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lundi 29 août 2011

La défense de provocation policière

R c Morand, 2011 CanLII 48429 (QC CM)

[73] Il est reconnu que la police doit jouir d'une latitude et de pouvoirs d’employer des moyens pour combattre le crime dont les procédés sont toujours plus sophistiqués. Cependant, le fait pour la police d'engendrer de toutes pièces la commission d'un crime, par la ruse, la supercherie ou tout autre moyen inadmissible, constitue une situation tout à fait différente. La « défense de provocation policière » s'inscrit dans la seconde situation (R. c. Mack, 1988 CanLII 24 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 903, 916 et 917). Cette « défense » constitue une facette du concept d'abus de procédure. Elle tient au pouvoir d'un tribunal de se prémunir contre tout abus de procédure, c'est-à-dire d'un comportement qui viole le sens du franc-jeu et de la décence de la part des autorités, évidemment dans le but de préserver l'intégrité de l'administration de la justice (Mack, p. 920 et 938 à 942).

[74] Pour que la « provocation policière » puisse trouver application, « l'infraction doit être provoquée, amorcée ou occasionnée par la police dont la conduite doit inciter l'accusé à commettre l'infraction ». Le but du comportement policier est de poursuivre l'accusé pour ce crime. L'incitation peut résulter de la tromperie, de la fraude, de la supercherie, d'une récompense ou encore, sans que ce soit une condition essentielle, d'un piège tendu à l'accusé (Mack, p. 921, 923, 952, 953 et 962).

[75] La machination ou la situation d'incitation « doit dans tous les cas être si révoltante et si indigne qu'elle ternit l'image de la justice ». « La question est de savoir si la conduite de la police a dépassé les bornes de l'acceptable. » La conduite policière doit être « révoltante, voire scandaleuse ». L'analyse s'intéresse à la conduite policière à l'égard de l'accusé, et à ses effets sur le comportement de ces derniers et à son incidence sur l'administration de la justice (R. c. Lebrasseur, J.E. 95-1660 (C.A.)).

[76] Dans le cadre de la « provocation policière », le juge doit pouvoir conclure que l'accusé n'aurait pas commis l'infraction sans les moyens incitatifs utilisés par la police.

[77] Il y a « provocation policière » :

- soit lorsque la police fournit l'occasion de commettre une infraction en l'absence de soupçons raisonnables, ou qu'elle agit de mauvaise foi,

- soit, alors qu'elle a des soupçons raisonnables à l'égard de l'accusé, lorsqu'elle ne se contente pas fournir l'occasion de commettre l'infraction, mais le pousse à le faire (Mack, p. 959, 964 et 965).

[78] La conduite policière répréhensible peut résulter de l'exploitation des caractéristiques humaines que la société favorise, comme la compassion, la sympathie ou l'amitié, ou lorsqu'elle exploite la vulnérabilité particulière de l'accusé, comme un handicape intellectuel ou sa dépendance à certaines substances.

[79] La « provocation policière » ne peut être invoquée que lorsque la culpabilité de l'accusé est établie (Mack, p. 943, 947, 950, 951 et 972). Elle ne constitue pas un moyen de défense disculpatoire. La question en litige porte plutôt sur le comportement des représentants de l'État, son effet sur l'état d'esprit de l'accusé et sur son incidence sur la considération dont le système de justice doit jouir (Mack, p. 965).

[80] L'arrêt Mack énonce certains facteurs pertinents pour décider si les policiers ont employé des moyens inacceptables (Mack, p. 966), dont les suivants sont applicables à la présente affaire :

- si un individu moyen, avec ses points forts et ses faiblesses aurait été incité à commettre l'infraction, dans la situation de l'accusé,

- la persistance de la police dans ses moyens incitatifs,

- le genre de procédé l'utilisé,

- si la conduite policière comporte l'exploitation des émotions humaines ou de la vulnérabilité particulière de l'accusé,

- et la proportionnalité de l'implication de la police par rapport à celle de l'accusé.

