vendredi 24 avril 2015

L'importance et la nature du mandat en matière de commissions secrètes, ainsi que la fonction de l'agent

R. c. Kelly, [1992] 2 RCS 170, 1992 CanLII 62 (CSC)


L'importance du mandat

                  Avant d'examiner l'objet de l'art. 426, je tiens à faire ressortir l'importance du mandat dans la société contemporaine.  Celle‑ci ne pourrait tout simplement pas fonctionner en l'absence de mandataires ou d'agents.  Il existe une multitude de rapports commettant‑agent.  Mentionnons notamment qu'il est difficile de vendre une maison ou un immeuble commercial sans un agent immobilier ou encore de s'assurer sans consulter un agent d'assurance.  Les agents de voyages organisent les vacances, et les courtiers agissent à titre d'agents dans le cadre d'opérations financières fort complexes et difficiles.  Les avocats agissent également à titre d'agents pour le compte de leurs clients.

                  De plus en plus, les conseillers financiers agissent à titre d'agents pour leurs clients.  Très souvent, les gens d'affaires et les professionnels qui ont un revenu élevé sont trop accaparés par leur travail pour bien organiser leurs affaires financières.  Ils font alors appel aux services de conseillers financiers.  Le rapport commettant‑agent est presque toujours fondé sur la divulgation de renseignements confidentiels par le commettant à l'agent.  Ce rapport repose sur la confiance que le commettant peut avoir dans les conseils et les services que l'agent lui fournit.

La nature du mandat

                  Dans The Law of Agency (5e éd. 1983), Fridman propose, à la p. 9, la définition suivante du mandat:

[TRADUCTION]  Le mandat est le rapport qui existe entre deux personnes dont l'une, l'agent, est en droit considérée comme la représentante de l'autre, lecommettant, si bien que cet agent peut, par la conclusion de contrats ou l'aliénation de biens, influer sur la situation juridique du commettant à l'égard de tierces parties.  [En italique dans l'original.]

                  Le commettant doit pouvoir faire confiance à l'agent car ce dernier peut influer sur sa situation juridique.  C'est peut‑être là l'élément central du rapport.  Essentiellement, l'agent vise à atteindre les mêmes résultats que ceux qu'aurait atteints le commettant s'il avait agi pour son compte.  L'agent peut exercer une si grande influence sur les affaires du commettant et il possède un si grand pouvoir d'agir pour le compte de ce dernier qu'il doit, cela va de soi, agir en tout temps au mieux des intérêts du commettant.

Les fonctions d'un agent

                  L'agent doit exécuter les fonctions qu'il s'est engagé à remplir.  Dans l'exercice de ses fonctions, l'agent doit avant tout agir au mieux des intérêts du commettant.  Toutefois, pour y arriver, l'agent ne doit pas excéder le mandat que lui a confié le commettant.

                  Dans le contexte des affaires de "commissions secrètes", les fonctions essentielles de l'agent découlent de la nature fiduciaire du mandat.  Le rapport de confiance est axé sur le commettant, et l'agent ne doit pas laisser ses intérêts personnels entrer en conflit avec ses obligations envers celui‑ci.  Il y a conflit d'intérêts quand l'agent doit choisir entre son intérêt personnel et son obligation envers le commettant.  Selon Fridman, op. cit., à la p. 153:

[TRADUCTION]  Si l'agent se trouve dans une situation où son intérêt personnel peut influer sur l'exécution de son obligation envers le commettant, il est tenu de faire une divulgation complète de toutes les circonstances pertinentes, pour que le commettant puisse, en pleine connaissance, décider s'il consent à l'acte de l'agent.

