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vendredi 24 janvier 2014

La «défense traîtresse» VS le procès conjoint

R. c. Crawford, 1995 CanLII 138 (CSC), [1995] 1 RCS 858


XXX.         Il existe cependant de solides raisons de principe pour que les personnes accusées d'infractions qui découlent d'un même événement ou d'une même suite d'événements subissent leur procès conjointement.  Ces raisons valent autant sinon plus lorsque chacun des coaccusés rejette le blâme sur l'autre, situation qualifiée de «défense traîtresse».  La tenue de procès distincts en pareil cas fait courir le risque de verdicts contradictoires.  Elliott, loc. cit., résume, à la p. 17, les principes qui militent contre la tenue de procès distincts:

                  [TRADUCTION]  La situation pose un dilemme qui ne pourrait être évité que par la tenue de procès distincts.  Or, des procès distincts ne seront pas préconisés, car outre les frais supplémentaires et les délais qu'ils supposent, il est indéniable que toute la vérité sur un événement est beaucoup plus susceptible d'être dévoilée si chacun des prétendus participants donne sa version des faits à une même occasion.  Si ces derniers étaient poursuivis séparément, il serait manifestement très difficile d'obtenir le même résultat sans accorder l'immunité à l'un d'eux.  Partant, sauf dans les cas exceptionnels, un procès conjoint aura lieu malgré l'impasse qui en découle nécessairement.

XXXI.         Même si le juge du procès a le pouvoir discrétionnaire d'ordonner la tenue de procès distincts, il doit exercer ce pouvoir en tenant compte de principes juridiques, y compris celui voulant que la tenue de procès distincts ne soit ordonnée que s'il est établi qu'un procès conjoint causerait une injustice à l'accusé.  Le seul fait qu'un coaccusé a recours à une défense «traîtresse» n'est pas suffisant en soi.  Dans l'arrêt Pelletier, précité, on a autorisé un accusé à contre‑interroger un coaccusé relativement à la déclaration qu'il avait faite à la police et dont le caractère volontaire n'avait pas été établi.  En appel de sa déclaration de culpabilité, il a soutenu que, s'il avait été poursuivi séparément, le contre‑interrogatoire n'aurait pas été autorisé.  Il a donc fait valoir que la tenue de procès distincts aurait dû être ordonnée.  En rejetant ce moyen, le juge Hinkson dit ce qui suit au nom de la cour, à la p. 539:

                  [TRADUCTION]  Il faut se rappeler, à cet égard, que le juge du procès a le pouvoir discrétionnaire de faire droit ou non à une demande de procès distincts.  La règle générale en la matière veut que les personnes qui ont pris part à une entreprise commune soient jugées conjointement, sauf si l'on peut démontrer qu'un procès conjoint causerait une injustice à l'une d'elles:  R. c. Black and six othersreflex, [1970] 4 C.C.C. 251, aux pp. 267 et 268, 10 C.R.N.S. 17, aux pp. 35 et 36, 72 W.W.R. 407.  En l'espèce, le juge du procès n'était pas convaincu qu'il était opportun d'ordonner la tenue de procès distincts.  Je ne conclus pas qu'il a commis une erreur dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire.

XXXII.        Comme je l'ai mentionné précédemment, aucune des parties au présent pourvoi ne prétend que la solution du problème réside dans la tenue de procès distincts chaque fois que le plein exercice du droit d'un accusé de présenter une défense pleine et entière paraît entrer en conflit avec les garanties dont bénéficie habituellement un accusé qui fait face seul au ministère public.  Cette position est compatible avec les principes énoncés précédemment.  La règle générale veut donc que la question des droits respectifs des coaccusés soit réglée sur la base que le procès sera conjoint.  Cela ne signifie cependant pas que le juge du procès est dépouillé de son pouvoir discrétionnaire d'ordonner la tenue de procès distincts.  Il demeure investi de ce pouvoir et peut l'exercer s'il appert que les efforts visant à concilier les droits respectifs des coaccusés causent une injustice à l'un de ceux‑ci.

Certaines limitations au contre-interrogatoire

R. c. Ross, 1998 IIJCan 9308 (QC C.S.) - 765-01-002369-961


23. D'entrée de jeu, rappelons qu'il est clair qu'un accusé ne peut être contre-interrogé relativement aux infractions dont il est suspect ou en rapport avec des accusations pendantes. Cela constituerait effectivement une preuve de caractère qui est inadmissible à moins que l'accusé présente une preuve de bonne réputation. Un contre-interrogatoire ne peut porter que sur ses condamnations antérieures.

