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mercredi 2 octobre 2024

L’utilité potentielle du témoignage d’une plaignante incapable de se souvenir de l’acte sexuel litigieux

R. c. Rioux, 2024 QCCA 657

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[10]      Dans la mesure où j’ai raison de croire que le juge a considéré que le témoignage de l’intimé constituait une preuve directe de l’état d’esprit de la plaignante au moment où les actes sexuels sont survenus — je reconnais que le jugement entrepris peut prêter à interprétation sur ce point —, j’estime qu’il a commis une erreur de droit.

[11]      En effet, en raison de l’approche exclusivement subjective qui doit prévaloir lors de l’analyse du consentement à un geste à caractère sexuel[2], le témoignage d’une plaignante est le seul élément pouvant constituer une preuve directe de son état d’esprit au moment où a été commise l’agression sexuelle reprochée à l’accusé. Voici ce que la Cour suprême enseigne à ce sujet dans l’arrêt Ewanchuk[3] :

[29]  Bien que le témoignage de la plaignante soit la seule preuve directe de son état d’esprit, le juge du procès ou le jury doit néanmoins apprécier sa crédibilité à la lumière de l’ensemble de la preuve. Il est loisible à l’accusé de prétendre que les paroles et les actes de la plaignante, avant et pendant l’incident, soulèvent un doute raisonnable quant à l’affirmation de cette dernière selon laquelle, dans son esprit, elle ne voulait pas que les attouchements sexuels aient lieu. Si, toutefois, comme c’est le cas en l’espèce, le juge du procès croit la plaignante lorsqu’elle dit qu’elle n’a pas subjectivement consenti, le ministère public s’est acquitté de l’obligation qu’il avait de prouver l’absence de consentement.

[30]  La déclaration de la plaignante selon laquelle elle n’a pas consenti est une question de crédibilité, qui doit être appréciée à la lumière de l’ensemble de la preuve, y compris de tout comportement ambigu. À cette étape, il s’agit purement d’une question de crédibilité, qui consiste à se demander si, dans son ensemble, le comportement de la plaignante est compatible avec sa prétention selon laquelle elle n’a pas consenti. La perception qu’avait l’accusé de l’état d’esprit de la plaignante n’est pas pertinente. Cette perception n’entre en jeu que dans le cas où la défense de croyance sincère mais erronée au consentement est invoquée à l’étape de la mens rea de l’enquête.

[Soulignements ajoutés]

[12]      Comme l’indique cet extrait, un accusé peut témoigner relativement à des faits circonstanciels susceptibles de soulever un doute raisonnable quant au témoignage d’une plaignante qui nie avoir consenti à l’acte sexuel litigieux. Le témoignage de l’accusé est également recevable lorsque, comme en l’espèce, la plaignante n’est pas en mesure de témoigner directement sur son état d’esprit au moment où est survenu cet acte. Toutefois, là aussi, ce témoignage ne constituera qu’un élément de preuve circonstancielle parmi d’autres — et non une preuve directe — de l’état d’esprit de la plaignante.

*           *           *

[13]      Le juge a commis une erreur beaucoup plus significative en considérant que le témoignage de la plaignante n’était d’aucune utilité dans l’analyse de son état d’esprit lors des actes sexuels survenus à Magog.

[14]      Comme l’indiquent les paragraphes [76] à [78] du jugement entrepris[4], le juge s’est appuyé à cet égard sur un extrait du jugement de la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans l’affaire J.R.[5]. Or, cet extrait ne soutient pas la conclusion à laquelle il est arrivé, car, loin d’affirmer que le témoignage d’une plaignante n’ayant pas de souvenir des actes sexuels litigieux n’est d’aucune utilité dans l’analyse de son état esprit au moment pertinent, le juge ontarien souligne uniquement que la preuve d’une situation d’amnésie temporaire — communément appelée black-out — fait en sorte qu’un tel témoignage ne saurait constituer une preuve directe d’incapacité ou d’absence de consentement. Le juge ontarien précise d’ailleurs, deux paragraphes plus loin, qu’une preuve de black-out peut constituer une preuve circonstancielle d’incapacité de la plaignante[6]. De plus — et surtout —, dans les paragraphes suivants, il conclut au caractère non consensuel de la relation sexuelle litigieuse en s’appuyant principalement sur le témoignage d’une plaignante qui n’en avait aucun souvenir, mais qui avait néanmoins relaté de manière probante une série de faits circonstanciels qui, selon le juge, permettaient d’inférer qu’elle n’avait pu y consentir[7].

