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samedi 7 mars 2009

Violation de 10a) et 10 b) - conduite avec les facultés affaiblies causant des lésions corporelles

R. c. Savoie, 2008 QCCQ 10399 (CanLII)

[84] Une personne ne peut valablement exercer le droit que lui garantit l'al. 10 b) que si elle connaît l'ampleur du risque qu'elle court.

[85] À mon avis, il ne convient pas qu'une cour de justice se demande quel genre d'avis juridique aurait été donné si l'accusée avait réussi à communiquer avec son avocat après le changement de l'accusation.

[86] Dans l'affaire Bath, la Cour suprême de Terre-Neuve a conclu qu'il y avait violation de l'alinéa 10 a) de la Charte et a exclu les résultats des tests d'ivressomètre dans un dossier où une personne a été informée qu'elle était accusée de conduite alors que sa faculté de conduire était affaiblie par l'alcool alors qu'une accusation de conduite avec les facultés affaiblies causant des lésions corporelles a été portée.

[87] Dans l'affaire Bath, le juge Halley décide comme suit:

« MacNeil's failure to advice the Accused that he would be charge with either Impaired Driving causing Bodily Arm or Impaired Driving causing Death resulted in a breach of the s. 10 a) Charter right on the Accused. »

[88] Il en est de même dans la décision Montgomery rendue par la Cour suprême de la Colombie-Britannique où le juge Collver décide en ces termes[4] :

« Because of likely penal consequences (having regard to both the statutary maximum and the prevailing range of sentences) following a conviction for impaired driving causing death or bodily arm, contrasted with penalties usually imposed in impaired driving cases where death or bodily arm does not ensue, can I reasonably conclude that Mr. Montgomery was properly informed either on the reasons of his detention or the reasons for the demand for samples on his blood?

(…)

In the present case I am compelled to conclude that Constable Emond's decision to inform Mr. Montgomery that he was being investigated only for impaired driving minimized the legal consequences on Mr. Montgomery's driving. »

[89] L'affaire Benson[5] est au même effet. Le juge Easton de la Cour suprême de Terre Neuve conclut en ces termes:

«62. In the instant case the "total situation" undoubtedly understood by the accused was that he was possibly going to be charged with impaired driving simpliciter. There is nothing in the evidence to indicate that he was any way made aware of any greater jeopardy.

(…)

79. The penalty sections alone indicate that the extent of jeopardy to which one is exposed, rises dramatically from impaired driving simpliciter to impaired driving causing death, even though the facts leading up to the accident may be the same.

80. Under all of the circumstances here, I have concluded that the informational component under s.10 of the Charter was deficient to the extent that when the accused was seeking advice from duty counsel he did not in a meaningful way know the extent of his jeopardy. I conclude then that the blood samples obtained from the accused on the night in question were obtained in a manner that infringed his right to counsel.»

[90] Enfin, la situation est la même dans l'affaire Rocha , une décision rendue par la Cour municipale de Montréal.

[92] Dans la présente affaire, il appert clairement de la preuve que, malgré la connaissance le soir même des blessures chez l'autre automobiliste impliqué dans l'accident, les policiers n'ont pas informé l'accusé qu'il était arrêté pour conduite alors que sa capacité de conduire était affaiblie par l'effet de l'alcool et ce, causant des lésions corporelles à un tiers. Plutôt, l'accusé a été informé qu'il était arrêté pour une accusation simple de conduite alors que sa capacité de conduire était affaiblie par l'effet de l'alcool. Il en a été de même pour le procureur que l'accusé a rejoint.

[93] Compte tenu des faits et de la jurisprudence citée ci-avant, le tribunal conclut que l'accusé n'a pas été informé de l'ampleur du risque qu'il courrait et qu'il n'a pu valablement exercer le droit que lui garantit l'alinéa 10 b) de la Charte.

[117] Le tribunal conclut que monsieur Savoie a présenté une preuve prépondérante qu'il a demandé de communiquer avec sa mère afin d'obtenir le numéro de téléphone de son oncle, avocat au Nouveau-Brunswick, et que sa demande a été refusée par le policier Hamel parce qu'il voulait communiquer avec un tiers et non directement avec un avocat.

