dimanche 26 mars 2017

Revue de la jurisprudence sur la règle des confession

Agence du revenu du Québec c. Côté, 2016 QCCQ 8576 (CanLII)


[16]        Pour résoudre les crimes, les policiers doivent mener des enquêtes. Dans le cadre de leurs fonctions, il est essentiel que les policiers puissent interroger des personnes, que ces personnes soient ou non soupçonnées d’avoir commis le crime faisant l’objet de l’enquête.
[17]        Bien qu’une enquête policière n’ait pas à obéir aux règles du marquis de Queensbury et qu’un interrogatoire policier ne constitue pas un pique-nique au Club Med, tout est question de mesure.
[18]        Les juges qui appliquent la règle des confessions ne doivent pas perdre de vue que cette règle possède le double objectif de protéger les droits de l’accusé sans restreindre indûment la nécessaire faculté de la société d’enquêter sur les crimes et de les résoudre.
[19]        Cela étant dit, la règle des confessions prescrit que toute conduite voulue comme communication ou toute déclaration extrajudiciaire, verbale ou écrite, d’un accusé faite à une personne en autorité, qu’elle soit incriminante ou disculpatoire, est en principe inadmissible, à moins que la poursuivante ne démontre, par une preuve hors de tout doute raisonnable, son caractère libre et volontaire; c’est-à-dire qu’elle a été obtenue sans promesse ni menace, sans climat d’oppression, sans recours à un artifice, à un subterfuge ou une ruse susceptible de choquer la collectivité et qu’elle est le fruit d’un état d’esprit conscient.
[20]        Lors de la détermination du caractère volontaire d’une déclaration, l’accent doit être mis sur le comportement de la police et sur l’incidence qu’il a eu sur la capacité de l’accusé d’user de son libre arbitre. Pour ce faire, le Tribunal se doit d’utiliser un critère objectif, bien que les caractéristiques individuelles de l’accusé constituent des facteurs pertinents. 
2.1.1   La présence d’une menace ou d’une promesse
[21]        Il est admis que la crainte d’un préjudice ou l’espoir d’un avantage affecte le caractère libre et volontaire d’une déclaration. De même, les menaces ou les promesses n’ont pas à être explicites; elles peuvent être déduites du contexte et de l’ambiance générale. Par contre, une menace ou une promesse qui provient de l’imagination d’un accusé ne rendra pas une déclaration inadmissible.
[22]        Par ailleurs, ce n’est pas toutes les promesses ou menaces faites par une personne en situation d’autorité qui rendront involontaire la confession d’un accusé. Il importe en cela d’évaluer l’importance des « encouragements » offerts eu égard à l’individu et à la situation dans laquelle il se trouve.
2.1.2   L’existence d’un climat d’oppression
[23]        Il est reconnu qu’un climat d’oppression est susceptible de produire de fausses confessions et d’ébranler la volonté d’une personne détenue au point de l’emmener à faire une déclaration. Cependant, il ne peut s’agir que de la simple oppression découlant de la détention et du fait d’être interrogé par les policiers. Dans l’arrêt R. c. Otis, la Cour d’appel indique que :
[31]      L'«oppression» s'entend de ce qui tend à miner, et ce qui mine en fait le libre arbitre qui doit caractériser un aveu «volontaire».  Les circonstances de l'interrogatoire, y compris l'heure, le lieu et sa durée, la fréquence des interrogatoires, le temps de repos accordé au sujet et son alimentation, la personnalité du sujet, constituent tous des éléments qui, parmi d'autres, peuvent être pris en considération pour déterminer un état d'oppression. Comme l'écrivait l'Honorable Fred Kaufman dans son traité sur les confessions, une conduite oppressive «is but a convenient phase to describe a variety of circumstances which put the volontary nature of a confession in doubt».
[54]      Bien que soit laissée aux policiers l'opportunité d'interroger un suspect et de tenter de le persuader de rompre son silence, ils ne peuvent par ailleurs en abuser en ignorant la volonté du suspect et en niant son choix.  Je concède qu'une personne persuadée de passer aux aveux, pour des raisons personnelles ou qui tiennent au talent de l'enquêteur, peut très bien l'avoir fait par choix malgré son silence antérieur.  C'est ce choix et le respect du libre arbitre qui constituent les éléments  dominants de la règle des confessions.  L'analyse de la dynamique qui s'est créée entre un enquêteur et son sujet demeure toujours un cas d'espèce.  Ce qui est abusif ici pourrait très bien ne pas l'être à l'égard d'un autre individu.  Le pouvoir de résistance à la persuasion policière varie selon les circonstances et les individus.  Certes, il est toujours prudent de garder à l'esprit que toute tension ou pression observée chez le sujet face à son interrogateur, liée soit à l'inconfort, l'embarras ou encore la honte que peut ressentir le sujet, à la suite de son arrestation, de sa détention et de la confrontation avec un enquêteur qui le ramène à une réalité qu'il désire oublier à tout prix, se situe de prime abord dans la normale des choses.                                                   (Références omises)
[24]        Ainsi, le Tribunal doit d’abord vérifier s’il existe un climat objectivement oppressif et, le cas échéant, déterminer si ce climat a subjugué la volonté de la personne, c’est-à-dire, s’il a un lien de causalité avec sa décision de faire une déclaration.
[25]        En cette matière, la timidité d’un accusé, sa peur ou sa crainte subjective de la police ne peut servir à rendre une déclaration ou une confession irrecevable, à moins que les procédés de la police ne créent une situation de nature à faire naître un doute quant au caractère volontaire de la déclaration ou de la confession ou, à moins, que l’état de l’accusé ne justifie des doutes quant au caractère volontaire.
[26]        Également, l’oppression doit être imputable aux agents de l’état. De plus, lorsqu’une personne suspecte est traitée convenablement, il faudra un encouragement plus fort pour que sa confession soit jugée involontaire.
2.1.3   La présence d’un état d’esprit conscient
[27]        La Cour suprême enseigne qu’il est nécessaire d’apprécier l’état d’esprit du déclarant, et ce, malgré l’absence de promesse ou de menace. Il importe donc de déterminer si en raison de son état mental et physique, la déclaration émane d’une personne ayant un esprit totalement conscient. Cependant, le simple fait d’expérimenter un stress physique et mental lors d’un interrogatoire policier est insuffisant en soi pour conclure à la perte d’un état d’esprit conscient.
[28]        Par ailleurs, l’état d’esprit conscient n’implique pas un degré de conscience plus élevé que la connaissance de ce qu’une personne dit, et qu’elle le dit à des policiers qui peuvent s’en servir contre elle. En outre, il est reconnu qu’un accusé a un fardeau de présentation de preuve concernant cet élément.
2.1.4   L’utilisation d’une ruse ou d’un subterfuge
[29]        La ruse policière est admise, dans une certaine mesure, pour obtenir une déclaration. À cet égard, il ne suffit pas, pour vicier le caractère volontaire d’une déclaration, que la ruse policière apparaisse répugnante ou inconvenante.
[30]        Encore faut-il que le Tribunal considère nécessaire de se dissocier de celle-ci pour éviter que la réputation du système judiciaire ne soit entachée ou qu’elle choque la collectivité.

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