lundi 7 septembre 2009

Analyse relative à l'article 8 de la Charte

R. c. Briand, 2005 CanLII 21597 (QC C.Q.)

[104] Le présent dossier soulève aussi la question de savoir si la conduite des policiers en l'espèce constitue une "fouille" au sens de l'art 8 de la Charte.

[105] La demande du policier adressée à l'accusé de lui remettre pour examen le certificat d'immatriculation du véhicule, l'attestation d'assurance et son permis de conduire constitue-t-elle une "fouille" au sens de l'article 8 de la Charte ? Qu'en est-il de la légalité de cette demande dans le contexte des faits mis en preuve ?

[106] À propos de la production forcée de certains documents reliés à la conduite d'un véhicule routier, le Juge Le Dain, dans l'arrêt Hufsky, précité s'exprime ainsi aux pages 637 et 638 :

"La dernière question soulevée en l'espèce est de savoir si, comme le soutient l'appelant, la demande de l'agent de police, que l'appelant lui remette son permis de conduire et sa carte d'assurance pour examen, comme le requièrent les par. 19(1) du Code de la route et 3(1) de la Loi sur l'assurance-automobile obligatoire, portait atteinte au droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives garanti par l'art. 8 de la Charte, que voici :

8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

L'appelant soutient que la production forcée de son permis de conduire et de sa carte d'assurance constituait une fouille au sens de l'art. 8 et que cette fouille était abusive parce qu'il n'y avait aucun critère ni aucune directive permettant de déterminer quand un automobiliste devrait être requis de remettre ces documents pour examen. À mon avis, la demande de l'agent de police, faite conformément aux dispositions législatives précitées, que l'appelant lui remette son permis de conduire et sa carte d'assurance pour examen, ne constituait pas une fouille au sens de l'art. 8, parce qu'elle ne constituait pas une atteinte à une expectative raisonnable en matière de vie privée. Cf. Hunter c. Southam Inc., 1984 CanLII 33 (C.S.C.), [1984] 2 R.C.S. 145. Il n'y a pas d'atteinte de ce genre lorsqu'une personne est requise de produire une licence ou un permis, ou une autre preuve documentaire d'un statut ou du respect de quelque exigence légale constituant une condition licite de l'exercice d'un droit ou d'un privilège. Il n'y a donc pas eu atteinte au droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives et, par conséquent, je suis d'avis de répondre par la négative à la quatrième question constitutionnelle."

[107] Dans l'arrêt Evans 1996 CanLII 248 (C.S.C.), (1996) 1 R.C.S. 8, p. 16, le Juge Sopinka s'exprime ainsi :

"Quel est donc alors le but de l'art. 8 de la Charte? Des arrêts de notre Cour précisent clairement que l'art. 8 a pour objectif fondamental de protéger le droit des particuliers à la vie privée. Comme notre Cour l'a affirmé dans Hunter c. Southam Inc.,1984 CanLII 33 (C.S.C.), [1984] 2 R.C.S. 145, à la p. 160, l'art. 8 de la Charte a pour but de «protéger les particuliers contre les intrusions injustifiées de l'État dans leur vie privée». De toute évidence, ce n'est que lorsque les attentes raisonnables d'une personne en matière de vie privée sont affectées d'une manière ou d'une autre par une technique d'enquête que l'art. 8 de la Charte entre en jeu. Par conséquent, tout type d'enquête gouvernementale ne constituera pas forcément, sur le plan constitutionnel, une «fouille ou perquisition». Au contraire, ce n'est que lorsque les enquêtes de l'État empiètent sur un droit raisonnable des particuliers à la vie privée que l'action gouvernementale en cause constitue une «fouille ou perquisition» au sens de l'art. 8."

[108] Rappelant que l'article 8 de la Charte "protège les personnes et non les lieux", la Cour suprême dans l'arrêt R. c. Tessling, (2004) A.C.S. no 63 définit ainsi la portée de l'article 8, au paragraphe 18 :

"Le juge Sopinka a lui aussi abordé la notion d' "équilibre" lorsqu'il a préconisé l'adoption d'une "méthode contextuelle" dans l'arrêt R. c. Plant, 1993 CanLII 70 (C.S.C.), [1993] 3 R.C.S. 281, à la p. 293 :

L'examen de facteurs tels la nature des renseignements, celle des relations entre la partie divulguant les renseignements et la partie en réclamant la confidentialité, l'endroit où ils ont été recueillis, les conditions dans lesquelles ils ont été obtenus et la gravité du crime faisant l'objet de l'enquête, permet de pondérer les droits sociétaux à la protection de la dignité, de l'intégrité et de l'autonomie de la personne et l'application efficace de la loi.