[15]      L’utilité potentielle du témoignage d’une plaignante incapable de se souvenir de l’acte sexuel litigieux est confirmée par la jurisprudence de la Cour suprême[8].

[16]      Par exemple, dans l’affaire James, la plaignante n’avait pu témoigner relativement à la relation sexuelle litigieuse en raison d’une amnésie temporaire causée par une consommation excessive d’alcool et de cocaïne, et le juge du procès avait conclu que le ministère public ne s’était pas déchargé de son fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable le caractère non consensuel de cette relation. À l’instar des juges d’appel majoritaires, la Cour suprême s’est dite d’avis qu’il y avait lieu d’ordonner un nouveau procès. Elle a conclu en ce sens après avoir constaté que le juge avait notamment erré en omettant de tenir compte du témoignage de la plaignante relativement à certains éléments circonstanciels, dont le fait qu’elle avait préalablement indiqué à l’accusé son refus d’avoir des rapports sexuels avec lui[9] :

[2]  Lorsqu’il a examiné la question cruciale du consentement, le juge du procès a conclu que la plaignante souffrait d’une sorte d’amnésie au moment où, prétend l’appelant, [traduction] « elle avait consenti à avoir des rapports sexuels avec lui » […].

[3]  En toute déférence, l’appelant n’a fourni aucune preuve du consentement. C’est uniquement dans sa déclaration à la police qu’il a prétendu que la plaignante avait consenti. Mais cette déclaration n’a pas été admise en preuve et elle ne faisait aucunement partie du dossier. […]

[4]  À notre avis, le fait que le juge du procès se soit appuyé sur une preuve qui ne faisait pas partie du dossier a peut-être influencé son raisonnement sur la question du consentement, tout particulièrement lorsqu’il s’est demandé si la plaignante avait peut-être consenti aux rapports sexuels mais avait oublié l’avoir fait à cause d’un trou de mémoire, ou si, comme la plaignante l’a prétendu, elle était inconsciente durant toute la période pertinente et n’avait jamais consenti à de tels rapports.

[5]  Outre cette erreur, lorsqu’il a examiné la question du consentement, le juge du procès a omis de tenir compte des diverses occasions où la plaignante avait indiqué à l’appelant, tout au long de la soirée, qu’elle ne voulait pas avoir de rapports sexuels avec lui. Le témoignage de la plaignante à ce sujet a été confirmé en partie par un témoin indépendant que le juge du procès avait trouvé crédible. De même, le juge du procès n’a pas tenu compte du désarroi dans lequel se trouvait la plaignante peu après le fait, lorsqu’elle a signalé l’agression sexuelle alléguée à la police.

[Soulignements ajoutés]

[17]      L’arrêt Kishayinew[10] confirme lui aussi l’utilité potentielle du témoignage d’une plaignante incapable de se souvenir de l’acte sexuel litigieux. Là encore, la plaignante n’avait gardé aucun souvenir de la relation sexuelle litigieuse en raison d’une amnésie temporaire causée par son intoxication. Toutefois, elle avait relaté de manière convaincante une série de faits circonstanciels à partir desquels le juge du procès, s’appuyant notamment sur les enseignements de J.R., avait inféré le caractère non consensuel de la relation. La Cour suprême a confirmé le bien-fondé de cette analyse dans un court arrêt dont l’essentiel se trouve au paragraphe suivant[11] :

La Cour est d’avis à la majorité que, considérés dans leur contexte, les motifs du juge du procès indiquent clairement qu’il était convaincu, hors de tout doute raisonnable, que la plaignante n’avait pas subjectivement consenti à quelque activité sexuelle que ce soit avec M. Kishayinew. Sur ce point, nous souscrivons aux motifs exposés par le juge Tholl, en dissidence, aux par. 52 à 78 de sa décision. Le juge du procès a à juste titre reconnu qu’en raison des trous de mémoire de la plaignante, la seule preuve qui existait quant à la question du consentement subjectif était la preuve circonstancielle suivante — la plaignante pleurait et était désorientée, elle ne voulait pas suivre M. Kishayinew, elle n’avait pas consenti à ses tentatives de l’embrasser ou de la toucher, elle avait tenté de quitter la maison à plusieurs reprises, et, après son trou de mémoire, elle s’était sentie effrayée et [traduction] « bizarre dans le bas-ventre » et voulait s’échapper. À notre avis, ainsi qu’il ressort des par. 94, 96 et 97 des motifs du juge du procès (2017 SKQB 177 (CanLII)), une seule inférence peut raisonnablement être tirée de cette preuve : la plaignante n’a consenti à aucun attouchement par M. Kishayinew. Cette conclusion est suffisante pour appuyer la déclaration de culpabilité pour agression sexuelle.