[81] L'accusé doit établir par prépondérance la « provocation policière » et la déconsidération de l'administration de justice (références omises).

[82] Lorsque l'accusé rencontre son fardeau de preuve, cette défense mène à un arrêt des procédures (Mack, p. 920, 942 et 944).

[83] Selon l'arrêt Mack, (p. 975 et 976), l'arrêt des procédures fondées sur la « provocation policière » est réservé aux cas les plus manifestes alors que la conduite policière dépasse les bornes de ce qui est acceptable. Cette affirmation rejoint les principes établis subséquemment par la Cour suprême en matière d'arrêt des procédures, à savoir qu'il s'agit d'une mesure exceptionnelle, d'une réparation ultime, réservée à des situations rarissimes et exceptionnelles d'abus de procédure qui discréditent l'administration de la justice, et qui doivent satisfaire aux conditions suivantes :

- le préjudice causé par l'abus de procédure sera révélé, perpétué ou aggravé par le déroulement du procès par son issue,

- et aucune autre réparation ne peut raisonnablement faire disparaître le préjudice (références omises)

La défense de plan alternatif

R c Pomerleau, 2011 CanLII 48430 (QC CM)

[168] L’infraction de garde et contrôle peut être commise sur un terrain privé, par exemple dans une entrée de garage (R. c. Shea, (1970) 4 C.C.C. 175 (P.E.I. C.S.). Toutefois, le fait que le véhicule soit sur un terrain privé, jumelé aux autres faits prouvés ou circonstances de l’affaire, peut amener le Tribunal à conclure à l’absence de garde et de contrôle (Toews, précitée).Tel est le cas en l’espèce.

[169] Au surplus, la situation dans ce dosier a déjà été commentée par l’auteur Me Karl-Emmanuel Harrison, dans son livre, Capacités affaiblies : principes et application, CCH (2e éd.), 2009, p. 305 où il mentionne ce qui suit :

« Contrairement à la personne trouvée endormie, malgré la possibilité d’un changement d’intention en raison du jugement altéré par l’alcool, les tribunaux supérieurs ont généralement acquitté la personne qui a un plan établi pour qu’une personne vienne la chercher : R. c. Friesen [1991] A.J. no 811 (QL) (C.A.). »

[170] Et Me Harrisson ajoute, à la page 306 :

« Selon cette défense du “alternate plan to go home”, lorsque la preuve révèle que la personne, ayant eu une conduite quelconque à l’égard du véhicule ou de ses accessoires et les moyens de le mettre en mouvement, utilise son véhicule en tant que refuge en attendant l’arrivée d’un tiers, il y a absence de risque réaliste de mise en mouvement du véhicule et de le rendre ainsi dangereux : (...)

Le choix délibéré et rationnel d’attendre une tierce personne pour se rendre à domicile, après avoir réalisé le danger lié à l’ivresse, élimine l’élément de dangerosité dans cette conduite qui autrement serait criminelle. En effet, il est improbable que la personne, qui démontre une telle attitude d’élimination des situations potentiellement dangereuses, puisse par la suite s’impatienter et conduire de nouveau, alors qu’elle ne serait pas en état de le faire.

L'état du droit relatif à la preuve directe de garde et contrôle

R c Pomerleau, 2011 CanLII 48430 (QC CM)

[143] La poursuite peut aussi présenter une preuve directe d'actes de garde et de contrôle. Cette preuve devra être faite hors de tout doute raisonnable que la défenderesse exerçait la garde et le contrôle du véhicule (références omises)

[144] S’inspirant des arrêts Ford précitée, p. 249 et Toews précitée, p. 125 et 126, la définition de ce qui constitue des actes de garde et de contrôle a été donnée par la Cour d'appel de Colombie-Britannique dans l'arrêt R. v. Sinclair, [1990] B.C.J. No. 2744 :

