mardi 4 août 2009

Exposé des règles relatives au délit de fuite

R. c. Fournier, 2004 CanLII 374 (QC C.Q.)

[33] L'article 252(1) du Code criminel sanctionne le manquement de toute personne impliquée dans un accident d'assumer la responsabilité civile ou criminelle qui y est rattachée. Il s'agit là du principe fondamental.

[34] De façon plus spécifique, la loi oblige la personne qui conduit un véhicule à moteur ou qui en a la garde ou le contrôle et qui est impliquée dans un accident à arrêter son véhicule, à fournir de l'aide aux personnes qui semblent en avoir besoin et à donner ses nom et adresse.

[35] Ces obligations sont de toute évidence créées pour que les personnes concernées par un accident puissent notamment savoir à qui elles ont affaires de sorte que les responsabilités civiles ou criminelles puissent être plus aisément départagées.

[36] Le législateur présume à l'article 252 (2) du Code criminel que le conducteur qui est impliqué dans un accident et qui omet de remplir l'une ou l'autre des obligations qui sont mentionnées au paragraphe (1) a l'intention d'échapper à sa responsabilité civile ou criminelle.

[37] Par ailleurs, cette présomption se réfute. Il suffit qu'existent dans l'ensemble de la preuve des éléments qui soulèvent un doute raisonnable quant à l'intention du fuyard. Si l'ensemble de la preuve permet de douter que l'accusé ait quitté les lieux de l'accident avec intention de fuir sa responsabilité civile ou criminelle, il doit être acquitté. Autrement dit, s'il existe des éléments de preuve qui soulèvent un doute raisonnable à l'effet que l'accusé n'a pas omis de donner ses nom et adresse dans l'intention d'échapper à sa responsabilité civile ou criminelle relative à l'accident, il doit être acquitté.

[38] Trois commentaires s'imposent ici.

[39] Il ne faut pas confondre "preuve contraire" avec les autres moyens de défense. La preuve contraire est une défense spécifique qui vise à soulever un doute raisonnable quant à un des éléments constitutifs de l'infraction, en l'instance l'intention coupable. La preuve contraire n'est pas la seule défense possible à un accusé inculpé de l'infraction de délit de fuite. Il peut notamment soulever un doute à l'effet qu'il n'était pas le conducteur, qu'il n'avait pas la garde ou le contrôle du véhicule impliqué ou, encore qu'il n'a pas été impliqué dans un accident ou aussi qu'il n'a jamais eu connaissance de l'accident. En plus de ces défenses spécifiques à l'inculpation de délit de fuite, l'accusé peut invoquer toutes les autres défenses dites générales connues en droit criminel comme la contrainte ou la nécessité.

[40] L'existence d'une présomption et de la possibilité de la réfuter par une preuve contraire ne dispense pas la poursuite de son obligation générale de prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité d'un accusé. En l'espèce, la preuve dans son ensemble doit démontrer hors de tout doute raisonnable que l'accusé a omis de donner ses nom et adresse dans le but spécifique d'échapper à sa responsabilité civile ou criminelle. La présomption non réfutée permet de tirer cette conclusion tout comme l'ensemble de la preuve peut aussi le permettre.

[41] La poursuite doit prouver que la responsabilité civile ou criminelle à laquelle l'accusé doit avoir l'intention d'échapper a un rapport avec l'accident (voir R. c. Fournier 1979 8 CR (3ed) 248.) ou avec la conduite automobile l'ayant précédé (R. c. Hoffer 1983 2 CCC (3ed) 236). En contre-partie, il ne suffit pas, pour réfuter la présomption et soulever un doute raisonnable sur l'intention criminelle, que la preuve montre que l'accusé, en quittant les lieux, était animé d'une quelconque intention, sans rapport avec l'accident ou la conduite automobile l'ayant précédée. Ainsi, celui qui affirme avoir quitté les lieux d'un accident parce qu'il savait qu'il avait des mandats d'arrestation pendants contre lui et qu'il ne voulait pas être arrêté n'établit pas une preuve contraire, parce que l'intention qu'il affirme avoir eu n'a aucun lien avec la responsabilité civile ou criminelle relative à l'accident ou à la conduite automobile l'ayant précédée (voir R. c. Hoffer déjà cité). En somme, la preuve contraire doit avoir un lien logique et une pertinence factuelle avec l'accident ou la conduite automobile qui l'a précédé pour être susceptible de réfuter la présomption.

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