[Soulignements ajoutés]

[18]      L’utilité potentielle du témoignage d’une plaignante incapable de se souvenir de l’acte sexuel litigieux est également soulignée par la doctrine. Par exemple, dans leur ouvrage de référence sur l’agression sexuelle en droit canadien, les auteures Desrosiers et Beausoleil-Allard abordent cette question en insistant tout particulièrement sur la pertinence du témoignage de la plaignante relativement au fait qu’elle n’aurait pas consenti à l’acte sexuel litigieux si elle avait été dans un état normal[12] :

Qu’en est-il maintenant de la plaignante dont la conscience est altérée (black-out)? […] Le scénario classique est celui d’une consommation excessive, à la suite de laquelle la plaignante perd contact avec la réalité et se réveille quelques heures plus tard dévêtue, en compagnie de celui qu’elle considère son agresseur. Dans l’esprit de la plaignante, elle n’a pas consenti, puisqu’un tel consentement était impossible dans les circonstances : elle aurait eu une relation sexuelle avec plusieurs personnes, l’accusé est son cousin, ou un parfait inconnu, un voisin, un ami, un chauffeur de taxi, un homme à qui elle avait indiqué ne pas vouloir de relation sexuelle ou un ancien amant qu’elle craint parce qu’il la harcèle et la menace. L’accusé, de son côté, affirme que la plaignante était une participante volontaire et enthousiaste.

Face à un tel scénario, différents pièges sont à éviter. Tout d’abord, il convient de bien identifier la question juridique en litige : il ne s’agit pas de statuer sur le consentement de la plaignante, mais bien sur sa capacité à consentir. Il est donc pernicieux de douter de la crédibilité de la plaignante sous prétexte qu’elle n’a aucun souvenir de ce qui s’est passé, puisque cette absence de souvenir tend précisément à établir un black-out et partant, une incapacité. De même, les raisons pour lesquelles la plaignante, en temps normal, n’aurait pas consenti, doivent être considérées. En effet, même si le rationnel avancé par la plaignante ne permet pas de statuer sur le consentement qu’elle a pu donner au moment des faits, alors qu’elle était très intoxiquée, il permet certainement de juger de son degré d’intoxication et partant, de sa capacité. […]

[Soulignements ajoutés; italiques dans l’original; renvois omis]

mardi 1 octobre 2024

Un usage de la force ayant une nature sexuelle est une agression sexuelle, indépendamment de la manière que le contact s'est fait

R. v. R.A., 2024 BCCA 283

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[2]         In August 1978, the respondent was babysitting the complainant and other children at his home. In a statement made to the police, he explained that he was masturbating in the bathroom when he saw the then five‑year‑old complainant standing at the door. She asked what he was doing. He said “I’m making ice cream”. He then asked the complainant if she wanted to lick the ice cream. This is his description of the incident:

… as soon as it touched her … I pulled away, looked at her face and she [had] some stuff on her. I wiped it off and I said to, “kay you, you have to leave now and um, you can’t tell anybody ‘cause will get in trouble”. And she left, and I threw up in the toilet. Um, I can’t remember what I thought. It was something to the effect, “what the hell did you do?”

[3]         When asked by the interviewing police officer what happened after that, he explained: “Then she put her mouth on it … and backed away. And when I saw that on her face, I got quite upset… and uh, you heard the rest … I wiped it off her”.

[9]         In my opinion, with respect, the trial judge erred in concluding there was no direct application of force by the respondent to the complainant and in treating this case as if the complainant had not been touched. I say that for two reasons: first, by any definition of assault, even the narrow conception adopted in English cases following Fairclough (a judgment discussed in further detail below), the respondent touched the complainant in a manner constituting an assault. Second, I would expressly reject that narrow conception and adopt the view that any intentional contact with a child by an adult that is committed in circumstances of a sexual nature constitutes a direct and intentional application of force by the adult to the child’s person, and thus meets the definition of assault contained in s. 244(a) of the Criminal Code, regardless of whose physical movement initiated the contact.

[40]      As the Supreme Court noted in R.V., the requirement that there be intentional application of force for an assault to have occurred is satisfied by touching, however slight. In my opinion, such touching can consist of any intentional contact by an adult with the body of a child, regardless of whose physical movement initiates it. The analysis should not turn upon “who touched whom”.

