R. c. J.M. , 2008 QCCQ 428 (CanLII)
[62] Le tribunal fera son analyse en examinant l'ensemble de la preuve pour savoir si l'accusé est en situation de confiance dans le cadre d'une infraction d'exploitation sexuelle face à sa filleule. L'autorité doit être écartée par le tribunal vu l'ensemble de la preuve qui démontre que la plaignante était à cette époque sous l'autorité de ses propres parents. D'ailleurs, il ressort de la jurisprudence que les termes employés par le législateur à cet article du Code criminel qui traite de l'exploitation sexuelle d'une personne adolescente, l'article 153.(1), doivent être interprétés selon leur sens courant. Ici, rien dans la preuve, je le répète, n'est à l'effet que les parents de la plaignante auraient d'une quelconque façon, tant dans leurs directives que dans les faits, légué au parrain l'autorité nécessaire pour que l'accusé se retrouve dans cette position face à sa nièce et filleule, X.
[63] Donc, comme le consentement ne peut être invoqué comme moyen de défense, face à une telle accusation, vu que la preuve est faite que la plaignante était, en novembre 1995 âgée de moins de 18 ans, vu l'admission de l'accusé quant aux deux relations sexuelles avec la plaignante (geste énuméré à l'article 153.(1) du C.cr.), il reste donc au tribunal à décider si l'accusé était alors en position de confiance à l'égard de sa nièce et filleule et donc si la plaignante était dans une relation de dépendance vis-à-vis de l'accusé.
[64] L'article 153 du Code criminel prévoit l'infraction d'exploitation sexuelle :
153. (1) Commet une infraction toute personne qui est en situation d'autorité ou de confiance vis-à-vis d'un adolescent, à l'égard de laquelle l'adolescent est en situation de dépendance ou qui est dans une relation où elle exploite l'adolescent et qui, selon le cas:
a) à des fins d'ordre sexuel, touche, directement ou indirectement, avec une partie de son corps ou avec un objet, une partie du corps de l'adolescent;
b) à des fins d'ordre sexuel, invite, engage ou incite un adolescent à la toucher, à se toucher ou à toucher un tiers, directement ou indirectement, avec une partie du corps ou avec un objet.
[65] Dans R. c. Audet, qui demeure l'arrêt clé en la matière, le juge Laforest rappelle l'objectif de cette disposition :
[…]le législateur a adopté l'art. 153 du Code criminel dans le but de protéger les adolescents se trouvant en situation de vulnérabilité vis-à-vis de certaines personnes en raison d'un déséquilibre inhérent à la nature de la relation qu'ils vivent avec celles-ci.
[66] Pour établir la commission de l'infraction d'exploitation sexuelle, le ministère public doit démontrer hors de tout doute raisonnable que :
- Le plaignant est un adolescent, c'est-à-dire une personne âgée de quatorze ans au moins, mais de moins de dix-huit ans (article 153 (2) C.cr.);
- L'accusé a posé l'un des gestes énumérés à l'article 153(1) C.cr.;
- L'accusé était alors en position d'autorité ou de confiance à l'égard de l'adolescent, ou encore l'adolescent était dans une relation de dépendance avec l'accusé.
[67] Les premiers et deuxième éléments sont prouvés et admis.
[68] Le ministère public doit démontrer la mens rea requise pour chacun de ces éléments matériels. L'article 150.1 du Code criminel prévoit que le consentement du plaignant ne peut être invoqué comme moyen de défense à cette infraction. Le juge Laforest a d'ailleurs cité avec approbation les propos du juge Woolridge dans l'affaire Hann (no. 2) qui explique cette position:
[traduction] Le texte de l'art. 153 laisse implicitement entendre que, nonobstant le consentement, le désir ou les souhaits de l'adolescent, c'est l'adulte en situation de confiance qui a la responsabilité de refuser d'avoir tout contact sexuel avec cet adolescent.
[69] La notion de situation de confiance, quoique difficile à cerner, a été définie dans l'arrêt Audet de la Cour suprême en d'inspirant des propos du juge Blair dans l'affaire P.S. :
La confiance, nous enseigne Le Grand Robert, est le fait de croire, l'espérance ferme en quelque chose, la foi en quelqu'un et l'assurance qui en découle. En anglais, le mot «trust» peut avoir diverses significations, surtout dans un contexte juridique. Puisque le législateur a utilisé le mot «confiance» dans la version française, je doute que le mot «trust» au par. 153(1) réfère au concept d'equity. Je souscris donc aux réserves exprimées par le juge Blair. «Trust» doit plutôt être interprété suivant son sens premier: [traduction] «[c]onfiance en une qualité ou un attribut d'une personne ou d'une chose, ou en la véracité d'une déclaration». Le mot «confidence» se définit ainsi: [traduction] «[a]ttitude morale de celui qui se fie à quelqu'un ou à quelque chose; espérance ferme, fiabilité, foi».
[70] Dans ce même ordre d'idées, le juge Dudemaine de la Cour du Québec ajoute ce qui suit:
Toutes ces définitions convergent vers un crédit accordé à une personne qui porte quelqu'un à s'en remettre à celle-ci. C'est un lien, en quelque sorte, de fiabilité s'établissant d'un individu à l'égard d'un autre.
Il apparaît évident au Tribunal que le législateur a voulu protéger les jeunes gens contre des adultes qui sont, à leurs yeux, crédibles, méritoires, et qui abusent de ce lien de fiabilité leur étant dévolu par ceux-ci.
[71] Pour analyser objectivement la relation entre l'accusé et l'adolescent, le législateur énumère les éléments qui peuvent être pris en considération par le juge:
153. (1.2) Le juge peut déduire de la nature de la relation entre la personne et l'adolescent et des circonstances qui l'entourent, notamment des éléments ci-après, que celle-ci est dans une relation où elle exploite l'adolescent:
a) l'âge de l'adolescent;
b) la différence d'âge entre la personne et l'adolescent;
c) l'évolution de leur relation;
d) l'emprise ou l'influence de la personne sur l'adolescent.
[72] Préalablement à l'ajout de ce paragraphe à l'article 153 C.cr. la jurisprudence avait établi ainsi les facteurs à considérer pour démontrer l'existence d'une situation de confiance :
[…] all the circumstances of the relationship must be examined to determine the existence of an element of trust, including the status of the appellant, the age difference between the two parties, the evolution of the relationship, and the circumstances under which the alleged offence was committed.
[73] Cette analyse doit nécessairement prendre en compte l'objectif de cette disposition qui est de protéger les adolescents qui peuvent se trouver en situation de vulnérabilité et de faiblesse en raison de la nature de la relation qu'ils peuvent avoir avec certaines personnes.
[74] De plus, le ministère public n'a pas à établir que l'accusé a usé de sa relation d'autorité ou de confiance face à l'adolescent, ou de sa situation de dépendance pour obtenir le consentement de l'adolescent aux fins de commettre l'infraction à l'article 153(1) du Code criminel.
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