« Three different circumstances which, short of driving, could establish care and control of a vehicule:

a) Acts which would involve some use of the car, or

b) Acts which would involve some use of its fittings and equipment, or

c) Some course of conduct associated with the vehicle;

which would involve a risk of putting the vehicle in motion so that it could become dangerous. »

[145] En plus du comportement à l'égard du véhicule ou de ses équipements, l'élément déterminant est le risque de danger pour le public. La Cour suprême a fait référence à cette notion essentielle de risque actuel ou potentiel dans l'affaire Saunders c. La Reine, 1967 CanLII 56 (SCC), [1967] R.C.S. 284, 290 et dans l'affaire Toews, précitée, p. 126 en ces termes :

« Même si une personne n'a pas l'intention immédiate de le mettre (le véhicule) en mouvement, elle peut à tout instant décider de le faire parce que son jugement est si affaibli qu'elle ne peut prévoir les conséquences possibles de ses actes. »

[146] Aussi, dans R. c. Penno, 1990 CanLII 88 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 865, 877 à 885, le juge Lamer mentionnait :

« […] lorsque l'utilisation du véhicule à moteur ne comporte aucun risque de le mettre en marche ou de le rendre dangereux, les cours de justice devraient conclure qu'il y a absence d'actus reus. »

[147] Dans R. c. Oliver, J.E. 98-1410 (C.A.), la Cour d'appel du Québec mentionnait :

« La proposition de l'appelante suivant laquelle le fait pour un conducteur d'être assis derrière le volant d'une voiture, avec la clé dans le contact, entraîne nécessairement la conclusion que le conducteur a le contrôle de la voiture est trop absolue: dans la très grande majorité des situations on pourra conclure que c'est le cas, mais, devant un jeu de circonstances donné, le tribunal pourra, sans errer en droit, conclure que ce n'est pas le cas. »

[148] Dans l'affaire La Reine c. Rioux, J.E. 2000-1463 (C.A.), permission refusée à la Cour suprême à [2001] 1 R.C.S. xii, Madame la juge Thibault de la Cour d'appel s'exprimait comme suit :

« [50] Comme la Cour suprême l'énonce dans Toews, la question de savoir si les actes de garde ou de contrôle ou une conduite quelconque d'un accusé à l'égard du véhicule comportent le risque de le remettre en mouvement repose sur l'analyse de la preuve:

Il y a, bien sûr, d'autres précédents qui portent sur la question. Cependant, la jurisprudence citée illustre le point et amène à conclure que les actes de garde ou de contrôle, hormis l'acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l'égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu'il puisse devenir dangereux. Chaque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l'on pourra conclure qu'il y a des actes de garde ou de contrôle varieront beaucoup. […] »

[149] Dans Sergerie c. La Reine, 2005 QCCA 1227 (CanLII), 2005 QCCA 1227, la Cour d’appel du Québec, citant l’affaire R. c. Clarke, (1997) 27 M.V.R. (3d) 91, p. 95-96 (C.A. N.-B.), fait la distinction suivante :

« [4] Le jugement rendu par le juge de la Cour municipale démontre que ce dernier a considéré essentiellement l’intention de l’appelant de ne pas mettre en marche le véhicule pour entretenir un doute raisonnable à l’égard de la notion de garde et de contrôle et de risque plutôt que de considérer l’ensemble des circonstances entourant l’utilisation du véhicule ou de ses accessoires. Il a erronément limité la question du risque à celle du «risque réaliste immédiat de mettre le véhicule en marche», en se fondant sur l’intention plutôt que sur la série d’actes posés par l’appelant, ce qui ne tenait pas compte d’autres aspects pertinents, tel que souligné par le juge Bastarache, alors à la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, dans Clarke, précité, au paragr. 9 :

Pour le déclarer coupable, il n’est pas nécessaire de prouver que le délinquant créait un danger immédiat pour le public. Ce qui constitue un problème de sécurité publique, c’est la possibilité que le véhicule soit mis en mouvement, délibérément ou non, par une personne en état d’ébriété. (références omises) »