24. De même, il est clair qu'un accusé ne peut, en vertu de son droit au silence garanti par l'article 7, être contre-interrogé relativement à son refus de donner une déclaration à la police ( R. c. Chambers 1990 IIJCan 47 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 1293 ), sauf par son complice s'ils font valoir des défenses «traîtresses» dans un procèsconjoint ( R. c. Crawford 1995 IIJCan 138 (C.S.C.), [1995] 1 R.C.S. 858 ).

25. Toutefois, cela ne règle pas la question. En effet, il faut se rappeler que dans l'arrêt R. c. Kuldip 1990 IIJCan 64 (C.S.C.), [1990] 3 R.C.S. 618 , la Cour suprême a décidé qu'un accusé peut être contre-interrogé, malgré l'article 13 de la Charte et le paragraphe 5(2) de laLoi sur la preuve, relativement à untémoignage antérieur dans le but d'affecter sa crédibilité.

Les défenses traîtresses

R. c. Dufour, 2011 QCCS 6149 (CanLII)


[52]           Les défenses traîtresses ont fait l'objet de nombreuses décisions en droit criminel canadien. À l'occasion de la conférence qu'il donnait dans le cadre d'un séminaire relatif aux procès devant jury en matière criminelle, monsieur le juge Douglas Rutherford écrivait ce qui suit :
« Cut-Throat Defences
A frequent reason for a request to sever co-accused charged jointly and to hold separate trials is that the defence of one or more co-accused will directly or indirectly tend to cast blame on or undermine the defence of the other[s]. The term 'cut-throat defences' is often used to describe such a case.
In his article Cut Throat Tactics: The Freedom of an Accused to Prejudice a Co-Accused, D.W. Elliott provides this justification for the strong policy favouring joint-trials.
English criminal procedure relies to no small extent on co-defendants doing the Crown's work for it and cutting each other's throats. The instinct of self-preservation in one co-accused may be a powerful engine working for the Crown, the more so as his ability to make life uncomfortable for his fellow is in several respects greater than that of the Crown... As Lord Goddard once remarked, 'the interests of the defendants are by no means the same as the interests of justice.' Separate trials risk unmerited acquittals. Doing justice often requires that co-defendants expose each other in court. The system relies heavily on this mutual bloodletting for the conviction of people who would otherwise escape their just deserts.
Professor Elliott goes on to explain the resolution of the dilemma posed by cut-throat defences this way.
There is a dilemma here which could only be avoided by separate trials. But separate trials will not be countenanced because, quite apart from the extra cost and delay involved, it is undeniable that the full truth about an incident is much more likely to emerge if every alleged participant gives his account on one occasion. If each alleged participant is tried separately, there are obvious and severe difficulties in arranging for this to happen without granting one of them immunity. In view of this, in all but exceptional cases, joint trial will be resorted to, despite the double bind inevitably involved.
The Supreme Court of Canada picked up Elliott's theme and elaborated on it in R. v. CrawfordR. v. Creighton. Sopinka J. wrote at paragraphs 30 and 31:
There exist, however, strong policy reasons for accused persons charged with offences arising out of the same event or series of events to be tried jointly. The policy reasons apply with equal or greater force when each accused blames the other or others, a situation which is graphically labelled a "cut-throat defence". Separate trials in these situations create a risk of inconsistent verdicts.
Although the trial judge has a discretion to order separate trials, that discretion must be exercised on the basis of principles of law which include the instruction that severance is not to be ordered unless it is established that a joint trial will work an injustice to the accused. The mere fact that a co-accused is waging a "cut-throat" defence is not in itself sufficient. [emphasis added].
Severance of co-accused and separate trials may, however, be required in particular cases. In R. v. Elwood Martel, the Superior Court of Quebec granted a motion to sever the trials of two accused, both charged with first degree murder, because the evidence given by one main witness was inadmissible against one accused but was also the most direct and incriminating evidence against him. The Court held that in that case, which involved such complex issues, “it would be extremely difficult if not impossible for the jury to eradicate the inadmissible evidence from their minds (when dealing with Mr. Martel's case) no matter how carefully, forcefully and repeatedly they would be instructed to disregard it.” [emphasis in original]
Where antagonistic or 'cut-throat defences are in play, the right of an accused to make full answer and defence is likely to collide with the fair trial right of the other accused. In achieving an acceptable balance of the competing rights in the same trial, one co-accused may be permitted to attack the other in ways or degrees that are not open to the prosecutor. As Elliott said in his article, "[t]he notion of the Crown having one hand tied behind its back is familiar and accepted, but not the notion of a person standing trial being in that position. " »

