vendredi 6 septembre 2019

Les deux conditions devant être réunies pour que le juge fasse droit à une demande de contrôle à savoir si un délinquant pose un risque sérieux pour la sécurité publique

M.L. c. R., 2010 QCCA 395 (CanLII)

Lien vers la décision

[8]               Dans l'arrêt R. c. L.M., le juge LeBel, écrivant à ce sujet pour tous ses collègues, rappelait la nature exceptionnelle des déclarations de délinquant à contrôler : 
[39]      Comme notre Cour l'a fait dans le cas des délinquants dangereux (R. c. Lyons, 1987 CanLII 25 (CSC)[1987] 2 R.C.S. 309, p. 339; R. c. Jones1994 CanLII 85 (CSC)[1994] 2 R.C.S. 229, p. 297), je rappelle la nature exceptionnelle des déclarations de délinquant à contrôler. Ainsi que je l'expliquerai plus bas, le caractère strict et précis des critères gouvernant l'imposition de cette mesure de contrôle restreint nécessairement le nombre de personnes auxquelles elle trouvera à s'appliquer. […]
[9]               Puis, parlant du rapport que le juge peut obtenir en application de l'article 752.1(1) C.cr., le juge LeBel ajouta : 
[40]      Le Code criminel prévoit d'abord que la Couronne doit présenter la demande de déclaration de délinquant à contrôler une fois l'accusé reconnu coupable, mais avant que la peine n'ait été déterminée (par. 752.1(1) et al. 753.1(1)a) et 753.1(3.1)aC. cr.). Après le dépôt de cette demande, le tribunal peut faire évaluer le délinquant par des experts. Leur rapport est utilisé comme preuve lors de l'examen de la demande (par. 752.1(1) et 753.1(1) C. cr.). En effet, ce rapport permet d'évaluer si le délinquant pose un risque sérieux pour la sécurité publique.
[Je souligne]
[10]           Ensuite, le juge LeBel résume ainsi les deux conditions qui doivent être réunies pour que le juge fasse droit à une demande de contrôle : 
(i)         D'abord, une peine minimale d'emprisonnement de deux ans doit être justifiée pour l'infraction dont le délinquant a été déclaré coupable (al. 753.1(1)a)C. cr.).
(ii)        Ensuite, le juge doit être convaincu hors de tout doute raisonnable que le délinquant présente un risque élevé de récidive (al. 753.1(1)bC. cr.; voir par exemple Beaulieu c. R.[2007] J.Q. no 2116 (QL)2007 QCCA 403 (CanLII), par. 25). Pour évaluer le risque de récidive, le juge doit constater la présence des deux facteurs suivants (par. 753.1(2) C. cr.) : 
a)         Le délinquant a été reconnu coupable d'une infraction de nature sexuelle prévue aux art. 152152, 152=3, l63.1(2), l63.1(3), l63.1(4), l63.1(4.1), 172.1, 173(2), 271, 272 et 273 C. cr., ou a commis un "acte grave de nature sexuelle lors de la perpétration d'une autre infraction dont il a été déclaré coupable" (al.  753.1(2)a) C. cr.).
b)         Le délinquant a accompli des actes répétitifs permettant de croire qu'il causera des sévices ou des dommages psychologiques graves à d'autres personnes, ou sa conduite antérieure dans le domaine sexuel laisse prévoir qu'il causera à l'avenir des sévices à d'autres personnes (sous-al. 753.1(2)b)(i) et (ii) C. cr.; voir par exemple R. c. Corneau2001 CanLII 20599 (QC CA)[2001] R.J.Q. 2509 (C.A.)). Cet exercice visant à évaluer la "dangerosité potentielle" tient compte, en somme, de la conduite antérieure et des faits ayant entouré la perpétration des infractions (R. c. Ménard[2002] J.Q. no 5271 (QL) (C.A.), par. 23).
[Je souligne]
[11]           Donc, en application de l'article 753.1(1) C.crle juge peut déclarer qu'un accusé est un délinquant à contrôler si, pour l'infraction dont l'accusé a été déclaré coupable, il y a eu lieu d'infliger une peine minimale d'emprisonnement de deux ans et si l'accusé présente un risque élevé de récidive.
[12]           D'autre part, l'article 753.1(2) C.crcrée une présomption qu'il existe un risque élevé de récidive si le délinquant a, d'une part, été déclaré coupable d'une infraction visée à l'article 753.1(2)a) C.cr(diverses infractions à caractère sexuel) et, d'autre part : 
(i)         si le délinquant a accompli des actes répétitifs (y compris un acte qui est à l'origine de l'infraction dont il a été déclaré coupable), actes répétitifs qui permettent de croire que le délinquant causera vraisemblablement la mort de quelque autre personne ou causera des sévices ou des dommages psychologiques graves à d'autres personnes, ou
(ii)        si la conduite antérieure du délinquant dans le domaine sexuel (y compris lors de la perpétration de l'infraction dont il a été déclaré coupable) laisse prévoir que vraisemblablement il causera à l'avenir de ce fait des sévices ou autres maux à d'autres personnes.
[13]           En l'espèce, pour être convaincu que le délinquant présentait un risque élevé de récidive, le juge devait conclure que l'appelant avait accompli des actes répétitifs qui donnaient lieu de croire qu'il allait vraisemblablement causer la mort de quelqu'un ou des sévices ou des dommages psychologiques graves, ou que la conduite antérieure de l'appelant dans le domaine sexuel laissait prévoir que vraisemblablement il allait causer à l'avenir des sévices ou autres maux à d'autres personnes.
[14]           Notons que pour être convaincu que le délinquant présente un risque élevé de récidive il est insuffisant que les actes répétitifs ou la conduite antérieure d'un délinquant permettent au juge de croire qu'il est possible que le délinquant récidive. Il faut que ce soit probable. La version anglaise de l'article 753.1(2) C.crutilise le mot « likelihood », et la version française le mot « vraisemblablement ».

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