                  Les tribunaux ont adopté une ligne de conduite stricte, cherchant non seulement à interdire les véritables actes frauduleux commis par un agent à l'endroit de son commettant, mais aussi à empêcher que les agents ne se trouvent pas dans une situation qui invite à la corruption.  On trouve dans Bowstead on Agency (14e éd. 1976) plusieurs exemples où l'agent a un intérêt personnel et doit, par conséquent, faire une divulgation complète (à la p. 130):

[TRADUCTION]  . . . un agent ne peut acheter le bien de son commettant ni vendre son bien à ce dernier parce que dans un tel cas il y aurait conflit entre son intérêt et son obligation.  L'agent ne peut recevoir une commission des deux parties à une opération; il ne peut réaliser de profits secrets en exploitant sa situation ou le bien de son commettant; il ne peut retirer un bénéfice pour lui‑même de rapports avec une tierce partie qui sont en contravention de ses rapports avec son principal et il ne peut faire concurrence à son commettant.

                  Le mandat est extrêmement important pour le fonctionnement de notre société.  Ce rapport est fondé sur la confiance et il est de nature fiduciaire.  Il est essentiel d'en préserver l'intégrité.

Quelle est la norme appropriée de divulgation en matière de commissions secrètes?

R. c. Kelly, [1992] 2 RCS 170, 1992 CanLII 62 (CSC)


Quelle est alors l'étendue de la divulgation attendue d'un agent?  En d'autres termes, jusqu'à quel point le ministère public doit‑il prouver la non‑divulgation s'il veut établir la culpabilité d'un agent en vertu de l'art. 426?  Dans l'arrêt Kelly, la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique, à la majorité, a conclu que la divulgation [TRADUCTION] "doit être appropriée et complète en ce sens que le commettant doit être expressément informé de l'existence des commissions ou elle doit être tellement limpide que le commettant ne pourrait nier qu'il aurait dû être au courant" (p. 160).  Dans l'arrêt R. c. Arnold (1991),1991 CanLII 2547 (NS CA)65 C.C.C. (3d) 171, la Section d'appel de la Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse a accepté cette norme.  Ces tribunaux ont conclu que l'agent doit faire une divulgation complète, franche et impartiale.  Par contre, le juge Hutcheon, dissident dans l'arrêt Kelly, mentionne en obiter qu'une norme de "divulgation complète, franche et impartiale" est trop exigeante du point de vue du droit pénal et qu'une [TRADUCTION] "divulgation partielle pourrait être suffisante".

                  De nouveau, l'examen de l'objet de l'art. 426 peut nous aider à déterminer la norme requise de divulgation.  L'interdiction des commissions secrètes repose sur le principe de la protection des commettants vulnérables et de la préservation de l'intégrité du mandat.  En exigeant de l'agent qu'il divulgue la réception d'une commission, on contribue à l'atteinte de l'objectif de l'article.  En fait, la divulgation de l'existence d'une commission est essentielle pour attirer l'attention du commettant sur les risques de conflits d'intérêts.  En cas de non‑divulgation, le commettant n'a aucun moyen de savoir si l'agent agit réellement au mieux des intérêts qu'il représente et il ne peut déterminer s'il devrait accepter les conseils de l'agent.

                  Pour atteindre l'objet de l'article, on doit exiger de l'agent qu'il divulgue d'une façon appropriée et en temps opportun l'existence d'une commission.  Une divulgation générale et vague du fait que l'agent reçoit des commissions ne permet pas d'atteindre cet objectif.  L'agent doit divulguer la nature du bénéfice reçu, son montant calculé le mieux possible ainsi que sa source.  Il se peut que l'agent ne soit pas en mesure de déterminer avec exactitude le montant de la commission qu'il recevra.  Il suffira qu'il déploie des efforts raisonnables pour attirer l'attention du commettant sur le montant approximatif et la source de la commission à recevoir.  De toute évidence, le commettant sera influencé par le montant du bénéfice reçu par l'agent.  Plus le bénéfice de l'agent sera élevé, plus le conflit d'intérêts sera important et, toute proportion gardée, plus le risque sera grand pour le commettant.  La divulgation doit être faite en temps opportun en ce sens que le commettant doit être informé de l'existence du bénéfice dès que possible.  Certes, la divulgation doit être faite au moment où la récompense risque d'influencer l'agent relativement aux affaires du commettant.  En conséquence, il est essentiel que l'agent divulgue clairement au commettant d'une façon aussi diligente que possible la source et le montant, exact ou approximatif, du bénéfice.