[118] Il faut maintenant analyser le droit au sujet de l'alinéa 10 b) de la Charte. Le principe est qu'il n'existe pas au Canada une obligation, de la part des policiers, de s'informer auprès d'un détenu pour déterminer si le but d'un appel à un tiers est l'obtention de conseils juridiques. Ainsi, chaque cas est un cas d'espèce.

[121] Plusieurs jugements ont été rendus dans lesquels les tribunaux ont, à plusieurs reprises, décidé que, lorsque les faits établissent qu'un prévenu veut communiquer avec un tiers afin d'obtenir des conseils juridiques et de rejoindre un avocat, les policiers doivent lui permettre de le faire.

[123] Le tribunal prend acte des décisions présentées dans lesquelles les tribunaux ont conclu à la non-violation du droit de consulter un avocat pour le motif que le prévenu a demandé de communiquer avec un tiers mais sans préciser que c'était dans le but de parler à un avocat ou d'obtenir les coordonnées d'un avocat afin d'obtenir des conseils juridiques.

[124] Bien qu'il n'existe pas d'obligation de la part des policiers de s'informer auprès d'un prévenu pour connaître le but de l'appel à un tiers, il ressort de la jurisprudence, que l'accusé a le droit de choisir un avocat et qu'il doit avoir la possibilité raisonnable d'exercer ce droit. Dès que l'accusé exprime clairement le désir de communiquer avec un avocat particulier, et ce, même par l'entremise d'un tiers, il doit avoir la possibilité raisonnable de rejoindre ce tiers afin d'éventuellement exercer, avec diligence raisonnable, son droit à l'avocat.

[128] Comme la Cour suprême l'a décidé dans l'arrêt Prosper, « les échantillons d'haleine sont des éléments de preuve obtenus en mobilisant l'accusé contre lui-même et qui n'auraient peut-être pas été disponibles s'il n'y avait pas eu violation des droits que lui garantit l'al. 10 b) et qui devraient être écartés en application du par. 24 (2) parce qu'ils sont susceptibles de déconsidérer l'administration de la justice. La violation du droit de l'appelant à l'assistance d'un avocat porte directement atteinte à son privilège de ne pas s'incriminer, et l'utilisation des résultats des alcootests découlant de cette violation est susceptible de miner ce privilège et, partant, de rendre le processus judiciaire inéquitable. Ni l'indéniable bonne foi de la police ni la gravité relative de l'infraction de conduite avec facultés affaiblies ne pourraient compenser le manque d'équité qu'entraînerait l'utilisation de cet élément de preuve. »

vendredi 6 mars 2009

4 moyens d'améliorer sa preuve par témoins


1. Prendre le temps de connaître son client

Cela aide à cerner des lacunes pouvant nuire à sa crédibilité, comme la timidité ou l'insécurité, et à trouver avec lui des moyens de les combler.

2. Préparer ses contre-interrogatoires selon la personnalité des témoins
Il est souvent possible d'obtenir de ses clients de l'information sur la personnalité des témoins de la partie adverse, et d'ainsi adapter sa stratégie en conséquence. « Avec certaines personnes, si on met trop de pression, on ne réussira pas à trouver les failles dans leur témoignage, fait remarquer le juge Aubin. C'est plus facile si on les met en confiance. »

3. Donner au témoin l'occasion de s'expliquer
Lorsque les déclarations de notre témoin présentent des failles ou que son comportement laisse planer un doute, des explications peuvent éviter au juge de tirer des conclusions erronées. Par exemple, le témoin pourra expliquer certains de ses comportements par la timidité ou par une maladie qui l'affecte. « S'il a une faiblesse de mémoire, c'est mieux de le dire et d'expliquer pour quelle raison plutôt que de le cacher », estime le juge.

4. Se documenter sur les types de personnalités
Suggestion : Les dix piliers de la caractérologie, initiation à la psychologie pratique, de Jean-Paul Juès, aux éditions Marabout, 1994.

