jeudi 5 novembre 2009

Ce que constitue l'expression haineuse au sens du Code criminel

R. c. Presseault, 2007 QCCQ 384 (CanLII)

[35] Ce n'est pas un crime de penser, ni même de communiquer des idées haineuses dans la mesure où cela est fait dans une conversation privée. On ne peut donc punir une personne pour cela.

[36] La Cour suprême du Canada a commenté récemment cet article du Code criminel dans l'arrêt Mugesera:

L'article 319 crée deux infractions distinctes d'incitation à la haine contre un groupe identifiable. […]

« Fomenter » s’entend du soutien actif ou de l’instigation. Il faut plus qu’un simple encouragement : R. c. Keegstra, 1990 CanLII 24 (C.S.C.), [1990] 3 R.C.S. 697. Pour les besoins de l’art. 319, le mot « haine » désigne « une émotion à la fois intense et extrême qui est clairement associée à la calomnie et à la détestation » : Keegstra, p. 777. Seules les formes d’aversion les plus intenses sont en cause.

Il n’est pas nécessaire de prouver que la communication a effectivement suscité la haine. […]

Afin de déterminer si la communication exprimait la haine, le tribunal se demande quelle compréhension en aurait une personne raisonnable dans le contexte […]

… l’intention criminelle requise au par. (1) correspondait à une infraction moins grave que la fomentation intentionnelle de la haine et que, vu l’emploi du mot « volontairement », l’infraction prévue au par. (2) n’était perpétrée que si l’accusé avait le dessein conscient de fomenter la haine contre le groupe identifiable ou était certain que la communication aurait cet effet et qu’il communiquait néanmoins les déclarations. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de prouver le lien de causalité, l’auteur des déclarations doit vouloir que le message provoque la haine

[37] On aura compris que ces propos décrivent un crime dont les manifestations ne peuvent être qu'odieuses, comme l'est celle qui implique Presseault. Toutefois, aussi horribles que puissent être les propos tenus, ils ne constituent rien de plus que l'infraction pour laquelle le législateur a limité la peine à un maximum de deux ans d'emprisonnement.

[38] Cette peine maximale peut étonner puisque ce crime, lorsque ces éléments sont prouvés et que les défenses prévues sont repoussées, comporte tous les ingrédients qui en fait un crime grave et des plus pernicieux qui soit, s'attaquant aux fondements mêmes de notre vie démocratique. La peine prescrite par la loi peut alors sembler être un paradoxe. La Cour ne peut toutefois mettre de côté cette volonté d'imposer une peine maximale relativement peu élevée, un choix du législateur, qui est le point de repère pour établir la gravité objective de l'infraction.

[47] Ainsi, par définition, l'expression sera toujours volontaire, haineuse et visera des groupes identifiables dans un dessein conscient de fomenter la haine. Toutefois après lecture de la jurisprudence et sans faire une liste exhaustive, l’expression haineuse peut :

47.1. être une expression spontanée, comme dans un rassemblement soudain ou une expression haineuse préméditée et réfléchie, voire organisée pour une diffusion maximale,

47.2. être l'œuvre d'un individu isolé en mal de compréhension des réalités sociales ou celle d'un membre d'un groupe raciste,

47.3. être l'œuvre d'un individu perturbé à un moment donné de sa vie ou celle d'un individu aux valeurs racistes profondément ancrées,

47.4. être l'œuvre d'un délinquant primaire en la matière ou celle d'un récidiviste,

47.5. être répandue publiquement à un public restreint ou, au contraire, viser un large public,

47.6. être haineuse, mais avec une violence plus ou moins subtile,

47.7. viser un seul groupe identifiable ou plusieurs,

47.8. être fondée sur des croyances sincères, mais erronées, plus collées à des opinions religieuses ou politiques qu'à l'expression brutale d'une violence envers un groupe identifiable.

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