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mercredi 29 février 2012

Il n’y a pratiquement aucune interdiction quant à ce que le poursuivant peut produire en preuve au niveau de l'enquête sur remise en liberté

Toronto Star Newspapers Ltd. c. Canada, 2010 CSC 21, [2010] 1 RCS 721

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[28] Afin d’éviter tout retard qui serait préjudiciable à un accusé devant être mis en liberté tout en s’assurant que ceux qui ne satisfont pas aux conditions demeurent en détention, il a fallu trouver des compromis quant à la nature de la preuve produite lors de l’enquête sur remise en liberté provisoire. Il n’y a pratiquement aucune interdiction quant à ce que le poursuivant peut produire en preuve afin de démontrer que l’accusé doit être placé en détention. Selon l’al. 518(1)e) C. cr., le poursuivant peut présenter toute preuve « plausible ou digne de foi », soit notamment les confessions dont on n’a pas vérifié le caractère volontaire ou la conformité à la Charte, la preuve de mauvaise moralité, la preuve obtenue par écoute électronique ou la preuve par ouï‑dire, tout comportement ambigu postérieur à l’infraction, la preuve de faits similaires qui n’a été soumise à aucun examen, les déclarations de culpabilité antérieures, les accusations en instance n’ayant fait l’objet d’aucun procès, ainsi que les renseignements personnels concernant le mode de vie et les habitudes sociales. Le juge de paix dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire qui lui permet de « faire, auprès du prévenu ou à son sujet, sous serment ou autrement, les enquêtes qu’il estime opportunes » (al. 518(1)a)). Le processus est informel et l’enquête sur remise en liberté provisoire peut même avoir lieu par téléphone (par. 515(2.2)).

La confiscation d’un bien infractionnel / L'état du droit selon la Cour d'Appel

R. c. Casey, 2012 QCCA 329 (CanLII)

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[3] Le juge de première instance a rejeté la requête au motif que l’intimé avait établi, conformément au paragraphe 490.41 (3) C.cr., que la confiscation serait démesurée par rapport à la nature et à la gravité de l’infraction, aux circonstances de sa perpétration et à son casier judiciaire. L’appelante se pourvoit avec l’autorisation d’un juge de la Cour.

[4] Invoquant l’arrêt de la Cour suprême dans R. c. Craig, l’appelante reproche d’abord au juge de première instance d’avoir rejeté sa requête en se fondant sur des facteurs non pertinents et, notamment, l’âge de l’intimé, ses problèmes de santé et ceux de sa conjointe, les frais considérables de taxis que la confiscation l’obligerait à assumer ainsi que « l’aspect familial » du bien infractionnel. Elle fait également valoir que le juge a omis de prendre en compte l’existence d’un second véhicule utilisé par l’intimé et susceptible de lui permettre de pourvoir à ses besoins de transport. Elle plaide enfin que le juge n’aurait pas suffisamment considéré le casier judiciaire de l’accusé, un élément particulièrement pertinent lorsque, comme en l’espèce, les condamnations antérieures sont liées à l’infraction commise.

[5] En ce qui concerne le premier moyen, l’arrêt R. c. Neault de notre Cour, qui a été repris dans l’arrêt R. c. Manning, établit que, même si les trois facteurs énoncés au paragraphe 490.41 (3) sont exhaustifs selon la Cour suprême, les termes choisis par le législateur confèrent tout de même un large pouvoir discrétionnaire au juge saisi d’une demande de confiscation, notamment parce que la disposition législative reste muette sur ses effets pouvant être pris en compte et sur la manière de les évaluer :

[23] À mon avis, les termes choisis par le législateur confèrent tout de même au juge une large discrétion face à une demande de confiscation. Il peut la refuser s’il est d’avis que « …la confiscation serait démesurée par rapport à… » (…if a court is satisfied that the impact of an order of forfeiture… would be disproportionate to…).

[24] L’idée de « démesure » (disproportionate to) et le terme de comparaison « par rapport à » impliquent de soupeser deux réalités pour constater s’il y a équilibre ou déséquilibre entre les plateaux de la balance. D'un côté, il y aura les faits relatifs à l’infraction, évalués selon l’objectif de l’ordonnance et les trois facteurs de la loi, et de l’autre, les effets plus ou moins draconiens de la confiscation (the impact of the forfeiture). Le poids relatif des faits et des effets fera pencher la balance en faveur ou contre la confiscation.

[25] Si la loi précise les facteurs d’évaluation de l’infraction, elle est muette sur les effets à prendre en compte et sur la manière de les évaluer. À mon avis, il est pertinent de considérer entre autres si le bien est superflu, utile ou nécessaire suivant son usage habituel; si le bien est de peu ou de grande valeur en soi et en l’espèce; si le bien est utilisé pour des besoins de base, s’approvisionner, se faire soigner; si le bien sert aux loisirs ou au travail; si le bien contribue à l’exécution d’obligations familiales ou sociales.

