R. c. Gauthier, 2011 QCCQ 990 (CanLII)
[84] Je n'ignore pas l'existence de l'article 4 (6) de la Loi sur la preuve au Canada (C-5), lequel se lit comme suit:
(6) Le défaut de la personne accusée, ou de son conjoint, de témoigner ne peut faire le sujet de commentaires par le juge ou par l’avocat du poursuivant.
[85] Toutefois, puisque le procès de l'accusé n'a pas été tenu devant un jury, cette disposition ne trouve pas application (Béliveau et Vauclair, Traité Général de preuve et procédures pénales, 17e édition, 943, paragraphe 1409).
[86] Au sujet de l'absence de témoignage d'un accusé à son procès, la Cour Suprême du Canada s'exprime comme suit en 2008 dans R. c. Rojas (2008 C.S.C. 56).
[25] À mon humble avis, c’est une chose que de dire expressément au jury, comme on l’a fait dans Perciballi, de tenir compte d’une déclaration extrajudiciaire admissible à l’égard d’un seul des accusés pour rendre sa décision concernant l’autre accusé — une telle directive entraînerait une utilisation inacceptable de la déclaration extrajudiciaire. La situation est toutefois très différente lorsque l’ensemble de la preuve soumise au jury, y compris des éléments se rapportant à un seul des coaccusés, influe d’une façon ou d’une autre sur l’évaluation de la crédibilité générale du témoin. Un tel résultat est inévitable vu la nature intangible de toute évaluation de la crédibilité. Bien qu’imparfaite, l’analogie suivante peut nous éclairer. Il est bien établi que tant le ministère public que le juge doivent s’abstenir de toute remarque sur le fait qu’un accusé ne témoigne pas, car cela compromettrait le droit de l’accusé au silence et irait à l’encontre de la présomption d’innocence. Mais il ne s’ensuit pas pour autant que le silence d’un accusé à son procès soit dépourvu de pertinence. Au contraire, le fait qu’un accusé ne témoigne pas peut très bien avoir une incidence sur l’évaluation globale de la preuve du ministère public et sur la crédibilité de tout témoin dont les déclarations ne sont pas contredites.
[87] Les auteurs Béliveau et Vauclair (Traité général de preuve et procédure pénales (17e édition 2010 Éditions Yvon Blais) s'expriment également comme suit quant aux circonstances où il pourrait être approprié de référer au silence de l'accusé pour en tirer des conclusions:
1072. La deuxième exception vise le cas où la défense soulève une question qui démontre la pertinence du silence de l'accusé. Ce sera le cas si elle fait valoir que ce dernier a collaboré avec des autorités, qu'il a, au moment de son arrestation, nié les actes qui lui sont rapprochés ou encore si elle allègue que l'enquête policière a été bâclée, de sorte qu'il y a erreur sur la personne. La troisième exception vise l'omission de divulguer une défense d'alibi en temps utile et de manière régulière. Enfin, la preuve du silence de d'accusé est admissible si elle est nécessaire à la bonne compréhension de la preuve. Cela étant, le juge devra, dans chacun de ces cas, donner au jury une directive appropriée quant au fait qu'une telle preuve n'est pas admissible pour prouver la culpabilité de l'accusé.
[88] Il me semble donc permis de croire que le défaut de l'accusé de témoigner peut affecter sa défense dans les circonstances.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire