Rechercher sur ce blogue

vendredi 17 septembre 2010

La règle « functus officio »

R. c. Hubert, 2002 CanLII 13948 (QC C.Q.)

A) Dans un premier temps il est important de souligner qu’en droit criminel, dès qu’un tribunal a rendu une décision finale dans un dossier, il devient functus officio : c’est une règle que tout le monde connaît. Quand le législateur veut modifier cette règle, il l’énonce dans un article. C’est ce qu’il a fait dans le cas de l’ordonnance de probation (voir 732.2.3), ou dans le cadre d’une ordonnance de détention avec sursis. (voir 742.4(1)c.cr), ou demande de révision judiciaire (745.6). Aucune disposition comparable n’existe en ce sens pour l’article 259.1.1.

B) Cette règle dite « functus officio » a été répétée récemment dans une décision de la Cour Suprême du Canada, soit l’arrêt Chandler c. Alberta Association of architects, ou le Juge Sopinka rédigeant pour la Cour s’exprimait ainsi :

« La règle générale portant qu'on ne saurait revenir sur une décision judiciaire définitive découle de la décision de la Court of Appeal d'Angleterre dans In re St. Nazaire Co. (1879), 12 Ch. D. 88. La cour y avait conclu que le pouvoir d'entendre à nouveau une affaire avait été transférée à la division d'appel en vertu des Judicature Acts. La règle ne s'appliquait que si le jugement avait été rédigé, prononcé et inscrit, et elle souffrait deux exceptions:

«9512 1.Lorsqu'il y avait eu lapsus en la rédigeant ou -<9512 2.lorsqu'il y avait une erreur dans l'expression de l'intention manifeste de la cour. Voir Paper Machinery Ltd. v. J. O. Ross Engineering Corp., 1934 CanLII 1 (S.C.C.), [1934] R.C.S. 186.»

Le juge doit se placer au jour de la perpétration de l’infraction qui doit être punie pour déterminer s’il peut tenir compte d’un antécédent judiciaire

R. c. Dion, 2005 CanLII 23493 (QC C.S.)

[22] Cette dernière infraction, à laquelle elle n’a plaidé coupable que le 22 juin dernier, ne constitue pas un antécédent judiciaire bien que les faits soient antérieurs au matricide parce qu’il n’existait pas comme tel le jour du meurtre.

[23] En effet, selon Madame le doyen Hélène Dumont dans Pénologie (publié aux Éditions Thémis, à Montréal, en 1993, à la p. 170) :

« La jurisprudence applique le test qui consiste pour le juge à se placer au jour de la perpétration de l’infraction qui doit être punie pour déterminer s’il peut tenir compte d’un antécédent judiciaire. Il pourra considérer un crime à titre d’antécédent seulement s’il a déjà fait l’objet d’une déclaration de culpabilité et d’une sanction avant la perpétration de l’infraction pour laquelle il doit imposer une sentence. »

[24] Elle s’appuie entre autres sur l’arrêt R. v. Williams, 1985 CanLII 113 (ON C.A.), (1985) 18 C.C.C. (3d) 356, à la p. 381 où le juge d’appel Martin disait :

“ In 1982, after the commission of the present offence, she was convicted of fraud arising out of the issuing of cheques which were dishonoured when presented for payment because of lack of funds to her credit in the account on which the cheques were drawn. It is said that these offences resulted from the circumstances in which she found herself as a result of the present charge. In any event, they do not constitute a prior record.”

jeudi 16 septembre 2010

La fourchette des peines dans le cas d'infraction de vol qualifié

R. c. Demers, 2004 CanLII 15228 (QC C.S.)

[51] L'analyse des précédents jurisprudentiels révèle que l'échelle des peines varie de deux (2) à cinq (5) ans d'emprisonnement pour des vols qualifiés où l'on ne retrouve pas de circonstances aggravantes ou atténuantes particulières : voir : Beaupré c. R., (C.A.Q.) J.E. 94-1273 (quatre (4) ans), R. c. Maheu, (1992) 44 (Q.A.C.) 312 (trois (3) ans et neuf (9) mois), R. c. Baril, (C.A.Q.) J.E. 96-2142 (quatre (4) ans), Grenon c. R., (C.A.Q.) J.E. 96-2196 (deux (2) ans moins 1 jour), voir : Clayton C. Ruby qui mentionne que pour des vols qualifiés sans usage d'armes :

[…] sentences in the area of one to three years for bank robbery have been imposed on a number of occasions. […] The lack of a weapon was also significant in the sentencing of a bank robber with a record for property offences to three years by the Alberta Court of Appeal.