Il s'ensuit que le droit à la protection contre les enquêtes de l'État est assujetti à des restrictions constitutionnellement acceptables. Premièrement, "tout type d'enquête gouvernementale ne constituera pas forcément, sur le plan constitutionnel, une 'fouille ou perquisition'. Au contraire, ce n'est que lorsque les enquêtes de l'État empiètent sur un droit raisonnable des particuliers à la vie privée que l'action gouvernementale en cause constitue une "fouille ou perquisition" au sens de l'art. 8" : Evans, précité, par. 11. Ce n'est que "[s]i l'activité de la police a pour effet de déjouer une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée… [qu'] elle constitue alors une fouille" : R. c. Wise, 1992 CanLII 125 (C.S.C.), [1992] 1 R.C.S. 527, p. 533. Deuxièmement, comme le laisse entendre le texte de l'art. 8, même les enquêtes qui constituent des "fouilles ou perquisitions" sont acceptables si elles sont "raisonnables". Une fouille ou perquisition ne contrevient pas à l'art. 8 si elle est autorisée par une règle de droit raisonnable et exécutée d'une manière raisonnable : R. c. Caslake, 1998 CanLII 838 (C.S.C.), [1998] 1 R.C.S. 51; R. c. Collins, 1987 CanLII 84 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 265."

[109] La notion d'attente raisonnable en matière de vie privée à l'égard des lieux a évolué. Dans l'arrêt Tessling, le Juge Binnie fait le constat suivant, au paragraphe 22 :

"La notion initiale de la vie privée qui a trait aux lieux, ([TRADUCTION] "la maison de chacun est pour lui son château et sa forteresse" : Semayne's Case (1604), [1558-1774] All E.R. Rep. 62, p. 63) a évolué pour faire place à une hiérarchie plus nuancée visant d'abord la vie privée dans la résidence, le lieu où nos activités les plus intimes et privées sont le plus susceptibles de se dérouler (Evans, précité, par. 42; R. c. Silveira, 1995 CanLII 89 (C.S.C.), [1995] 2 R.C.S. 297, par. 140 le juge Cory, "[i]l n'existe aucun endroit au monde où une personne possède une attente plus grande en matière de vie privée que dans sa maison d'habitation"; R. c. Feeney, 1997 CanLII 342 (C.S.C.), [1997] 2 R.C.S. 13, par. 43), puis, dans une moindre mesure, dans le périmètre entourant la résidence (R. c. Kokesch, 1990 CanLII 55 (C.S.C.), [1990] 3 R.C.S. 3; R. c. Grant, 1993 CanLII 68 (C.S.C.), [1993] 3 R.C.S. 223, p. 237 et 241; R. c. Wiley, 1993 CanLII 69 (C.S.C.), [1993] 3 R.C.S. 263, p. 273), dans les locaux commerciaux (Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), 1990 CanLII 135 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 425, p. 517-519; R. c. McKinlay Transport Ltd., 1990 CanLII 137 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 627, p. 641 et s.), dans les véhicules privés (Wise, précité p. 533; R. c. Mellenthin, 1992 CanLII 50 (C.S.C.), [1992] 3 R.C.S. 615), dans les écoles (R. c. M. (M.R.), 1998 CanLII 770 (C.S.C.), [1998] 3 R.C.S. 393, par. 32) et même, au bas de l'échelle, dans les prisons (Weatherall c. Canada (Procureur général), 1993 CanLII 112 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S. 872, p. 877. Cette hiérarchie des lieux n'est pas contraire au principe sous-jacent selon lequel l'art. 8 protège "les personnes et non les lieux", mais elle emploie la notion de lieu comme instrument d'évaluation du caractère raisonnable de l'attente en matière de vie privée."

