mercredi 26 août 2009

Le moindre dommage ne suffit pas pour constituer un méfait

R. c. Quickfall, 1993 CanLII 3509 (QC C.A.)

Sans être en désaccord avec cette définition du mot «détériorer» selon laquelle la chose «est rendue moins apte à servir à sa destination première», j'ajouterais, m'inspirant de ma lecture des dictionnaires***, que le fait de «détériorer» signifie que du moins temporairement l'usage ou la valeur du bien est diminué («impaired»), que le bien a été mis en mauvais état ou gâté: en ce sens, et avec respect pour l'opinion contraire, je ne crois pas que «le moindre dommage» suffit pour constituer un méfait.

Alors qu'au sous-par. 430(1)a) le méfait est caractérisé par le fait de détruire ou détériorer, le sous-par. 430(1)b) parle d'un méfait qui rend un bien «inefficace, inutile ou inopérant», décrivant ici une détérioration en quelque sorte plus marquée qu'au sous-par. 430(1)a).

Pour revenir au cas à l'étude, j'estime utile d'appliquer ici la distinction faite dans l'arrêt R. c. The Committee for the Commonwealth of Canada, 1991 CanLII 119 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 139 quant à l'usage des biens privés et publics. Si dans cet arrêt était davantage pertinente la question de l'accès à la propriété publique et de son étendue par rapport à la propriété privée, par analogie, il y a lieu de distinguer le cas de l'affichage sur des biens publics plutôt que sur des biens privés, de la même façon que je distinguerais le cas cité par le Juge Hugessen de l'herbe foulée du pré de l'herbe foulée dans un parc auquel le public a accès. Dans ce dernier cas, le méfait serait plutôt constitué par l'abus de la personne qui au départ y avait légalement accès alors que dans le premier cas, la culpabilité provient du seul fait de l'intrus qui en passant à pied dans un champ, a légèrement écrasé l'herbe.

Appliquant ces éléments de la définition du mot «détériorer» ci-haut proposée, si je prends le cas d'une personne qui écrit avec une craie un message public sur un trottoir, je doute qu'elle commette un «méfait» ou encore, je vois mal comment le fait d'apposer sur une vitrine d'un édifice public un collant qui peut être enlevé sans difficulté soit inclus dans cette catégorie d'infractions. Ce geste est certes ennuyeux et parfois choquant tout en faisant preuve d'un manque de civisme et contrevenant possiblement à un règlement municipal, mais encore faut-il que «l'usage ou la valeur du bien a été diminué», ou que le bien «est rendu moins apte à servir à sa destination première» pour constituer une «détérioration» au sens du Code criminel. À l'inverse, il n'est pas dit que le fait de peinturer un mur de graffiti avec un solvant ne créerait pas un état de «détérioration», le mur ayant été véritablement «mis en mauvais état» et sa «valeur diminuée».

Autant à l'égard d'un bien public que privé, je ne crois pas que l'objectif du Code pénal soit bien servi en criminalisant à outrance des comportements comme celui de l'appelant qui ne dépassent pas la limite de la tolérance et qui, dans la réalité, ne sont susceptibles que de causer des dommages très minimes: N'y a-t-il pas ici une question de degré?

En l'espèce, l'appelant a posé ses affiches sur des biens publics dont «l'usage n'a été aucunement interrompu» et dont «la valeur n'a pas été non plus diminuée». L'affichage n'a jamais non plus «empêché l'usage du bien»: en conséquence, je ne vois pas en quoi il y a eu «détérioration» des poteaux.

Pour reprendre la question posée dans le jugement accueillant la permission d'appeler, je dirais que le fait d'utiliser des lieux publics aux fins d'affichage, et ce selon le procédé utilisé par l'appelant, ne constituait pas un méfait vu les inconvénients mineurs qui en ont résulté et qui n'ont pas diminué l'usage ou la valeur du bien, ou encore qui n'ont pas gâté ou mis en mauvais état ces lieux publics.

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