R. c. Savoie, 2002 CanLII 35906 (QC C.Q.)
[16] Le législateur a expressément prévu certains cas où le tribunal assigne un avocat à l'accusé. Ainsi en est-il des articles 11.4 et 12.5 de la Loi concernant les jeunes délinquants (chap. Y-1) de l'article 486(2) du Code criminel pour le contre-interrogatoire d'un mineur. La Cour supérieure peut le faire lors d'un appel d'une décision rendue sous la partie XXVII (art. 822 C.cr.), tout comme la Cour d'appel (art. 684 C.cr.), et prévoit le paiement (art 684(2) C.cr.). Voir aussi l'article 695 du Code criminel en ce qui concerne la Cour suprême.
[17] En common law, le juge est le gardien du droit et le responsable de la conduite du procès selon les règles de justice fondamentale. Plusieurs décisions rendues avant l'adoption de la Charte canadienne ont établi le principe que le Procureur général se devait de fournir un avocat à l'accusé dont les moyens financiers sont limités si certaines situations se rencontrent:
- un niveau d'éducation peu élevé
- une accusation grave, sérieuse, où un verdict de culpabilité peut entraîner l'emprisonnement
- la complexité du dossier
- le fait que l'accusé connaît peu ou comprend mal le processus judiciaire
R. c. EWING 1975 C.A.C.B.18 C.C.C. (2d) p. 356
R. c. WHITE 1976 C.S. ALBERTA 32 C.C.C. (2d) p. 478
R. c. TALBOT 1966 QUÉBEC Q.B. 3 C.C.C. p. 28
[18] Ces prérequis ont peu changé après 1982. Mais depuis, les tribunaux supérieurs s'appuient sur les articles 7 et 11d) de la Charte, statuant que dans ces cas, sans l'aide d'un procureur, l'accusé n'aura pas droit à un "procès juste et équitable". En réalité, on a "constitutionnalisé" ce droit lors de l'enchâssement de ces deux articles dans la Charte.
[19] Voir les décisions:
ROWBOTHAM 1988 C.A.O. 41 C.C.C. (3d) p.1
McGIBBON 1988 C.A.O. 45 C.C.C. (3d) p. 334
CANADA c. GARAND YUKON S.C. 1992 YJ. No. 124
SÉCHON 1995 C.A.Q. 104 C.C.C. (3d) p. 554
[20] Dans l'affaire SÉCHON (précitée), le juge Rothman écrit:
«I am therefore satisfied that, although the right to counsel is not constitutionally guaranteed in express term under the charter, where the length or complexity of the proceedings or the circumstances of the accused are such that the accused will not obtain a fair trial without the assistance of counsel, counsel must be provided for him if he does not have the means to retain counsel.»
[21] La Cour d'appel du Québec, sous la plume du juge Proulx, résume bien en quelques lignes l'importance de ce droit constitutionnel lors de l'étude de l'effet de l'incompétence d'un avocat dans un procès criminel. Dans l'affaire CRAIG DELISLE il écrit (p. 132):
«La crédibilité du système judiciaire serait gravement compromise si on ne pouvait plus compter sur la présence d'avocats compétents dans la défense des accusés. À quoi bon en effet ériger alors le meilleur système de justice et vouloir en assurer le maintien par des garanties enchâssées dans la charte canadienne des droits si la personne accusée est laissée dans l'ignorance de ses droits et n'est pas à proprement parler «défendue» à son procès?
Le droit à une représentation adéquate, comme élément constitutif à une défense pleine et entière et du droit à un procès juste et équitable, prend sa source, dans la common law, dans le Code criminel et dans les articles 11d) et 7 de la Charte canadienne des droits et libertés en tant que principe de justice fondamentale.»
