. le niveau de détail du renseignement;
2. les sources de l'informateur;
3. les indices de la fiabilité de l'informateur, comme son expérience antérieure ou la confirmation des renseignements par d'autres sources (R. c. Garofoli, p. 1457).
[27] Le ouï-dire n'est pas interdit (R. c. Garofoli, p. 1456, et R. c. Debot, p. 1167), mais à condition d'y assortir des éléments qui permettent de rassurer le juge émetteur de la fiabilité des renseignements: le dénonciateur doit pouvoir en répondre. À cet égard, la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Greffe, supra, a repris avec approbation un principe énoncé dans R. c. Cheecham reflex, (1989), 51 C.C.C. (3d) 498 (C.A. Sask.), à savoir que le contrôle judiciaire d'un renseignement ne peut être exercé en se fiant à la dernière personne de la chaîne du ouï-dire: il ne suffit pas qu'un policier qui a reçu un renseignement d'un informateur le communique à son collègue pour justifier pour autant ce dernier de prétendre qu'il a des motifs raisonnables d'agir en conséquence de ce renseignement.
[28] Dans l'arrêt Perreault, le juge Nichols précisait:
Lorsque les motifs reposent exclusivement sur la foi de renseignements fournis par un informateur, le tribunal doit pouvoir s'assurer de la fiabilité du renseignement. Pour ce faire, on doit lui fournir suffisamment d'éléments pour pouvoir apprécier cette fiabilité. Parmi ceux-ci, on tiendra compte de l'expérience du policier, de la réputation de l'informateur, de son rôle dans le milieu intéressé, de la précision des renseignements; on cherchera à vérifier la valeur des renseignements par des éléments corroboratifs.
En cas de maladie mentale, les critères usuels du sentencing ne sont pas d'une grande utilité
R. c. Chan, 1993 CanLII 3523 (QC C.A.)
En cas de maladie mentale, les critères usuels du sentencing ne sont pas d'une grande utilité; la jurisprudence révèle que dans ces cas, on s'est écarté beaucoup de la norme; les facteurs de l'exemplarité et de punition sont d'une importance beaucoup réduite. La cause de R. c. Valiquette, 1990 CanLII 3048 (QC C.A.), [1990] 60 CCC (3rd) 325 fournit un bon exemple: une femme qui avait tué son enfant fut condamnée, sur la base d'un rapport erroné, à dix ans de prison, mais sur preuve devant notre Cour que la mère agissait sous l'influence d'une dépression sévère avec éléments de psychose, la sentence fut modifiée à sentence suspendue et 3 ans de probation, en plus de la détention de 20 mois déjà purgée.
En cas de maladie mentale, les critères usuels du sentencing ne sont pas d'une grande utilité; la jurisprudence révèle que dans ces cas, on s'est écarté beaucoup de la norme; les facteurs de l'exemplarité et de punition sont d'une importance beaucoup réduite. La cause de R. c. Valiquette, 1990 CanLII 3048 (QC C.A.), [1990] 60 CCC (3rd) 325 fournit un bon exemple: une femme qui avait tué son enfant fut condamnée, sur la base d'un rapport erroné, à dix ans de prison, mais sur preuve devant notre Cour que la mère agissait sous l'influence d'une dépression sévère avec éléments de psychose, la sentence fut modifiée à sentence suspendue et 3 ans de probation, en plus de la détention de 20 mois déjà purgée.
Les causes pendantes sont pertinentes dans l’évaluation du genre d’individu qu'est le délinquant dans le cadre de la détermination de la peine
Aprile c. R., 2007 QCCA 1040 (CanLII)
[11] De fait, plusieurs facteurs aggravants militaient en faveur d’une peine significative, notamment les nombreux antécédents judiciaires de l’appelant relatifs à des vols par effraction. Même si les causes pendantes ne constituaient pas des antécédents judiciaires au moment de la commission du crime, elles demeurent pertinentes dans l’évaluation du genre d’individu et de la personnalité de l’appelant. Dans l’arrêt R. v. Edwards, le juge Rosenberg écrit :
[63] In my view, evidence that discloses the commission by the offender of other untried offences is admissible for the purpose of showing the offender's background and character as that background and character may be relevant to the objectives of sentencing.