                  Le rapport découlant du mandat ne sera protégé que dans le cas où la divulgation est à la fois appropriée et faite en temps opportun.  Muni de ces renseignements, le commettant pourra alors déterminer s'il doit se fier aux conseils de l'agent et dans quelle mesure.  Il serait préférable que cette divulgation soit faite par écrit.

mercredi 15 avril 2015

Fourchette jurisprudentielle en matière d'infractions de contacts sexuels, l’incitation à des contacts sexuels (2008-2009) & de leurre (2008-2009)

Perron c. R., 2015 QCCA 601 (CanLII)


Les contacts sexuels et l’incitation à des contacts sexuels (2008-2009)
[18]      Pour ces deux crimes, la fourchette applicable en jurisprudence est très large : les peines se situent entre 3 et 48 mois.
[19]      En 2008, pour des infractions majoritairement commises avant que le législateur n’impose une peine minimale, notre Cour déclarait que les peines imposées en matière de contacts sexuels variaient entre 9 et 36 mois.
[20]      Les peines concurrentes de 24 mois ne s’écartent donc pas de façon marquée des peines rendues pour des infractions semblables.
Le leurre (2008-2009)
[21]      Relativement à la fourchette des peines pour l’infraction de leurre, la Cour, dans l’arrêt R. c. Bergeron, indique ceci :
[75]   Mais il n'y a pas ici que l'infraction de contacts sexuels. Il y a aussi celle de leurre. La fourchette applicable à l'infraction que vise l'article 172.1 C.cr. génère des peines sévères. Dans St-Pierre c. R., on parle, pour une première infraction, d'une fourchette allant de six mois à un an, ce que confirme l'arrêt R. c. Cardinal. Dans l'arrêt Woodward, précité, la Cour d'appel de l'Ontario, à propos d'une infraction de leurre commise après 2007 (comme c'est ici le cas), écrit que :
58   Even if Jarvis did purport to set a range of 12 to 24 months for the offence of luring, that range needs to be revised given the 2007 amendment in which Parliament doubled the maximum punishment from five years to ten years. Moreover, if it is shown through the introduction of properly tendered evidence that the offence of luring has become a pervasive social problem, I believe that much stiffer sentences, in the range of three to five years, might well be warranted to deter, denounce and separate from society adult predators who would commit this insidious crime.
[Références omises – Soulignement ajouté]
[22]      Dans St-Pierre c. R., la fourchette de six mois à un an a été établie sur la base de peines prononcées pour des infractions commises avant le 22 juin 2007. Or, avant cette date, la peine maximale prévue pour l’infraction de leurre était de cinq ans, au lieu de dix ans.
[23]      Un examen de la jurisprudence concernant des cas de leurre similaires au nôtre révèle que les peines imposées pour des actes commis entre le 22 juin 2007 et le 9 août 2012 se situent entre 3 et 24 mois.
[24]      La Cour conclut que bien que la peine de 24 mois d’emprisonnement imposée à l’appelant pour l’infraction de leurre soit à l’extrémité supérieure de la fourchette, il n’y a pas lieu d’intervenir puisqu’elle n’est pas manifestement non indiquée.

