R. c. Lacroix, 2008 QCCS 5017
[13] La Cour ne peut qu'être d'accord avec les principes de base qui sont soulignés par les intervenants et qui reconnaissent non seulement l'importance de la liberté d'expression, mais également celle des médias et celle de la publicité des débats juridiques dans une société démocratique. Cependant, un tribunal doit toujours employer une analyse contextuelle lorsque confronté, dans un dossier particulier, avec une situation qui nécessite l'application de ces principes.
[14] Il est essentiel dans le présent cas de noter que la documentation qui est au centre du débat – le dossier de communication de preuve – n'est pas produit au dossier de la Cour. Il s'agit d'une communication d'une partie à l'autre.
[15] Cette constatation peut paraître simpliste mais elle est fondamentale dans l'analyse des positions avancées par les parties. Les arrêts de la Cour Suprême qui ont tracé les grands principes de la liberté d'expression et la publicité des débats juridiques avaient tous un point en commun. Les litiges ont prit naissance lorsque l'État désirait empêcher l'accès et la publication, soit d'un document qui avait été produit devant un tribunal, soit d'un témoignage qui avait été rendu ou que l'on proposait de rendre.
[16] Dans tous ces cas, la participation d'un tribunal avait été, ou était sur le point, d'être engagé. Dans le présent cas, un tribunal a sans doute émis des mandats de perquisition. Cette Cour a présidé la comparution des intimés et le dépôt de l'acte d'accusation privilégié. Les intervenants ont donc le droit de demander accès à la documentation qui a été déposé pour appuyer les demandes d'émissions de mandats de perquisition. Ils avaient le droit d'assister à la comparution des intimés et de prendre possession d'une copie de l'acte d'accusation.
[17] Dans ce dossier, la preuve communiquée n'est pas produite au dossier de la Cour. La preuve représente tout ce que la poursuite croit être potentiellement pertinent pour arriver à un verdict sur l'innocence ou la culpabilité d'un accusé. La poursuite à l'obligation de communiquer tout élément de preuve en sa possession qui potentiellement pourrait aider un accusé à convaincre un jury de son innocence.
[18] C'est suite à une analyse de cette preuve que chaque partie va s'arrêter sur une stratégie et va décider quels éléments de preuve seront produits durant le procès. Lors du procès, les médias peuvent publiciser chaque élément de preuve, chaque témoignage qui est rendu. Avant ce moment venu, pour tenter de s'assurer que l'innocence ou la culpabilité de l'accusé se détermine dans la salle d'audience et non pas sur la place publique, le Code Criminel prévoit quelques mesures.
[19] Une ordonnance de non-publication peut être demandée lors de l'enquête sur cautionnement. (s.517 C.cr.) ou lors de l'enquête préliminaire. (s.539 C.Cr). Il y a une restriction statutaire sur la publication de tous débats hors jury qui reste en vigueur tant et aussi longtemps que le jury n'est pas séquestré. (s.648 C.Cr.).
[20] Selon cette Cour, le souci de protéger l'intégrité du procès et en conséquence l'administration de la justice détermine l'utilisation du contenu de la communication de la preuve. Ceci est reflété dans les règles de déontologie qui s'appliquent aux membres du Barreau.
Code de déontologie des avocats. c. B-1, R-1 :
2.01.01. L'avocat doit servir la justice.
Il doit soutenir l'autorité des tribunaux. Il ne peut agir de façon à porter préjudice à l'administration de la justice. Il ne peut notamment faire une déclaration publique de nature à nuire à une affaire pendante devant un tribunal.
[21] Comme la Cour d'appel d'Ontario, cette Cour est porter à croire qu'il y a un engagement tacite qui prévoit que l'avocat qui reçoit la communication de la preuve peut utiliser et communiquer le contenu uniquement dans le but de préparer la défense de son client. Ceci dit, la Cour ne se prononce pas de façon définitive sur cette question et reste sensible à l'argument que les parties n'ont pas eu tout le temps voulu pour développer leur position sur cette question. La Cour préfère restreindre ses motifs à l'existence de règles de déontologie qui prévoient le même résultat.
[22] La Cour reconnaît qu'il peut y avoir des dossiers ou la poursuite aura intérêt à proposer un engagement qui prévoirait des modalités avant de communiquer la preuve. On peut penser à des dossiers comportant des déclarations de victimes d'agression sexuelle ou des images de pornographie juvénile par exemple. Est-ce que telles considérations sont présentes dans ce dossier ? La Cour répond non à cette question.
[23] Les objectifs décrits au paragraphe 16 de la requête (voir paragraphe 4 ci-haut) sont d'ordre général et se retrouvent dans presque tous les dossiers. L'objectif qui réfère à une enquête toujours en cour n'est pas pertinent. Dans R c. Stinchcombe (19981) 3 R.C.S. 326, la Cour suprême a reconnu que la poursuite pouvait retarder la communication d'éléments de preuve si ceci compromettait une enquête en cour. Face à une telle situation, la façon d'y répondre est de retarder la communication et non pas de la communiquer en demandant aux avocats de la défense de ne pas utiliser ces éléments dans la préparation de leur défense.
[24] La Cour est donc d'avis qu'il n'est pas nécessaire dans ce dossier que les mis en cause signent l'engagement. Cependant, il y a un intimé (M. Deschambault) qui n'est pas représenté par avocat. Une ordonnance sera dirigée contre lui et ses co-accusés pour s'assurer qu'ils respectent les mêmes principes qui lient les avocats en vertu de leurs règles de déontologie.
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