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jeudi 7 octobre 2010

Les principes du concept de res judicata

R. c. Sherkowski, 2001 CanLII 19075 (QC C.Q.)

[24] Dans leur ouvrage « Traité général de preuve et de procédure pénales », les auteurs Pierre Béliveau et Martin Vauclair décrivent de la façon suivante les principes du concept de res judicata, à partir d’une revue de la jurisprudence.

[25] La défense de res judicata repose sur le principe de l’interdiction des condamnations multiples et a une portée plus large que celle d’un plaidoyer d’autrefois acquit. Ce qui suppose qu’un accusé ne peut être déclaré coupable de deux infractions si l’une est incluse à l’autre. Les deux auteurs fournissent à cet égard, comme exemple, le cas de l’arrêt Kienapple de la Cour suprême où il fut décidé qu’un individu ne peut être déclaré à la fois coupable de viol et d’avoir eu des relations sexuelles avec une jeune fille de moins de 14 ans.

[26] De plus, ces auteurs notent que la défense de res judicata n’empêche pas de porter, à partir d’un seul événement, plusieurs accusations qui seraient liées les unes aux autres par des éléments communs, si les infractions sont essentiellement différentes.

[27] Pour expliquer davantage les critères de l’arrêt Kienapple, ils citent l’arrêt Prince de la Cour suprême, avec les commentaires suivants:

« Dans l’arrêt Prince, la Cour suprême a repris les critères relevant de la règle de l’arrêt Kienapple. Pour que cette dernière s’applique, il doit exister d’abord un lien factuel entre les infractions reprochées : cela signifie que le même comportement aurait pu être reproché en vertu de l’une ou l’autre des infractions. Ensuite, il doit exister un lien juridique suffisant entre les dispositions légales: la question est donc de savoir si le législateur a voulu des éléments distinctifs entre les deux infractions. En résumé, une infraction « A » est-elle une manifestation particulière d’une infraction « B » ? Et les éléments constitutifs de l’infraction « A. font-ils partie également de l’infraction « B » ? Si l’on conclut à l’existence d’éléments distincts et supplémentaires dans l’une ou l’autre des infractions, le législateur ne contrevient pas à la règle de Kienapple et l’accusé ne pourra opposer la défense de res judicata. »

Il faut que le dispositif concerné, pour qu'il soit prohibé, ait été conçu pour obtenir les effets décrits par le règlement; l'utilisation ponctuelle n'a aucun impact sur la définition d'une arme prohibée

R. c. Gagnon, 2010 QCCQ 5212 (CanLII)

[53] L'arme prohibée est définie au Code Criminel comme étant toute arme désignée comme telle par règlement.

[54] Le règlement concerné prévoit:

1. Tout dispositif conçu comme moyen de blesser une personne, de l'immobiliser ou de le rendre incapable, par dégagement :



b) soit d'un liquide, vaporisé ou non, d'une poudre ou d'une autre substance pouvant blesser une personne, l'immobiliser ou la rendre incapable.

[55] L'objet visé par cet article doit avoir été conçu pour blesser, immobiliser ou rendre incapable une personne, un humain. Le produit utilisé doit avoir le même effet. Ainsi, la condition requise est à double niveau: le dispositif utilisé doit avoir un effet incapacitant sur un humain de même que le produit utilisé.

[56] Quoiqu'il n'y ait pas eu de preuve technique présentée, le tribunal n'a aucun doute à considérer ce double élément comme prouvé. Les descriptions faites par les témoins ne laissent subsister aucun doute quant à l'effet du poivre de Cayenne projeté au moyen de la bonbonne manipulée par l'accusé.

[57] Mais il faut aussi que le dispositif concerné, pour qu'il soit prohibé, ait été conçu pour obtenir les effets décrits à cet article. Or, le sens du mot conçu peut être double.

[58] D'abord, la conception peut se définir en fonction de la capacité même de l'objet en question. L'utilisation de l'objet permettant de rendre un humain incapable, la bonbonne possédée par Jean-Guy Gagnon serait donc une arme prohibée.

[59] Mais, «conçu» peut aussi se définir par la destination que lui donne celui qui le fabrique. L'étiquette de la bonbonne de l'accusé ne manque pas de clarté. L'objet vise à repousser les ours en forêt. Retenir une telle interprétation implique que la bonbonne possédée par Jean-Guy Gagnon ne serait pas une arme prohibée.

