vendredi 4 septembre 2009

Exposé sur la dispense d'enregistrement en vertu de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels

Pothier-Charette c. R., 2009 QCCQ 4535 (CanLII)

[49] L'article 490.023 (1) du Code criminel accorde à une personne qui a reçu signification de l'avis prévu à l'article 490.021 du Code criminel le droit de demander d'être dispensé de son obligation de se conformer à la LERDS.

[50] C'est cette disposition que le requérant invoque et elle s'applique à son cas.

[51] L'article 490.023 (2) du Code criminel énonce les critères d'analyse de l'octroi d'une telle dispense.

[52] Il se lit ainsi :

La cour accorde la dispense si elle est convaincue que l'intéressé a établi que l'obligation aurait à son égard, notamment sur sa vie privée ou sa liberté, un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt que présente, pour la protection de la société au moyen d'enquêtes efficaces sur les crimes de nature sexuelle, l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels prévu par la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.

[53] Il y a donc lieu de déterminer dans un premier temps, quelles sont les obligations auxquelles le requérant pourrait être astreint si le tribunal refusait sa demande de dispense.

[54] Dans un second temps, il y a lieu de décider si le requérant a établi de façon prépondérante que le respect de ces obligations aura sur lui et, notamment, sur sa vie privée ou sa liberté, un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt que présente pour l'efficacité des enquêtes en matière de crimes sexuels l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.

A) Les obligations prévues par l’avis signifié au requérant

[55] L'avis signifié au requérant lui commande de se présenter une première fois au bureau d'inscription visé à l'article 7.1 de la LERDS conformément au paragraphe 4 (2) de cette Loi, de se présenter au bureau d'inscription visé à l'article 7.1 de LERDS chaque fois que l'exigent les articles 4.1 ou 4.3 de cette Loi, et ce, pendant 20 ans et de fournir les renseignements exigés aux articles 5 et 6 de LERDS.

[56] En appliquant les dispositions de la Loi pertinentes à son cas, l'avis oblige donc le requérant à se présenter en personne une première fois dans les 15 jours au bureau d'inscription.

[57] Ce bureau d'inscription est un poste de police ou le Centre d'enregistrement des délinquants sexuels de la Sûreté du Québec à Montréal.

[58] Par la suite, il doit se présenter en personne au bureau d'inscription dans les 15 jours d'un changement de résidence principale ou secondaire, d'un changement de nom ou de prénom et dans le douzième mois qui suit la dernière comparution.

[59] Si le requérant se trouve à l'extérieur du Canada au moment où il doit comparaître la première fois, il doit comparaître au bureau d'inscription dans les 15 jours de son retour et cette comparution peut se faire par téléphone, télécopieur ou courrier électronique.

[60] Les renseignements que le requérant doit fournir sont les suivants :

▪ ses nom, prénom et nom d'emprunt;

▪ sa date de naissance et son sexe;

▪ l'adresse ou l'emplacement de ses résidence principale ou secondaire;

▪ l'adresse ou l'emplacement du lieu où ses services sont retenus à titre de salarié, d'agent contractuel ou de bénévole;

▪ l'adresse ou l'emplacement de l'établissement d'enseignement où il est inscrit;

▪ le numéro de téléphone de ses résidences principale et secondaire, des lieux où ses services sont retenus à titre de salarié, d'agent contractuel ou de bénévole, et celui de ses téléphones mobiles ou téléavertisseurs;

▪ sa taille, son poids et la description de ses marques physiques distinctives.

[61] Les renseignements qu'il pourrait être tenu de fournir à la demande du préposé sont :

▪ le moment et le lieu où il a été condamné;

▪ toute caractéristique permettant de l'identifier, comme la couleur de ses yeux et de ses cheveux.

[62] Il pourrait aussi être tenu de se soumettre à une séance de photographie.

[63] En cas d'absence au Canada de sa résidence principale ou secondaire pendant au moins 15 jours consécutifs, il devra aviser le préposé, au plus tard 15 jours après son départ, de l'adresse ou du lieu où il séjourne ou entend séjourner et des dates réelles ou prévues de son départ et de son retour.

[64] En cas de séjour à l'extérieur du Canada pendant au moins 15 jours consécutifs, il devra aviser le préposé, au plus tard 15 jours après son départ, de la date réelle ou prévue de ce départ.

[65] Dans les deux cas, il devra dans les 15 jours de son retour effectif en aviser le préposé du bureau d'inscription, sauf si en vertu de la Loi, il est tenu de se présenter au bureau d'inscription pour un autre motif.

[66] Ces avis peuvent être faits par courrier recommandé, par téléphone, télécopieur ou courrier électronique.

[67] La Cour d'appel du Québec s'est prononcée tout récemment sur l'interprétation à donner à l'article 492.023 (1) du Code criminel.

[68] À l'arrêt Morin c. La Reine, la Cour d'appel du Québec indique que pour répondre à la question de savoir si le délinquant a établi, pour bénéficier de la dispense, que l'obligation de se conformer à la Loi aurait à son égard, notamment sur sa vie privée ou sa liberté, un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt que présente pour la protection de la société au moyen d'enquêtes efficaces sur les crimes de nature sexuelle l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, le tribunal doit procéder à une analyse qui tient compte à la fois des effets de l'application de la Loi sur le délinquant, de l'intérêt du public à des enquêtes efficaces et du rapport ou de la proportionnalité entre les deux.

[69] L'approche préconisée est subjective.

[70] Comme l'écrit la Cour, au paragraphe 68 de l'arrêt :

La société a toujours un intérêt (à ce que des enquêtes efficaces soient tenues en matière de crimes sexuels) et le cas particulier du délinquant ne pourrait jamais l'emporter sur cet intérêt s'il était considéré uniquement dans l'abstrait ou dans l'absolu. Il faut donc tenir compte de l'impact de la situation particulière du délinquant sur l'intérêt public (à ce que des enquêtes efficaces soient tenues en matière de crimes sexuels) pour déterminer lors de l'examen de la proportionnalité si cet intérêt demeure suffisamment important pour ne pas accorder l'exception ou la dispense.

Le délinquant, doit établir que le fait qu'il obtienne une dispense aura un effet nul ou négligeable sur l'intérêt de protéger le public par le biais d'enquêtes efficaces en matière de crimes sexuels.

Ceci requiert l'analyse de multiples facteurs tels les antécédents judiciaires du requérant, la nature de l'infraction, les circonstances de sa commission, le délai écoulé depuis sa commission, les subséquents judiciaires et tous les autres facteurs ayant une pertinence sur l'impact potentiel à ce qu'il ne soit pas enregistré.

[71] La Cour d'appel mentionne comme autres facteurs pertinents, la personnalité du délinquant et les risques de récidive.

[72] Et la Cour de rappeler que malgré cette interprétation large et libérale, le fardeau du requérant demeure lourd, s'il veut bénéficier de l'exception ou de la dispense.

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