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dimanche 26 mars 2017

Analyse contextuelle auquelle se livre la Cour dans l'appréciation du caractère libre et volontaire d'une déclaration

Agence du revenu du Québec c. Côté, 2016 QCCQ 8576 (CanLII)


[31]        Chaque cas d’évaluation d’une déclaration demeure un cas d’espèce, sans recette préétablie, puisque le Tribunal se doit de procéder à une analyse contextuelle et considérer l’ensemble des circonstances de la confession pour décider si elles soulèvent un doute raisonnable quant à son caractère volontaire.
[32]        Pour ce faire, le Tribunal jouit d’une discrétion pour prendre connaissance de la déclaration écrite, car le contenu de celle-ci peut s’avérer fort utile pour en déterminer le caractère libre et volontaire.
[33]        Par exemple, l’analyse de l’allure générale de la déclaration, de sa longueur en fonction de la durée de l’interrogatoire, la portée des questions, le vocabulaire et le style utilisé sont tous des facteurs pertinents.
[34]        Par ailleurs, le Tribunal rappelle que le voir-dire est une composante séparée du procès et que la preuve entendue lors de celui-ci ne peut être versée en preuve à moins que les parties y consentent expressément.

LE DÉFAUT DE LA POURSUIVANTE DE FAIRE TÉMOIGNER TOUS LES POLICIERS OU D’OFFRIR UNE EXPLICATION RAISONNABLE QUANT À LEUR ABSENCE REND-T-IL LA DÉCLARATION INADMISSIBLE?

Agence du revenu du Québec c. Côté, 2016 QCCQ 8576 (CanLII)


[8]           Suite aux arrêts Sankey c. La Reine et Thiffault c. La Reine, une jurisprudence s’est développée voulant que l’absence injustifiée ou non motivée, lors du voir-dire d’une personne en autorité avec qui l’accusé aurait eu des contacts à l’époque de l’obtention d’une confession, fût fatale à l’admissibilité de cette preuve.
[9]           Cette règle d’exclusion automatique n’est pas absolue et a été nuancée pour faire place à une approche contextuelle favorisant l’examen de chaque cas en fonction de ses propres faits.
[10]        Il est maintenant reconnu que seules les personnes en autorité pouvant affecter le caractère libre et volontaire d’une déclaration se doivent de témoigner; les personnes n’ayant qu’un rôle secondaire étant dispensées d’être entendues.
[11]        Le juge Jean-Guy Boilard résume parfaitement l’état du droit applicable:
En somme, l’absence d’une personne en autorité, au voir-dire, peu importent les raisons, affectera ou non l’admissibilité de la confession selon qu’elle empêchera la Couronne de faire la démonstration, hors de tout doute raisonnable, du caractère libre et volontaire de la confession.
[12]        En l’instance, la preuve révèle que lorsque la défenderesse arrive à son domicile, elle est immédiatement prise en charge par l’enquêteur Miville dans la cuisine. Plus tard, l’agent Deschênes l’escortera dans une chambre, d’où il l’interrogera seul, et ce, sans aucune interruption de la part de l’un de ses collègues. Aucun des autres policiers présents n’ont eu de contact direct significatif avec la défenderesse.
[13]        En fait, l’agent Daniel Malenfant, responsable des pièces à conviction, ne s’adressera à elle que pour lui mentionner de ne pas s’asseoir à la table de la cuisine, alors que les autres policiers sont affairés à compléter la perquisition.
[14]        Concrètement, il n’y a aucune preuve qu’un policier, autre que ceux entendus lors du voir-dire, aurait pu, en aucune façon, affecter le caractère libre et volontaire de la déclaration de la défenderesse ou étaient des témoins utiles.
[15]        D’ailleurs, dans son témoignage, la défenderesse ne mentionne aucune problématique particulière avec les policiers présents. Ces policiers n’ayant eu ni directement ou indirectement une quelconque influence sur la défenderesse, leur témoignage n’était donc pas nécessaire.