Le choix du juge d’instance d’ordonner que les peines soient purgées de façon consécutive relève du pouvoir discrétionnaire dont il jouit lorsqu’il impose une peine

Perron c. R., 2015 QCCA 601 (CanLII)

Lien vers la décision

[31]      Quant au choix du juge d’instance d’ordonner que les peines soient purgées de façon consécutive, il relève du pouvoir discrétionnaire dont il jouit lorsqu’il impose une peine. La Cour suprême explique ainsi cette norme d’intervention :

46     À mon avis, la décision d’infliger des peines concurrentes ou des peines consécutives devrait être traitée avec la même retenue que celle dont les cours d’appel doivent faire preuve envers les juges qui ont infligé des peines en ce qui concerne la durée de ces peines. La raison d’être de la retenue à l’égard de la durée de la peine, qui a été clairement exposée dans les deux arrêts Shropshire et M. (C.A.), s’applique également à la décision d’infliger des peines concurrentes ou des peines consécutives. Lorsqu’il fixe la durée et le genre de peine, le juge du procès exerce son pouvoir discrétionnaire en fonction de sa connaissance directe de l’affaire; une cour d’appel n’a pas à intervenir en l’absence d’une erreur de principe, à moins que le juge qui a infligé la peine n’ait pas tenu compte de certains facteurs ou qu’il n’ait infligé une peine qui, dans l’ensemble, n’est manifestement pas indiquée. […]
[Soulignement ajouté]

[32]      Dans R. c. Bélanger, notre Cour résume les principes applicables au choix d’imposer des peines consécutives:

Aux termes de l'article 717(4)c)ii) C.cr., un juge peut rendre des sentences d'emprisonnement consécutives lorsqu'une personne (1) est déclarée coupable de plus d'une infraction devant le même tribunal, et (2) que des périodes d'emprisonnement sont imposées pour les infractions respectives: c'était le cas en l'espèce.

La jurisprudence a apporté deux tempéraments à cette règle, soit que (1) les peines devraient être concurrentes si les délits résultent d'un événement unique ou s'il s'agit d'actes criminels continus, sauf les cas où la loi prescrit que la sentence doit être consécutive ou encore, si le tribunal estime que l'une des infractions formant partie de l'événement unique comporte un élément aggravant qui justifie une peine consécutive, et (2) que l'effet cumulatif de la série des sanctions imposées ne doit pas résulter en une sentence disproportionnée par rapport à la culpabilité générale du délinquant. C'est le principe de la totalité des sentences qui assure une proportionnalité raisonnable aux infractions commises. [Accentué dans l’original]

[Références omises – Soulignement ajouté]

[33]      En l’espèce, il s’agit d’infractions distinctes commises à l’égard de plusieurs victimes à des moments différents. Le juge n’a pas erré en prononçant des peines consécutives. Il a tenu compte de la globalité de la peine :

[95]      Dans le cas de Y et A, les peines seront concurrentes entre elles pour tenir compte de l'effet global de la condamnation.

mardi 7 avril 2015

La corruption au Canada : Définitions et exécution

rédigé par Deloitte S.E.N.C.R.L./s.r.l.

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Principaux contributeurs: Anne-Marie Lynda Boisvert, Peter Dent et Ophélie Brunelle Quraishi

préparé pour SÉCURITÉ PUBLIQUE CANADA

Tiré de : http://publications.gc.ca/collections/collection_2015/sp-ps/PS18-10-2014-fra.pdf