[41]      In an annotation to Baney, Alan D. Gold dismisses a distinction based on the physics of the contact as meaningless and artificial. He writes:

The act-invitation distinction seems a mechanical, almost physicist’s view of the meaning of “force”: it differentiates between a force moving from the accused against the victim and one moving the other way, and it is based on the assumption that the impact, or threatened impact necessary to constitute an assault or battery, must be occasioned by the movement of some matter against or towards the victim. Besides being untenable on purely philosophical grounds as a rather artificial distinction (and even as a matter of physics it ignores that Newtonian Law which decrees that “for every action there is an equal and opposite reaction”), it is also contrary to those authorities holding that a battery may be committed where the impact is occasioned by the movement of the victim himself against some stationary matter, providing that the accused has intentionally caused the impact.

See Alan D. Gold, Commentary to R. v. Baney, available at 1971 CarswellOnt 41 (WL).

[42]      The respondent nevertheless contends that for an assault to occur there must be some positive act on the part of the accused which is more than a mere invitation to touch his person. He says if indecent assault is defined as broadly as the Crown suggests then a sleeping adult who has their genitalia touched by a child will be found to have had sexual contact with a child, and will potentially be criminally liable. He says, on the Crown’s view of the law, no act is required, which amounts to an absurdity. In my view, this is a straw man. No one suggests that a passive adult who does not initiate and intentionally participate in sexual contact will be found to have committed an indecent assault. Moreover, for there to be an assault under the Criminal Code, the application of force must be “intentional”. The respondent does not explain how the requisite mens rea would be established in his hypothetical. The nightmare scenario assumes away the volition that is morally blameworthy.

[43]      In my opinion, the jurisprudence supports the proposition that any intentional physical contact with a child may constitute an assault. Applying that interpretation of the law to the uncontroverted evidence in this case, there can be no doubt that the respondent assaulted the complainant under s. 244(a) of the Criminal Code, as it existed at the time of the offence. In suggesting the complainant touch him, the respondent precipitated contact of a sexual nature with the five‑year‑old complainant. That contact constituted a serious violation of the complainant’s bodily integrity. The fact that it was the complainant who moved towards the respondent, and not the other way around, is irrelevant at law.

Une affirmation faite à un témoin durant son contre‑interrogatoire ne constitue pas une preuve de celle‑ci, à moins que le témoin ne la tienne pour véridique

R. c. Simpson, 2015 CSC 40 

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[37]                          La juge du procès s’est fondée sur les réponses de Jean‑Marc Arcand pour conclure à l’existence d’une preuve d’apparence de droit. Soit dit en tout respect, ce faisant, elle a commis une erreur. Comme le ministère public l’a fait remarquer à bon droit, une affirmation faite à un témoin durant son contre‑interrogatoire ne constitue pas une preuve de celle‑ci, à moins que le témoin ne la tienne pour véridique : voir R. c. Skedden2013 ONCA 49, par. 12R. c. Zebedee (2006), 2006 CanLII 22099 (ON CA), 81 O.R. (3d) 583 (C.A.), par. 114R. c. M.B.M.2002 MBCA 154, 170 Man. R. (2d) 131, par. 25‑27. Cette règle s’applique même lorsque l’affirmation a été suggérée par le juge du procès.

[38]                          L’incapacité de Jean‑Marc Arcand de nier les suggestions qui lui étaient faites ne nous éclaire en rien quant à la véracité ou non de ces suggestions. Prises isolément, ses réponses se limitent à faire savoir qu’il ne connaissait pas personnellement les interactions précises, le cas échéant, que pouvait avoir eues son père avec les intimés. La juge du procès n’était donc pas autorisée à se fonder sur ces réponses comme preuve de quelque chose de plus — par exemple, du fait que les intimés pourraient avoir conclu un accord avec Marius Arcand. Ainsi, le témoignage de son fils Jean‑Marc ne peut être utilisé pour évaluer si la défense d’apparence de droit alléguée franchit le seuil de la vraisemblance. Soit dit en tout respect, la juge du procès a commis une erreur de droit en concluant autrement.

Le menottage d'une personne arrêtée devant fournir un échantillon d’haleine selon l’article 320.28(1) C.cr

Castillo Gil c. R., 2024 QCCS 2054

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[32]        L’article 9 de la Charte prévoit que chacun a droit à la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraires. L’interdiction de la détention arbitraire prévue par cet article vise à protéger la liberté individuelle contre l’ingérence injustifiée de l’État[17].