[60] La jurisprudence consultée n'est guère abondante. Le tribunal retient particulièrement la décision rendue au Québec dans R. c. Hodgky[3], où le juge disait:

Et, même s’il est raisonnable de penser qu’il peut immobiliser ou rendre incapable une personne puisque la preuve fait état des effets sur les deux victimes alléguées, de même que sur les deux agents de sécurité qui furent eux aussi incommodés par les vapeurs du produit, le Tribunal ne peut conclure que ce produit ait été conçu avec cet objectif en vue. Ainsi, ce ne serait pas une arme prohibée.

[61] C'est cette dernière définition qui est retenue. D'abord, c'est celle qui est la plus favorable à l'accusé. La bonbonne utilisée est en vente libre; encore plus, l'objet, ce qui inclut tout autant le dispositif que le produit, est homologué et enregistré auprès des autorités fédérales.

[62] Ensuite, beaucoup de chasseurs et d'amateurs de milieux fauniques possèdent une telle bonbonne destinée aux ours l'ayant achetée eux aussi en vente libre. Jean-Guy Gagnon pouvait penser qu'il effectuait une transaction légitime sans y voir l'achat d'une arme prohibée. Il est difficile d'y voir les éléments suffisants à la présence d'une mens rea nécessaire à une possession illégale.

[63] Évidemment, l'utilisation faite par Jean-Guy Gagnon n'était pas adéquate. Cette notion «d'utilisation», est essentielle et a servi à déterminer si l'agression du présent cas était armée ou non: en effet, la définition «d'arme» à l'article 2 du Code criminel, contient le mot «utilisé». Ce n'est pas le cas pour l'article pertinent du règlement sur les armes prohibées: l'utilisation ponctuelle n'a aucun impact sur la définition d'une arme prohibée en ce qui regarde une bonbonne de poivre de Cayenne.

La course de rue est en soi un acte dangereux suffisant pour constituer une conduite dangereuse

R. c. Trahan, 2010 QCCQ 4870 (CanLII)

[60] Afin de guider le Tribunal, les parties ont cité la décision de Menezes, décision de principe à laquelle le Tribunal souscrit.

[61] En résumé, si le juge en vient à la conclusion que la voiture de l’accusé est impliquée dans une course, l’accusé doit être trouvé coupable, la course étant en soi un acte dangereux suffisant pour constituer une conduite dangereuse.

[62] Dans l’affaire Dupuis précitée, le juge Mascia résume bien l’état du droit à ce sujet comme suit :

Suivant l’enseignement de la Cour suprême dans Hundal, participer à une course constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances. Toujours suivant les principes de Hundal, une personne raisonnable, placée dans des circonstances analogues, serait consciente du risque et du danger inhérent à une course automobile sur la voie publique.

Si l’accusé a effectivement participé à une course, il ne peut se dégager d’une condamnation de conduite dangereuse en jetant la faute de la collision sur une manœuvre imprévue ou imprudente du co-coureur. En participant à une course automobile, l’accusé a contribué à créer l’événement dangereux. Il en était une partie vitale.

[63] Par contre, même si le juge conclut à une course, il doit aussi se demander si cette course était toujours active lors de l’accident. Si la preuve révèle que l’accusé a abandonné ou s’est retiré de cette course avant l’accident, ce retrait est suffisant pour briser le lien de causalité avec les conséquences de l’accident

mercredi 6 octobre 2010

Le tribunal doit tenir compte des ressources financières de l’accusé quand il envisage de rendre une ordonnance de dédommagement; de plus cette mesure est de nature à le responsabiliser

Bendwell c. R., 2009 QCCA 12 (CanLII)

[14] L’ordonnance de remboursement est plus problématique compte tenu du peu de preuve sur la capacité de payer de l’appelant.

[15] On sait qu’il est âgé de 60 ans et atteint du cancer. Il a élevé une famille de quatre enfants. Il est radié de l’Ordre des urbanistes. Son entreprise était déficitaire dès août 2000; ses entrées de fonds propres n’ont été que de 40 000 $ sur huit mois.

