mercredi 24 juillet 2024

La conséquence indirecte juridiquement pertinente aux fins d'une requête en retrait de plaidoyer doit être imposée par l’État

Nguyen c. R., 2020 QCCQ 8812

Lien vers la décision


[15]            Dans Wong, les conséquences imprévues subies par l’accusé découlaient de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés[18] et étaient donc imposées par l’État.

[16]            La majorité de la jurisprudence en matière de retrait de plaidoyer traite des conséquences en matière d’immigration afin de déterminer si elles se qualifient de conséquences indirectes juridiquement pertinentes. 

[17]            Plusieurs décisions postérieures à l’arrêt Wong s’attardent aux sanctions administratives et pénales en matière automobile, comme la suspension du permis de conduire[19], l’accumulation de points d’inaptitude[20], l’interdiction de conduire des véhicules lourds[21] ou encore l’obligation de munir un véhicule d’un antidémarreur éthylométrique[22] et concluent la plupart du temps qu’il s’agit de conséquences indirectes juridiquement pertinentes. Certaines décisions concluent également que les conséquences découlant de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels[23] en constituent aussi[24]. Force est de constater que les conséquences de cette nature sont toutes imposées par l’État.

[18]            Par exemple, dans Richard c. R.[25], la Cour supérieure du Québec conclut que la révocation du droit d’enseigner de l’accusé constitue une conséquence indirecte juridiquement pertinente, puisqu’elle est imposée par l’État (soit par le ministre de l’Éducation[26]), elle découle d’une déclaration de culpabilité et touche des intérêts sérieux de l’appelant[27].

[19]            Également, dans R. v. Miller[28], la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique permet le retrait du plaidoyer où l’appelant ignorait qu’une condamnation mettrait fin à ses prestations provinciales d’invalidité, non pas pour 12 mois, tel qu’il le croyait, mais à vie. Il s’agissait par conséquent d’un plaidoyer de culpabilité « uninformed by a legally relevant collateral consequence »[29].

[20]            Cependant, tel n’est pas le cas dans Hould c. R.[30] Dans cette affairel’appelant soutient que, par son plaidoyer de culpabilité, il a perdu le bénéfice de la possibilité de faire valoir son droit à l’encontre d’un congédiement dans un dossier devant la Commission des normes du travail. La Cour supérieure rejette l’argument et distingue ainsi cette conséquence des conséquences en matière d’immigration :

[59] Le procureur de l’appelant se trompe lorsqu’il mentionne que l’anéantissement des chances de succès était une conséquence imposée par l’État. L’État n’a rien imposé. L’État a fourni un moyen à l’employé de se défendre contre un congédiement sans juste cause. Il ne s’agit pas d’un automatisme comme en matière d’immigration, tout ce que l’État fait, c’est de permettre à l’employé d’en appeler de son congédiement.

[60] Il s’agit d’une conséquence qui n’est pas imposée par l’État contrairement à la Loi sur l’immigration où un plaidoyer de culpabilité peut entraîner des répercussions. Le plaidoyer de culpabilité n’a donc pas d’impact sur l’appelant en vertu d’une loi.

[61] Ce n’est pas une décision de l’État, ce n’est pas une décision qui s’impose en vertu d’une loi, mais c’est une décision qui a été prise par un employeur à l’égard de son employé. Il ne s’agit pas d’une conséquence imposée par l’État.

[21]            Le même raisonnement s’impose dans R. v. James[31], où l’accusé désire retirer son plaidoyer de culpabilité à une infraction de conduite avec capacités affaiblies. Cet événement lui a laissé des séquelles, dont un traumatisme crânien, l’empêchant de retourner au travail. Il argumente que sa condamnation l’empêche de réclamer l’indemnité d’accident à laquelle il aurait normalement eu droit. Le Tribunal estime que ce n’est pas une conséquence indirecte juridiquement pertinente telle que la Cour suprême l’exige dans Wong :

[66] I agree with the Crown that duty counsel was not obliged to instruct the applicant regarding the potential civil remedies flowing from the conviction and the related motor vehicle accident. This issue was not a collateral consequence as defined by the Supreme Court of Canada in Wong. I find that the applicant's subsequent civil action was not 'legally relevant collateral consequences' that duty counsel was required to inform him about to validate the plea proceedings. There was no requirement or obligation for duty counsel to appreciate these consequences given their remoteness to the pleas being entered. The civil consequences or benefits are not state imposed punishments akin to driving suspensions or immigration issues that are generally classified as legally relevant collateral consequences.

[caractères gras ajoutés]

[22]            En l’espèce, les conséquences énumérées par l’accusé ne sont pas imposées par l’État, mais découlent de décisions prises dans le secteur privé. (par la banque, la compagnie d’assurance, ses partenaires d’affaires…). L’octroi du permis dont il a besoin pour exploiter son commerce n’est nullement affecté par son plaidoyer de culpabilité. Ce sont plutôt les conséquences financières engendrées par sa condamnation qui, par effet domino, risquent de lui faire perdre ce permis. Le requérant n’a donc pas rencontré son fardeau d’établir l’existence de « conséquences indirectes juridiquement pertinentes ».

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