Tiré du Journal du Barreau - Volume 37 - numéro 2 - 1 février
L'art d'apprécier les témoignages

jeudi 5 mars 2009

Les questions à se poser avant la négociation / Plea bargaining

Par l'avocat de la défense

1. Quelles sont les accusations auxquelles mon client fait face ?
2. Est-ce qu'il y a redondance ?
3. Si je reconnais les faits, y a-t-il des facteurs qui vont amoindrir ma responsabilité ?
4. Y-a-t-il des facteurs qui les rendent plus acceptables ?
5. La poursuite est-elle au courant de cela ?
6. La poursuite a-t-elle choisi la pire des accusations compte tenu des faits ? (problématique des infractions moindres et incluses)

« Il n'y a pas une seule accusation de meurtre au second degré qui ne fera pas l'objet de discussions afin de réduire l'accusation à meurtre au deuxième degré, estime Me Jean Lortie. Une accusation de faculté affaiblie n'ayant pas d'infraction moindre ou incluse et ayant une peine minimale imposée par le Code donnera lieu à très peu de discussions. Donc on va plaider. C'est pour cela qu'il y a tant de procès sur facultés affaiblies. »

Par le substitut du procureur général

1. La sentence que je veux négocier est-elle conforme à la norme ?
2. Est-ce que c'est le genre de sentence rendue dans des cas similaires ?
3. Quels éléments atténuants l'accusé peut-il faire valoir pour justifier une sentence s'éloignant de la norme ?

Tiré du Journal du Barreau Volume 35 - numéro 5 - 15 mars 2003

mercredi 4 mars 2009

Légitime défense / Femme victime de violence conjugale

R. c. Lavallee, [1990] 1 R.C.S. 852

Le témoignage d'expert est admissible pour aider le juge des faits à faire des inférences dans des domaines où l'expert possède des connaissances ou une expérience pertinentes qui dépassent celles du profane. Il est difficile pour le profane de comprendre le syndrome de la femme battue.

Le témoignage d'expert concernant la capacité d'une accusée de percevoir un danger présenté par son partenaire peut être pertinent relativement à la question de savoir si elle avait des "motifs raisonnables pour appréhender" la mort ou quelque lésion corporelle grave à une occasion déterminée. Le témoignage d'expert touchant la question de savoir pourquoi une accusée est restée dans sa situation de femme battue peut être pertinent pour apprécier la nature et le degré de la violence qui lui aurait été infligée. En expliquant pourquoi une accusée ne s'est pas enfuie quand elle croyait sa vie en danger, le témoignage d'expert peut en outre aider le jury à apprécier le caractère raisonnable de sa conviction que tuer son agresseur était le seul moyen de sauver sa propre vie.

La preuve d'expert n'enlève pas au jury, ni ne peut lui enlever, sa tâche de décider si, en fait, les perceptions et les actes de l'accusée étaient raisonnables. Mais, dans l'intérêt de l'équité et de l'intégrité du procès, il faut que le jury ait la possibilité d'entendre l'opinion de l'expert.

Quand une preuve d'expert est produite dans des domaines tels que le génie ou la pathologie, l'insuffisance des connaissances du profane n'est pas contestée. Il est depuis longtemps reconnu que le témoignage psychiatrique ou psychologique constitue également une preuve d'expert parce qu'on s'est rendu compte que, dans certaines circonstances, la personne moyenne peut ne pas avoir une connaissance ou une expérience suffisante du comportement humain pour pouvoir tirer des faits qui lui ont été présentés une conclusion appropriée. On en trouve un exemple dans l'arrêt R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309, où notre Cour approuve le recours aux témoignages de psychiatres dans le cas de contrevenants dangereux. À la page 366, le juge La Forest fait remarquer que "la preuve psychiatrique se rapporte clairement à la question de savoir s'il est vraisemblable qu'une personne se comportera d'une certaine manière et cette preuve est même probablement relativement supérieure à cet égard aux témoignages d'autres cliniciens et de profanes".

Le moyen de défense prévu au par. 34(2) du Code comporte deux éléments qui méritent l'examen en l'espèce. Il y a d'abord le lien temporel qu'établit l'al. 34(2)a) entre l'appréhension de la mort ou de lésions corporelles graves et l'acte qu'on prétend avoir commis en légitime défense. Or, au moment où Rust quittait la chambre, l'appelante avait‑elle "des motifs raisonnables pour appréhender [. . .] la mort ou quelque lésion corporelle grave" infligée par lui? En second lieu, il y a l'appréciation, prévue à l'al. 34(2)b), du degré de force employé par l'accusée. Est‑ce pour des "motifs raisonnables" qu'elle a cru ne pouvoir "se soustraire à la mort ou à des lésions corporelles graves" qu'en tirant sur Rust?