lundi 6 avril 2015

Le vol par détournement

R. c. Nivyabandi, 2015 QCCQ 1099 (CanLII)


[26]      La Cour suprême du Canada dans R. c. Mylne, aura rappelé les principes et l'application du droit lorsque des sommes sont déposées erronément dans un compte de banque par une institution financière et ces circonstances qui peuvent engager la responsabilité pénale d'une titulaire de compte qui les retire.
[27]      «Lorsqu’un bien est erronément cédé à une personne qui connaît l’erreur, il n’y a pas de transfert de propriété aux fins du droit criminel si, en droit des biens, le transfert initial est nul ou simplement annulable et que le cédant jouit d’un droit de recouvrement.»  La distinction entre les transferts nuls et ceux susceptibles d’annulation n’a pas de raison d’être dans le contexte du droit criminel. « Dans l’un ou l’autre cas, lorsque le droit des biens accorde au moins un droit de recouvrement, la propriété n’est pas transférée aux fins du droit criminel.  Si le cessionnaire détourne alors le bien à son propre usage, frauduleusement et sans apparence de droit, dans l’intention d’en priver le cédant, il se rend coupable de vol». «En l’espèce, il y a lieu de rétablir la déclaration de culpabilité.  Le juge du procès a conclu que l’accusé savait que c’était par erreur que le second chèque avait été émis à l’ordre de sa société.  Par conséquent, la propriété du chèque en cause n’a pas été transférée à la société de l’accusé aux fins du droit criminel.  Le juge du procès a conclu en outre qu’en déposant le second chèque dans le compte de sa société pour ensuite retirer l’argent, l’accusé a détourné les fonds à son propre usage dans l’intention d’en priver la Cie B.H.  Ce détournement a été fait frauduleusement et sans apparence de droit, car l’accusé savait que le chèque avait été émis par erreur.»
[28]      Dans le dossier Queen v. Parkes, interrogée, la propriétaire d'une maison où résidait un vétéran, accusé de vol avait détournée à son nom des fonds considérable en provenance de fonds, de rentes versées à la victime dont il était propriétaire. Ces fonds avaient été détournés frauduleusement et sans apparence de droit et dans l'intention de priver la victime de ces fonds.  Le mot frauduleusement signifie «malhonnêtement, immoralement, trompeusement». La Cour d'appel du Manitoba avait qualifié ainsi la fraude en disant qu'elle possédait les caractéristiques de la turpitude morale, quelque chose de la nature de la tromperie, de la supercherie (ruse), de la fourberie (astuce), enfin des comportements assimilables.
[29]      Dans R. c. Skalbania, 1997 CanLII 337 (CSC)[1997] 3 R.C.S. 995, la Cour suprême du Canada avait affirmé que «La deuxième question concerne la mens rea requise pour prononcer une déclaration de culpabilité en vertu du par. 332(1).  Nous sommes d’accord avec le juge Rowles de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique pour dire qu’un détournement intentionnel, et non par erreur, est suffisant pour établir la mens rea requise en vertu du par. 332(1) :  voir Lafrance c. La Reine1973 CanLII 35 (CSC)[1975] 2 R.C.S. 201;R. c. Williams[1953] 1 Q.B. 660 (C.A.).  Le mot «frauduleusement» utilisé dans ce paragraphe ne connote rien de plus.  La malhonnêteté inhérente à l’infraction réside dans l’affectation intentionnelle, et non par erreur, de fonds à une fin irrégulière.» L'arrêt Skalbania est celui d'un investisseur dans une entreprise qui avait intentionnellement et certes pas par erreur détourné des fonds au terme d'une entreprise sans dévoiler les difficultés financières de l'entreprise.
[30]      La Cour d'appel de l'Ontario dans R. v. DeMarco aura rappelé le sens de l'apparence de droit.  Une personne agirait sans apparence de droit si sachant qu'elle n'a pas un droit légal de prendre, elle s'approprie un bien. L'intention de voler s'apprécie, se détermine objectivement en référence à ce qu'une personne raisonnable utilisant un bon sens commun inférerait et aussi en référence aux conséquences naturelles des actions de cette même personne qui alors reçoit et retient ou détourne les sommes reçues.  L'apparence de droit peut résulter d'une erreur de droit civil ou d'une erreur de fait alors que dans les deux cas, cette erreur présuppose la croyance honnête dans un intérêt de propriétaire ou de possesseur dans le bien dit volé ou une croyance honnête dans un état de fait que s'il s'avait existé aurait justifié ou excusé le comportement reproché.
[31]      Dans R. c. Johnson, la Cour d'appel du Manitoba, suite à des versements indus dans un compte de banque d'un accusé, avait renversé un verdict d'acquittement et condamné un jeune qui, sachant que la somme déposée dans son compte de banque n'était pas sienne et qui l'avait utilisé pour s'acheter un véhicule. La conversion des sommes à son usage personnel sans apparence de droit et frauduleusement constituait l'infraction. Le degré de connaissance est inféré des termes utilisés par cet accusé durant son témoignage alors qu'il aura dit que cela l'avait renversé, emballé, ravi. Et le juge Monnin de la Cour d'appel du Manitoba d'ajouter qu'en ce qui le concerne, cela suffisait amplement pour faire de cette conversion de fonds un vol pour lequel il aurait dû être trouvé coupable.