[150] En 2007, dans Miron c. La Reine, précitée, par. 4, Mme la juge Lise Côté mentionne, en citant les décisions de la Cour d’appel Sergerie et Rioux, précitées, que :

« C’est la possibilité de quitter les lieux et de mettre en mouvement le véhicule par une personne en état d’ébriété, qui établit la notion de garde et de contrôle. »

[151] Il faut noter que le risque de danger ne se limite pas au risque immédiat. Il comprend le risque potentiel que le véhicule soit mis en mouvement accidentellement, non intentionnellement ou encore que l'accusé change d'avis (références omises)

[152] Également, il est important de noter que l’intention de mettre le véhicule en mouvement n’est pas pertinente en matière de preuve directe d’actes de garde et de contrôle (références omises)

[155] Chaque cas est un cas d’espèce où les principes développés par la jurisprudence doivent être appliqués en fonction des faits de l’affaire à l’étude (références omises)

La présomption de l’article 258(1)a) du Code criminel

R c Pomerleau, 2011 CanLII 48430 (QC CM)

[134] Lorsqu’il est prouvé que la personne poursuivie occupe la place ou la position ordinairement occupée par la personne qui conduit le véhicule à moteur, elle est réputée en avoir la garde et le contrôle à moins qu’elle n’établisse qu’elle n’occupait pas cette place ou position dans le but de mettre en marche ce véhicule.

[135] En vertu de cette présomption, lorsqu'il est prouvé hors de tout doute raisonnable qu'une personne occupe le siège du conducteur, celle-ci sera considérée comme ayant la garde et le contrôle du véhicule automobile à moins qu'elle n'apporte une preuve prépondérante qu'elle n'occupait pas cette place dans le but de mettre le véhicule en mouvement (références omises)

[136] La présomption de l’article 258(1)a) du Code criminel s’applique en l’espèce puisque la défenderesse occupait la place du conducteur.

[137] Pour ce qui est de la preuve servant à renverser cette présomption, elle peut découler autant de la preuve présentée en défense que de celle provenant de la poursuite (références omises)

[138] La défenderesse doit convaincre le Tribunal que son intention n'était pas de mettre le véhicule en marche. Elle doit établir une intention autre, une raison d’être dans le véhicule. Le seul fait de nier l'intention de mettre le véhicule en marche est insuffisant (références omises)

[139] Quelle qu'ait été l'intention de la défenderesse, c'est son intention lorsqu'elle prend place dans son véhicule, selon les circonstances qui l'y amènent, qui doit être appréciée (références omises)

vendredi 26 août 2011

Comment le Tribunal doit gérer le jeune âge de l'accusé et l'absence d'antécédent judiciaire lors de la détermination de la peine

R. c. Martel, 2011 QCCQ 8819 (CanLII)

[90] Le Tribunal considère les circonstances atténuantes suivantes :

1) L'accusé avait 20 ans au moment de l'accident ;

Tel que le citait l'honorable Beaulieu, dans l'affaire Perry:

S'il est vrai que jeunes et vieux ont les mêmes responsabilités lorsqu'ils sont au volant d'un véhicule et qu'ils sont égaux devant la loi, il y a cependant lieu de tenir compte de l'âge lorsque vient le temps de déterminer la peine. On ne peut exiger de la part d'un jeune adulte la même maturité que celle d'un contrevenant plus âgé, plus expérimenté. En espèce, l'immaturité attribuable au jeune âge de l'accusé a directement contribué à la conduite téméraire qui a occasionné le présent délit.

Sous un autre angle, la Cour d'appel, à maintes occasions et notamment dans R. c. Glaude, rappelle l'importance du facteur de réhabilitation lorsqu'il s'agit d'un jeune délinquant qui en est à un premier délit :

… les juges, dans l'examen de la peine la plus adéquate, tiendront compte du fait que fréquemment les très jeunes gens sont facilement influençables et font preuve d'un manque de maturité. Or dans cette perspective, les tribunaux, dans le but d'assurer la réhabilitation de ces jeunes adultes délinquants, se montrent cléments et évitent généralement de les placer dans un milieu carcéral où les détenus purgent de longues peines et sont souvent lourdement criminalisés.