Les alinéas 34(2)a) et b) ont ce point commun qu'ils imposent une norme objective du raisonnable à l'appréhension de la mort et à la nécessité de recourir à la force meurtrière pour repousser l'attaque

Aux termes de l'al. 34(2)a), un accusé qui cause intentionnellement la mort ou une lésion corporelle grave en repoussant une attaque est justifié s'il a "des motifs raisonnables pour appréhender [. . .] la mort ou quelque lésion corporelle grave".

Il faut noter que l'al. 34(2)a) ne porte pas expressément que l'accusé doit appréhender un danger imminent quand il accomplit l'acte. La jurisprudence a néanmoins interprété ce moyen de défense comme comportant une telle exigence

Le cycle de violence répétée comporte trois phases distinctes: (1) l'accroissement de la tension, (2) l'incident de violence grave et (3) la contrition assortie de manifestations d'amour

Vu l'analyse qui précède, je résumerais ainsi les principes qui président à l'admission régulière du témoignage d'expert dans des cas comme celui qui se présente en l'espèce:

1.Le témoignage d'expert est admissible pour aider le juge des faits à faire des inférences dans des domaines où l'expert possède des connaissances ou une expérience pertinentes qui dépassent celles du profane.

2.Il est difficile pour le profane de comprendre le syndrome de la femme battue. On croit communément que les femmes battues ne sont pas vraiment battues aussi sévèrement qu'elles le prétendent, car sinon elles auraient mis fin à la relation. Certains estiment d'autre part que les femmes aiment être battues, qu'elles ont des tendances masochistes. Chacun de ces stéréotypes peut jouer défavorablement dans l'examen de l'allégation d'une femme battue qu'elle a agi en légitime défense quand elle a tué son partenaire.

3.La preuve d'expert peut aider le jury en détruisant ces mythes.

4.Le témoignage d'expert concernant la capacité d'une accusée de percevoir un danger présenté par son partenaire peut être pertinent relativement à la question de savoir si elle avait des "motifs raisonnables pour appréhender" la mort ou quelque lésion corporelle grave à une occasion déterminée.

5.Le témoignage d'expert touchant la question de savoir pourquoi une accusée est restée dans sa situation de femme battue peut être pertinent pour apprécier la nature et le degré de violence qui lui aurait été infligée.

6.En expliquant pourquoi une accusée ne s'est pas enfuie quand elle croyait sa vie en danger, le témoignage d'expert peut en outre aider le jury à apprécier le caractère raisonnable de sa croyance que tuer son agresseur était le seul moyen de sauver sa propre vie.

Je crois qu'aux fins de la présente analyse le fondement de l'arrêt Abbey peut se réduire aux propositions suivantes:

1.Une opinion d'expert pertinente est admissible, même si elle est fondée sur une preuve de seconde main.

2.Cette preuve de seconde main (ouï‑dire) est admissible pour montrer les renseignements sur lesquels est fondée l'opinion d'expert et non pas à titre de preuve établissant l'existence des faits sur lesquels se fonde cette opinion.

3.Lorsque la preuve psychiatrique consiste en une preuve par ouï‑dire, le problème qui se pose est celui de la valeur probante à accorder à l'opinion.

4.Pour que l'opinion d'un expert puisse avoir une valeur probante, il faut d'abord conclure à l'existence des faits sur lesquels se fonde l'opinion.

Contrôles visant des citoyens canadiens à un point d’entrée

Un citoyen canadien au sens de la Loi sur la citoyenneté a le droit d’entrer et de
demeurer au Canada aux termes de L19 (1).

Le L15 (1) permet à un agent de procéder à un contrôle visant une personne qui
présente une demande en vertu de la Loi. Le R28b) établit qu’une personne qui cherche à entrer au Canada présente du fait une demande.

De plus, le L18(1) établit l’obligation de toute personne qui cherche à entrer au Canada de se soumettre à un contrôle visant à déterminer si elle a le droit d’entrer au Canada ou si elle peut être autorisée à entrer au Canada et à y demeurer. Ces dispositions incluent les citoyens canadiens.

