Hallé c. R., 2010 QCCA 2229 (CanLII)
[17] Même si l'appelant n'a pas été l'objet d'une véritable prise en chasse, rien n'empêchait les agents d'enquêter sur les infractions qu'ils venaient tout juste de constater.
[18] La Loi sur la police prévoit que :
48. Les corps de police ainsi que chacun de leurs membres ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer les crimes et, selon leurs compétences respectives énoncées aux articles 50 et 60, les infractions aux lois et aux règlements pris par les autorités municipales et d'en rechercher les auteurs.
[19] Il s'infère de cette disposition que rechercher les auteurs des infractions criminelles ou pénales relève du mandat général des agents de la paix. La loi prévoit aussi que la Sûreté du Québec a compétence pour prévenir et réprimer les infractions aux lois sur l'ensemble du territoire du Québec. À ces pouvoirs statutaires s'ajoutent ceux que la common law reconnaît aux policiers aux fins de l'exercice de leur devoir. L'auteur Maurice Gabias écrit :
Le mandat général confié aux agents de police par le biais de l'article 48 de la Loi sur la Police décrit précédemment recoupe certaines obligations imposées aux forces policières par la common law. Malgré que ces obligations n'aient pas encore été délimitées distinctement par les tribunaux, la Cour suprême a statué, dans l'arrêt Dedman qu'elles comprenaient la préservation de la paix, la prévention du crime et la protection des biens et de la vie des personnes.
[20] Notre Cour dans l'arrêt Ladouceur a ainsi identifié les sources des différents pouvoirs conférés aux agents de la paix, dont celui de faire enquête :
[28] Les pouvoirs conférés aux policiers afin d'exercer utilement leurs fonctions, y compris leur pouvoir d'enquête, émanent de plusieurs sources : du Code criminel, qui énumère les pouvoirs octroyés aux agents de la paix et détermine les règles à suivre; des diverses lois qui créent les corps policiers (par exemple, la Loi de police, L.R.Q., c. P-13, aux articles 37, 38 et 39), ainsi que de certaines lois provinciales spéciales (par exemple, le Code de la sécurité routière, L.R.Q. c. C-24.2); et enfin, de la common law qui accorde aux policiers les pouvoirs ancillaires à l'exercice de leurs devoirs statutaires, par exemple la continuation possible de l'enquête, le pouvoir d'arrestation et la fouille accessoire à cette arrestation.
[21] Je conclus de ce qui précède que le pouvoir de faire enquête est intimement lié aux devoirs conférés par la loi et la common law aux agents de la paix. Cependant, l'exercice de ceux-ci est assujetti au respect des droits protégés par la Charte.
[22] Les dispositions du Code de procédure pénale et du Code de sécurité routière ne prévoient pas de façon spécifique la manière dont les agents de la paix doivent exercer leur pouvoir d'enquête. En pareil cas, il est nécessaire de se référer aux principes de la common law pour déterminer l'étendue de la mesure policière permise :
[45] […] La portée de la conduite justifiable des policiers ne sera pas toujours définie par des termes explicitement prévus dans la loi, mais plutôt selon l’objet du pouvoir policier en question et en fonction des circonstances particulières de son exercice. Ainsi, il faudra inévitablement invoquer les principes de la common law pour déterminer la portée des mesures policières permises aux termes de toute loi […].
[23] Afin d'apprécier le caractère raisonnable de l'intervention d'un agent de la paix, la Cour suprême dans l'affaire Dedman c. R. cite avec approbation ce passage de la Cour d'appel anglaise dans la célèbre affaire R. v. Waterfield :
[TRADUCTION] Dans la plupart des cas, il est probablement plus facile de se demander ce que l'agent faisait en réalité et notamment si sa conduite constitue de prime abord une atteinte illégale à la liberté personnelle ou à la propriété. Si tel est le cas, il y a lieu de rechercher a) si cette conduite entre dans le cadre général d'un devoir imposé par une loi ou reconnu par la common law et b) si cette conduite, bien que dans le cadre général d'un tel devoir, a comporté un emploi injustifiable du pouvoir découlant de ce devoir. Ainsi, comme on peut affirmer en termes généraux que les agents de police ont le devoir d'empêcher le crime et le devoir, lorsqu'un crime a été perpétré, de traduire le délinquant en justice, il est également évident, selon la jurisprudence, que lorsque l'accomplissement de ces devoirs généraux comporte des atteintes à la personne ou aux biens d'un particulier, les pouvoirs des policiers ne sont pas illimités.
[24] À la lumière des circonstances du présent dossier, je suis d'accord avec les conclusions du juge de première instance. Il n'y a pas ici atteinte illégale au droit de propriété de l'appelant et encore moins une atteinte à sa liberté. L'enquête des agents de la paix intervient à l'occasion de l'exercice d'un devoir qui leur est conféré par la loi et la common law. Leur conduite ne laisse voir aucun « emploi injustifiable du pouvoir découlant de ce devoir ».
[25] Je souligne que les faits à l'origine de l'intervention des agents portent uniquement sur l'application du Code de la sécurité routière – vitesse excessive contrôlée par radar et passage sur un feu rouge.
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