[52] Par ailleurs, la violence réelle et l'usage d'armes lors de la commission des vols sont des facteurs d'augmentation de la peine. Dans ces cas, les sentences augmentent de sept (7) à neuf (9) ans pour un seul vol qualifié : R. c. Simard, (C.A.Q.) #200-10-000013-941, où pour un vol qualifié dans une banque avec une arme, une sentence de neuf (9) ans était maintenue ; R. c. Delage, J.E. 2001-694, (C.A.Q.) huit (8) ans pour un seul vol ; R. c. Lévesque, (C.A.Q.) #500-10-0001121-977, 8 septembre 1998, sept (7) ans pour un vol qualifié ; R. c. Callan, [1999] O.J. No 2850, 15 ans pour cinq (5) vols qualifiés ; R. c. Nurse, [1998] O.J. No 953 (C.A. Ont.) 16 ans pour deux (2) vols de camion Secur avec armes.

[53] Compte tenu de tous ces facteurs, vu la gravité objective et subjective des crimes commis, des facteurs aggravants et atténuants, les peines refléteront la dissuasion générale pour ce genre de crime, tout en tenant compte de la responsabilité de chaque accusé.

Les peines pour le vol qualifié commis en utilisant la menace et sans causer de lésions corporelles aux victimes, varient entre deux (2) et neuf (9) ans pour un récidiviste en semblable matière

R. c. Deschênes, 2008 QCCS 1173 (CanLII)

[21] L’accusé, invoquant l’harmonisation et la parité des peines, propose que le vol qualifié commis au moyen de la menace par un auteur non armé au passé judiciaire, chargé comme lui, est, chez nous, sanctionné par des peines variant entre deux (2) et cinq (5) années de prison.

[22] Son procureur réfère le Tribunal, au soutien de son argument, aux précédents jurisprudentiels suivants :

22.1 R. c. Corkum [1997] N.S.J. no. 421 (N.S. Sup. Court) :

w L’accusé de 26 ans a commis deux vols qualifiés en menaçant ses victimes avec une note écrite. Ses nombreux antécédents comprennent une condamnation à trente mois pour vol qualifié. La peine prononcée est de cinq (5) ans de prison.

22.2 R. c. A.D.P. [2005] B.C.J. no 2737 (B.C.C.A.)

w La Cour d’appel inflige à un accusé de 37 ans, déjà condamné à seize (16) mois et à quatre (4) ans pour des vols qualifiés, à une peine de six (6) ans en lieu et place de la peine avec sursis imposée en première instance. L’accusé avait alors volé sous la menace trois postes d’essence de sommes d’argent inférieures à 150,00 $ en menaçant les commis.

22.3. R. c. MacDonald - 2006 B.C.C.A. 535

w La Cour réduit de huit (8) à quatre (4) ans la peine d’un accusé de 45 ans, au long casier judiciaire, qui a commis deux vols à la pointe d’un couteau parce que le premier juge n’a pas suffisamment considéré une période d’accalmie de douze (12) années pendant laquelle MacDonald n’avait pas été condamné et avait travaillé régulièrement.

22.4 R. c. Allin – 2001 B.C.C.A. 710

w La Cour confirme une peine de vingt-quatre (24) mois de prison pour vol qualifié consécutive à une peine de seize (16) mois. Le crime est commis dans une banque où l’accusé a exhibé au commis une note menaçante. Allin a un passé judiciaire comprenant vingt-huit (28) condamnations dont deux (2) pour des vols qualifiés. Au moment du vol reproché, la dépendance de l’accusé à la drogue était hors de contrôle.

22.5 R. c. Craig [2007] B.C.P.C. 144

w L’accusé est condamné à cinq (5) ans de prison pour deux vols qualifiés dans des banques, commis au moyen de notes menaçantes. Craig, 27 ans, avait un problème de dépendance à la drogue et cinq (5) antécédents judiciaires de vols qualifiés. Les crimes reprochés avaient été commis peu de temps après sa sortie de prison et alors qu’il était encore sous libération conditionnelle.