Le Substitut du procureur général a l'intérêt légal à présenter une requête en déclaration d'inhabilité & l'évaluation de la connexité

R. c. Dufresne, 2002 CanLII 41819 (QC CQ)



L’INTÉRÊT LÉGAL

[28]           Le Tribunal doit en premier lieu décider si le Substitut a l'intérêt légal à présenter la présente requête.
[29]           Dans l'arrêt R. c. Proulx, le juge L'Heureux-Dubé (dissidente) adopte l'analyse du juge LeBel (dissident) siégeant alors à la Cour d'appel, quant rôle du Procureur général du Québec et de ses substituts en ce qui a trait aux poursuites criminelles:
«Gardiens de l’intérêt public, le procureur général et ses substituts assument une responsabilité générale à l’égard du fonctionnement efficace et correct du système de justice pénale. Leur rôle ne se limite pas à celui du plaideur privé, chargé d’un dossier particulier. Le bon exercice de ces fonctions dépend de la reconnaissance d’un large pouvoir discrétionnaire lorsque les substituts conduisent des poursuites criminelles au nom de la Couronne. Cette discrétion constitue une composante importante de la justice criminelle et de son efficacité, les décisions des procureurs de la Couronne mettant en cause des considérations importantes reliées à la perception de l’intérêt public et à sa protection.»
[30]           Cet énoncé de principe n'a pas fait l'objet d'une contestation en Cour suprême, même si le pourvoi fut accueilli par la majorité du tribunal. Quoique prononcé dans un contexte de responsabilité civile, il donne un éclairage précieux en regard de la fonction du Substitut dans la conduite du procès pénal.
[31]           Comme la question touche ici l'intégrité du système judiciaire, le Tribunal conclut que le Substitut a l'intérêt légal à présenter la présente requête en déclaration d’inhabilité.
[32]           Cet intérêt a d'ailleurs été reconnu dans les affaires précitées MontourRiverin-Castonguay et Tremblay, même si la question n'a pas été spécifiquement plaidée.

