R. c. Corbeil, 2008 QCCQ 2382 (CanLII)
[29] Relativement au 2e chef d’accusation d’avoir conduit un véhicule à moteur alors que son alcoolémie dépassait 80 mg par 100 ml de sang, la défense prétend que la présomption d’identité prévue à l’art. 258(1)c) C.cr. ne peut s’appliquer parce que l’ordre de fournir un échantillon d’haleine, donné 57 minutes après l’arrestation, ne rencontre pas les critères du « dès que possible » édictés par l’art. 254(3) du Code criminel.
[30] La Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. c. Squires 2002 CanLII 44982 (ON C.A.), 2002 CANLII 44982 (ON C.A.), (2002) 166C.C.C.(3d) 65, rappelle que l’expression “as soon as practicable” a été interprétée comme voulant dire “within a reasonably prompt time” et non “as soon as possible” [3]. Donc, la jurisprudence n’exige pas que l’ordre soit donné le plus tôt possible, mais bien dans un délai relativement court ou « dès que possible » eu égard aux circonstances.
[31] Par conséquent, l’agent de la paix doit sommer une personne en état d’arrestation de lui fournir un échantillon d’haleine immédiatement ou dès que cela est raisonnablement possible eu égard aux circonstances, et ce, après qu’il ait acquis des motifs raisonnables et probables de croire que cette personne a commis au cours des trois heures précédentes une infraction à l’article 253 du Code criminel.
[32] Ainsi, dans l’arrêt Squires, précité, un délai de 59 minutes entre l’arrestation et la sommation a été jugé raisonnable, car le policier était justifié d’attendre que l’accusé ait subi des examens médicaux à la suite d’un accident. Il est préférable que les démarches légales additionnelles que les policiers doivent entreprendre en pareil cas ne soient introduites que lorsque l’accusé est capable de comprendre les questions posées et d’y répondre d’une manière significative. À ce sujet, le juge MacPherson, au par. 32, énonce ceci :
“Moreover, the additional legal steps, including the demand, should only be taken once and accused person is able to understand the question and respond to them in a meaningfull way. Constable Ramsay’s conduct on the night in question was consistent with this important legal requirement.”
[33] Dans la présente affaire, la chronologie des événements s’établit ainsi :
➢ 2 h : Policiers reçoivent un appel pour un véhicule accidenté;
➢ 2 h 3 : Arrivée des policiers sur les lieux;
➢ 2 h 5 : Arrestation de l’accusée, laquelle est placée dans le véhicule de police;
➢ 2 h 7 : Arrivée des ambulanciers; examen sommaire de l’accusée; refus de traitements; elle s’endort à l’arrière du véhicule d’auto-patrouille;
➢ 2 h 20 : L’agent Morin réveille l’accusée pour obtenir son numéro de téléphone; peu après elle s’endort à nouveau;
➢ 2 h 55 : Arrivée du remorqueur; service des incendies sur les lieux pour vérifier l’auto accidentée; départ pour le poste de police;
➢ 2 h 57 : Policier réveille l’accusée; elle perd l’équilibre en sortant du véhicule;
➢ 3 h 2 : Ordre de fournir un échantillon d’haleine;
➢ 3 h 5 : Premier test : 172 mg/100 ml; l’accusée s’endort sur un banc;
➢ 3 h 29 : Second test : 163 mg/100 ml; elle se rendort sur un banc en attendant qu’un ami vienne la chercher.
[34] Au procès, ni la poursuite ni la défense n’ont demandé au policier d’expliquer la raison pour laquelle il n’a pas ordonné à l’accusée de fournir un échantillon d’haleine lors de l’arrestation à 2 h 3 ou « dès que possible ». On l’a sommée à 3 h 2. Ce délai de 49 minutes est-il justifiable eu égard à toutes les circonstances de l’affaire?
[35] L’accusée était visiblement en état d’ébriété avancée. Plus ou moins cohérente dans ses propos, elle s’est endormie à plusieurs reprises. Elle n’était tout simplement pas en mesure de comprendre ce qui se passait autour d’elle. La Cour considère que les policiers ont agi correctement dans les circonstances.
[36] De plus, pour que la présomption d’identité prévue à l’art. 258(1)c) C.cr. puisse s’appliquer, il faut également que les échantillons d’haleine soient fournis « dès que possible » (art. 254(3) C.cr.) et que le premier échantillon soit prélevé pas plus de 2 heures après le moment où l’infraction aurait été commise.
[37] Dans le cas sous étude, il s’est écoulé un délai d’une heure et 5 minutes entre l’accident et la prise du premier échantillon d’haleine.
[38] Ce délai est raisonnable dans les circonstances. Les policiers ont dû attendre que les ambulanciers terminent l’examen sommaire de l’accusée. Également, le service des incendies procédait à la vérification du véhicule accidenté au cas où il y aurait risque de feu ou d’explosion. De plus, les policiers ne pouvaient quitter les lieux avant le remorqueur, car il n’y avait aucun autre véhicule de patrouille disponible au poste ce soir-là.
[39] Les agents Morin et Dastous avaient chacun leur véhicule. Ceux-ci étaient nécessaires tant pour assurer la circulation sur le chemin St-André que pour éviter une collision avec le véhicule où l’accusée prenait place.
[40] Au surplus, une directive du service de police interdit, pour des raisons de sécurité, à un agent de la paix de conduire seul un véhicule de patrouille avec une personne détenue et menottée à l’arrière de sorte qu’un des deux policiers ne pouvait quitter la scène et amener la détenue au poste, plus tôt dans la nuit, pour obtenir les échantillons d’haleine prévus par la Loi.
[41] La Cour estime que le prélèvement des échantillons d’haleine a été effectué dans un délai raisonnablement court dans les circonstances. La poursuite bénéficie donc de la présomption d’identité énoncée à l’art. 258(1)c) du Code criminel. La preuve des résultats des analyses fait foi, en l’absence de toute preuve contraire, de l’alcoolémie de l’accusée au moment où l’infraction a été commise.
[42] Aucune preuve contraire n’a été soumise pour contrer le résultat des analyses.
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