[33]        Les mesures de protection que comporte cet article restreignent la capacité de l’État de recourir sans justification appropriée à des moyens intimidants et coercitifs à l’égard des citoyens.

[34]        L’analyse de la question de savoir s’il y a eu violation de l’article 9 de la Charte comporte deux étapes : Premièrement, il s’agit de savoir si le plaignant a fait l’objet d’une détention quelconque. Deuxièmement, dans l’affirmative, il faut déterminer si la détention était arbitraire. Les deux étapes de l’analyse commandent l’application de la norme de la décision correcte[18].

[35]        Lorsqu’une détention est établie, le Tribunal doit ensuite examiner si celle-ci est arbitraire selon les critères suivants :

1)   La détention doit être autorisée par une règle de droit;

2)   La règle de droit elle-même doit être exempte de caractère abusif;

3)   La manière dont la détention est effectuée doit être non abusive.[19]

[36]        En l’espèce, il ne fait aucun doute que l’appelant a fait l’objet d’une détention, voire d’une arrestation pour conduite de son véhicule avec les facultés affaiblies par l’alcool.

[37]        Ce faisant, les policiers étaient autorisés à détenir l’appelant et à lui ordonner de les suivre pour le prélèvement d’échantillons d’haleine, tel que le prévoit l’article 320.28(1) C.cr.

[38]        C’est ce que le juge du procès retient lorsqu’il mentionne :

            En l’espèce, en arrêtant le requérant pour avoir conduit son véhicule avec une alcoolémie prohibée, les policiers devenaient autorisés à le détenir pendant toute la période nécessaire pour le conduire au poste et mener à terme la procédure entourant la prise d’échantillon d’haleine.

            De plus, l’article 25 du Code criminel les autorise expressément à employer la force nécessaire à la réalisation de leur pouvoir.[20]

 

[39]        Pour le soussigné les deux premiers critères de l’analyse proposée dans l’arrêt Le sont rencontrés. La décision du juge du procès n’y fait pas entorse. Reste le troisième critère, soit la manière dont la détention est effectuée.

[40]        À ce chapitre l’appelant reproche au juge du procès de ne pas s’être demandé si la pose et le maintien des menottes pendant une partie de l’intervention étaient raisonnablement nécessaires, dans les circonstances. Selon ce dernier le juge se serait plutôt fondé sur des hypothèses et des conjectures pour justifier l’utilisation des menottes.

[41]        L’appelant se dit d’accord avec le juge du procès lorsque ce dernier mentionne qu’il serait futile et périlleux d’exiger des policiers de devoir attendre que leurs craintes ne se matérialisent avant de recourir aux contentions. Il ajoute :

Mais encore faut-il que les craintes appréhendées reposent concrètement sur un ou des fondements factuels qui rend raisonnablement nécessaire le menottage, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.[21]

[42]        Pourtant la preuve non contestée révèle que l’intervention policière a lieu lors de la Fête nationale, à un endroit où la consommation d’alcool est souvent importante et où des accidents et débordements sont fréquents alors que l’appelant est en état d’ébriété, au volant de son véhicule, qu’il « tournoie » d’une voie à l’autre, que sa conduite est erratique, voire dangereuse, bref qu’il vient de commettre une infraction criminelle.

[43]        Il est en preuve que l’appelant est de stature plus imposante que les agents Leclerc et Baril qui, tous deux, sont plus petits.

[44]        De plus, il y a une très forte circulation à l’endroit de l’interception, alors que des véhicules passent à quelques centimètres des policiers et de l’appelant[22].

[45]        Toujours selon la preuve retenue par le juge du procès, le policier Baril mentionne que compte tenu de la situation le menottage était nécessaire.

[46]        Le policier Baril précise également que le menottage n’est pas systématique chaque fois qu’un individu est intoxiqué par l’alcool et que chaque situation est différente[23].

[47]        Dans Godin[24], une affaire en matière de dommages résultant de la détention et de l’utilisation de contentions lors d’une manifestation au Square Victoria à Montréal, la Cour d’appel mentionne :

[45]      Handcuffing should not be carried out systematically. Applying handcuffs (or tie wraps) is within the discretion of an arresting officer but there must be a good reason to do it, such as the security of the police or others, including the arrestee. The cuffs or ties can be used to control a detainee when justified in the circumstances.

[48]        Aux yeux du soussigné le juge du procès s’est fondé sur l’ensemble du contexte de l’intervention policière et non sur des hypothèses ou des conjectures pour conclure au bien-fondé de l’utilisation des menottes en l’espèce. Son analyse de la preuve le conduit à conclure que les policiers ont agi avant tout pour des motifs de sécurité, tant la leur que celle de l’appelant.