LA QUESTION DE FOND

[33]           Le lien antérieur avocat-client, entre Me Girard et Madame, n’est pas ici contesté.
[34]           La Cour suprême, dans l’arrêt Martin, établit qu’il faut alors examiner s’il existe une possibilité de préjudice réel, selon la perception d’une personne raisonnablement informée, en vérifiant s’il y a un lien important avec le mandat dont on veut priver l’avocat.
[35]           Ce critère, appliqué à la présente affaire, revient à se demander s’il y a une connexité entre, d’une part, les anciens mandats de Me Girard auprès de Madame et, d’autre part, l’éventuel témoignage de Madame dans les dossiers 150-01-004168-010 et 150-01-004169-018.
[36]           Dans l’affaire Montour, le juge Provost a conclu qu’une telle connexité peut exister si la crédibilité des acteurs constitue une question principale
[37]           Par ailleurs, comme l’écrit le juge Gendreau dans Reine c. Henry, le contre-interrogatoire «…est un formidable outil entre les mains de l’avocat.» Selon la doctrine «…le contenu du contre-interrogatoire est laissé à l’entière discrétion de l’avocat. Ainsi, ce dernier peut confronter le témoin avec des déclarations de nature suggestive. Il peut aussi, dans le seul but d’attaquer sa crédibilité, lui poser des questions sur ses antécédents judiciaires, incluant les faits qui leur ont donné ouverture, et sur son mode de vie afin d’établir sa mauvaise réputation, …» (soulignement ajouté)
[38]           Dans la présente affaire, Me Girard risquerait ainsi de contre-interroger son ancienne cliente sur ses antécédents et les faits qui leur ont donné ouverture. Madame risquerait alors de se sentir désavantagée face son ex-avocat qui la questionne sur des sujets où elle s’est possiblement confiée à lui. Dans le cadre de cette relation professionnelle intime, MGirard a possiblement découvert certains points faibles de son ex-cliente.
[39]           Par souci d’honnêteté, Me Girard risquerait d’éviter certaines sujets lors de son contre-interrogatoire. Peut-être, même, décidera-t-il qu’il n’est pas nécessaire d’interroger Madame si son témoignage n’a pas été véritablement dommageable.
[40]           Le problème vient de prendre une nouvelle dimension : M. Dufresne risque maintenant de se demander si son avocat agit avec une totale liberté, sans restriction mentale.
[41]           À force de multiplier les risques, on s'enferme ici dans la quadrature du cercle!
[42]           L'énoncé suivant de la Cour suprême, dans l'arrêt Martin, prend alors toute sa force:
«Un avocat qui a appris des faits confidentiels pertinents ne peut pas agir contre son client ou son ancien client. Il sera automatiquement déclaré inhabile à agir. Peu importe qu'il donne l'assurance ou qu'il promette de ne pas utiliser les renseignements. L'avocat ne peut pas compartimenter son esprit de façon à trier les renseignements appris de son client et ceux obtenus d'autres sources. Au surplus, il risquerait de s'abstenir d'utiliser des renseignements obtenus licitement, par crainte de donner l'impression qu'ils proviennent du client. Par surcroît, l'ancien client aurait le sentiment d'être désavantagé. Il ne pourrait s'empêcher de penser que les questions posées au cours du contre-interrogatoire au sujet de sa vie privée, par exemple, ont leur origine dans la relation antérieure.»
[43]           Dans l'arrêt Henry, le juge Gendreau rappelle que «…la crédibilité du système judiciaire ne peut souffrir du moindre doute sur la qualité de son fonctionnement
[44]           Tous ces principes sont applicables à la présente affaire.
[45]           Un observateur extérieur, bien informé de la situation, n'aurait pas une bonne perception de la justice en voyant Me Girard contre-interroger le témoin principal de la poursuite sur ses antécédents, sachant que l'avocat agissait lui-même en défense pour ce témoin.
[46]           Bien sûr, les mandats de Me Girard se sont terminés en 1996. Aussi, Me Girard n’a rien appris de nouveau concernant les faits directement à la base des plaintes en 2001.
[47]           Cependant, le lien de connexité demeure à l’égard de la crédibilité de Madame, comme témoin principal, dans le cadre de son futur contre-interrogatoire. Ce lien est suffisamment important, dans la présente affaire, pour éliminer toute solution alternative, comme, par exemple, le contre-interrogatoire de Madame par un autre avocat.
[48]           Chaque cas est un cas d’espèce. Ici, la situation commande de maintenir au premier rang la préservation des normes exigeantes de la profession d’avocat et l’intégrité du système judiciaire.
[49]           MGirard est donc déclaré inhabile à représenter M. Dufresne dans les présents dossiers.

Le conflit d'intérêt peut naître seulement de la possibilité d'utilisation d'informations reçues dans le cadre de ces autres mandats, au détriment de l'une ou l'autre des parties

R. c. Joyal, 1990 CanLII 3344 (QC CA)

Lien vers le document

Je ne saurais retenir cette argumentation de l'appelant. Soulignons tout d'abord qu'il n'y a aucun lien ni relation de quelque nature que ce soit entre les faits en l'instance et l'objet des mandats antérieurs.  Le seul fait d'avoir déjà représenté quelqu'un, plusieurs années auparavant, dans des affaires essentiellement différentes ne crée pas, en soi, ni conflit, ni même apparence de possibilité de conflit.  Le conflit naîtrait seulement de la possibilité d'utilisation d'informations reçues dans le cadre de ces autres mandats, au détriment de l'une ou l'autre des parties.

(...)

Or, il est de jurisprudence constante, en matière de récusation, que de tels moyens doivent être soulevés dès qu'il est constaté qu'il peut y avoir doute quant à l'impartialité de celui que l'on veut récuser, ou dès qu'il y a possibilité apparente d'un préjudice au droit à un procès juste et équitable (Ghirardosi vs Ministère des autoroutes (3), Procureur général du Québec vs Cochrane (4), Sa Majesté la Reine c. King (5).