[6] L’arrêt Neault a également écarté l’argument de l’appelante voulant que l’effet de la confiscation sur la famille ne peut être considéré sous le paragraphe 490.41 (3) parce que ce facteur, prévu au paragraphe 490.41 (4), ne s’appliquerait que lorsque le bien infractionnel est constitué d’une maison d’habitation. Ce n’est pas parce que le paragraphe 490.41 (4) fait obligation au juge de prendre en compte l’effet sur la famille de la confiscation d’une maison d’habitation qu’une telle considération est interdite dans le contexte du paragraphe précédent. L’aspect familial pourra être pris en considération en autant qu’il est en lien avec le bien visé.

[7] Le juge de première instance était bien au fait de l’arrêt Neault puisqu’il lui a été plaidé par l’avocat qui représentait alors l’intimé à l’audience du 3 mai 2011 sur la requête de l’appelante. Dans son jugement du 23 août 2011, il n’a d’ailleurs pas commis l’erreur de principe que la Cour a reproché au juge de première instance dans l’arrêt Neault et il a expressément refusé de considérer la peine infligée à l’intimé pour apprécier le caractère démesuré de la confiscation.

[8] Pour évaluer l’effet de la confiscation eu égard aux facteurs énoncés au paragraphe 490.41 (3) C.cr., le juge a pris en compte le fait que l’intimé, âgé de 72 ans, a des problèmes de santé et qu’il en est de même avec sa conjointe avec qui il fait vie commune depuis plusieurs années. Ces problèmes de santé les obligent tous les deux à se déplacer régulièrement pour obtenir les soins requis. Il veut alors récupérer son véhicule pour le faire conduire par son fils ou une autre personne pour les fins de rendez-vous médicaux ou pour l’épicerie hebdomadaire. C’est en ce sens précis que la confiscation du véhicule aura un impact significatif sur la famille. Il considère également le fait que l’intimé demeure à plusieurs dizaines de kilomètres de Baie‑Comeau, ce qui entraînera des dépenses considérables si son véhicule est confisqué.

[9] Les effets identifiés par le juge et son évaluation comparative de ces effets s’inscrivent de façon rigoureuse dans les paramètres établis dans l’arrêt Neault et appliqués dans des circonstances similaires dans l’arrêt Manning. En conséquence, le premier moyen de l’appelante doit être écarté.

[10] L’appelante a également tort de prétendre que le juge a omis de considérer dans son analyse l’existence d’un deuxième véhicule, un camion avec une gratte, pouvant être utilisé par l’intimé. Sur cette question, le juge devait apprécier une preuve testimoniale quelque peu contradictoire quant aux possibilités réelles d’utilisation de ce second véhicule sur les chemins publics compte tenu de son kilométrage élevé, de son usure et des frais afférents à son entretien. Il a bel et bien considéré cet élément lorsqu’il déclare dans son jugement : « Il ressort des représentations qui ont été faites devant la Cour que c’est le seul véhicule [celui visé par la requête] utilisable par les parties ». Compte tenu du pouvoir discrétionnaire qui est le sien, ce moyen doit être rejeté.

[11] Il en va de même du dernier reproche de l’appelante concernant l’importance du facteur relatif au casier judiciaire de l’intimé qui serait particulièrement pertinent en l’espèce vu que les condamnations antérieures sont reliées à la conduite automobile sous l’effet de l’alcool. D’une part, le juge mentionne que l’intimé a des antécédents judiciaires de même nature. D’autre part, il fait le constat que la preuve ne révèle pas que dans le passé l’intimé ait fait fi des ordonnances qui ont été prononcées contre lui dans le cadre de plaidoyers de culpabilité ou de condamnations découlant d’une conduite de véhicule moteur alors qu’il avait les capacités affaiblies. Ce constat ne peut être fait qu’à partir d’une étude des antécédents de l’intimé en semblable matière.

[12] L’appelante ne peut donc valablement soutenir que le juge n’a pas accordé à ce facteur toute l’importance requise puisque, après les avoir considérés, il conclut que les antécédents judiciaires de l’intimé ne peuvent à eux seuls justifier une demande de confiscation en l’espèce, notamment à cause de l’impact familial d’une telle confiscation.

[13] Sur le tout, et en considérant que la décision du juge d’ordonner la confiscation bénéficie d’un large pouvoir discrétionnaire, l’appelante ne fait pas voir l’erreur de droit, l’erreur de principe ou l’erreur de fait manifeste et déterminante qui justifieraient l’intervention de la Cour.

mardi 28 février 2012

Le droit d'être jugé dans un délai raisonnable en droit pénal canadien

Par l'Honorable Juge Pierre Béliveau, J.C.S.

