mercredi 30 novembre 2011

L'abandon de son véhicule automobile VS l'expectative de vie privée

R. c. Derisca, 2011 QCCQ 4148 (CanLII)

[73] Dans l'arrêt Goodleaf, le juge Proulx, avec l'assentiment de ses collègues, écrit :

Une personne qui, pourchassée par la police, abandonne son véhicule, portière ouverte et en bordure d'un chemin public, pour faciliter sa fuite, peut‑elle se plaindre d'une violation d'un droit à la protection contre une fouille et une saisie abusives (art. 8 de la Charte canadienne des droits et libertés) si, au cours de sa fuite, la police saisit sans mandat dans le véhicule des biens dont la personne est en possession illégale?

C'est la question que soulève ce pourvoi.



L'article 8 vise essentiellement à protéger le droit à la vie privée des personnes dans la mesure où ces dernières peuvent avoir une expectative raisonnable de vie privée ou du caractère confidentiel à l'égard de la chose saisie.

Cette « raisonnabilité » de l'expectative de vie privée peut varier selon les circonstances de l'espèce.

Il y a donc lieu, pour déterminer si l'art. 8 s'applique, d'examiner dans un premier temps si le respect de la vie privée de la personne est en cause ou encore si nous sommes dans une situation où la personne avait le droit à la préservation du caractère confidentiel de l'objet saisi.

C'est dans ce contexte que la jurisprudence, encore très récemment dans l'arrêt R. c. Stillman, 1997 CanLII 384 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 607, a examiné le concept de l'« abandon » d'une chose au sujet de laquelle on a normalement une attente en matière de vie privée, pour exprimer l'idée qu'une personne qui abandonne sa chose cesse d'avoir une attente raisonnable de vie privée au sujet de cette chose et ne peut donc plus invoquer la protection que lui accorde l'art. 8.



Dans R. v. Belnavis and Lawrence 1996 CanLII 4007 (ON CA), (1996), 107 C.C.C. (3d) 195, la Cour d'appel d'Ontario, a insisté sur le « contrôle de l'accès » (au véhicule) comme élément déterminant du principe du droit à la vie privée.

Appliquant ces principes au cas à l'étude, j'estime qu'il s'agit d'un cas flagrant d'abandon par l'intimée de son véhicule et du contenu.

Pourchassée par la police, elle a choisi d'abandonner son véhicule plutôt que d'accepter les conséquences de ses actions illégales, s'en remettant au sort d'une découverte éventuelle du chargement. C'est comme si l'intimée s'était enfuie avec une mallette qu'elle aurait finalement laissé tomber sur le sol pour accélérer sa fuite : alors de la même façon il faudrait considérer qu'elle a abandonné son bien et son droit d'en contrôler l'accès au profit de l'État.

En conséquence de cet abandon, l'intimée ne pouvait donc invoquer la violation d'un droit auquel elle ne pouvait plus prétendre. La fouille et la saisie n'ont donc pas porté atteinte à un droit de l'intimée et la preuve obtenue était donc admissible.

[74] Plus récemment, dans une affaire où le véhicule avait été abandonné au milieu d'une ruelle, personne à bord, portes déverrouillées, moteur en marche et lumières allumées, le juge André Vincent conclut dans le même sens :

[45] Le présent cas relève beaucoup plus de l'abandon par le propriétaire de son bien, renonçant ainsi à la protection de l'article 8 de la Charte.

[46] La Cour suprême, dans l'arrêt R. c. Stillman a reconnu que l'abandon d'un bien par un accusé non détenu prive ce dernier de la protection d'une atteinte raisonnable en matière de vie privée à son sujet.

[49] Comme la Cour suprême le mentionne, ce n'est pas le camion qui est protégé par l'article 8, mais bien le citoyen. Lorsque celui-ci renonce, pour des raisons qui lui sont propres, à la protection de la Charte en abandonnant volontairement son bien, il ne peut, après la découverte des objets, invoquer de nouveau une attente raisonnable à la vie privée

[75] De ces jugements, la Cour peut déjà conclure qu'en abandonnant son véhicule, la porte ouverte, l'accusé a renoncé à toute attente raisonnable en matière de vie privée à l'égard de son véhicule et de son contenu.

[76] De plus, cette fouille accessoire à l'arrestation était légale et justifiée comme le rappelle la Cour suprême dans l'arrêt Nolet :

[49] Une fouille est véritablement accessoire lorsque la police tente de « réaliser un objectif valable lié à l'arrestation », et notamment « d'assurer la sécurité des policiers et du public, d'empêcher la destruction d'éléments de preuve par la personne arrêtée ou d'autres personnes, et de découvrir des éléments de preuve qui pourront être utilisés au procès de la personne arrêtée » : Caslake, par.19 (je souligne); R. c. Golden, 2001 CSC 83 (CanLII), 2001 CSC 83, [2001] 3 R.C.S. 679, par. 74‑75. Les appelants étaient en état d'arrestation pour possession de produits de la criminalité. La fouille du véhicule dans lequel on avait trouvé de l'argent liquide était manifestement « accessoire » à cette arrestation en vue de trouver des éléments de preuve relatifs à l'activité criminelle à laquelle était relié l'argent : R. c. Rao reflex, (1984), 12 C.C.C. (3d) 97 (C.A.Ont.), et Cloutier c. Langlois, 1990 CanLII 122 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 158. Les agents pouvaient raisonnablement croire que la fouille de la remorque serait utile à cette fin (car ils avaient auparavant constaté, au bord de la route, la divergence de dimensions). Ce qui importe, c'est le lien entre le lieu et l'objet de la fouille et les motifs de l'arrestation.

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