Normalement, un agent de l’ASFC responsable du contrôle secondaire de l’immigration
n’effectue un contrôle visant un citoyen canadien que dans le cas où l’agent de l’ASFC à la LIP a un doute sur la citoyenneté de l’intéressé. L’agent de l’ASFC au point d’entrée doit contrôler les citoyens canadiens de façon aussi expéditive que possible. Une fois que l’agent a pu établir que l’intéressé est un citoyen canadien, le contrôle doit prendre fin et la personne doit être autorisée à entrer au Canada sans autre délai. Il n’est pas alors approprié pour un agent de l’ASFC responsable du contrôle secondaire de l’immigration d’obtenir de plus amples renseignements personnels d’un citoyen canadien.
On peut demander à un citoyen canadien de fournir, sur une base volontaire, des
renseignements additionnels si ceux-ci peuvent aider un agent à déterminer
l’admissibilité d’un étranger qui accompagne le Canadien.

Les documents suivants constituent des preuves acceptables de citoyenneté canadienne
• passeport canadien;
• certificat de citoyenneté canadienne
• passeport canadien d’urgence
• certificat de naturalisation;
• certificat d’enregistrement d’une naissance à l’étranger;
• certificat de conservation de la citoyenneté canadienne.
Un certificat de naissance d’une province canadienne constitue un indicateur valable que son détenteur possède la citoyenneté canadienne. Mais comme ces certificats ne
comportent pas de photo, l’agent de l’ASFC doit s’assurer que le détenteur est bien le titulaire légitime du document.

Les citoyens canadiens qui reviennent au Canada par avion doivent habituellement
présenter une preuve d’identité et de citoyenneté avant de monter à bord. Cependant, il est fréquent que des Canadiens qui se présentent à un point d’entrée frontalier soient incapables de produire une preuve documentaire convaincante de leur citoyenneté. Dans un tel cas, l’agent de l’ASFC doit interroger l’intéressé jusqu’à qu’il soit convaincu qu’il est un citoyen canadien. Une fois convaincu, l’agent doit autoriser sans autre délai la personne à entrer au Canada.

Délai entre l’arrestation et l’ordre de fournir les échantillons / Délai d’attente de remorqueuse et de 25 min. entre les tests non-expliqués

R. c. Cuerrier, 2007 QCCQ 561 (CanLII)

[52] Dans R. v. Whitesell 1998 B.C.J. no. 333, un délai de 26 minutes entre l’arrestation et l’ordre de fournir les échantillons s’écoule. Les policiers complètent des documents et attendent une remorqueuse. Rien n’empêchait les policiers de donner l’ordre immédiatement. La Cour conclut qu’il y a perte pour la poursuite de la présomption prévue à l’article 258 du Code criminel.

[53] Dans R. v. Drohan 2004 B.C.J. no. 1909 malgré la présence des motifs dès 10 h 28, le conducteur n’est mis en état d’arrestation qu’à 10 h 48 et l’ordre de fournir des échantillons donné à 10 h 51. La Cour dans cette affaire réitère les principes de l’arrêt Whitesell et cite trois autres décisions où des délais de 10, 8 et 9 minutes entre l’arrestation et l’ordre de fournir les échantillons ne sont pas conformes aux exigences des mots « immédiatement ou dès que possible » de l’article 254 (3) du Code criminel. Voir au même effet R. c. Fisher 1995 A.J. no. 1999.

[54] Au présent dossier l’accusé a été mis en état d’arrestation à 3 h 23 et l’ordre de fournir les échantillons d’haleine donné à 4 h 5. Ce délai de 42 minutes ne respecte pas les prescriptions de l’article 254 (3) du Code criminel. L’ordre n’a pas été donné immédiatement ou dès que possible.

[55] Non seulement l’agent de la paix doit-il ordonner immédiatement ou dès que possible à l’accusé de lui fournir des échantillons d’haleine, mais ces échantillons doivent également être fournis immédiatement ou dès que possible au terme de l’article 254 (3) du Code criminel.

[56] Il existe une abondante jurisprudence sur « le délai de la remorqueuse ». Chaque cas doit être étudié au fond et les circonstances analysées dans chaque dossier.