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Revue Juridique Thémis
(1997) 31 RJT 1

Tiré de :
http://www.editionsthemis.com/uploaded/revue/article/rjtvol31num1/beliveau.pdf

La défense d'intoxication volontaire est recevable face à l'infraction de menace

R. c. Pelletier, 2011 QCCQ 11109 (CanLII)

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[17] D'abord, l'accusé doit avoir proféré des menaces de mort ou des lésions corporelles à quelqu'un. Il s'agit de l'actus reus et il sera prouvé si, considérées de façon objective, dans le contexte des paroles prononcées, compte tenu de la personne à qui elles s'adressaient, ces paroles constituent des menaces pour une personne raisonnable.

[18] Par la suite, la poursuite a le fardeau de prouver la mens rea de l'infraction et plus précisément, l'intention de faire en sorte que les paroles soient perçues comme une menace de causer la mort ou des lésions corporelles, c'est-à-dire comme visant à intimider ou à être pris au sérieux. Ainsi, l'auteur de la menace doit avoir l'intention de voir ses propos pris au sérieux et visant à susciter un sentiment de crainte chez son destinataire. Il s'agit donc d'un crime d'intention spécifique.

[19] La défense d'intoxication volontaire est donc recevable et contrairement à la défense d'intoxication volontaire extrême à l'encontre d'une infraction d'intention générale qui n'est pas soustraite par l'article 33.1 du Code criminel, elle n'impose pas un fardeau de prépondérance appuyé par une expertise médicale. Si elle est vraisemblable, elle doit être examinée et si elle soulève un doute raisonnable que le degré d'ivresse était élevé au point que l'accusé ne possède pas l'intention spécifique requise, un verdict d'acquittement doit être prononcé. L'opinion des policiers et des agents de détention quant au degré d'ivresse de l'accusé est recevable. Dans l'arrêt Graat c. La Reine, 1982 CanLII 33 (CSC), [1982] 2 R.C.S. 819, la Cour suprême reprenant l'opinion du juge en chef Howland de la Cour d'appel d'Ontario, a jugé recevable le témoignage d'opinion des policiers quant au degré d'ivresse de l'accusé dans une affaire d'ivresse au volant. Ainsi, comme un tel témoignage d'opinion est recevable afin d'incriminer un accusé, il devrait aussi être permis pour le disculper.

[20] Dans l'arrêt Dyckow c. La Reine, J.E. 96-16, l'infraction reprochée à l'accusé en était une de menaces et notre Cour d'appel, se basant sur l'arrêt Clemente, précité, a renversé une décision d'instance et elle a acquitté l'accusé en concluant que la preuve de son état d'ébriété soulevait un doute raisonnable sur l'élément essentiel de la mens rea de l'infraction.

[22] Il semble acquis que la défense d'intoxication volontaire ne peut bénéficier à une personne qui se met volontairement en état d'ébriété avec l'intention ou pour se donner du courage de commettre une infraction. Au même effet, l'épileptique qui connaît les risques reliés au fait qu'il conduise et qui prend quand même le volant et cause un accident alors qu'il est en crise ne pourra se soustraire à sa responsabilité criminelle. Dans l'affaire R. c. Courville, 1985 CanLII 37 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 847, pour une accusation de vol qualifié, le juge du procès avait conclu que bien que l'accusé appréciait la nature et la qualité de ses actes et comprenait que ses actes étaient illégaux, sa conduite était imputable à la perte de maîtrise de soi ou à une impulsion irrésistible qui était quant à elle due à des hallucinations résultant d'une intoxication volontaire au moyen de stupéfiant. L'accusé a été acquitté parce que l'état d'intoxication dans lequel il se trouvait soulevait un doute raisonnable sur le point de savoir s'il avait l'intention spécifique nécessaire à la perpétration des infractions dont on l'accusait. La Cour suprême se dit d'accord avec la Cour d'appel d'Ontario pour dire que le juge du procès avait commis une erreur en acquittant l'accusé. La Cour suprême précise que la perte de la maîtrise de soi ou l'impulsion irrésistible causée par une intoxication volontaire ne constitue pas un moyen de défense à une accusation criminelle au Canada. Tel n’est cependant pas le cas dans le litige qui nous occupe.

Le ressort du juge de paix prévu à l'article 504 Ccr signifie la province du juge de paix

R. v. Ellis, 2009 ONCA 483 (CanLII)

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[38] In my view, “territorial jurisdiction” in s. 504 of the Criminal Code refers to the entire province of Ontario.

