mardi 10 mars 2009

Droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ce droit

R. c. Prosper, [1994] 3 R.C.S. 236

Résumé des faits
Une mise en garde conforme à l'al. 10b) de la Charte, imprimée sur un carton, a été lue à l'appelant l'informant de son droit de demander des conseils juridiques gratuits. L'appelant a dit vouloir parler à un avocat. La police lui a remis une liste des avocats de l'aide juridique et, les tentatives de l'appelant pour rejoindre un avocat s'étant révélées vaines, lui a fourni un bottin pour qu'il puisse continuer ses recherches. La police ne s'était pas rendu compte alors qu'un seul des avocats sur la liste continuait à recevoir les appels après les heures de bureau, mais en a informé l'appelant dès qu'elle a été mise au courant de cette situation. L'appelant a refusé de téléphoner à des avocats de cabinets privés parce qu'il n'avait pas les moyens de recourir à leurs services. Il a ensuite accepté de se soumettre aux alcootests.

Analyse
Il ne suffit pas, d'un point de vue constitutionnel, que les responsables de l'application de la loi répètent simplement les termes de la Charte quand ils informent les personnes détenues de leur droit «d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat». Deux nouveaux éléments s'ajoutent au volet information de l'al. 10b): (1) des renseignements sur l'accès sans frais aux services d'un avocat lorsque l'accusé répond aux critères financiers établis par l'aide juridique de la province, et (2) des renseignements sur l'accès aux services d'avocats de garde (qu'il s'agisse d'avocats salariés ou d'avocats de cabinets privés) qui fournissent des conseils juridiques immédiats, quoique temporaires, sans égard à la situation financière. Dans les renseignements qu'ils donnent aux personnes détenues, les policiers doivent mentionner les services existant dans la province ou le territoire en cause.

Dans les provinces et territoires où des services d'avocats de garde existent mais où la personne ne peut y recourir au moment précis de sa mise en détention, l'al. 10b) impose aux agents de l'État l'obligation de surseoir aux mesures visant à lui soutirer des éléments de preuve, si elle a manifesté l'intention de se prévaloir de son droit à l'assistance d'un avocat et fait preuve d'une diligence raisonnable dans l'exercice de ce droit. Autrement dit, la police doit donner à la personne détenue ce qui, dans les circonstances, constitue une possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat de garde.

Il peut y avoir des circonstances pressantes et urgentes où la police n'est pas tenue de surseoir. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'affaires de conduite avec facultés affaiblies, la présomption en matière de preuve à l'égard des échantillons pris dans les deux heures que peut invoquer le ministère public (en vertu du sous‑al. 258(1)c)(ii)) ne constitue pas en soi une circonstance pressante ou urgente. L'urgence ne naît pas de la seule recherche d'efficience en matière d'enquête et d'établissement de la preuve. Les droits garantis à une personne détenue par l'al. 10b) doit avoir préséance sur le droit d'origine législative qui permet au ministère public de se fonder sur une présomption en matière de preuve.

Il n'est ni opportun ni nécessaire de conclure que l'al. 10b) impose aux gouvernements une obligation positive d'assurer aux personnes détenues la disponibilité de services d'«avocats de garde selon Brydges», ou encore qu'il accorde à toutes les personnes détenues un droit analogue à de tels services. En premier lieu, l'al. 10b) ne constitutionnalise pas expressément le droit à des conseils juridiques gratuits et immédiats au moment de la mise en détention.

L'alinéa 10b) impose aux autorités qui arrêtent une personne ou la placent en détention des obligations en matière d'information et de mise en application. L'existence d'une période pendant laquelle il faut «surseoir» à l'enquête découle des obligations en matière de mise en application. Une fois qu'une personne détenue a exprimé le désir d'exercer son droit à l'assistance d'un avocat, l'État doit lui fournir une possibilité raisonnable de consulter un avocat, et les agents de l'État doivent s'abstenir de lui soutirer des éléments de preuve incriminants jusqu'à ce qu'on lui ait donné cette possibilité. Ce qui constitue une possibilité raisonnable dépend des circonstances de chaque espèce, notamment l'existence de services d'avocats de garde dans le ressort en cause. L'existence ou l'absence de services d'avocats de garde influe sur la durée de la période de sursis.

L'obligation des agents de l'État d'informer les personnes de leur droit à l'assistance d'un avocat ne prend pas effet tant que la personne n'a pas été détenue au sens de l'art. 10. La détention suppose de la part de l'État une certaine forme de coercition ou de contrainte qui entraîne une privation de liberté.

Les tribunaux doivent s'assurer qu'on n'a pas conclu trop facilement à la renonciation au droit à l'assistance d'un avocat. Il y a naissance d'une obligation d'information supplémentaire de la part de la police dès que la personne détenue, qui a déjà manifesté son intention de se prévaloir de son droit, indique qu'elle a changé d'avis et qu'elle ne désire plus obtenir de conseils juridiques. La police est tenue à ce moment de l'informer de son droit d'avoir une possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat et de l'obligation de la police de surseoir à l'enquête au cours de cette période. La personne détenue doit indiquer explicitement qu'elle a changé d'avis et il appartient au ministère public d'établir qu'elle a clairement renoncé à son droit. La renonciation doit être libre et volontaire et elle ne doit pas avoir été donnée sous la contrainte, directe ou indirecte. La norme requise pour établir l'existence d'une renonciation au droit à l'assistance d'un avocat est très stricte. La personne qui renonce à un droit doit savoir ce à quoi elle renonce pour que la renonciation soit valide. Le droit à l'assistance d'un avocat garanti à l'al. 10b) ne doit toutefois pas se transformer en obligation pour les personnes détenues de demander l'assistance d'un avocat.

Dès qu'une personne détenue invoque son droit à l'assistance d'un avocat et fait preuve de diligence dans l'exercice de ce droit, donnant ainsi naissance à l'obligation de sursis de la police, la norme exigée pour qu'il y ait renonciation valide de ce droit sera stricte. Quand la personne détenue fait quelque chose qui indique qu'elle a changé d'avis et qu'elle ne souhaite plus communiquer avec un avocat, les policiers devront l'informer de son droit à une possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat et de leur obligation de ne pas lui soutirer des éléments de preuve de nature incriminante.

La personne détenue a le droit, en vertu de l'al. 10b), d'être informée de l'existence de tout système lui permettant d'obtenir sans délai des conseils juridiques préliminaires gratuits dans la province ou le territoire, et des moyens à employer pour y avoir accès

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