22.6 R. c. Packwood [1991] A.Q. no 221 (C.A.Q.)

w La Cour d’appel réduit à quatre (4) ans la peine pour un vol qualifié commis par un accusé déjà condamné à douze (12) reprises pour vol qualifié en treize (13) ans. La peine est réduite en raison de la probabilité raisonnable de réhabilitation.

22.7 R. c. Dionne [2004 ] B.C.C.A.

w La Cour confirme, dans le cas de l’appelant, la peine de trois (3) ans prononcée en première instance pour un vol qualifié commis par trois (3) individus en usant de menaces implicites. L’accusé, qui était resté à l’extérieur de la banque, avait déjà à son passif onze (11) condamnations antérieures pour de tels crimes. Le Tribunal note cependant que la peine se situe « at the very low end of the range for this offence committed by this offender… »

[23] Il y a lieu d’examiner également, en cette matière, les décisions suivantes qui ont une pertinence certaine à la détermination d’une peine appropriée :

23.1 R. c. Upton (2006) B.C.P.C. 496.

w L’accusé, qui avait un problème de dépendance à la drogue, a commis trois (3) vols qualifiés en exhibant une note évoquant la possibilité qu’il devienne violent. Au moment de ses crimes, il était sous libération conditionnelle suite à une condamnation de cinquante-quatre (54) mois pour vol qualifié. Le Tribunal lui impose une peine de six (6) ans consécutive à la partie non purgée de sa peine précédente.

23.2 R. c. D. (D.A.) 2001 S.K.C.A. 14

w L’accusé a commis deux (2) vols qualifiés en présentant des notes menaçantes à des commis féminins où il exigeait l’argent de leurs caisses. Il avait déjà été condamné à une cinquantaine de reprises et était en libération conditionnelle au moment de la commission des crimes reprochés, suite à une condamnation à cinq (5) ans pour vol à main armée. Le Tribunal infirme la peine de quatre ans et demi (4 ½) imposée par le premier juge et impose plutôt huit (8) années de détention.

23.3 R. c. Bezdan – 2001 B.C.C.A. 215

w L’accusé se présente dans une banque et remet au commis une note dans laquelle il exige la remise de l’argent. Condamné à plusieurs reprises, dont sept (7) fois pour vol qualifié au cours des quinze (15) dernières années, l’accusé était toujours sous probation lors du vol de banque. La Cour d’appel confirme une peine de cinq (5) années parce que le premier juge avait eu raison, compte tenu des faibles probabilités de réhabilitation, de faire primer la protection du public dans le cas de l’accusé qui a l’habitude de commettre des vols qualifiés pour satisfaire sa dépendance à la cocaïne.

23.4 R. c. Kirby (06-04-1992) C.A. Montréal 500-10-000350-916 (1992) (C.A. Québec)

w L’accusé plaide coupable à un vol de deux cent soixante dollars (260,00 $) commis en exhibant une note menaçante à une caissière. Âgé de 29 ans, il est un consommateur abusif de drogue et d’alcool depuis plus de dix (10) ans et a commis plusieurs vols qualifiés pour satisfaire à sa dépendance. La Cour d’appel réduit de cinq (5) à deux (2) ans moins un (1) jour sa peine pour tenir compte de la possibilité réelle de réhabilitation de l’accusé.

[24] S’ajoutent bien évidemment à ces précédents les réflexions de la Cour d’appel dans R. c. Boris Deschênes en 1998.

[25] L’expérience judiciaire nous enseigne donc que les peines pour le vol qualifié commis en utilisant la menace et sans causer de lésions corporelles aux victimes, varient entre deux (2) et neuf (9) ans pour un récidiviste en semblable matière.

[26] Le risque élevé de récidive, le peu d’espoir de réhabilitation et l’absence de motivation à régler sa dépendance aux psychotropes mettent ici en évidence la nécessité d’isoler Boris Deschênes du reste de la société pour éviter qu’il ne cause plus de détresse psychologique à ses victimes lorsqu’il n’arrive pas à contrôler sa dépendance à la cocaïne.