[16] Si l’objectif visé par le juge – d’assurer la réparation des torts causés aux victimes – est pertinent (C.cr., art. 718, alinéa e)), il ne saurait justifier à lui seul l’ordonnance. Il faut aussi tenir compte des ressources financières du contrevenant comme le rappelle la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Fitzgibbon, 1990 CanLII 102 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 1005 :

D’abord, l’arrêt Zelensky, (1978 CanLII 8 (C.S.C.), [1978] 2 R.C.S. 940) reconnaît que le tribunal doit tenir compte des ressources financières de l’accusé quand [il] envisage de rendre une ordonnance de dédommagement.

Ce que le juge a omis de faire.

[17] Ce facteur est lié à l’objectif de la réhabilitation du délinquant et à sa réinsertion sociale. Obliger un délinquant qui en a les moyens à indemniser sa victime est de nature à le responsabiliser. Par contre, une ordonnance susceptible de le maintenir démuni constitue un sérieux obstacle à toute reprise en main de sa part. Comme l’exprimait la Cour d’appel du Manitoba :

[8] From the wording of s. 738(1)(a) and its predecessor, the old s. 725(1), it is obvious that it is discretionary as to whether the court orders restitution or not. There is case law concerning both the old s. 725(1) and the present s. 738(1)(a) which forms a useful guide as to how that discretion should be exercised.

(1) […]

(2) The means of the offender are to be considered as an important factor in determining whether restitution should be ordered. That factor was specifically mentioned by Laskin C.J.C., who wrote for the majority of the Supreme Court of Canada, in R. v. Zelensky, 1978 CanLII 8 (S.C.C.), [1978] 2 S.C.R. 940. At p. 961, Lasking C.J.C. stated that the various factors, including the means of the offender, come down to this:

…[A]n order for compensation should only be made with restraint and with caution.

In the subsequent decision of the Ontario Court of Appeal in R. v. Scherer reflex, (1984), 16 C.C.C. (3d) 30, Martin J.A., speaking for the appeal panel, agreed that the means of the offender is a factor to be considered, but that is not a controlling factor in every case. Martin J.A. went on to note at pp. 37-38:

It may be that in some cases it would be inappropriate and undesirable to make a compensation order in an amount that it is unrealistic to think the accused could ever discharge.

(3) The impact of a restitution order upon the chances of rehabilitation of the accused, either pro or con, is a factor to be considered. In R. v. Spellacy (R.A.) reflex, (1995), 131 Nfld. & P.E.I.R. 127, at para. 79, the Court of Appeal of Newfoundland approbated a passage from Sentencing in Canada (1982), by R. Paul Nadin-Davis, which contained the following passage at p. 497:

A compensation order which would ruin the accused financially, thus impairing his chances of rehabilitation, should not be imposed;

(4) […]

[18] Compte tenu des faits qui révèlent une déchéance sociale et financière, il est irréaliste de prévoir que l’appelant puisse un jour satisfaire l’ordonnance de remboursement, même pour une partie quelque peu substantielle.

[19] Par ailleurs, les victimes ont intenté des poursuites civiles qui leur permettront possiblement de récupérer quelque chose – espérons-le – par transaction ou par exécution forcée.

Il est établi que pour que le consentement soit valide, l’individu qui le donne doit être informé de l’objectif visé et connu des policiers au moment où le consentement est donné

R. c. Borden, [1994] 3 R.C.S. 145

Je souscris aux propos du juge Doherty de la Cour d'appel de l'Ontario, dans l'arrêt R. c. Wills 1992 CanLII 2780 (ON C.A.), (1992), 12 C.R. (4th) 58, à la p. 72:

[traduction] Lorsqu'une personne consent à ce que des policiers prennent quelque chose qu'ils n'auraient pas autrement le droit de prendre, elle renonce à son droit de ne pas être inquiétée par l'État et fait disparaître l'obstacle du caractère raisonnable imposé par l'art. 8 de la Charte. Le consentement donné doit être proportionné à l'effet considérable qu'il produit.

À mon avis, c'est ce qui ressort implicitement de l'arrêt R. c. Debot, 1989 CanLII 13 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 1140, où le juge Lamer (maintenant Juge en chef) affirme que, même si en règle générale il n'est pas nécessaire de suspendre la fouille légale d'une personne pendant que celle‑ci exerce son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat, il y a exception lorsque la fouille exige le consentement de la personne détenue. Cela ressort aussi implicitement des arrêts de notre Cour Dyment, précité, et R. c. Colarusso, 1994 CanLII 134 (C.S.C.), [1994] 1 R.C.S. 20, à la p. 55, où l'on reconnaît qu'une personne peut consentir à un prélèvement de son sang à certaines fins précises seulement. Ce concept révèle l'existence d'un lien entre l'étendue d'un consentement valide et l'étendue de la connaissance qu'a l'accusé des conséquences de ce consentement.