samedi 4 avril 2015

Le devoir d'impartialité des juges est intimement lié au droit de tout accusé à un procès juste et équitable

Hamroun c. R., 2015 QCCA 545 (CanLII)


[11]      Le devoir d'impartialité des juges est intimement lié au droit de tout accusé à un procès juste et équitable
[12]      Les tribunaux canadiens et les juges qui y siègent jouissent d'une forte présomption d'impartialité. Il appartient à la partie qui l'invoque de démontrer la partialité du juge. Lorsque celle-ci est établie, la cour ordonnera la tenue d'un nouveau procès; la partialité du juge participe de l'erreur judiciaire.
[13]      Le critère à appliquer en matière de crainte raisonnable de partialité est énoncé par la Cour suprême dans R. c. S. (R.D.). La crainte de partialité doit être raisonnable et être le fait d'une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique.
[14]      En l'espèce, le juge a été appelé à autoriser l'exécution de certains mandats à l'encontre de l'appelant alors que le procès était toujours en cours. Il a ainsi pris connaissance d'éléments de preuve préjudiciables à l'appelant, mais dans une affaire qui n'avait rien à voir, ni de près ni de loin, avec l'infraction qui lui était reprochée dans le présent dossier.
[15]      Le juge est présumé connaître le droit. Il sait parfaitement bien que cette information ne constitue pas de la preuve dans le dossier dont il est saisi et qu'il ne doit pas en tenir compte.
[16]      La situation décriée par l'appelant n'est pas idéale – le ministère public le reconnaît d'ailleurs – mais elle n'est pas différente de celle du juge qui préside un procès après avoir, quelques semaines ou mois plus tôt, présidé l'enquête préliminaire ou la requête pour remise en liberté de l'accusé; ou encore, du juge qui entend le procès d'un accusé impliqué dans une autre affaire qu'il a entendue quelques semaines, mois ou années plus tôt. Or, dans tous ces cas, à une ou deux exceptions près, les tribunaux ont conclu qu'il n'y avait pas là matière à susciter une crainte raisonnable de partialité de la part du juge. Les affaires GirouxPerciballi et Slaney en sont quelques exemples.
[17]      Dans toutes ces situations, y compris celle en l’espèce, c'est plutôt le comportement du juge qui, dans chaque cas, doit être analysé pour déterminer s'il existe une crainte raisonnable de partialité.
[18]      Tous les jours, les juges excluent au terme d'un voir-dire des éléments de preuve proposés par le ministère public (par exemple, une confession faite par l'accusé aux policiers) et continuent quand même à présider les procès sans que l'on songe à invoquer une crainte raisonnable de partialité de leur part.

mercredi 1 avril 2015

L'obligation de se renseigner du ministère public

R. c. McNeil, [2009] 1 RCS 66, 2009 CSC 3 (CanLII)


[49] Le ministère public n’est pas une partie comme les autres.  En effet, en tant qu’officier de justice, le représentant du ministère public doit œuvrer sans réserve à la bonne administration de la justice. Ainsi, lorsqu’il est informé de l’existence de renseignements pertinents, il ne peut se contenter de n’en faire aucun cas.  À moins que l’information ne semble pas fondée, l’avocat du ministère public ne saurait apprécier pleinement le bien‑fondé de l’affaire et s’acquitter de son obligation d’officier de justice s’il ne s’informe pas davantage et ne tente pas raisonnablement d’obtenir les renseignements en question.  Dans R. c. Arsenault (1994), 1994 CanLII 5244 (NB CA)153 R.N.‑B. (2e) 81 (C.A.), le juge Ryan a décrit avec justesse l’obligation du ministère public de se renseigner suffisamment auprès des autres organismes ou ministères de la Couronne.  Il s’est exprimé comme suit :

