R. c. Latimer, [2001] 1 R.C.S. 3, 2001 CSC 1
Résumé des faits
Le présent pourvoi découle de la mort de Tracy Latimer, une fillette de 12 ans qui souffrait d’une paralysie cérébrale grave. Son père, Robert Latimer, lui a enlevé la vie il y a environ sept ans. Il a été déclaré coupable de meurtre au deuxième degré.
Analyse
Le moyen de défense fondé sur la nécessité est restreint et n’a qu’une application limitée en droit criminel. L’accusé doit démontrer l’existence de trois éléments avant de pouvoir invoquer la nécessité. Premièrement, il doit y avoir danger imminent. Deuxièmement, l’accusé ne doit pas avoir d’autre solution raisonnable et légale que d’agir comme il l’a fait. Troisièmement, il doit y avoir proportionnalité entre le mal infligé et le mal évité.
Tuer quelqu’un — dans le but de mettre fin à la douleur produite par un état de santé physique ou mental qui peut être traité par des soins médicaux — n’est pas une réaction proportionnée au mal que constitue une douleur qui ne met pas la vie en danger et qui résulte de cet état de santé.
Les deux premières exigences — le danger imminent et l’absence de solution raisonnable et légale — doivent être évaluées selon la norme objective modifiée décrite précédemment. Comme il est mentionné dans Perka, la nécessité repose sur une norme objective : le caractère involontaire se mesure en fonction de ce que la société considère comme une résistance normale et appropriée à la pression
Il est habituel et, dans la plupart des cas, préférable que le juge du procès se prononce sur la possibilité d’invoquer un moyen de défense avant les exposés finals au jury. Même si ce moyen de défense a été soustrait à l’examen du jury à une étape plus avancée du procès que d’habitude, cela n’a pas nui à l’équité du procès de l’accusé ni violé ses droits constitutionnels.
Le principe de la « preuve à réfuter » est un élément du droit constitutionnel de l’accusé à une défense pleine et entière. Cela signifie que l’accusé a le droit de connaître la preuve qui pèse contre lui avant d’y répondre. La raison d’être de ce principe est que, avant de présenter sa défense, l’accusé doit pouvoir tenir pour acquis que le ministère public a présenté toute la preuve sur laquelle il se fondera pour établir sa culpabilité
Le juge du procès n’a pas porté atteinte aux droits de l’accusé en répondant à la question du jury, qui voulait savoir s’il pouvait participer à la détermination de la peine. Le procès n’est pas devenu inéquitable du seul fait que le juge du procès a miné le pouvoir d’annulation de fait du jury. Dans la plupart voire la totalité des cas, l’annulation par le jury n’est pas un élément valable dont il faut tenir compte en analysant l’équité du procès pour l’accusé. Il est souhaitable et légitime pour le juge du procès d’empêcher l’annulation par le jury; en fait, le juge est tenu de prendre les mesures nécessaires pour que le jury applique la loi correctement.
L’expression « annulation par le jury » vise la situation rare où le jury choisit en connaissance de cause de ne pas appliquer la loi et acquitte le défendeur malgré la force de la preuve qui pèse contre lui. L’annulation par le jury est un concept inusité en droit criminel, car elle reconnaît effectivement qu’il peut arriver que le jury décide, dans de très rares cas, de ne pas appliquer la loi.
Le juge en chef Dickson a prévenu que « reconnaître ce fait qu’un jury peut annuler est très loin de suggérer qu’un avocat peut encourager un jury à méconnaître une loi qui ne lui plaît pas ou à lui dire qu’il a le droit de le faire ».
La règle au Canada veut qu’il appartienne au jury de déterminer la culpabilité et au juge du procès de déterminer la peine. Le rôle du jury est de déterminer à partir des faits si la preuve établit la culpabilité.
Il peut paraître étrange que le jury, ne connaissant pas la peine, puisse ne tenir aucun compte des conséquences de ses conclusions, mais ce fait est aussi approprié que souhaitable compte tenu du risque que le jury puisse être influencé — en faveur de l’acquittement ou de la déclaration de culpabilité — par la peine éventuelle. Cette logique s’applique avec la même force lorsque la peine prescrite est une peine minimale fixée par la loi. Le fait qu’une personne reconnue coupable soit assujettie à une peine minimale fixée d’avance ne devrait pas influencer le jury dans l’examen de la question de la culpabilité.
En l’espèce, la peine minimale obligatoire pour meurtre au deuxième degré ne constitue pas une peine cruelle et inusitée au sens de l’art. 12 de la Charte canadienne des droits et libertés.
La gravité de l’infraction ainsi que la situation personnelle du contrevenant et les circonstances particulières de l’infraction doivent être prises en compte aux fins de l’analyse fondée sur l’art. 12
Le critère qui doit être appliqué pour déterminer si une peine est cruelle et inusitée au sens de l’art. 12 de la Charte consiste, pour reprendre les termes utilisés par le juge en chef Laskin, à se demander «si la peine infligée est excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine.» En d’autres termes, bien que l’État puisse infliger une peine, l’effet de cette peine ne doit pas être exagérément disproportionné à ce qui aurait été approprié.
En vérifiant si une peine est exagérément disproportionnée, la cour doit d’abord prendre en considération la gravité de l’infraction commise, les caractéristiques personnelles du contrevenant et les circonstances particulières de l’affaire afin de déterminer quelles peines auraient été appropriées pour punir, réhabiliter ou dissuader ce contrevenant particulier ou pour protéger le public contre ce dernier.
Quant aux caractéristiques du contrevenant et aux circonstances particulières de l’infraction, nous devons tenir compte des circonstances aggravantes et des circonstances atténuantes.
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