Un avocat qui a appris des faits confidentiels pertinents ne peut pas agir contre son client ou son ancien client

Succession macdonald c. Martin, 1990 CanLII 32 (CSC), [1990] 3 RCS 1235


Pour décider s'il existe un conflit d'intérêts entraînant une inhabilité, la Cour doit prendre en considération trois valeurs en même temps:  1) le souci de préserver les normes exigeantes de la profession d'avocat et l'intégrité de notre système judiciaire; 2) en contrepoids, le droit du justiciable de ne pas être privé sans raison valable de son droit de retenir les services de l'avocat de son choix; 3) la mobilité raisonnable qu'il est souhaitable de permettre au sein de la profession.  La "probabilité de préjudice", qui est le critère anglais traditionnel, n'est pas une norme assez exigeante pour assurer à la justice ce caractère apparent que le public exige d'elle.  L'utilisation de renseignements confidentiels est habituellement impossible à prouver et le critère retenu doit donc tendre à convaincre le public, c'est-à-dire une personne raisonnablement informée, qu'il ne sera fait aucun usage de renseignements confidentiels.  Il faut répondre à deux questions:  1)  L'avocat a-t-il appris, grâce à des rapports antérieurs d'avocat à client, des faits confidentiels relatifs à l'objet du litige?  2)  Y a-t-il un risque que ces renseignements soient utilisés au détriment du client?  Les tribunaux américains ont répondu à la première question en appliquant le critère du "lien important":  dès qu'il est établi qu'il y a un "lien important" entre la question qui serait à l'origine du renseignement confidentiel et la question en litige, il existe une présomption irréfragable selon laquelle l'avocat a appris des faits confidentiels.  Ce critère est cependant trop rigide.  Il convient plutôt de dire que, dès que le client a prouvé l'existence d'un lien antérieur dont la connexité avec le mandat dont on veut priver l'avocat est suffisante, un tribunal doit en inférer que des renseignements confidentiels ont été transmis, sauf si l'avocat convainc le tribunal qu'aucun renseignement pertinent n'a été communiqué.  La conviction doit être telle qu'un membre du public raisonnablement informé en serait également persuadé.   Il sera difficile de s'acquitter du fardeau de la preuve.

   Pour répondre à la deuxième question, savoir le mauvais usage qui pourrait être fait des renseignements confidentiels, un avocat qui a appris des faits confidentiels pertinents ne peut pas agir contre un client ou un ancien client.  En ce qui concerne les associés d'un cabinet, le concept de connaissance présumée est irréaliste à l'ère des mégacabinets.  Un tribunal doit donc tirer la conclusion que les avocats qui travaillent ensemble échangent des renseignements confidentiels, sauf s'il est persuadé, par des preuves claires et convaincantes, que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour veiller à ce que l'avocat en cause ne divulgue rien aux membres du cabinet qui agissent contre son ancien client.  Parmi ces mesures raisonnables, on pourrait compter des mécanismes institutionnels comme les murailles de Chine et les cônes de silence.  Jusqu'à ce que les organes directeurs de la profession les aient approuvés et aient adopté les règles régissant leur fonctionnement, il est improbable qu'un tribunal les accepte comme preuve suffisante d'une protection efficace.   Les engagements et affirmations catégoriques contenus dans des affidavits ne sont pas suffisants parce que les affidavits des avocats sont difficiles à vérifier objectivement et qu'il est peu probable que le public soit convaincu s'il n'a d'autres garanties que les renseignements confidentiels ne seront jamais utilisés.

jeudi 23 janvier 2014

Il n’est pas toujours facile de déterminer, dans le cas où un seul avocat représente plusieurs accusés, s’il y a véritablement possibilité de conflit d’intérêts

R. c. Walsh, 2008 QCCS 2794 (CanLII)


[19]            Il n’est pas de l’intention du tribunal de revenir de façon détaillée sur les principes applicables en semblable matière puisque notre collègue, l’honorable Yves Tardif en a fait une analyse assez élaborée dans les deux décisions auxquelles il est fait référence dans ce jugement.

[20]            De plus, tant la Cour suprême du Canada que les diverses cours d’appel canadiennes ont discuté à quelques reprises des critères applicables aux conflits d’intérêts en matière criminelle. Enfin, les auteurs Michel Proulx et David Layton dans leur volume Ethics and Canadian Criminal Law élaborent bien l’état du droit sur le sujet.

[21]            Les principaux principes peuvent se résumer sommairement ainsi. La relation client-avocat est fondée sur une confiance sans limites de façon à ce que la loyauté de l’avocat ne puisse être mise en doute. C’est l’obligation pour l’avocat d’être loyal qui est le fondement de cette relation et qui doit guider tous les aspects de leurs liens. Un avocat doit éviter de se placer dans une situation où il pourrait avoir à représenter simultanément des intérêts conflictuels de ses clients et dans le cas où cela se produit, il doit cesser de représenter l’un et l’autre. En cas de risque réel de conflit, il vaut mieux être prudent.