[110] Il devient donc nécessaire de déterminer si la conduite des policiers en l'espèce a empiété sur quelque droit raisonnable de l'accusé à la vie privée. Si cette conduite a effectivement empiété sur une "attente raisonnable en matière de vie privée" de l'accusé, elle constitue alors une fouille ou perquisition au sens de l'art. 8 de la Charte et elle est assujettie aux exigences de cet article.

[111] En appréciant l'attente de l'accusé en matière de vie privée, il faut prendre en considération l' "invitation à frapper à la porte" que les particuliers sont réputés faire aux membres du public, y compris les policiers.

[112] Si la conduite adoptée par les policiers en s'approchant du véhicule immobilisé dans l'entrée privée d'une résidence pour requérir du conducteur la remise du certificat d'immatriculation du véhicule, l'attestation d'assurance et de son permis de conduire est un type d'activité visé par l' "invitation à frapper à la porte", alors aucune violation du droit à la vie privée ne peut être alléguée.

[113] Dans l'arrêt Evans, précité, le Juge Sopinka s'exprime ainsi, aux pages 17 et 18 :

"Je suis d'accord avec le juge Major pour dire que la common law reconnaît depuis longtemps que tous les membres du public, y compris les policiers, sont implicitement autorisés à s'approcher de la porte d'une résidence et à y frapper. Comme le Cour d'appel de l'Ontario l'a récemment affirmé dans R. c. Tricker 1995 CanLII 1268 (ON C.A.), (1995), 21 O.R. (3d) 575, à la p. 579 :

[TRADUCTION] Il est clair en droit que l'occupant d'une maison d'habitation autorise implicitement tout membre du public, y compris un policier, à pénétrer sur sa propriété à des fins légitimes. Cette autorisation implicite vaut jusqu'à la porte de la maison. Cette thèse a été énoncée par la Cour d'appel d'Angleterre dans Robson c. Hallett, [1967] 2 All E.R. 407, [1967] 2 Q.B. 939.

Il s'ensuit que l'occupant d'une maison d'habitation est réputé accorder au public l'autorisation de s'approcher de sa porte et d'y frapper. Lorsque les policiers agissent conformément à cette invitation implicite, on ne peut affirmer qu'ils commettent une intrusion dans la vie privée de l'occupant. L'invitation implicite, à moins d'être retirée expressément, est une renonciation effective au droit à la vie privée qu'une personne pourrait par ailleurs opposer à ceux qui s'approchent de la porte de sa demeure.

Si l'on perçoit l'invitation à frapper à la porte comme une renonciation de l'occupant aux attentes en matière de vie privée qu'il peut opposer aux personnes qui s'approchent de sa demeure, il devient nécessaire de déterminer les conditions de cette renonciation. Il est clair qu'en vertu de l'«autorisation implicite de frapper à la porte», on peut considérer que l'occupant d'une maison autorise certaines personnes à s'en approcher à certaines fins. Cependant, cela ne signifie pas que toute personne est libre de s'approcher de la maison, quel que soit le but de sa visite. Par exemple, il serait ridicule de faire valoir que l'invitation à frapper à la porte d'une maison permet à un cambrioleur de s'en approcher pour inspecter les lieux. On ne saurait considérer que la renonciation aux droits à la vie privée qui découle de l'invitation à frapper à la porte va jusque-là.

Pour déterminer l'étendue des activités qui sont permises en vertu de l'invitation implicite à frapper à la porte, il est important d'avoir à l'esprit le but de l'invitation implicite. Selon la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, dans R. c. Bushman (1968), 4 C.R.N.S. 13, à la p. 19, l'invitation implicite a pour but de faciliter la communication entre le public et l'occupant :

[TRADUCTION] Le but de l'autorisation implicite de quitter la rue pour se rendre jusqu'à la porte d'une maison, qu'a le policier qui a affaire légitimement à l'occupant de cette maison, est de permettre au policier de se rendre à un endroit aux abords de la maison d'où il peut communiquer convenablement et normalement avec l'occupant.

Je suis d'accord avec cet énoncé du droit. À mon avis, l'invitation implicite à frapper à la porte ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu'il y ait communication convenable avec l'occupant de la maison. La «renonciation» aux droits à la vie privée que comporte l'invitation implicite ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ce but. Il s'ensuit que seules les activités qui sont raisonnablement liées au but de communiquer avec l'occupant sont permises en vertu de l'«autorisation implicite de frapper à la porte». Lorsque la conduite des policiers (ou de qui que ce soit) va au-delà de ce qui est permis en vertu de l'autorisation implicite de frapper à la porte, les «conditions» implicites de cette autorisation sont effectivement violées et l'auteur de l'activité non autorisée qui s'approche de la maison devient un intrus."

