mercredi 26 décembre 2012

La production d'un enregistrement mécanique impose certaines prescriptions à son admissibilité

Cadieux c. Service de gaz naturel Laval inc., 1991 CanLII 3149 (QC CA)

Lien vers la décision 

Je conclus cette question en rappelant que dans la mesure où l'enregistrement mécanique d'une conversation par l'un des interlocuteurs rencontre les conditions générales d'admissibilité de la loi, que son contenu est pertinent au procès, elle devrait être produite et que l'article 5 de la Charte québécoise ne devrait pas y faire échec, comme il n'empêche pas la production d'écrit privé adressé à des tiers ou même des papiers domestiques.

Si l'enregistrement audio est une technique fiable, il remplace même les sténographes officiels dans les palais de justice, son utilisation est sujette et propice à tous les abus.  La machine audio ou vidéo est soumise à son opérateur.  Plus il sera habile et plus son équipement sera sophistiqué, plus il lui sera possible de truquer l'enregistrement ou, plus subtilement, de  donner à un aspect ou à une partie de l'entretien un relief qu'il n'avait pas en réalité.  Un autre groupe de problèmes se rattache à la conservation du document et sa toujours possible altération qui, si elle est faite par un technicien compétent et bien outillé, sera difficilement décelable.

Aussi, la production d'un enregistrement mécanique impose à celui qui la recherche, la preuve d'abord de l'identité des locuteurs, ensuite que le document est parfaitement authentique, intégral, inaltéré et fiable et enfin que les propos sont suffisamment audibles et intelligibles.  Les conséquences d'une erreur dans l'appréciation du document subséquemment admis en preuve sont si importantes que le juge doit être «entièrement convaincu», pour reprendre les mots du juge Pinard dans Hercy c. Hercy (déjà cité).  Cette conviction n'est certes pas régie par la règle du droit criminel;  mais le juge devra ici exercer sa discrétion avec une grande rigueur.

Sans proposer de règles ou normes précises, laissant aux plaideurs le soin de faire leur démonstration, la preuve du requérant devrait néanmoins être conduite de manière à entraîner une réponse affirmative aux critères que j'ai énumérés plus tôt.  Quant à celui à qui on oppose ce moyen de preuve, il devrait lui être possible, s'il le demande, d'obtenir le document pour l'examiner personnellement ou avec l'aide d'experts.  Il appartiendra alors au juge de définir les conditions de cet examen afin d'éviter toute altération.

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