Lorsqu’une divulgation est demandée ou exigée, le procureur de la Couronne a l’obligation de se renseigner suffisamment auprès des autres organismes ou ministères de la Couronne qui pourraient logiquement avoir en leur possession des éléments de preuve.  On ne peut excuser le procureur de la Couronne de ne pas se renseigner suffisamment lorsqu’à la connaissance du poursuivant ou de la police un autre organisme de la Couronne a participé à l’enquête.  La question de la pertinence ne peut être laissée à la discrétion des profanes.  Si le procureur de la Couronne ne peut avoir accès aux dossiers d’un autre organisme, il doit alors en aviser la défense de façon que celle‑ci puisse entreprendre les mesures qu’elle juge nécessaires dans l’intérêt de l’accusé.  Ce principe s’appliquerait aussi dans les affaires dans lesquelles l’accusé ou le défendeur, selon le cas, n’est pas représenté par un avocat . . . [par. 15]

[50] Cette obligation de se renseigner s’applique lorsque le ministère public est informé de l’existence d’éléments de preuve potentiellement pertinents quant à la crédibilité ou à la fiabilité des témoins dans une affaire. Comme le précise à juste titre l’amicus curiae, [TRADUCTION] « [l]e ministère public et la défense ont tous les deux intérêt à découvrir qu’un policier n’est pas honnête ou fiable » (mémoire, par. 62).  Le juge Doherty l’a fait valoir avec force dans R. c. Ahluwalia (2000), 2000 CanLII 17011 (ON CA)138 O.A.C. 154, lorsqu’il a formulé ses observations sur le défaut du ministère public de se renseigner davantage lorsqu’il est confronté au parjure de son propre témoin (par. 71‑72) :


[TRADUCTION]  Pour des motifs dont le ministère public ne nous a pas fait part, il appert qu’il n’estime pas être tenu de découvrir le fond de cette affaire. . .

Le ministère public a des obligations relatives à l’administration de la justice qui n’incombent pas aux autres parties.  Confronté au parjure de son propre témoin et au fait que ce faux témoignage coïncidait avec la communication partielle qu’il prétend avoir involontairement faite à la défense, le ministère public était tenu de prendre toutes les mesures raisonnables pour découvrir ce qui s’était passé et pour communiquer les résultats de ses recherches à la défense.  À mon avis, le ministère public ne s’est pas acquitté de ses obligations relatives à l’administration de la justice en admettant que, comme l’a découvert la défense, la communication fût partielle et, après s’être renseigné de façon limitée, en n’assumant pas sa responsabilité quant à cette communication partielle et en omettant d’en expliquer la raison.  Le ministère public devait à l’appelant et à la cour une explication plus détaillée que celle qu’il a choisi de donner.

[51] Ainsi, en s’acquittant convenablement de son double rôle de procureur et d’officier de justice, l’avocat du ministère public peut efficacement réduire l’écart entre la communication de la preuve par la partie principale et la production d’éléments de preuve par les tiers.  Je vais maintenant me pencher sur l’obligation corollaire de la police de participer au processus de communication.

Les contrats publics au Québec : une question d'intégrité – La nouvelle Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics



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Mai 2013Auteur: Ian GosselinPublié(e) dans: Journal of the Canadian College of Construction Lawyers 2013

Tiré de : http://www.nortonrosefulbright.com/files/les-contrats-publics-au-quebec--une-question-dintegrite-pdf-78kb-101328.pdf