Pour que la renonciation au droit à la protection contre les saisies abusives soit réelle, la personne qui est censée donner son consentement doit disposer de tous les renseignements requis pour pouvoir renoncer réellement à ce droit. Le droit de choisir exige non seulement que la personne puisse exercer sa volonté de préférer une solution à une autre, mais aussi qu'elle possède suffisamment de renseignements pour faire un choix utile. Cela est également vrai lorsque la personne choisit de s'abstenir de consulter un avocat ou d'abandonner aux policiers quelque chose qu'ils n'auraient autrement pas le droit de prendre.

Le degré de conscience qu'un accusé doit avoir des conséquences d'une renonciation au droit qui lui est garanti par l'art. 8 dépend des faits particuliers de chaque cas. Évidemment, il ne sera pas nécessaire que l'accusé ait une compréhension approfondie de chacune des répercussions possibles de son consentement. Toutefois, il devrait comprendre notamment que les policiers comptent utiliser le produit de la saisie dans une enquête portant sur une infraction différente de celle pour laquelle il est détenu. Tel n'était pas le cas en l'espèce. Par conséquent, je conclus que les policiers ont saisi le sang de l'intimé relativement à l'infraction visée par la présente accusation.

Comme notre Cour l'a déjà dit, les droits garantis par les al. 10a) et b) de la Charte sont liés. L'une des principales raisons d'obliger les policiers à informer une personne des motifs de sa détention est d'assurer que celle‑ci puisse faire un choix éclairé d'exercer ou non son droit à l'assistance d'un avocat et, dans l'affirmative, qu'elle obtienne des conseils judicieux en fonction de sa compréhension de l'ampleur du risque qu'elle court: R. c. Black, 1989 CanLII 75 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 138, aux pp. 152 et 153; et R. c. Smith, 1991 CanLII 91 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 714, à la p. 728. Il faut reconnaître, ce qui est tout à leur honneur que les policiers en l'espèce se sont montrés extrêmement justes en facilitant l'exercice par l'intimé de son droit à l'assistance d'un avocat relativement à l'agression sexuelle pour laquelle il avait été arrêté. Il est évident que l'intimé n'a pas tenu compte du conseil de son avocat de ne rien dire à la police.

L'interprétation de la règle de Coke par la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick - la règle de Coke est l’application d’une règle d’interprétation législative

Andrade c. R., 2010 NBCA 62 (CanLII)

[13] La toute dernière fois que la Cour suprême a confirmé la règle de Coke, ce fut dans l’arrêt R. c. Skolnick, 1982 CanLII 54 (S.C.C.), [1982] 2 S.C.R. 47, où elle a cité abondamment, en marquant son approbation, la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. Cheetham, [1980] O.J. No. 721 (C.A.) (QL), laquelle s’appuyait elle‑­même sur une décision plus ancienne rendue au Nouveau‑Brunswick, la décision The King c. O’Brien: Ex parte Chamberlain (1908), 38 N.B.R. 381, où l’on invoquait la décision Ex parte Miller (1875), 15 N.B.R. 485.

[14] Essentiellement, le principe de Coke veut que l’on ne puisse infliger une peine plus sévère relativement à une deuxième infraction à moins que le délinquant n’ait été condamné pour la première infraction avant la perpétration de la deuxième. La raison de principe qui sous‑­tend l’existence de cette règle est bien établie et elle trouve sa meilleure formulation sous la plume du juge d’appel Blair dans l’arrêt R. c. Cheetham : [TRADUCTION] « On veut que la déclaration de culpabilité et la peine infligée pour la première infraction de même que le risque d’une peine plus sévère pour une infraction subséquente soient présents à l’esprit de l’accusé et qu’ils influencent sa conduite à l’avenir » (par. 19). Comme on peut s’y attendre, toutefois, cette règle n’est pas absolue. La déclaration de culpabilité relative à la première infraction ou à l’infraction antérieure peut être utilisée pour d’autres fins liées à la détermination de la peine. Par exemple, bien que l’on ne puisse tenir compte de la première infraction au moment d’infliger une peine relativement à la deuxième, la déclaration de culpabilité prononcée au titre de la première peut servir à réfuter, notamment, une présomption selon laquelle le délinquant est un bon candidat à une peine visant la réinsertion sociale. Une grande partie de la jurisprudence pertinente est exposée dans la décision R. c. Turner, 2010 NBBR 93, [2010] A.N.‑B. no 81 (QL).