[12] Les condamnations intervenues en 2002 et 2003 démontrent que l’appelant n’est pas sur la voie de la réhabilitation et que ses peines antérieures, pour lesquelles il a bénéficié d’une certaine clémence des tribunaux, n’ont pas eu l’effet recherché.
[21] Il est reconnu qu’un accusé a le droit d’exiger la tenue d’un procès et qu’on ne saurait lui en faire le reproche. Par ailleurs, la manifestation de remords est un facteur atténuant dont ne peut se prévaloir l’appelant, quoique, en l’espèce, l’absence de remords ne puisse pas être prise en compte comme facteur aggravant
[11] De fait, plusieurs facteurs aggravants militaient en faveur d’une peine significative, notamment les nombreux antécédents judiciaires de l’appelant relatifs à des vols par effraction. Même si les causes pendantes ne constituaient pas des antécédents judiciaires au moment de la commission du crime, elles demeurent pertinentes dans l’évaluation du genre d’individu et de la personnalité de l’appelant. Dans l’arrêt R. v. Edwards, le juge Rosenberg écrit :
[63] In my view, evidence that discloses the commission by the offender of other untried offences is admissible for the purpose of showing the offender's background and character as that background and character may be relevant to the objectives of sentencing.
[12] Les condamnations intervenues en 2002 et 2003 démontrent que l’appelant n’est pas sur la voie de la réhabilitation et que ses peines antérieures, pour lesquelles il a bénéficié d’une certaine clémence des tribunaux, n’ont pas eu l’effet recherché.
[21] Il est reconnu qu’un accusé a le droit d’exiger la tenue d’un procès et qu’on ne saurait lui en faire le reproche. Par ailleurs, la manifestation de remords est un facteur atténuant dont ne peut se prévaloir l’appelant, quoique, en l’espèce, l’absence de remords ne puisse pas être prise en compte comme facteur aggravant
samedi 1 mai 2010
La perte de mémoire et l'amnésie ne constituent pas, en soi, des motifs justifiant l'arrêt des procédures
Desbiens c. R., 2010 QCCA 4 (CanLII)
[40] D'une part, que la perte de mémoire et l'amnésie ne constituent pas, en soi, des motifs justifiant l'arrêt des procédures. Encore faut-il démontrer que le droit à une défense pleine et entière est brimé, établir un préjudice irréparable au droit de présenter une défense pleine et entière ou encore à l'intégrité même du système judiciaire : R. c. Giguère, [2001] J.Q. 1190 (C.Q. crim. & pén.), paragr. 145. Il arrive généralement que le problème de perte de mémoire n'a pas l'effet requis, par exemple, parce que l'accusé a témoigné lors d'un procès antérieur et peut utiliser ce témoignage lors d'un deuxième procès (R. c. Majid, précité); parce que l'amnésie a été causée par des blessures que l'accusé s'est lui-même volontairement infligées (R. v. Morrissey, précité); parce que la preuve démontre que, de toute façon, l'accusé n'aurait eu aucune autre défense à faire valoir (R. c. L.J.H.[2], précité, et R. c. Rioux[3], [2003] J.Q. 17938 (C.Q. crim. & pén.), cité par le juge de première instance) ou encore n'aurait pu dire plus que ce qu'il avait déjà dit après son arrestation, si ce n'est l'effet du passage du temps (R. c. Devereaux reflex, (1988), 72 Nfld & P.E.I.R. 175); parce que la preuve indique que l'accusé a tout intérêt à inventer son état d'amnésie ou encore parce que l'amnésie n'est pas établie par prépondérance de preuve (R. c. L.J.H., précité).
[41] Par ailleurs, dans la plupart des cas, le problème sera résolu par le constat que l'accusé est en mesure de comprendre les accusations, de mener son procès et de communiquer adéquatement avec son procureur. Il aura, à ce titre, tout le loisir de contre-interroger les témoins de la poursuite, de présenter ses propres témoins et de contester la valeur probante de la preuve présentée par la poursuite en faisant valoir, notamment, sa perte de mémoire. Dans de telles circonstances, le droit à un procès équitable et à une défense pleine et entière n'est généralement pas enfreint.
