R. c. Chassé, 2004 CanLII 58278 (QC C.M.)
34- L’article 254 (3) a) du Code criminel concerne l’ordre que donne un agent de la paix à une personne de fournir un échantillon d’haleine dans un alcootest, l’agent de la paix ayant, pour donner cet ordre, acquis des motifs raisonnables de croire qu’une personne a commis une infraction à l’article 253 du Code criminel.
35- L’article 254 (5) du Code criminel dispose que la personne qui fait défaut ou refuse d’obtempérer à un ordre que lui donne un agent de la paix en vertu de l’article 254 du Code criminel commet une infraction.
37- L’article 254 (2) concerne l’ordre que donne un agent de la paix, ayant acquis des raisons de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme d’une personne qui conduit ou qui a la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur, de fournir un échantillon d’haleine dans un appareil de détection approuvé.
41- La jurisprudence établit clairement que les éléments de l’infraction de l’article 254 (5) du Code criminel que la poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable sont les suivants :
- L’existence d’un ordre par un agent de la paix, selon l’article 254 (2) ou (3);
- Le défaut ou le refus de l’accusé de fournir l’échantillon d’haleine ou de sang requis, selon le cas (actus reus);
- La preuve que l’accusé avait l’intention de produire ce résultat c’est-à-dire de refuser ou de faire défaut.(mens rea)
Voir : R. c. Lewko 2002 SKCA 121 (CanLII), (2002) 7 C.R. (6th) 71
R. c. Chagnon [2003] J.Q. no 19313
R. v Sheehan [2003] N.J. no 57
42- Une fois que la preuve établit ces trois éléments, hors de tout doute raisonnable, l’accusé est présumé avoir commis l’infraction, à moins qu’il ne présente une défense ou une excuse raisonnable.
Voir : R. c. Lewko précité
R. c. Sheehan précité
43- Par ailleurs, il est important de ne pas confondre le concept de « l’excuse raisonnable » dont traite l’article 254 (5) du Code criminel et que l’accusé a le fardeau de prouver par une preuve prépondérante et la « mens rea » qui est un élément essentiel de l’infraction à l’article 254 (5) et que la poursuite a toujours le fardeau de prouver par une preuve hors de tout doute raisonnable.
Voir : R. v Sheehan précité
R. c. Bolduc [2000] J.Q. no 5745
R. c. Dupré [1995] A.Q. no 1155
R. c. Aubut [1992] A.Q. no 501
R. v Peck 1994 CanLII 4109 (NS C.A.), (1994) 128 N.S.R. (2d) 206
44- Dans l’arrêt R. v Sheehan précité, l’Honorable Juge Gorman dit à propos de l’actus reus et de la mens rea de l’article 254 (5) ce qui suit :
« In my view, the actus reus of this offence is the failure or refusal to comply with the demand. The mens rea element requires that the failure or refusal to comply be intentional. Therefore, a person who fails to provide an appropriate sample despite attempting to do so, will not have committed the mens rea of this offence. It is important to keep in mind that this has nothing to do with whether or not the accused had a reasonable excuse.”
Voir aussi R. c. Bolduc, précité, au même effet.
45- Dans la cause R. c Dupré, précitée, l’Honorable Lise Côté rappelle que pour déterminer s’il y a refus de passer le test, le juge doit considérer l’ensemble des circonstances. Ainsi, le contexte général entourant la commission de l’infraction doit être évalué, ce qui inclut, bien sûr, l’attitude du prévenu.
46- De même dans la cause R. c. Bolduc, précitée, l’Honorable Juge Bonin expose que dans chaque cas, les circonstances des agissements allégués comme étant un refus sont déterminantes et qu’il y a, entre autres, pour un Tribunal à s’interroger sur, le cas échéant, l’intention véritable de l’accusé de s’esquiver.
Voir : Lessard c. R. R.J.P.Q. 93-279 au même effet.
53- Dans l’arrêt R. c. Bonin, précité, le Tribunal a déclaré que l’expression « faire défaut d’obtempérer à un ordre » ne signifie pas de faire défaut de réussir d’exhaler suffisamment d’air, malgré la volonté ferme de le faire.
54- Le fait que la défenderesse ait, par le passé, été trouvée coupable d’avoir refusé de fournir un échantillon d’haleine, n’affecte pas ici sa crédibilité. De fait, comme elle le soumet, il est tout à fait vraisemblable qu’elle n’avait aucune raison, dans les circonstances relatées, de ne pas vouloir donner suite à la demande de la police, vu sa consommation éloignée dans le temps et le fait qu’elle connaissait les conséquences d’un refus de donner suite à l’ordre.
55- La défenderesse a soutenu qu’elle voulait souffler dans l’appareil de détection, qu’elle s’était exécutée à cette fin à quatre (4) reprises, mais sans succès.
56- Elle a tenté d’expliquer son incapacité à y parvenir par le fait de sa condition médicale.
57- À cet effet, il faut noter que le rapport médical produit comme exhibit D-1, bien qu’il fasse état des nombreux problèmes de santé de la défenderesse depuis 1983, ne traite aucunement d’une difficulté ou incapacité à exhaler suffisamment d’air dans un appareil de détection.
58- La défenderesse pouvait certes dire au Tribunal comment elle se sentait lors des événements, mais sa condition médicale ne peut être évaluée que par un expert.
Voir : R. c. Fontaine [2002] J.Q. no 2120
59- D’autre part, comme je l’ai déjà souligné, il incombe de distinguer la preuve de l’intention de refuser ou du défaut d’obtempérer à l’ordre, que la poursuite doit faire hors de tout doute raisonnable, lors d’une accusation de refus, de « l’excuse raisonnable » qui doit être prouvée par la défense, selon la balance des probabilités, mais qui n’entre en jeu, le cas échéant, qu’une fois que la poursuite a prouvé, selon le degré de preuve requis, tous les éléments essentiels du refus, dont l’intention.
Voir : R. v Sheehan, précité
R. v Gray reflex, (1986) 30 C.C.C. (3d) 234
60- La question est donc de déterminer en premier lieu, si la poursuite a prouvé les éléments essentiels de l’infraction de refus hors de tout doute raisonnable.
Voir : R. v Avetysan 2000 SCC 56 (CanLII), [2000] 2 S.C.R. 745
61- Il m’apparaît qu’eu égard à l’ensemble de la preuve, il subsiste un doute raisonnable à l’égard de l’intention délibérée de la défenderesse de faire défaut ou de refuser de fournir un échantillon d’haleine.
62- La défenderesse a été coopérative, a exprimé sa volonté de se soumettre au test de dépistage et a fait quatre (4) tentatives. La preuve ne démontre pas, hors de tout doute raisonnable, qu’elle ait voulu se soustraire au test de dépistage et un acquittement s’impose donc sur le chef de refus.
Voir : Lessard c. R., précité
63- Il me faut ajouter,que confrontés à la situation qui prévalait lors des tests,les policiers auraient pu éliminer tout doute sur l’intention véritable de la défenderesse,en requérant aux termes de l’article 245 (3) b) C.Cr. les échantillons de sang,vu les tentatives véritables qu’elle a faites et l’incapacité alors soulevée d’exaler suffisamment d’air.
Voir : R. v. Shinck [2001] J.Q. no 2884
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