[114] L'attente raisonnable en matière de vie privée existe à l'égard d'une automobile mais est moindre qu'à l'égard d'une maison d'habitation.

[115] De plus, en l'occurrence, l'accusé est à l'extérieur de son automobile dans une entrée qui, quoique privée, est accessible au public sans que l'on ait à franchir d'obstacles ou de barrière en interdisant l'accès. Enfin, de la description des lieux, le Tribunal comprend que l'endroit où était l'accusé lors de l'intervention policière se situait à proximité du chemin public et donc visible de toute personne circulant sur la voie publique. Dans ces circonstances, l'attente raisonnable en matière de vie privée est fort réduite, sinon inexistante.

[116] Compte tenu de l'ensemble des circonstances mises en preuve, le Tribunal déclare partager l'opinion du Juge Duncan dans l'affaire R. c. Maciel, précitée, alors qu'il s'exprime ainsi à propos de l'attente raisonnable en matière de vie privée, aux paragraphes 14 à 16 de sa décision :

"As mentioned, the defendant's argument rests solely on the alleged trespass. However, the focus of the guarantee in section 8 is privacy, and not property rights or trespass. The purpose of the section is to prevent encroachments by the state on individuals' reasonable expectation of privacy. The Charter protects only a reasonable expectation of privacy. To determine what is reasonable, an assessment must be made as to whether, in a particular situation, the public's interest in being left alone must give way to the government's interest in intruding on the individual's privacy in order to advance its goals, notably those of law enforcement : Hunter v. Southam 1984 CanLII 33 (S.C.C.), (1984) 14 C.C.C. (3d) 97 (S.C.C.).

A reasonable expectation of privacy is to be determined on the basis of the totality of circumstances, including any subjective expectation of privacy and the objective reasonableness of such expectation : R. v. Edwards 1996 CanLII 255 (S.C.C.), (1996), 104 C.C.C. (3d) 136 (S.C.C.). In this case, the defendant did not testify that he had a subjective expectation of privacy and, in this regard, it is noteworthy that he did not ask that the officer leave. However, even if he did have such an expectation, in my view it would not have been objectively reasonable.

In my opinion, it is not reasonable to regard the edge of one's property as a moat that gives sanctuary from the type of interaction with the police that occurred here. The intrusion or entry onto the property was very minimal and was of the type that every homeowner expects to routinely occur. This was discussed at length in R. v. Tricker 1995 CanLII 1268 (ON C.A.), (1995), 96 C.C.C. (3d) 198 (Ont. C.A.) leave refused Feb. 8, 1996, [1995] S.C.C.A. No. 87, and in R. v. Evans and Evans 1996 CanLII 248 (S.C.C.), (1996), 104 C.C.C. (3d) 23 (S.C.C.). However, it is argued by counsel for the defendant that Evans stands for the proposition that any investigative purpose negatives implied license to enter upon property without a warrant. I do not think that Evans goes that far, nor can its dicta be divorced from the significant fact that, in Evans, the entry onto the property was for the purpose of probing and piercing a clear and cherished zone of privacy, and discovering what was going on inside the house [the same distinction applies to Grant and Kokesh]. No such intrusion occurred here."

[117] Par ailleurs, si le droit reconnaît à un policier l'autorisation de se rendre jusqu'à la porte d'une maison pour communiquer avec l'occupant, à plus forte raison il est raisonnable de conclure que le droit reconnaît à un policier l'autorisation de suivre un véhicule jusque dans une entrée privée et de s'approcher du conducteur afin de communiquer avec celui-ci.

[118] En l'espèce, le Tribunal est toutefois d'avis que les actions des policiers sont allées au-delà du type de conduite permis en vertu de l'autorisation implicite permettant de communiquer avec l'occupant des lieux.