[15] Habituellement, l’application de la règle de Coke est invoquée dans le contexte des dispositions du Code criminel qui prévoient une peine plus sévère dans le cas d’une deuxième déclaration de culpabilité ou d’une déclaration de culpabilité subséquente pour conduite avec facultés affaiblies ou refus de fournir un échantillon d’haleine. Cela nous amène à nous demander si, sous sa forme originale, la règle de Coke était une règle d’interprétation législative issue de la common law qui devait être appliquée dans le contexte des lois pénales prévoyant des peines plus sévères pour une deuxième infraction et une infraction subséquente à une disposition législative précise. Je reconnais que l’on trouve, dans l’arrêt R. c. Skolnick, des énoncés généraux qui, lus isolément, pourraient nous amener à conclure que la règle de Coke est davantage qu’une règle d’interprétation législative. Ainsi, à la page 58 [R.C.S.], le juge en chef Laskin, qui rendait jugement au nom de la Cour suprême, a écrit ceci : « La conclusion que je tire de l’analyse de la jurisprudence est que la règle de Coke ou, si l’on veut, la ligne de conduite qu’elle exprime, existe depuis trop longtemps dans notre droit pour qu’on puisse l’écarter sans une disposition législative expresse ou, à tout le moins, sans qu’on puisse le faire par déduction nécessaire ». De plus, le résumé des règles pertinentes que l’on trouve à la même page, témoigne de la généralité de la règle de Coke :

(1) En soi, le nombre de condamnations n’est pas déterminant sur la question de savoir si la règle de Coke s’applique.

(2) La règle générale veut que pour qu’on puisse imposer une sentence plus sévère pour une deuxième infraction ou une infraction subséquente, la deuxième infraction ou l’infraction subséquente doit avoir été commise après la première ou la deuxième condamnation, selon le cas, et la deuxième condamnation ou la condamnation subséquente doit être prononcée après la première ou la deuxième condamnation, selon le cas.

(3) Lorsque deux infractions découlant des mêmes faits sont jugées ensemble et qu’une condamnation est prononcée pour chacune à l’issue du procès, il faut les considérer comme une seule pour déterminer si une peine plus sévère s’applique à cause d’une condamnation antérieure ou à cause d’une condamnation subséquente.

(4) La règle joue même lorsque deux infractions qui découlent de faits distincts sont jugées ensemble et que les condamnations sont prononcées en même temps.

[16] Considérés isolément, les passages cités ci‑dessus pourraient nous amener à conclure que la règle de Coke est en réalité un principe général de détermination de la peine et non une règle d’interprétation législative. Il ne faut pas oublier, toutefois, que dans l’arrêt R. c. Skolnick, il était question de l’application de la règle de Coke dans le contexte d’une déclaration de culpabilité pour conduite avec facultés affaiblies et de l’infliction de la peine minimale prévue par la loi dans les cas de récidive. Dans cette affaire, le délinquant avait été déclaré coupable de conduite avec facultés affaiblies et de refus de fournir un échantillon d’haleine. Les deux condamnations découlaient des mêmes faits. Trois ans plus tard, le délinquant avait été déclaré coupable d’avoir conduit en état d’ébriété et condamné pour une troisième infraction. Ni la Cour d’appel de l’Ontario ni la Cour suprême n’ont souscrit à cette décision. Elles ont statué que la condamnation la plus récente aurait dû être considérée comme une deuxième infraction. Les deux déclarations de culpabilité antérieures auraient dû être considérées comme une seule condamnation.