[22] La Juge McLachlin écrivait dans la décision R. c. HARRER (p. 585):
«Toute personne jugée au Canada a droit à un procès équitable. Ce droit constitue le fondement même de notre système de justice criminelle. On ne peut ni en refuser ni en compromettre l'exercice. La common law le proclame depuis des siècles et la Charte canadienne vient le confirmer. L'alinéa 11d) prévoit que "Tout inculpé a le droit [. . .] d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à la suite d'un procès public et équitable". Le droit à un procès équitable est également un «principe de justice fondamentale» qui, selon l'art. 7 de la Charte, doit être respecté lorsque la liberté du titulaire est en jeu: R. c. Seaboyer 1991 CanLII 76 (C.S.C.), [1991] 2 R.C.S. 577, à la p. 603; Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., 1985 CanLII 81 (C.S.C.), [1985] 2 R.C.S. 486»
[23] Le juge Major écrivait le 27 avril 2000, dans l'affaire G.D.B. :
«Par. 23 Bien que les débuts de l'histoire de la common law indiquent que la société était peu intéressée à permettre aux personnes accusées de crimes graves de bénéficier de l'assistance d'un avocat, les temps ont changé.
Par. 24. Aujourd'hui, tout inculpé a droit à l'assistance d'un avocat. Au Canada, ce droit est considéré comme un principe de justice fondamentale. Il découle de l'évolution de la common law, du par. 653(3) du Code criminel canadien ainsi que de l'art. 7 et de l'art. 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés.»
[24] Soulignons enfin que plusieurs décisions en Cour supérieure du Québec opinent que lorsque l'accusé répond de dénonciations portées en vertu de la partie XXVII du Code criminel, règle générale, la présence d'un avocat ne sera pas considérée essentielle à la garantie d'un procès juste et équitable. Voir les décisions:
R. c. BÉCU et METALLIC – 10 novembre 1997 (105-36-000014-978)
R. c. LAFONTAINE – 17 février 1998 (500-36-001328-973)
R. c. PIERRE DUPONT – 16 décembre 1998 (400-36-000166-989)
[25] Cette tendance jurisprudentielle semble suivie majoritairement au pays. (Voir R. c. RAIN et R c. McDONALD ).
[26] Dans l'affaire BÉCU et METALLIC, le juge François Tremblay suggère de suivre la démarche suivante.
a) D'abord s'informer si l'accusé veut un avocat, et n'a pas les moyens d'en assumer le coût.
b) Vérifier les ressources financières de l'accusé.
c) Vérifier si sans avocat, il pourra avoir un procès juste et équitable en considérant 1) l'âge de l'accusé 2) son niveau d'éducation 3) ses habilités à s'exprimer et à comprendre ce qui se passe devant la cour 4) son expérience devant les tribunaux 5) le sérieux des accusations 6) la complexité des accusations 7) la durée du procès 8) tout autre facteur pertinent.
[27] Il conclura ainsi:
«Selon ces critères, il peut arriver que, pour exactement la même infraction, un universitaire, maintes fois récidiviste, se voit refuser la nomination d'un avocat, alors qu'un analphabète pourra l'obtenir.»
[28] Notre collègue Guy Gagnon de la Cour du Québec, dans une étude sur le sujet en octobre 2000 intitulée Droit à l'assistance d'un avocat, conclut ainsi:
«Somme toute, il est évident que chaque cas en est un d'espèce, mais à partir du moment où le juge conclut que les conditions suivantes se retrouvent, soit: un accusé indigent, confronté à un cas exceptionnel où il n'est pas admissible à l'aide juridique, n'ayant pas les moyens d'acquitter les frais d'un avocat et désirant l'assistance d'un expert pour l'aider dans sa cause, si la longueur et le sérieux de l'affaire ainsi que la complexité de la cause commandent qu'un avocat soit nommé afin d'assurer un procès équitable, le juge devra alors exercer sa juridiction en s'interrogeant également sur sa limite quant à sa capacité d'assister l'accusé dans son procès, de sorte à disposer de la question fondamentale, à savoir si l'accusé pourra avoir un procès juste et équitable.»
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