[58] La Cour d’appel d’Ontario dans une décision du 28 avril 1988 dans Régina v. Phillips 42 CCC 3d 150, s’exprime ainsi : « The terms as soon as practisable does not means as soon as possible. The proper approach for a trial judge on a motion for a directed verdict is to determine whether there is any evidence upon which it could be found that the breathalyser test was taken as soon as reasonably practisable. »

[59] La Cour cite au soutien de cette affirmation les décisions de R. c. Ashby 1980 57 CCC (2d) 348 et R. v. Lightfoot (1980) 4 M.V.R. 238.

[60] La même Cour d’appel d’Ontario dans R. v. Letford, décision du 22 décembre 2000 rapportée à 150 CCC (3d) 225 réitère que « The Crown need not show that the police are organized to take breath sample as soon as possible in each case. However s. 258(1)c(ii) does require that in every case the Crown demonstrate that in all the circumstances including, where relevant, the way the police are organized and why, the breath samples were taken within a reasonably prompt time. » (par. 20)

[61] Dans R. v. Sevinis de la Cour supérieure d’Ontario rapportée à 1999 O.J. no. 5170, un délai d’une demie-heure à attendre la dépanneuse, sans explication valable, amène la Cour à conclure que les tests n’ont pas été fournis immédiatement ou dès que possible.

(63) Dans R. v. Keddy, décision de la Cour supérieure de Nouvelle-Écosse rapportée à 1995 N.S.J. no. 526, un délai de 33 à 36 minutes est jugé insatisfaisant d’autant plus que le véhicule de l’accusé une fois immobilité « posed no threat to any other vehicle… Once the truck had been secured there was no reason to remain to wait for the tow truck ». (par 16)

[62] Dans le présent dossier, aucune justification n’a été offerte par les policiers pour l’attente de la dépanneuse. Le fardeau de cette preuve incombe à la poursuite. En l’absence d’explication, le tribunal ne peut que conclure que ce délai était injustifié dans les circonstances.

[63] Les 25 minutes écoulées entre les deux tests d’ivressomètre posent aussi problème.

[64] Le Code criminel exige qu’un délai de 15 minutes sépare les deux tests. Tout délai supplémentaire doit être justifié.

[65] Dans R. v. Jackson, décision du 15 décembre 2005 rapportée à 2005 au O.J. 5764, la Cour s’exprime ainsi lorsqu’un délai de 29 minutes a séparé les deux tests :

« The Crown is not required to account for every minute. The issue is whether the police acted reasonably and expeditiously in all the circumstances. » (par. 15)

« In this particular case there was no admissible evidence to explain why the interval between the two breath samples was 29 minutes, almost twice the 15 minutes requirement under section 258. There was no admissible evidence that would provide any indication of what transpired between the first and second breath samples. » (par. 17)

« Clearly, the Crown is not required to account for every minute beyond the required interval of 15 minutes. There are no doubt reasonable explanations as to activities by the police or the accused that extended the time interval between the two breath samples beyond the minimum requirements. However, on these particular facts, there was no admissible direct or even circumstantial evidence of what transpired in that interval. » (par. 20)

« In order to rely on the presumption, the Crown must establish that each breath sample was taken “as soon as possible”. In the absence of any admissible evidence, I cannot make a finding that the Crown has met its burden of proof. The Crown is therefore not entitled to rely upon the presumption afforded in section 258(1)c) of the Criminal code. » (par. 21)

[66] Voir au même effet R. v. McInnis 1989 O.J. no. 1867 où l’Ontario District Court siégeant en appel en est venue à la même conclusion pour un délai de 29 minutes entre les deux tests.

[67] D’autres types de délais se retrouvent à R. v. Dzaja 2003 O.J. no. 2341 où un délai de 33 minutes entre l’arrivée au poste et l’appel à l’avocat n’a pas été expliqué, R. v. McCoy 1990 S.J. no. 657 où un délai de 44 minutes n’a pas été expliqué entre l’arrivée au poste et le premier test d’ivressomètre et R. v. Schouten 2002 O.J. no. 4777 où un délai de 18 minutes entre le moment où le technicien se déclare prêt et le premier test n’a pas été expliqué.

[68] Dans tous ces dossiers, les tribunaux en arrivent à la conclusion que la poursuite perd le bénéfice de la présomption prévue à l’article 258 (1) c) du Code criminel.