[17] Une lecture attentive de la décision de la Cour suprême dans l’affaire Skolnick ne laisse aucun doute quant au fait que la Cour a considéré l’application de la règle de Coke comme l’application d’une règle d’interprétation législative. La Cour a cité, en marquant son approbation, l’arrêt O’Hara c. Harrington, [1962] Tas. S.R. 165, dans lequel le juge en chef Burbury a dit ceci, à la p. 169, à propos de la règle de Coke : [TRADUCTION] « Cette règle d’interprétation des dispositions pénales du même genre, [qui remonte à] trois siècles, se fonde en somme sur un principe et ne dépend pas du texte précis d’une loi ». La Cour suprême a également invoqué, en marquant son approbation, l’arrêt R. c. Cheetham où l’on invoquait et citait le juge en chef Madden dans l’arrêt australien Christie c. Britnell (1895), 21 V.L.R. 71 qui citait le passage pertinent tiré de Coke’s Institutes : [TRADUCTION] « […] la deuxième infraction doit avoir été commise après la première déclaration de culpabilité et la troisième après la deuxième déclaration de culpabilité et des jugements distincts rendus; parce qu’il faut ainsi interpréter les autres lois du Parlement où il y a une gradation des peines [infligées] pour la première, la deuxième et la troisième infraction etc. […] » (p. 51 et 52 [R.C.S.]).

[18] En résumé, la règle de Coke a été formulée comme principe d’interprétation législative en common law qui est applicable aux lois pénales qui prévoient des peines plus sévères en cas de récidive (voir l’arrêt Skybar Ltd. c. British Columbia (General manager, Liquor Control and Licensing Branch), 2006 BCCA 62 (CanLII), 2006 BCCA 62, [2006] B.C.J. No. 289 (QL)). La question qui reste consiste à savoir s’il y a lieu d’étendre la portée de la règle de Coke afin d’en faire une règle ou un principe général de détermination de la peine.

[19] Il y a quelques décisions qui appuient la proposition voulant que la règle de Coke s’applique en dehors du contexte des peines minimales prescrites par la loi. Toutefois, aucune instance ne traite de la question de savoir si cette règle est tout simplement une règle d’interprétation législative. La jurisprudence ne fait non plus état d’aucune raison de principe qui justifierait la reformulation de cette règle pour en faire une règle ou un principe général de détermination de la peine (voir les arrêts R. c. Stoddart, [2005] O.J. No. 6076 (C.A.) (QL) au par. 12; R. c. Johnson, [1998] B.C.J. No. 2924 (C.A.) (QL) au par. 21; R. c. Sparkes, [1978] N.J. No. 40 (C.A.) (QL) à la p. 371; et la décision R. c. Finelli [2008] O.J. No. 2537 (C.S.J.) (QL) au par. 31). S’appuyant sur ces décisions, Clayton C. Ruby, dans son ouvrage intitulé Sentencing, 7e éd. (Markham (Ont.) : Lexis/Nexis Canada Inc., 2008) considère la décision de la Cour suprême dans l’affaire R. c. Skolnick comme davantage que la simple confirmation de la règle de Coke comme règle d’interprétation législative. Il invoque cet arrêt à l’appui de l’existence d’un principe général et bien établi de détermination de la peine qu’il faudrait prendre en compte au moment d’examiner les antécédents judiciaires d’un délinquant : [TRADUCTION] « Puisqu’une première infraction donne lieu à un traitement aussi léger que possible et qu’une infraction subséquente peut être considérée d’un œil plus sévère, il importe de déterminer si une condamnation précise a été prononcée avant que n’ait été perpétrée l’infraction dont la Cour est saisie » (p. 382). Ensuite, Me Ruby explique ainsi les considérations de principe qui sous‑tendent cette attitude : [TRADUCTION] « [L]e fait qu’un délinquant récidive après avoir été, pour ainsi dire, “averti” et “mis en garde” par l’infliction d’une peine antérieure, peut, en l’absence d’une explication, être considéré sous un œil plus sévère qu’une première infraction » (p. 382).

