R. c. Trudel, 2008 QCCQ 8664 (CanLII)
[28] Les pouvoirs du juge de paix à l’enquête sur la mise en liberté sont prévus à la partie XVI C.cr. intitulée « Mise en liberté provisoire par voie judiciaire » et, plus particulièrement, à l’alinéa 518 (1) a) qui se lit :
« 518 (1) Enquêtes devant être faites par le juge de paix et preuve – Dans toute procédures engagées en vertu de l’article 515 :
a) le juge de paix peut, sous réserve de l’alinéa b), faire, auprès du prévenu ou à son sujet, sous serment ou autrement, les enquêtes qu’il estime opportunes; ».
[29] L’article 484 C.cr dans la Partie XV C.cr. intitulée « Procédure et pouvoirs spéciaux » se lit comme suit :
« 484. Maintien de l’ordre – Chaque juge ou juge de la cour provinciale a le même pouvoir et la même autorité, pour maintenir l’ordre dans un tribunal par lui présidé, que ceux qui peuvent être exercés par la cour supérieure de juridiction criminelle de la province pendant ses séances. »
[30] Les auteurs Béliveau et Vauclair, dans Traité général de preuve et de procédure pénale, s’expriment ainsi aux paragraphes 111 et 118 dans la section 3 de leur volume intitulée « La juridiction inhérente des tribunaux » :
« 111. Comme nous l’avons déjà indiqué, l’essentiel des règles procédurales sont prévues au Code criminel. Mais il n’est pas exhaustif en la matière. À cet égard, il faut savoir que dans les systèmes judiciaires d’inspiration britannique, les tribunaux jouissent de pouvoirs inhérents sur le plan procédural. On reconnaît que ces pouvoirs sont de trois ordres, soit ceux de régir les procédures, de sanctionner l’outrage au tribunal et de protéger la cour contre l’abus de procédures. Ces pouvoirs varient selon que la cause est entendue par une cour supérieure, une cour inférieure ou un tribunal statutaire. Une cour supérieure possède en sus un pouvoir de surveillance et de contrôle sur les cours et tribunaux inférieurs, ce que l’on désigne par l’expression « contrôle judiciaire ».
(…)
118. En principe, les cours inférieures ne possèdent pas le pouvoir d’adopter des règles de pratique d’application générale; elles ne peuvent que rendre des ordonnances ponctuelles aux litiges dont elles sont saisies, comme par exemple demander une expertise et ordonner à la Couronne d’en assumer les frais. Elles ont, comme les cours supérieures, également le pouvoir de gérer les affaires qu’elles entendent. Toutefois les paragraphes 482(2) et 482.1(1) du Code confèrent à toutes les cours de juridiction criminelle, ainsi qu’à la Cour du Québec et à toute cour municipale dans cette province, le pouvoir d’adopter des règles de pratique complètes et similaires à celles que peuvent adopter les cours supérieures. Ainsi, elles peuvent réglementer la plaidoirie, la pratique et la procédure, y compris les enquêtes préliminaires et la mise en liberté provisoire. Enfin, l’article 482.1 du Code leur permet, comme les cours supérieures, d’adopter des règles visant la gestion des instances auxquelles les parties sont tenues de se conformer et dans le cadre desquelles les tribunaux peuvent contraindre l’accusée à comparaître ».
[31] Les articles 12 et 17 du Règlement de la Cour du Québec se lisent comme suit :
« 12. Est prohibé à l’audience ce qui porte atteinte au décorum et au bon ordre.
17. À l’audience, la sécurité des personnes et la prise en charge des personnes dont la détention est ordonnée sont assurées par un agent de sécurité ou un constable selon les modalités convenues avec le ministère de la Sécurité publique. »
[32] Dans l’affaire R. v. Jones, qui porte sur le refus d’un juge de paix siégeant à une enquête préliminaire de se prononcer sur la question du port des menottes, le juge Then, O.C.J. a conclu :
« The authorities cited by the Crown persuade me that the preliminary inquiry judge erred in not holding a hearing once the issue of shackling of the applicants in the courtroom was raised. Thereupon he ought to have exercised his discretion on the basis of the evidence adduced and the submissions of counsel.
The manner in which the discretion is to be exercised is for the judge to determine in the particular circumstance of each case in which the issue of shackling of a prisoner in the courtroom is raised. The authorities which have been cited to me suggest that a balance should be struck between the duty of the judge to ensure the safety [of] in all participants to the proceeding and prevent escape on the one hand, and the need to maintain the dignity of the prisoner in the context of the presumption of innocence on the other. In effecting this balance the views and expertise of the security personnel will no doubt be given considerable weight. The ultimate determination, however, must be made by the presiding judge and not by security staff. »
[33] Après avoir cité les motifs de la décision du juge Then, dont les paragraphes cités au paragraphe précédent, la Cour d’appel de l’Ontario, dans l’arrêt R. v. McNeill (qui porte également sur le refus d’un juge de paix à l’enquête préliminaire de se prononcer sur le port de menottes), a décidé :
« We accept these as statements of the applicable law. It is not necessary for us to state in any detail how a judge’s jurisdiction is to be exercised when the question of physical restraint of an accused is raised. »
[34] Il apparaît au Tribunal que la jurisprudence rendue au sujet du port des menottes lors de l’enquête préliminaire est fondée, non sur les pouvoirs statutaires du juge de paix à l’enquête préliminaire en vertu de l'alinéa 537 (1) i) C. cr., mais bien sur le pouvoir discrétionnaire d’un juge qui préside une audience, quelle qu'elle soit.
[35] À titre de juge de paix à l’enquête sur la mise en liberté, le Tribunal exerce les pouvoirs statutaires qui sont prévus à la Partie XVI C.cr.
[36] L’accusée, sur qui le Tribunal a juridiction à cette étape, requiert une décision de celui-ci dans le cadre des pouvoirs statutaires qu’il exerce.
[37] Dans l’exercice de ses pouvoirs statutaires à l’enquête sur la mise en liberté d'un accusé, le Tribunal, à titre de juge de paix, a le pouvoir de gérer le décorum et le bon ordre de l’audience qu’il préside.
[38] Le juge de paix qui préside une enquête sur la mise en liberté, au même titre que tout Tribunal, est maître de l’ordre dans la salle où se tient l’audience, il voit au bon fonctionnement des auditions qu’il préside et gère les affaires qu’il entend.
[39] Le Tribunal conclut que la gestion des affaires entendues par le juge de paix à l’étape de l’enquête sur la mise en liberté comprend nécessairement la gestion des incidents qui découlent de l’exercice de sa juridiction à titre de juge de paix, ce qui comprend la manière dont un prévenu doit comparaître à l’audience.
[40] Le Tribunal conclut qu’à titre de juge de paix qui préside une enquête sur la mise en liberté de l’accusée, il a le pouvoir de se prononcer sur l’opportunité du port de menottes par l’accusée dans la salle d’audience.
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