Le terme de « fraude » est difficile à définir car la fraude englobe une large gamme d’irrégularités et d’actes illégaux caractérisés par une tromperie ou une escroquerie intentionnelle. Ainsi, il est souvent évoqué la fraude fiscale, la fraude aux assurances, la fraude aux consommateurs, ou encore la fraude électorale. Toutefois, cet article se concentrera sur autre type de fraude : les fraudes à caractère financier dont sont victimes les entreprises du fait de l’agissement en interne de leurs employés.
Dans le domaine financier, la fraude peut être perpétrée pour le bénéfice ou au détriment d’une organisation et par des personnes aussi bien externes qu’internes à cette organisation.
- Les fraudes réalisées pour le bénéfice d’une entreprise permettent généralement à cette organisation de retirer un avantage qui, d’une part, est indu et, d’autre part, peut tromper une tierce partie.
- Les fraudes perpétrées au détriment de l’entreprise procurent généralement un bénéfice direct ou indirect à un employé, à un individu externe ou à une autre entreprise.
Les variétés de cette fraude financière peuvent être regroupées en trois catégories principales :
- La présentation d’états financiers falsifiés
- Le détournement d’actifs
- La corruption
L’Association of Certified Fraud Examiners (ACFE) dans son rapport 2004
1, a mesuré les impacts de ces types de fraudes aux Etats-Unis :
Type de fraude | Fréquence des cas2 | Perte moyenne (en USD) |
La présentation d’états financiers falsifiés | 7,9 % | 1.000.000 |
La corruption | 30,1 % | 250.000 |
Le détournement d’actifs | 92,7 % | 93.000 |
Tableau 1 : Fréquence et impact financier des différents types fraudes
La falsification d’états financiers est la présentation délibérément erronée de la situation financière d’une entreprise au travers d’erreurs ou omissions intentionnelles relatives à des montants ou à des informations, effectuée dans le but de tromper les utilisateurs de ces états financiers. Cette fraude est dans la plupart des cas commise par les dirigeants de l’entreprise. En effet, elle ne procure pas nécessairement au fraudeur un gain financier personnel, mais lui permet de conserver un statut et une image.
En fonction de l’objectif à atteindre, cette modification de l’apparence des états financiers peut soit être une amélioration, soit une détérioration.
Ce type de falsification peut, par exemple, être réalisé pour masquer des problèmes commerciaux qui empêcheraient l’entreprise d’atteindre les objectifs annoncés ou de respecter les ratios définis dans un contrat de prêt. Egalement, elle pourrait être perpétrée afin d’obtenir un nouveau financement. Aussi, elle peut se pratiquer afin de justifier un prix de cession majoré.
L’amélioration fictive des états financiers se traduit soit par une surévaluation des actifs ou des produits, soit par une sous-évaluation des passifs ou des charges.
La surévaluation des actifs ou des produits peut, par exemple, être réalisée par les techniques suivantes : constatation de revenus et de créances fictifs ou de revenus anticipés, méthode de valorisation des actifs inappropriée, enregistrement d’immobilisations fictives, activation d’éléments à caractère de charge.
Concernant la sous-évaluation des passifs ou des charges, les moyens les plus fréquemment utilisés sont le décalage dans l’enregistrement de charges, la sousévaluation des charges et/ou des dettes, la sous-évaluation des provisions pour dépréciation d’éléments d’actifs, ou l’omission d’événements post-clôture.
La sous-estimation fictive de la situation financière d’une entreprise peut être effectuée afin de décourager des poursuites éventuelles ou de renégocier favorablement certains arrangements. Elle permet également de limiter le montant de certaines taxes ou encore de la participation des salariés au résultat de l’entreprise. Aussi, elle peut intervenir lors de changements de Direction, le nouveau management souhaitant « nettoyer » les comptes afin d’améliorer les résultats futurs.
Les principaux procédés mis en oeuvre pour aggraver la situation financière d’une entreprise sont la majoration des provisions, l’anticipation de charges, la sous-évaluation des stocks ou encore la comptabilisation d’achats d’immobilisations dans les charges de l’exercice.