[22]            Il n’est pas toujours facile de déterminer, dans le cas où un seul avocat représente plusieurs accusés, s’il y a véritablement possibilité de conflit d’intérêts. Toutefois lorsqu’un risque réel, sans qu’il soit nécessaire d’en faire une preuve hors de tout doute, d’un tel conflit existe, cela est suffisant pour justifier le retrait du procureur.

[23]            Dans le dossier, la façon dont sont rédigés les actes d’accusation, justifie à première vue l’existence d’un risque sérieux de conflits d’intérêts entre la grande majorité des accusés. Ce risque existe en raison des infractions qui leur sont reprochées et des accusations conjointes portées contre eux.

[24]            De plus, les liens importants entre certains accusés ou entre certains d’entre eux et d’autres dans des dossiers connexes font en sorte qu’il est possible de façon réaliste qu’à certains moments et dans certaines circonstances il soit difficile pour l’intimé de tous les représenter sans risque de compromettre ses obligations individuelles envers chacun d’entre eux.

[25]            Il est possible, bien que cela ne soit pas nécessairement probable que certains des accusés puissent avoir l’intention de témoigner alors que d’autres ne le voudront pas. Pour certains, des plaidoyers de culpabilité pourraient être envisagés et dans de tels cas, avoir des incidences quant à d’autres coaccusés. Que dire si les confidences de l’un peuvent aider la défense d’un autre ou lui être d’un certain secours dans la détermination de la peine en cas d’une éventuelle condamnation. Comment, en raison des actes d’accusation conjoints impliquant entre autres des membres d’une même famille, peut-on éviter des conflits d’intérêts surtout lorsque certains des coaccusés font aussi l’objet d’autres accusations impliquant des accusés différents avec lesquels certains mis en cause n’ont eux-mêmes aucun lien en apparence.

[26]            Le rôle du tribunal dans un tel cas est de tenir compte d’une part du souci de préserver les normes exigeantes de la profession d’avocat et l’intégrité du système judiciaire et d’autre part, le droit fondamental d’un accusé de retenir les services de l’avocat de son choix, à moins d’une raison valable.

[27]            La possibilité réaliste d’un conflit d’intérêts existe, même en ce qui concerne la présentation de requêtes préliminaires et si de nouveaux avocats doivent, pour certains sinon tous les mis en cause, intervenir, il est préférable qu’ils le fassent à ce stade-ci compte tenu de l’ampleur du dossier, de sa complexité et de toutes les énergies qui devront y être consacrées.

[28]            Même si d’éventuels jugements sur des requêtes préliminaires peuvent ultimement modifier substantiellement le nombre des accusations portées, ou celui des accusés, il n’en demeure pas moins qu’en raison des démarches juridiques et des représentations déjà faites par l’intimé pour plusieurs des mis en cause et pour d’autres personnes impliquées dans les autres dossiers à diverses étapes, le risque réel de conflit persisterait quand même, mettant ainsi en danger tout le processus.

[29]            Il est possible, comme le souligne l’intimé, que certains des mis en cause, en raison de la nature spécifique des gestes qui leur sont reprochés, puissent souffrir des conséquences d’un procès conjoint où exiger d’être jugés dans une langue différente de celle de certains autres accusés, mais il est prématuré de se prononcer sur cet aspect du dossier. Si des représentations ou requêtes doivent être faites en ce sens, elles pourront l’être par les nouveaux procureurs des mis en cause.

[30]            En raison de l’état d’avancement d’un dossier connexe dont le procès doit débuter prochainement et de la possibilité que certaines requêtes préliminaires soient plaidées dans un proche avenir, il faut dès à présent éviter toute ambiguïté.


[31]            En conséquence, en raison des motifs plus haut mentionnés, le tribunal considère que l’intimé est placé dans une situation où un risque réel de conflits d’intérêts existe et que de tels conflits sont de façon réaliste possibles entre les différents mis en cause. Il va donc de l’intérêt de la justice que l’intimé soit déclaré inhabile à représenter tous les mis en cause et qu’il lui soit ordonné de cesser d’occuper afin que de nouveaux procureurs puissent être choisis, dans les plus brefs délais, pour assurer leur défense. 

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

De simples mots ne constituent pas un voies de fait & la nécessité de prouver le caractère intentionnel de l'usage de la force permet une défense d'accident ou d'erreur de consentement honnête mais erroné

R. v. Dawydiuk, 2010 BCCA 162 Lien vers la décision [ 29 ]             Under s. 265 (1)(a) of the  Criminal Code , a person commits an assau...