Les éléments essentiels de l'infraction de méfait public

R. c. Dascine, 2003 CanLII 32968 (QC C.Q.)

[34] Les éléments essentiels de cette infraction apparaissent à la lecture de l'article 140 C. cr.:

« Commet un méfait public quiconque, avec l’intention de tromper, amène un agent de la paix à commencer ou à continuer une enquête :

c) soit en rapportant qu’une infraction a été commise quand elle ne l’a pas été; »

[35] L'accusé doit avoir l'intention d'induire en erreur; et, en conséquence de la fausse déclaration, un policier doit avoir commencé une enquête. Le terme "enquêter" signifie "rechercher".

La détention est la peine généralement infligée dans le cas de fraudes importantes et planifiées qui se sont déroulées sur des périodes plus ou moins prolongées

R. c. Coffin, 2006 QCCA 471 (CanLII)

[60] En l'espèce, la poursuivante a raison de prétendre que les diverses cours d'appel du Canada ont généralement infligé des peines d'emprisonnement dans le cas de fraudes importantes et planifiées qui se sont déroulées sur des périodes plus ou moins prolongées.

[61] Les tribunaux ont alors reconnu que, pour atteindre les objectifs de dénonciation et de dissuasion, une peine d'incarcération s'imposait bien que le contrevenant 1) n'ait pas d'antécédents, 2) jouisse d'une bonne réputation dans son milieu, 3) ait parfois remboursé, en partie, les victimes, 4) manifeste des remords, 5) ne soit pas enclin à récidiver.

lundi 13 septembre 2010

Dans un cas où l'identification oculaire est en question, le juge de faits doit être vigilant, car même un témoin sincère, crédible et de bonne volonté peut se tromper

R. c. Chaussé, 2009 QCCQ 2230 (CanLII)

[14] Dans un cas où l'identification oculaire est en question, le juge de faits doit être vigilant. Le juge doit se rappeler que même un témoin sincère, crédible et de bonne volonté peut se tromper. Le juge doit se méfier d'un témoin qui déclare avec beaucoup d'assurance et de confiance en soi qu'il est certain de son identification, parce que la mesure de certitude ou de confiance n'est pas forcément un indice de la fiabilité de son témoignage. Donc, il faut examiner soigneusement toutes les circonstances dans lesquelles l'identification a été faite et de tenir compte de toutes les forces et les faiblesses de la preuve. La valeur probante d’une identification oculaire se trouve dans l’ensemble des détails. En fin de compte, la poursuite échoue à moins qu'elle ne prouve que l'auteur du crime était l'accusé et personne d'autre.

[15] La justification pour cette vigilance est claire. L'identification oculaire reflète la perception du témoin. La précision ou l'exactitude de cette perception peut être affectée d'une myriade de facteurs. Il y a des facteurs liés à l'événement, dont la durée d'observation, la luminosité de l'endroit, la distance ou le choc de l'incident. Il y a aussi des facteurs liés au témoin, dont la vision, le stress ou tout autre indice de la capacité du témoin de percevoir avec précision et de se souvenir de sa perception fidèlement.

[16] Quand l'identification oculaire est en question, il y a une distinction importante entre, d'une part, l'observation d'une personne pour la première fois ou peut être pour une seule fois, et, d'autre part, la reconnaissance d'une personne que le témoin connaît déjà. Sans doute y a-t-il toujours la possibilité que le témoin se trompe dans les deux cas, mais le risque d'erreur est normalement moins élevé dans le deuxième.

[17] Il est certain que la poursuite doit prouver l’identité de l’auteur du crime, tout comme les éléments constitutifs de l’infraction, au-delà de tout doute raisonnable. Cette norme de persuasion est un élément essentiel de la présomption d’innocence. Mais, comme la Cour suprême l’a rappelé, cette norme n’implique et ne suppose pas une preuve avec une certitude absolue. La poursuite n’est pas tenue de présenter une preuve qui exclut tout doute ou même la possibilité d’un doute dans toutes les circonstances en l’espèce. La preuve de la poursuite doit exclure tout doute raisonnable sur la question de l’identité du contrevenant.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La possession d'une quantité de drogue plus grande que pour usage personnel est une assise permettant au juge de conclure à la possession en vue de trafic / se débarrasser de la drogue via une toilette ne permet pas de conclure à la possession en vue de trafic de ladite substance

R. v. Scharf, 2017 ONCA 794 Lien vers la décision [ 9 ]           Although not the subject of submissions by the appellant, we do not agree ...