Cette fraude étant généralement perpétrée par la Direction de l’entreprise, le contrôle interne n’est généralement pas suffisant pour assurer protection efficace. Toutefois, les auditeurs sont sensibilisés à ce type de fraude et l’ont intégré dans leurs objectifs d’audit. Aussi, les techniques d’audit traditionnelles mises en oeuvre permettent de répondre, dans la plupart des cas, à ce risque. On retrouvera donc comme moyens de détection les revues analytiques (verticales, horizontales et ratios), les entretiens et les tests d’audit traditionnels.
La corruption se définie par le fait d’offrir, de donner, de recevoir ou de solliciter quelque chose de valeur pour influencer une décision. Il s’agit d’une fraude, effectuée hors enregistrements comptables, qui représente une transaction commerciale illégale : une personne achète une influence via des commissions occultes.
Les deux principaux procédés de corruption que l’on peut distinguer dans le milieu de l’entreprise sont le pot-de-vin ou le truquage. Par le versement de pot-de-vin, un vendeur peut impliquer un employé de la société victime dans un schéma de surfacturation ou obtenir davantage de relations commerciales. Les schémas de truquage sont en revanche mis en oeuvre pour obtenir un contrat lors d’un processus concurrentiel d’attribution de marché.
La détection de ce type de fraude reste très difficile car, d’une part, elle implique des parties extérieures à l’entreprise, que l’on ne peut contrôler, et d’autre part, elle ne génère pas nécessairement de manipulations comptables. Certains moyens peuvent toutefois permettre d’identifier l’existence de corruption, comme l’étude du comportement de la personne suspectée d’être corrompue (niveau de vie disproportionné par rapport à ses revenus officiels, relations privilégiées avec certains fournisseurs, implication dans les domaines qui ne relève pas de ses attributions, …). Egalement, une analyse comparative des conditions commerciales pratiquées avec chaque fournisseur et des remises accordées permet d’identifier les fournisseurs favorisés. L’absence de procédure d’appel d’offre constitue aussi un indice.
Le détournement d’actif est le type de fraude le plus fréquent parmi les fraudes comptables s’exerçant dans le cadre professionnel, avec une proportion qui s’accroît sur les dernières années (81,1% des cas de fraudes en 1996, 85,7% en 2002 et 92,7% en 2004
3). Il consiste à transférer illégalement, de manière directe ou indirecte, un bien du patrimoine de l’entreprise à celui d’une personne. Dans plus de 90% des cas, il porte sur de la trésorerie, mais il peut également concerner tout autre actif de l’entreprise.
Au sein des détournements d’actifs, trois grandes familles de fraudes peuvent être isolées :
- La fraude sur décaissements : le fraudeur fait en sorte que son entreprise décaisse des fonds à son profit direct ou indirect.
- La fraude sur encaissements : les actifs sont détournés par le fraudeur avant même d’être enregistrés dans les comptes de l’entreprise.
- Le vol : les actifs sont dérobés par le fraudeur après avoir été enregistrés dans les comptes de l’entreprise.
A titre illustratif, l’étude menée par l’Association of Certified Fraud Examiners
4 en 2004, fait ressortir les données chiffrées suivantes concernant les différents types de détournements de fonds (soit 93% des cas de détournements d’actif) :
Type de fraude | Fréquence des cas5 | Perte moyenne (en USD) |
Fraude sur décaissements | 74,1 % | 125.000 |
Fraude sur encaissements | 28,2 % | 85.000 |
Vol de liquidités | 23,9 % | 80.000 |
Tableau 2 : Fréquence et impacts financiers par type de détournements d'actifs
Ces catégories se différencient par les schémas mis en oeuvre : vol pur et simple, détournement avec falsification d’écriture, détournement avec une aide extérieure, détournement par élaboration de faux documents,…
Les techniques de détournements utilisées dépendent principalement de la fonction occupée par le fraudeur, de sa position hiérarchique et de l’organisation de l’entreprise. Ainsi, un comptable privilégiera un détournement avec falsification d’écritures, alors qu’un caissier profitera de ses possibilités d’accès à la caisse pour commettre un vol de liquidités.
La détection de ce type de fraude nécessite la mise en oeuvre d’une véritable stratégie de recherche de fraude et le déploiement de techniques de détection spécifiques à la recherche de fraude.
Tiré de :
Typologie des différentes catégories de fraude à caractère financier
- Romain DUPRAT - http://www.pansard-associes.com/publications/audit-comptabilite/controle-interne-fraudes/typologie-fraudes-financier.htm