2) L'absence d'antécédents judiciaires ;

Ce motif doit demeurer un facteur atténuant, tel que le reconnaît la Cour d'appel dans Camiré c. R.:

Même si la jurisprudence reconnaît que ce genre d'infraction est souvent perpétré par des citoyens sans antécédents judiciaires, cela ne signifie pas, d'une part, qu'ils sont «plus susceptibles» que d'autres de la commettre et que, d'autre part, ils ne méritent pas, pour cette raison, de bénéficier de cette circonstance atténuante. L'absence d'antécédents judiciaires, conjuguée au jeune âge de l'appelant, constitue certes une circonstance que le juge ne pouvait ignorer et dont il devait faire bénéficier l'appelant…

Revue de la jurisprudence concernant l'infraction d'homicide involontaire coupable

R. c. Brassard, 2011 QCCQ 8719 (CanLII)

[39] Les principes que nous venons d'énoncer, plus particulièrement ceux retenus par notre Cour d'appel dans Salamé, précité, s'appliquent également à l'infraction d'homicide involontaire coupable.

[40] Les arrêts Creighton et Gosset, précités, traitent plus précisément de l'homicide involontaire coupable. De ces deux arrêts, on peut dégager les exigences suivantes :

• il faut une conduite constituant un acte illégal ;

• que l'acte illégal a causé la mort de la victime ;

• que l'acte illégal n'est pas une infraction de responsabilité absolue ;

• que l'acte illégal est objectivement dangereux, c'est-à-dire de nature à causer des lésions corporelles;

• il faut une prévisibilité objective du risque de mort et que l'accusé avait une capacité de prévoir le risque de mort découlant de l'activité illégale.

[41] Dans Creighton, Madame la juge McLachlin décrit bien les questions à se poser en matière de négligence pénale :

On doit se demander en premier lieu si l'actus reus a été prouvé. Il faut pour cela que la négligence représente dans toutes les circonstances de l'affaire un écart marqué par rapport à la norme de la personne raisonnable. Cet écart peut consister à exercer l'activité d'une manière dangereuse ou bien à s'y livrer alors qu'il est dangereux de le faire dans les circonstances.

Se pose ensuite la question de savoir si la mens rea a été établie. Comme c'est le cas des crimes comportant une mens rea subjective, la mens rea requise pour qu'il y ait prévision objective du risque de causer un préjudice s'infère normalement des faits. La norme applicable est celle de la personne raisonnable se trouvant dans la même situation que l'accusé. Si une personne a commis un acte manifestement dangereux, il est raisonnable, en l'absence d'indications du contraire, d'en déduire qu'elle n'a pas réfléchi au risque et à la nécessité de prudence. L'inférence normale peut toutefois être écartée par une preuve qui fait naître un doute raisonnable quant à l'absence de capacité d'apprécier le risque. Ainsi, si l'actus reus et la mens rea sont tous deux établis au moyen d'une preuve suffisante à première vue, il faut se demander en outre si l'accusé possédait la capacité requise d'apprécier le risque inhérent à sa conduite. Dans l'hypothèse d'une réponse affirmative à cette dernière question, la faute morale nécessaire est établie et un verdict de culpabilité peut à bon droit être rendu contre l'accusé. Dans l'hypothèse contraire, c'est un verdict d'acquittement qui s'impose.

(…)

Je conclus donc que la norme de diligence juridique pour tous les crimes de négligence est celle de la personne raisonnable. Les facteurs personnels n'ont aucune pertinence, si ce n'est relativement à la question de savoir si l'accusé avait la capacité requise pour apprécier le risque.