[42] D'autre part, que même si la requête est rejetée, le tribunal aura l'obligation de tenir compte de l'amnésie lorsque viendra le moment de déterminer si la poursuite s'est déchargée de son fardeau et a démontré la culpabilité de l'accusé hors de tout doute raisonnable. Comme je le mentionnais précédemment, le juge Philp écrit, dans R. c L.J.H., précité :
[…] and he (l'accusé) is entitled to put his alleged amnesia before the jury as part of his defence.
[43] Comme la jurisprudence le reconnaît, la situation s'apparente à la perte ou à la destruction d'un élément de preuve que l'accusé prétend être de nature à le disculper ou encore au décès d'un témoin que l'accusé aurait voulu faire entendre pour sa défense. Même si cela n'est généralement pas suffisant pour ordonner un arrêt des procédures, le jury ou le juge en tiendra compte lorsque viendra le temps d'évaluer la preuve de la défense ou parfois même celle de la poursuite[4]. En l'espèce, il devrait en tenir compte, entre autres, pour lui permettre de comprendre pourquoi l'accusé n'explique pas les raisons de sa conduite, alors qu'on s'attendrait normalement à de telles explications.
[44] Selon l’appelant, étant donné qu’il est incapable de fournir des explications sur sa conduite dangereuse au moment de l’accident, un tort irréparable est causé à son droit à une défense pleine et entière. En d’autres mots, il prétend qu’il est incapable de se défendre au regard de la mens rea puisqu’il est incapable d’expliquer pourquoi il roulait dans la voie inverse. Bien que cet argument semble séduisant à première vue, il reflète à mon avis une mauvaise compréhension de l’arrêt Beatty. En effet, la mens rea, bien qu’elle puisse s’inférer de l’actus reus (R. c. Creigthon, précité), doit également être examinée de manière contextuelle, tel qu’expliqué dans Beatty, de sorte qu'il arrive qu'elle ne puisse pas s'inférer de l'actus reus. Ainsi, le fait que l'appelant ne peut témoigner de son état d'esprit au moment des événements ne signifie pas automatiquement que la poursuite réussira à prouver la mens rea hors de tout doute raisonnable.
[45] Même si l’appelant a souffert d’une amnésie rétrograde et antérograde qui l’empêchait d'expliquer son comportement en apparence délictuel, il lui était tout à fait possible d'argumenter que, en tenant compte de l'ensemble de la preuve, notamment de son amnésie, le tribunal devait conclure que la poursuite ne s'était pas déchargée de son fardeau de prouver que sa conduite constituait un écart marqué par rapport à la norme, ce qui nierait l'existence de la mens rea. Il n’y a donc pas de préjudice irréparable justifiant l'emploi d'une mesure aussi exceptionnelle que l’arrêt des procédures.
***Note de l'auteur de ce blog***
Les paragraphes 33 à 39 de cette décision font une revue de la jurisprudence ainsi que de la doctrine sur cette problématique
[40] D'une part, que la perte de mémoire et l'amnésie ne constituent pas, en soi, des motifs justifiant l'arrêt des procédures. Encore faut-il démontrer que le droit à une défense pleine et entière est brimé, établir un préjudice irréparable au droit de présenter une défense pleine et entière ou encore à l'intégrité même du système judiciaire : R. c. Giguère, [2001] J.Q. 1190 (C.Q. crim. & pén.), paragr. 145. Il arrive généralement que le problème de perte de mémoire n'a pas l'effet requis, par exemple, parce que l'accusé a témoigné lors d'un procès antérieur et peut utiliser ce témoignage lors d'un deuxième procès (R. c. Majid, précité); parce que l'amnésie a été causée par des blessures que l'accusé s'est lui-même volontairement infligées (R. v. Morrissey, précité); parce que la preuve démontre que, de toute façon, l'accusé n'aurait eu aucune autre défense à faire valoir (R. c. L.J.H.[2], précité, et R. c. Rioux[3], [2003] J.Q. 17938 (C.Q. crim. & pén.), cité par le juge de première instance) ou encore n'aurait pu dire plus que ce qu'il avait déjà dit après son arrestation, si ce n'est l'effet du passage du temps (R. c. Devereaux reflex, (1988), 72 Nfld & P.E.I.R. 175); parce que la preuve indique que l'accusé a tout intérêt à inventer son état d'amnésie ou encore parce que l'amnésie n'est pas établie par prépondérance de preuve (R. c. L.J.H., précité).
