mercredi 4 mars 2009

Délai entre l’arrestation et l’ordre de fournir les échantillons / Délai d’attente de remorqueuse et de 25 min. entre les tests non-expliqués

R. c. Cuerrier, 2007 QCCQ 561 (CanLII)

[52] Dans R. v. Whitesell 1998 B.C.J. no. 333, un délai de 26 minutes entre l’arrestation et l’ordre de fournir les échantillons s’écoule. Les policiers complètent des documents et attendent une remorqueuse. Rien n’empêchait les policiers de donner l’ordre immédiatement. La Cour conclut qu’il y a perte pour la poursuite de la présomption prévue à l’article 258 du Code criminel.

[53] Dans R. v. Drohan 2004 B.C.J. no. 1909 malgré la présence des motifs dès 10 h 28, le conducteur n’est mis en état d’arrestation qu’à 10 h 48 et l’ordre de fournir des échantillons donné à 10 h 51. La Cour dans cette affaire réitère les principes de l’arrêt Whitesell et cite trois autres décisions où des délais de 10, 8 et 9 minutes entre l’arrestation et l’ordre de fournir les échantillons ne sont pas conformes aux exigences des mots « immédiatement ou dès que possible » de l’article 254 (3) du Code criminel. Voir au même effet R. c. Fisher 1995 A.J. no. 1999.

[54] Au présent dossier l’accusé a été mis en état d’arrestation à 3 h 23 et l’ordre de fournir les échantillons d’haleine donné à 4 h 5. Ce délai de 42 minutes ne respecte pas les prescriptions de l’article 254 (3) du Code criminel. L’ordre n’a pas été donné immédiatement ou dès que possible.

[55] Non seulement l’agent de la paix doit-il ordonner immédiatement ou dès que possible à l’accusé de lui fournir des échantillons d’haleine, mais ces échantillons doivent également être fournis immédiatement ou dès que possible au terme de l’article 254 (3) du Code criminel.

[56] Il existe une abondante jurisprudence sur « le délai de la remorqueuse ». Chaque cas doit être étudié au fond et les circonstances analysées dans chaque dossier.

[58] La Cour d’appel d’Ontario dans une décision du 28 avril 1988 dans Régina v. Phillips 42 CCC 3d 150, s’exprime ainsi : « The terms as soon as practisable does not means as soon as possible. The proper approach for a trial judge on a motion for a directed verdict is to determine whether there is any evidence upon which it could be found that the breathalyser test was taken as soon as reasonably practisable. »

[59] La Cour cite au soutien de cette affirmation les décisions de R. c. Ashby 1980 57 CCC (2d) 348 et R. v. Lightfoot (1980) 4 M.V.R. 238.

[60] La même Cour d’appel d’Ontario dans R. v. Letford, décision du 22 décembre 2000 rapportée à 150 CCC (3d) 225 réitère que « The Crown need not show that the police are organized to take breath sample as soon as possible in each case. However s. 258(1)c(ii) does require that in every case the Crown demonstrate that in all the circumstances including, where relevant, the way the police are organized and why, the breath samples were taken within a reasonably prompt time. » (par. 20)

[61] Dans R. v. Sevinis de la Cour supérieure d’Ontario rapportée à 1999 O.J. no. 5170, un délai d’une demie-heure à attendre la dépanneuse, sans explication valable, amène la Cour à conclure que les tests n’ont pas été fournis immédiatement ou dès que possible.

(63) Dans R. v. Keddy, décision de la Cour supérieure de Nouvelle-Écosse rapportée à 1995 N.S.J. no. 526, un délai de 33 à 36 minutes est jugé insatisfaisant d’autant plus que le véhicule de l’accusé une fois immobilité « posed no threat to any other vehicle… Once the truck had been secured there was no reason to remain to wait for the tow truck ». (par 16)

[62] Dans le présent dossier, aucune justification n’a été offerte par les policiers pour l’attente de la dépanneuse. Le fardeau de cette preuve incombe à la poursuite. En l’absence d’explication, le tribunal ne peut que conclure que ce délai était injustifié dans les circonstances.

[63] Les 25 minutes écoulées entre les deux tests d’ivressomètre posent aussi problème.

[64] Le Code criminel exige qu’un délai de 15 minutes sépare les deux tests. Tout délai supplémentaire doit être justifié.

[65] Dans R. v. Jackson, décision du 15 décembre 2005 rapportée à 2005 au O.J. 5764, la Cour s’exprime ainsi lorsqu’un délai de 29 minutes a séparé les deux tests :

« The Crown is not required to account for every minute. The issue is whether the police acted reasonably and expeditiously in all the circumstances. » (par. 15)

« In this particular case there was no admissible evidence to explain why the interval between the two breath samples was 29 minutes, almost twice the 15 minutes requirement under section 258. There was no admissible evidence that would provide any indication of what transpired between the first and second breath samples. » (par. 17)

« Clearly, the Crown is not required to account for every minute beyond the required interval of 15 minutes. There are no doubt reasonable explanations as to activities by the police or the accused that extended the time interval between the two breath samples beyond the minimum requirements. However, on these particular facts, there was no admissible direct or even circumstantial evidence of what transpired in that interval. » (par. 20)

« In order to rely on the presumption, the Crown must establish that each breath sample was taken “as soon as possible”. In the absence of any admissible evidence, I cannot make a finding that the Crown has met its burden of proof. The Crown is therefore not entitled to rely upon the presumption afforded in section 258(1)c) of the Criminal code. » (par. 21)

[66] Voir au même effet R. v. McInnis 1989 O.J. no. 1867 où l’Ontario District Court siégeant en appel en est venue à la même conclusion pour un délai de 29 minutes entre les deux tests.

[67] D’autres types de délais se retrouvent à R. v. Dzaja 2003 O.J. no. 2341 où un délai de 33 minutes entre l’arrivée au poste et l’appel à l’avocat n’a pas été expliqué, R. v. McCoy 1990 S.J. no. 657 où un délai de 44 minutes n’a pas été expliqué entre l’arrivée au poste et le premier test d’ivressomètre et R. v. Schouten 2002 O.J. no. 4777 où un délai de 18 minutes entre le moment où le technicien se déclare prêt et le premier test n’a pas été expliqué.

[68] Dans tous ces dossiers, les tribunaux en arrivent à la conclusion que la poursuite perd le bénéfice de la présomption prévue à l’article 258 (1) c) du Code criminel.

[69] Dans le présent dossier, aucune explication n’est donnée par l’agent Benoit pouvant justifier ce délai de 25 minutes. Le fardeau de cette preuve repose sur la poursuite. Dans ces circonstances, le tribunal réitère les mêmes énoncés que la Cour dans l’arrêt Jackson et en arrive à la même conclusion : la poursuite perd le bénéfice de la présomption de l’article 258 (1) c) du Code criminel.

[70] Comme tous les délais injustifiés peuvent s’additionner (voir R. v. Beninato 2005 O.J. no. 2193), un délai total et inexpliqué de 35 minutes est donc applicable au présent dossier pour l’attente de la remorqueuse et les 10 minutes inexpliquées entre les deux tests.

[71] Ni l’ordre de fournir les échantillons d’haleine, ni la prise des échantillons ne se sont faits immédiatement ou dès que possible tel que prescrit par l’art. 254 (3) du Code criminel.

[72] En conséquence, la poursuite ne peut bénéficier de la présomption prévue à l’article 258 (1) c) du Code criminel. Le certificat du technicien qualifié déposé par la poursuite est donc exclu de la preuve.

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