[20] En toute déférence, il me semble inutile d’étendre la portée de la règle de Coke au‑delà de son objet initial et ce, pour la raison suivante. En résumé, le droit avait besoin d’une méthode simple et efficace permettant de déterminer ce qui constitue une deuxième infraction ou une infraction subséquente. C’est exactement ce que fait la règle de Coke. Certes, elle favorise le délinquant, mais il en est ainsi en raison du prononcé obligatoire d’une peine fixe ou minimale; peine qui écarte l’élément discrétionnaire au profit d’une peine que la cour n’aurait peut‑être pas par ailleurs infligée. D’un autre côté, il n’existe aucune règle ou principe obligatoire voulant qu’une deuxième déclaration de culpabilité ou une déclaration de culpabilité subséquente pour une infraction identique doive donner lieu à une peine plus sévère. Les tribunaux conservent le pouvoir discrétionnaire de décider si des condamnations antérieures seront considérées comme une circonstance aggravante. Habituellement, une déclaration de culpabilité subséquente sera considérée d’un œil plus sévère du fait de l’existence d’une déclaration de culpabilité antérieure, mais il ne s’ensuit pas automatiquement que cela soit vrai dans tous les cas. De plus, le juge qui détermine la peine se laissera guider par le principe de la gradation des peines, lequel prévoit une augmentation progressive de la durée des peines infligées en cas de récidive pour la même infraction. Une des préoccupations de la cour consiste à s’assurer que le délinquant n’est pas puni une nouvelle fois pour des infractions passées. Dans l’arrêt R. c. Muyser (C.N.), 2009 ABCA 116 (CanLII), 2009 ABCA 116, [2009] A.J. No. 323 (QL), la Cour d’appel de l’Alberta a confirmé l’interprétation que je retiens ici en se reportant à Coke’s Institutes, R. c. Skolick et R. c Cheetham. À mon avis, la notion voulant que la déclaration de culpabilité antérieure ne doive pas être considérée comme faisant partie des antécédents judiciaires du délinquant pour les fins de la détermination de la peine, parce que celui‑ci n’a pas été convenablement mis en garde avant de commettre la deuxième infraction ou l’infraction subséquente, est un concept hypothétique par trop éloigné de la réalité de ce que pensent les récidivistes et de l’objet qui sous‑tend la règle de Coke. La question de savoir ce qui constitue ou non une circonstance aggravante et la façon dont il faut considérer les antécédents judiciaires du délinquant sont des choses qu’il vaut mieux laisser au juge chargé de déterminer la peine afin qu’il les tranche en fonction de la situation factuelle dont il est saisi.

Les tentatives d’obtenir des renseignements sur l’infraction dans un rapport présentenciel ont été déclarées interdites

Donovan c. R., 2004 NBCA 55 (CanLII)

[22] Aux fins de la détermination de la peine, la preuve relative au comportement et au caractère est admissible dans le cadre du rapport présentenciel préparé par un agent de probation. La Cour a ordonné la production d’un tel rapport conformément au paragraphe 721(1) du Code criminel. Entre autres, le cadre qui régit les renseignements et le contenu du rapport présentenciel est vaste

[24] Dans l’arrêt R. c. Riley 1996 CanLII 5615 (NS C.A.), (1996), 150 N.S.R. (2d) 390 (C.A.), rendu majoritairement, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a statué qu’on pouvait tenir compte des renseignements défavorables d’un rapport présentenciel afin d’obtenir une image exacte du délinquant, y compris sa consommation de drogues, en vue d’établir le lien entre l’infraction et la personne. L’affaire Riley a été tranchée avant que les dispositions de l’alinéa 721(3)a) deviennent obligatoires, mais elle garde une certaine pertinence.

[28] Un aspect particulièrement troublant du rapport présentenciel est une implication défavorable injustifiable indiquant que M. Donovan aurait refusé de collaborer avec l’agente de probation pendant l’entrevue. Celle-ci a commencé son entrevue de façon inappropriée en tentant d’interroger l’accusé sur sa participation à l’infraction. Il a consulté son avocat, qui lui a conseillé avec raison de ne pas répondre aux questions portant sur la perpétration de l’infraction. De telles investigations outrepassent les limites du rapport. Le cadre du rapport est régi par le libellé de l’article 721 du Code et par toute directive émanant du juge qui détermine la peine. Le rapport ne doit pas servir de moyen d’enquête policière, ni d’opération de renseignement au bénéfice des curieux ou des gens mal informés

[29] On pourrait tirer à tort une inférence défavorable par suite des mentions de son refus de discuter de sa [TRADUCTION] « participation […] à l’infraction » et des conseils de son avocat, particulièrement quand l’agente de probation a donné à M. Donovan [TRADUCTION] « l’occasion de communiquer avec son avocat avant de procéder à l’entrevue », ce qui confirme et rend plus grave encore l’intention de l’agente de probation d’interroger M. Donovan sur une question qui outrepassait ses pouvoirs.