[41] Par ailleurs, dans la plupart des cas, le problème sera résolu par le constat que l'accusé est en mesure de comprendre les accusations, de mener son procès et de communiquer adéquatement avec son procureur. Il aura, à ce titre, tout le loisir de contre-interroger les témoins de la poursuite, de présenter ses propres témoins et de contester la valeur probante de la preuve présentée par la poursuite en faisant valoir, notamment, sa perte de mémoire. Dans de telles circonstances, le droit à un procès équitable et à une défense pleine et entière n'est généralement pas enfreint.
[42] D'autre part, que même si la requête est rejetée, le tribunal aura l'obligation de tenir compte de l'amnésie lorsque viendra le moment de déterminer si la poursuite s'est déchargée de son fardeau et a démontré la culpabilité de l'accusé hors de tout doute raisonnable. Comme je le mentionnais précédemment, le juge Philp écrit, dans R. c L.J.H., précité :
[…] and he (l'accusé) is entitled to put his alleged amnesia before the jury as part of his defence.
[43] Comme la jurisprudence le reconnaît, la situation s'apparente à la perte ou à la destruction d'un élément de preuve que l'accusé prétend être de nature à le disculper ou encore au décès d'un témoin que l'accusé aurait voulu faire entendre pour sa défense. Même si cela n'est généralement pas suffisant pour ordonner un arrêt des procédures, le jury ou le juge en tiendra compte lorsque viendra le temps d'évaluer la preuve de la défense ou parfois même celle de la poursuite[4]. En l'espèce, il devrait en tenir compte, entre autres, pour lui permettre de comprendre pourquoi l'accusé n'explique pas les raisons de sa conduite, alors qu'on s'attendrait normalement à de telles explications.
[44] Selon l’appelant, étant donné qu’il est incapable de fournir des explications sur sa conduite dangereuse au moment de l’accident, un tort irréparable est causé à son droit à une défense pleine et entière. En d’autres mots, il prétend qu’il est incapable de se défendre au regard de la mens rea puisqu’il est incapable d’expliquer pourquoi il roulait dans la voie inverse. Bien que cet argument semble séduisant à première vue, il reflète à mon avis une mauvaise compréhension de l’arrêt Beatty. En effet, la mens rea, bien qu’elle puisse s’inférer de l’actus reus (R. c. Creigthon, précité), doit également être examinée de manière contextuelle, tel qu’expliqué dans Beatty, de sorte qu'il arrive qu'elle ne puisse pas s'inférer de l'actus reus. Ainsi, le fait que l'appelant ne peut témoigner de son état d'esprit au moment des événements ne signifie pas automatiquement que la poursuite réussira à prouver la mens rea hors de tout doute raisonnable.
[45] Même si l’appelant a souffert d’une amnésie rétrograde et antérograde qui l’empêchait d'expliquer son comportement en apparence délictuel, il lui était tout à fait possible d'argumenter que, en tenant compte de l'ensemble de la preuve, notamment de son amnésie, le tribunal devait conclure que la poursuite ne s'était pas déchargée de son fardeau de prouver que sa conduite constituait un écart marqué par rapport à la norme, ce qui nierait l'existence de la mens rea. Il n’y a donc pas de préjudice irréparable justifiant l'emploi d'une mesure aussi exceptionnelle que l’arrêt des procédures.
***Note de l'auteur de ce blog***
Les paragraphes 33 à 39 de cette décision font une revue de la jurisprudence ainsi que de la doctrine sur cette problématique
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