L'état du droit quant aux suggestions communes vu par la Cour suprême

R. c. Anthony‑Cook, [2016] 2 RCS 204, 2016 CSC 43 (CanLII)
[32]                          Selon le critère de l’intérêt public, un juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public. Mais que signifie ce seuil? Deux arrêts de la Cour d’appel de Terre‑Neuve‑et‑Labrador sont utiles à cet égard.
[33]                          Dans Druken, par. 29, la cour a jugé qu’une recommandation conjointe déconsidérera l’administration de la justice ou sera contraire à l’intérêt public si, malgré les considérations d’intérêt public qui appuient l’imposition de la peine recommandée, elle [traduction] « correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale ». Et, comme l’a déclaré la même cour dans R. c. B.O.22010 NLCA 19 (CanLII), par. 56 (CanLII), lorsqu’ils examinent une recommandation conjointe, les juges du procès devraient [traduction] « éviter de rendre une décision qui fait perdre au public renseigné et raisonnable sa confiance dans l’institution des tribunaux ».
[34]                          À mon avis, ces déclarations fermes traduisent l’essence du critère de l’intérêt public élaboré par le comité Martin. Elles soulignent qu’il ne faudrait pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe, une conclusion à laquelle je souscris. Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner. Il s’agit indéniablement d’un seuil élevé — et à juste titre, comme je l’explique ci‑après.

Le nouveau cadre d'analyse établi par la Cour suprême quant aux délais déraisonnables

R. c. Jordan, [2016] 1 RCS 631, 2016 CSC 27 (CanLII)
[105]                     Le nouveau cadre d’analyse applicable aux demandes fondées sur l’al. 11b) peut être résumé comme suit :
                     Il existe un plafond au‑delà duquel le délai est présumé déraisonnable. Ce plafond présumé est de 18 mois pour les affaires instruites devant une cour provinciale, et de 30 mois pour celles portées devant une cour supérieure (ou pour les affaires instruites devant une cour provinciale au terme d’une enquête préliminaire). Les délais imputables à la défense ne comptent pas dans le calcul visant à déterminer si ce plafond est atteint.
                     Une fois le plafond présumé dépassé, le fardeau est inversé et le ministère public doit réfuter la présomption du caractère déraisonnable du délai en invoquant des circonstances exceptionnelles. Il doit s’agir de circonstances indépendantes de la volonté du ministère public, c’est‑à‑dire de circonstances (1) raisonnablement imprévues ou raisonnablement inévitables, et (2) auxquelles il ne peut pas être raisonnablement remédié. Si la circonstance exceptionnelle concerne un événement distinct, le délai attribuable à cet événement doit être soustrait du délai total. Si la circonstance exceptionnelle résulte de la complexité de l’affaire, le délai est raisonnable.
                     Lorsque le délai est inférieur au plafond présumé, la défense, dans des cas manifestes, peut faire la preuve que le délai est déraisonnable. Pour ce faire, elle doit démontrer deux choses : (1) qu’elle a pris des mesures utiles qui font la preuve d’un effort soutenu pour accélérer l’instance, et (2) que le délai a été nettement plus long qu’il aurait dû raisonnablement l’être.
                     Pour les affaires en cours d’instance, le tribunal doit appliquer le cadre d’analyse selon le contexte et avec souplesse, tout en étant sensible au fait que les parties se sont fiées à l’état du droit qui prévalait auparavant.

mercredi 22 février 2017

Revue de l'état du droit de l'infraction de production de cannabis par la Cour d'appel

Turcotte c. R., 2013 QCCA 221 (CanLII)


[17]        La Loi réglementant certaines drogues et autres substances définit comme suit le terme « production » :
Relativement à une substance inscrite à l’une ou l’autre des annexes I à IV, le fait de l’obtenir par quelque méthode que ce soit, et notamment par:
a)         la fabrication, la synthèse ou tout autre moyen altérant ses propriétés physiques ou chimiques;
b)         la culture, la multiplication ou la récolte de la substance ou d’un organisme vivant dont il peut être extrait ou provenir de toute autre façon.
[18]        La juge en chef Duval Hesler exposait récemment, dans l'arrêt Rochon, les éléments qui constituent l'infraction de production de cannabis :
[11]      Les éléments constitutifs de la mens rea de l'infraction de production de marihuana (art. 7(1) et (2) Loi réglementant certaines drogues et autres substances.) sont les suivants: la connaissance que la culture, la multiplication ou la récolte de la substance a lieu et la connaissance de la nature de la substance produite.
[12]      En ce qui concerne l'actus reus, la poursuite doit prouver au-delà de tout doute raisonnable que l'accusée a cultivé, multiplié ou récolté la substance.
[13]      Quant à la participation à cette infraction sous 21 (1) b) C.cr., il faut une intention d'aider quelqu'un à commettre l'infraction. L'intention de ne pas dénoncer le contrevenant ne suffit pas. [Références omises]
[19]        Il est depuis longtemps établi que la seule présence d'un accusé sur les lieux d'une infraction ne peut, en elle seule, justifier une déclaration de culpabilité. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique souligne toutefois ce qui suit dans l'arrêt Bi, en ce qui concerne plus particulièrement la production de cannabis :
[2]        The trial courts in this province hear numerous cases involving offences arising out of the discovery of marijuana grow operations in single-family residences. Many of these cases are concerned with whether accused persons found to be living in the house are criminally implicated in the exposed drug enterprise. Evidence that establishes mere knowledge of the criminal conduct taking place in the residence is not enough. There must also be evidence from which it can be inferred that the accused person owned the marijuana crop, cultivated the crop, aided or abetted somebody else in the criminal operation, or otherwise had some control over the crop. [Notre soulignement]
[20]        Le fait que l'accusé se soit trouvé, pendant une heure, dans un entrepôt désaffecté où il n'y avait rien d'autre qu'une serre sophistiquée opérant la culture de cannabis, en présence du producteur de cette substance, alors qu'il a en main la clé de l'immeuble lui permettant d'y avoir accès en tout temps et qu'il contrôle la porte de garage, permet-il de déduire que celui-ci participait d'une façon quelconque à cette opération de production?
[21]        Le juge de première instance a conclu qu'à défaut d'autres explications, il s'agissait de la seule conclusion à tirer.