[30] Une personne déclarée coupable, ainsi que son avocat, peut se sentir forcée de discuter de l’acte criminel par crainte de faire l’objet d’un rapport défavorable de l’agent de probation.

[31] Les tentatives d’obtenir des renseignements sur l’infraction dans un rapport présentenciel ont été déclarées interdites depuis plus d’un quart de siècle par les tribunaux de première instance et les tribunaux d’appel du Canada. Voir R. c. Martell (1984), 48 Nfld. & P.E.I.R. 79 (C.A.Î.-P.‑É.), où le juge MacDonald a souscrit à la conclusion de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse dans l’arrêt R. c. Craig (1975), 11 N.S.R. (2d) 695, à savoir qu’il n’est pas judicieux de s’appuyer sur les affirmations d’un rapport qui portent sur les détails de la perpétration d’une infraction. Au paragraphe 12, le juge MacDonald a également souscrit à la décision R. c. Bartkow (1978), 24 N.S.R. (2d) 518, de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, où le juge en chef MacKeigan, au paragraphe 10, a affirmé qu’un rapport présentenciel devrait se limiter à décrire les antécédents, la famille, l’éducation, l’expérience professionnelle, la santé physique et mentale, les relations, les activités sociales, le potentiel et les motivations de la personne.

[32] Sous les rubriques des rapports présentenciels et des faits se rapportant à l’infraction, l’auteur Clayton C. Ruby affirme, à la page 97 de l’ouvrage Sentencing, 5e édition (Toronto et Vancouver : Butterworths, 1999) :

[TRADUCTION]

3.116 Les faits se rapportant à l’infraction pour laquelle la peine de l’accusé doit être déterminée, et particulièrement les allégations relatives à des agissements qui ne sont pas visés par l’instance, ne devraient pas être inclus dans un rapport présentenciel.

L’exclusion des allégations relatives à l’infraction vise également les assertions intéressées de l’accusé.

[33] L’arrêt Regina c. Urbanovich and Brown reflex, (1985), 19 C.C.C. (3d) 43 (C.A. Man.) contient des propos enflammés sur les allégations contenues dans un rapport présentenciel : le juge en chef Monnin y fait remarquer que si les rapports présentenciels sont utilisés à mauvais escient, il pourrait être nécessaire de reconsidérer leur utilité, ou du moins leur contenu. Dans le rapport, Brown a affirmé, de façon intéressée, que la mort du bébé était accidentelle. Le juge en chef Monnin a affirmé, à la page 52 :

[TRADUCTION]

Si Brown voulait que cela soit inscrit au dossier, il aurait dû témoigner. Ni lui ni le tribunal ne sont autorisés à verser un témoignage au dossier par le truchement d’un rapport présentenciel. Cela est un mauvais usage flagrant d’un tel rapport.

Aux pages 69 et 70 du même jugement, le juge d’appel Matas a commenté la mention du juge du procès concernant [TRADUCTION] « les nouveaux renseignements qu’il a obtenus grâce aux rapports présentenciels » et a statué qu’aucun de ces éléments de preuve n’était admissible. Dans le rapport, Mme Urbanovich a fait des déclarations intéressées où elle proclamait sans cesse son innocence et critiquait le pédiatre. Le juge d’appel Huband, quoique dissident, a souscrit aux propos du juge d’appel Matas sur le contenu d’un rapport présentenciel. La Cour suprême du Canada a confirmé la déclaration de culpabilité de Mme Urbanovich, mais sans mentionner la question : 1987 CanLII 10 (C.S.C.), [1987] 2 R.C.S. 693 (voir E.G. Ewaschuk, Criminal Pleadings & Practice in Canada, 2e édition (Aurora : Canada Law Book 1997), feuilles mobiles mises à jour en avril 2003, paragraphe 18.3720).

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

De simples mots ne constituent pas un voies de fait & la nécessité de prouver le caractère intentionnel de l'usage de la force permet une défense d'accident ou d'erreur de consentement honnête mais erroné

R. v. Dawydiuk, 2010 BCCA 162 Lien vers la décision [ 29 ]             Under s. 265 (1)(a) of the  Criminal Code , a person commits an assau...