[69] Dans le présent dossier, aucune explication n’est donnée par l’agent Benoit pouvant justifier ce délai de 25 minutes. Le fardeau de cette preuve repose sur la poursuite. Dans ces circonstances, le tribunal réitère les mêmes énoncés que la Cour dans l’arrêt Jackson et en arrive à la même conclusion : la poursuite perd le bénéfice de la présomption de l’article 258 (1) c) du Code criminel.

[70] Comme tous les délais injustifiés peuvent s’additionner (voir R. v. Beninato 2005 O.J. no. 2193), un délai total et inexpliqué de 35 minutes est donc applicable au présent dossier pour l’attente de la remorqueuse et les 10 minutes inexpliquées entre les deux tests.

[71] Ni l’ordre de fournir les échantillons d’haleine, ni la prise des échantillons ne se sont faits immédiatement ou dès que possible tel que prescrit par l’art. 254 (3) du Code criminel.

[72] En conséquence, la poursuite ne peut bénéficier de la présomption prévue à l’article 258 (1) c) du Code criminel. Le certificat du technicien qualifié déposé par la poursuite est donc exclu de la preuve.

Un pistolet à air hors d’état de fonctionner peut constituer une «arme à feu»

R. c. Covin, [1983] 1 R.C.S. 725

Résumé des faits
Les intimés ont été déclarés coupables de vol à main armée et d’utilisation d’une arme à feu lors de la perpétration d’un acte criminel. L’arme utilisée était un pistolet à air; quatorze pièces manquaient à l’arme ou étaient endommagées et sept de ces pièces étaient essentielles à son fonctionnement.

Analyse
Donc, quelle que soit la chose utilisée sur les lieux du crime, la poursuite doit prouver que cette chose est susceptible, soit telle quelle, soit par adaptation ou montage, d’être chargée et de tirer des projectiles et, de ce fait, capable de causer des blessures corporelles graves pendant la perpétration de l’infraction ou pendant la fuite après la perpétration de l’infraction.

En l’espèce, l’arme utilisée par les intimés ne constituait pas une arme à feu au sens de l’art. 83. Le pistolet à air était hors d’état de fonctionner et ne pouvait être réparé ou adapté de manière à pouvoir tirer des projectiles et causer des blessures graves pendant la perpétration de l’infraction ou pendant la fuite après cette perpétration.

À la lecture de la définition de l’expression «arme à feu», il ressort d’abord que ce qui est principalement visé c’est une arme munie d’un canon qui peut effectivement «infliger des lésions corporelles graves ou la mort», parce qu’on peut la charger et faire feu. Cela, à mon sens, comprend les armes non chargées

À mon avis, pour que quelque chose demeure dans les limites de la définition, le degré acceptable d’adaptation et le temps requis pour la réaliser dépendent de la nature de l’infraction à laquelle la définition s’applique. Il faudra identifier le but de chaque article et déterminer la quantité, la nature de l’adaptation et le temps nécessaire à la réaliser de façon à donner effet à l’intention qu’avait le Parlement lorsqu’il a adopté cet article.

Un pistolet, un revolver ou un pistolet à air en état de fonctionner, mais non chargé, est une arme à feu parce qu’il peut, pendant la perpétration de l’infraction, si on le charge d’un projectile et si on fait feu, causer des blessures corporelles.

S’il n’est pas en état de fonctionner, il s’agit d’une arme à feu si, en regard de la nature des réparations ou modifications requises et de la disponibilité des pièces sur les lieux, ce qui a été utilisé aurait pu, pendant la perpétration de l’infraction, être adapté par quiconque ou par l’accusé s’il possède des aptitudes particulières de manière à pouvoir tirer des projectiles et causer des blessures graves.

Il incombe à la poursuite de le prouver

Définition pertinente
«arme à feu » Toute arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile, d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne, y compris une carcasse ou une boîte de culasse d’une telle arme ainsi que toute chose pouvant être modifiée pour être utilisée comme telle.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Celui qui propose d'acheter une arme à feu ou de la drogue ne peut pas être reconnu coupable de trafic de cette chose

R. v. Bienvenue, 2016 ONCA 865 Lien vers la décision [ 5 ]           In  Greyeyes v. The Queen  (1997),  1997 CanLII 313 (SCC) , 116 C.C.C. ...