L'obligation de divulgation de la preuve de la poursuite face à un document se retrouvant dans le domaine public

Poirier c. R., 2001 CanLII 19246 (QC CA)


[9]               Quant aux notes sténographiques du procès Sawyer, le premier juge écrit à juste titre:
Quant à la transcription des notes du procès de monsieur Sawyer, la Cour est d'opinion que si elles peuvent être utiles au défendeur, il appartient à ces derniers d'en demander la transcription.
Ces notes sont du domaine public et ne sont pas en possession du ministère public.

Comment apprécier la modicité d'un cadeau ou d'un avantage reçu par un fonctionnaire


R. c. Chrétien, 1988 CanLII 568 (QC CA)

Lien vers la décision
[5]           Je ne saurais, pour ma part, approuver en principe l'emploi par un fonctionnaire supérieur, pour des fins personnelles, des équipements et de la main-d'œuvre de son employeur. Mais, ainsi que le signale le premier juge, il est des cas d'exception qu'on pourrait, en thèse générale, relier à la modicité de l'appropriation jointe à la nature des fonctions. C'est ainsi qu'on ne pourrait guère reprocher à un fonctionnaire de confier à sa secrétaire le soin d'un modeste courrier personnel qui ne saurait justifier l'embauche d'une secrétaire personnelle. C'est là un usage généralement et, je pense, légitimement reçu.
[6]           Le premier juge a, je le rappelle, conclu que «l'accusé doit bénéficier du doute que j'entretiens, à savoir, si les gestes ci-haut décrits peuvent constituer un abus de confiance ». Le cas me paraît se situer à l'extrême frontière de ce qu'on peut à la rigueur tolérer sinon approuver. Et tolérer aujourd'hui ne signifie pas qu'on tolérera demain. Les mœurs évoluent, témoin cet extrait du serment d'office que prêtait en 1909 un juge de la Cour supérieure du Québec :
« (...) et que vous n'accepterez, par vous-même ou par d'autre personne, secrètement ou ouvertement aucun don ou rémunération, en or ou en argent, ou d'aucune autre sorte, que vous puissiez convertir à votre profit, à moins que ce ne soit des comestibles ou des liqueurs et encore, qu'ils soient de peu de valeur, d'aucun homme qui aura aucune cause ou procès pendant devant vous, ni après pour la même cause, (...). »
[7]           On ne tolérerait certes pas aujourd'hui qu'un juge accepte quoi que ce soit «d'aucun homme qui [a] (...) cause ou procès pendant devant [lui] » fussent « des comestibles ou des liqueurs (...) de peu de valeur » non plus, à plus forte raison, que son serment d'office lui en proclame le droit.
[8]           Bref, le serviteur fidèle et prudent s'abstiendra, sans trop présumer du présent arrêt.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La possession d'une quantité de drogue plus grande que pour usage personnel est une assise permettant au juge de conclure à la possession en vue de trafic / se débarrasser de la drogue via une toilette ne permet pas de conclure à la possession en vue de trafic de ladite substance

R. v. Scharf, 2017 ONCA 794 Lien vers la décision [ 9 ]           Although not the subject of submissions by the appellant, we do not agree ...