[39] Pursuant to s. 17(1) of the Justices of the Peace Act, justices have jurisdiction throughout Ontario. The fact that the Courts of Justice Act divides Ontario into regions for administrative purposes does not alter the jurisdiction conferred on justices by s. 504 of the Criminal Code. As Aitken J. stated in Hackett at para. 15, “[t]he regions created under the Courts of Justice Act are created for administrative purposes related to the administration of justice in the province; they are not created for jurisdictional purposes.”

[40] Contrary to the Crown’s submission, interpreting “territorial jurisdiction” in s. 504 as the entire province of Ontario does not offend the principles of statutory interpretation. The Criminal Code is federal legislation, governing all of the provinces and territories. Adopting one interpretation for one province does not dictate such a result elsewhere in the country. In other parts of Canada, where legislative schemes governing the systems of court may be different, “territorial jurisdiction” may well have a different meaning. In my view, the phrase “territorial jurisdiction” in s. 504, like the definition of “territorial division” in s. 2 of the Criminal Code, provides the flexibility necessary to accommodate provincial and territorial differences: see Hackett at para. 10. Accordingly, interpreting “territorial jurisdiction” in s. 504 to mean the province of Ontario does not necessarily render that phrase redundant simply because the word “province” is used elsewhere in that section.

[43] I agree with the Crown that there are good administrative reasons to have cases that arise in a particular region tried in that region. However, I do not accept that interpreting “territorial jurisdiction” as the province of Ontario for the purposes of s. 504 of the Criminal Code offends this principle. The fact that an information is received in a particular region does not mean that any resulting criminal trial must take place in that region. Indeed, as Gentles makes clear, it does not necessarily mean that a pre-inquiry must proceed in that region.


[48] Finally, to the extent that the Crown’s opposition to a broad interpretation of “territorial jurisdiction” in s. 504 is based on a concern about forum shopping, I would simply add this. Section 504 is administrative in nature – as long as the preconditions are met, the justice must receive the information. Any concerns about forum shopping can surely be addressed at a later stage in the process: see Gentles at paras. 21, 33.

mardi 21 février 2012

Principes relatifs à la détermination de la peine concernant les vols & fraude à l'employeur

R. c. Richard, 2012 QCCQ 55 (CanLII)

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[45] Les objectifs de dénonciation et d’exemplarité prévus à l’article 718 du Code criminel sont de la plus haute importance en matière de crime commis au détriment d’un employeur.

[46] Comme le disait la Cour d’appel de l’Alberta dans l’affaire R. c. McKinnon, le vol ou la fraude à l’endroit d’un employeur est rarement le fait d’une personne qui agit sur le coup de l’impulsion ou de la passion. C’est très souvent le fait de personnes matures, intelligentes et aptes à planifier minutieusement.

[47] J’ajouterais que lorsque le crime demeure non détecté et s’échelonne sur une longue période, comme c’est le cas ici, la personne qui le commet en vient sûrement à se sentir complètement à l’abri, pour ne pas dire invulnérable.

L'admissibilité de la preuve lors de l’enquête sur mise en liberté.

R. c. Bourque, 2012 QCCQ 183 (CanLII)

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[32] La preuve offerte à ce stade-ci contre les prévenus peut être qualifiée à la fois de directe et circonstancielle. L’al. 518(1)e) C.cr. permet au juge de paix de recevoir toute preuve qu’il considère plausible et digne de foi et fonder sa décision sur cette preuve. La recevabilité de la preuve n’est pas en cause au stade de l’enquête sur mise en liberté.

[33] Cela peut même inclure une preuve qui ne serait pas admissible au procès. On n’a qu’à penser à une preuve de caractère, de propension à la violence, l’histoire psychiatrique du prévenu ou encore accepter la déclaration extra judiciaire du prévenu sans voir-dire : Bouchard c. R., [1997] 16 C.R. (3d) (C.S. Qué.). Ainsi la preuve contre ce prévenu à l’enquête sur mise en liberté peut apparaître artificiellement plus forte compte tenu des règles de preuve spécifiques à cette étape.

[34] C’est la raison pour laquelle cet élément ne peut à lui seul justifier la détention des prévenus : R. c. Perron, reflex, [1989] 51 CCC (3d)518 (C.A.Qué.).

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La possession d'une quantité de drogue plus grande que pour usage personnel est une assise permettant au juge de conclure à la possession en vue de trafic / se débarrasser de la drogue via une toilette ne permet pas de conclure à la possession en vue de trafic de ladite substance

R. v. Scharf, 2017 ONCA 794 Lien vers la décision [ 9 ]           Although not the subject of submissions by the appellant, we do not agree ...