[49]        C’est à bon droit que le juge du procès conclut que l’utilisation des menottes pendant une partie de l’intervention, et ce, jusqu’au poste, s’appuie sur des considérations légitimes prenant assise sur des faits réels et concrets et que cette décision n’est pas motivée par de simples automatismes, la mauvaise foi des policiers ou leurs caprices.

[50]        En cela, la décision d’utiliser les menottes n’est pas abusive. Elle n’est donc pas arbitraire dans les circonstances. Il faut donc répondre à la première question par la négative.

[51]        L’appelant demande au Tribunal d’analyser le raisonnement sur la question du menottage que l’on trouve dans Couture[25] afin de mettre fin à une controverse jurisprudentielle sur le sujet, dit-il. Dans cette affaire l’accusé prétendait, entre autres, avoir été détenu arbitrairement en raison du menottage sans motifs raisonnables.

[52]        Dans Couture le juge Jacques Ladouceur, j.c.q., qualifiant le témoignage de l’agent Beaulieu en regard des motifs ayant conduit au menottage de l’accusé, s’exprime ainsi :

[21]        De plus, en contre-interrogatoire, l’agent Beaulieu est confronté avec le fait que l’agent Dubé a trouvé le certificat d’assurance dans le véhicule automobile, lequel confirme les informations verbales données par l’accusé concernant son nom, sa date de naissance et son adresse.

[22]      L’agent Beaulieu mentionne ce qui suit pour justifier le maintien du menottage : 

Le certificat d’assurance, la seule fois qu’on le voit, c’est dans la voiture, parce que la majorité des gens le laisse dans un coffre à gants. Par expérience, même des véhicules volés, que le monde sortait juste un permis, une assurance. Je vous confirme qu’à mes yeux, c’est une assurance de véhicule.

[23]      Cette réponse incohérente du policier confirme l’absence de nécessité raisonnable quant à la pose et le maintien de menottes. L’affirmation relative à l’identité de l’accusé pour justifier les agissements des policiers est un faux prétexte contredit par la preuve. [26]

[53]        Ainsi l’appelant invite le soussigné à mettre de côté les décisions Belporo Moussa[27] et Viti[28].

[54]        Il est utile de noter que dans la présente affaire, contrairement à l’affaire Couture, les témoignages des policiers Leclerc et Baril sont loin d’être incohérents et ne relèvent pas de faux prétextes contredits par la preuve.

[55]        Il faut aussi noter que dans Belporo Moussa le juge Paulin Cloutier retient une distinction de taille pour s’éloigner de l’affaire Couture. Il écrit :

[111]     Il s'agissait d'une arrestation et non d'une détention aux fins d'enquête, même si la preuve d'alcoolémie restait à obtenir. Il faut éviter d'assimiler l'arrestation et la détention aux fins d'enquête, en matière de menottage. De l'avis du Tribunal, ces situations ont été assimilées dans la décision Couture. Les principes élaborés et applicables aux situations de dépistage ne peuvent pas être tout simplement appliqués aux situations d'arrestation.

[Référence omise]

[56]        En ce qui concerne l’affaire Viti des distinctions s’imposent aussi avec Couture. Le juge Richard Marleau, j.c.q., s’exprime ainsi :

[76]      Finalement, on constate au jugement Couture que la décision Virk citée au paragraphe 17 concerne un menottage avant arrestation contrairement à notre trame factuelle. Ces situations ont parfois mené à constater une violation, mais l’analyse diffère pour un individu mis en état d’arrestation.

[77]      Quant à la décision de Vensickle l’arrestation était légale, mais en lien avec des infractions pénales et non criminelles comme ici. Son utilisation est donc limitée.

[Référence omise]

[57]        Il ne revient pas au Tribunal d’analyser la décision rendue dans Couture, mais plutôt de décider si, dans la présente affaire, le juge a à bon droit conclu que le menottage était raisonnablement nécessaire dans les circonstances[29], ce qui est le cas.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Lorsqu’il s’agit d’un objet qui n’est pas spécifiquement conçu pour blesser (et dont la possession pourrait être bénigne), il doit y avoir une preuve d’intention malveillante de la part de l’accusé, associée à la possession

R. v. Constantine, 1996 CanLII 11099 (NL CA) Lien vers la décision [ 8 ]                             The more favoured approach in recent ye...