[119] Bien que le Tribunal admette que l'un des buts poursuivis par les policiers en s'approchant du véhicule immobilisé dans l'entrée privée était de communiquer avec le conducteur conformément à l'autorisation implicite, la preuve révèle clairement que, ce faisant, ils poursuivaient un but précis, soit d'exiger du conducteur la remise du certificat d'immatriculation du véhicule, de l'attestation d'assurance, de son permis de conduire et vérifier l'état du conducteur et ce, sans motifs raisonnables et sans que les policiers puissent invoquer qu'ils s'acquittaient ainsi d'un de leurs devoirs.

[120] Par conséquent, les policiers se sont introduits dans l'entrée privée de la demeure de l'accusé non pas simplement dans le but de communiquer avec l'occupant, mais principalement, dans le but de recueillir des éléments de preuve provenant du conducteur en relation :

1) avec le respect des articles 35 et 97 du Code de sécurité routière qui obligent tout conducteur d'un véhicule routier à avoir avec lui le certificat d'immatriculation du véhicule, l'attestation d'assurance et son permis de conduire;

2) avec son état physique et sa capacité de conduire un véhicule à moteur.

[121] La démarche policière constitue une "fouille" au sens de l'article 8 de la Charte étant donné que les policiers ont pénétré dans l'entrée privée de la résidence de l'accusé avec l'intention de recueillir des preuves le concernant en relation avec le fait qu'il conduisait un véhicule routier dans les secondes précédant l'interpellation.

[122] Le Tribunal ne peut présumer que l'accusé a implicitement invité les policiers à pénétrer dans l'entrée de sa résidence pour éventuellement établir le bien-fondé d'une accusation portée contre lui en vertu du Code de la sécurité routière ou de toute autre loi.

[123] Comme l'affirme le Juge Sopinka dans l'arrêt Evans, précité, p. 19, "l'autorisation implicite de frapper à la porte ne s'applique qu'aux activités qui visent à faciliter la communication avec l'occupant. L'invitation implicite ne permet pas d'accomplir quoi que ce soit au-delà de ce but autorisé".

[124] En l'espèce, les policiers ont outrepassé l'invitation implicite et ont par conséquent procédé à une "fouille" lorsqu'ils ont demandé à l'accusé le certificat d'immatriculation du véhicule, l'attestation d'assurance, et son permis de conduire tout en vérifiant sa sobriété.

[125] Dans le présent contexte, toutes les observations visuelles et olfactives de l'agent sont assimilées à une fouille au sens de l'article 8 de la Charte et celles-ci n'ont pu être faites sans que l'agent n'entre sur la propriété et s'approche de l'accusé.

[126] Lorsque les policiers se sont approchés du véhicule immobilisé dans l'entrée privée de la résidence de l'accusé dans le but de lui demander la remise des documents pour examen et de vérifier son état physique, ils agissaient sans autorisation préalable ni mandat. Donc la fouille est présumée abusive.

[127] Dans l'arrêt Evans, précité, le Juge Sopinka s'exprime ainsi, à la page 22 :

"Selon notre Cour dans l'arrêt Hunter, précité, une fouille ou perquisition sans mandat est à première vue abusive. En d'autres termes, une fouille ou perquisition sans mandat est présumée abusive à moins que la partie qui cherche à la justifier ne puisse «réfuter cette présomption du caractère abusif» (Hunter, précité, à la p. 161). Selon notre Cour dans l'arrêt R. c. Collins, 1987 CanLII 84 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 265, à la p. 278, pour réfuter la présomption du caractère abusif, le ministère public doit établir trois choses, savoir (1) que la fouille ou perquisition était autorisée par la loi, (2) que la loi autorisant la fouille ou perquisition était raisonnable et (3) que la fouille ou perquisition a été effectuée d'une manière raisonnable. Ce n'est que lorsqu'on a satisfait à ces trois critères que l'on parvient à réfuter la «présomption du caractère abusif»: dans tous les autres cas, une fouille ou perquisition sans mandat viole l'art. 8 de la Charte."

[131] On n'est donc pas parvenu à réfuter la présomption du caractère abusif de la fouille.

[132] Pour tous ces motifs, le Tribunal conclut que l'intrusion des agents de la paix sur le terrain privé de l'accusé dans le but de lui demander la remise pour examen du certificat d'immatriculation, de l'attestation d'assurance et du permis de conduire et la demande de remise en soi desdits documents constituent une fouille abusive au sens de l'article 8 de la Charte.

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