[42] Quant au caractère illégal de l'acte, la jurisprudence a déjà déterminé que cet acte ne doit pas être interprété littéralement de manière à comprendre toute violation d'une loi fédérale, provinciale ou municipale. Il doit s'agir d'un acte que toute personne raisonnable reconnaîtrait inévitablement comme étant susceptible de faire du tort à une autre personne

Revue de la jurisprudence concernant l'infraction d'usage négligent d'une arme à feu

R. c. Brassard, 2011 QCCQ 8719 (CanLII)

[43] L'article 86 C. cr. vise l'atteinte de l'objectif suivant :

Cette disposition vise à protéger les personnes contre les actes de négligence, susceptibles d'entraîner des lésions corporelles pour autrui. Parce que les armes à feu et les munitions peuvent occasionner des blessures graves ou une perte de vie, le législateur a reconnu qu'il importe que les personnes en possession de ces articles aient l'obligation de les utiliser, de les porter, de les manipuler, de les expédier ou de les entreposer d'une manière prudente et sûre.

[44] Dans l'arrêt Gosset, précité, la question posée par la Cour est la suivante : quel est le critère approprié pour déterminer ce en quoi consiste la «négligence» dans le contexte du par. 86(2) du Code criminel lorsqu'elle est l'infraction sous‑jacente de l'infraction d'homicide involontaire coupable résultant d'un acte illégal?

[45] L'analyse de la jurisprudence faite par le juge en chef Lamer l'amène à conclure que le critère à utiliser pour déterminer si la négligence a été établie ou non, doit être objectif. Dans l'arrêt Finlay, rendu le même jour, le juge en chef précise ce critère objectif. Il s'exprime ainsi :

Le critère objectif de la négligence est étudié dans l'arrêt R. c. Gosset, [1993] 3 R.C.S. 000, rendu simultanément. Dans cet arrêt, j'ai conclu que l'interprétation adéquate de l'élément de faute en vertu du par. 86(2) est la conduite qui constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu'observerait une personne raisonnablement prudente. S'il existe un doute raisonnable soit que la conduite en question ne constituait pas un écart marqué par rapport à la norme de diligence, soit que les précautions raisonnables ont été prises pour s'acquitter de l'obligation de diligence dans les circonstances, il faut prononcer un verdict d'acquittement. Dans Gosset, j'ai conclu que l'évaluation objective de la faute devait également prendre en considération la capacité d'un accusé de satisfaire à la norme de diligence requise dans les circonstances et sa possibilité de contrôler ou de compenser ses lacunes. Il n'y a toutefois pas d'«inversion de la charge de la preuve» qui imposerait à un accusé d'établir selon la prépondérance des probabilités qu'il a exercé une diligence raisonnable permettant d'écarter une imputation de faute en vertu du par. 86(2).

Comme je l'indique dans l'arrêt Gosset, il faut faire une distinction entre la négligence civile et la négligence «pénale». Dans le contexte de la négligence pénale, où une conclusion d'insouciance peut entraîner une peine d'emprisonnement, l'évaluation de la responsabilité ne va plus, comme c'est le cas en matière civile, dans le sens de la répartition de la perte; cette évaluation se rattache plutôt à la sanction de la conduite moralement blâmable, afin d'éviter de punir les personnes qui n'auraient pu agir autrement.

Pour être conforme au principe de justice fondamentale voulant que la personne moralement innocente ne soit pas privée de sa liberté, l'évaluation objective de la faute en vertu du par. 86(2) doit permettre que l'existence d'un doute raisonnable quant à savoir si l'accusé a pris suffisamment de précautions pour éviter de créer des risques ou s'il avait la capacité de satisfaire à la norme de diligence qu'observerait une personne raisonnablement prudente dans les circonstances donne lieu à un acquittement.

[46] Dans Gosset, il ajoute :

En conséquence, on ne peut soutenir que le par. 86(2) du Code criminel vise à punir un état d'esprit; en fait, cette disposition crée plutôt une infraction de négligence, qui, comme l'intention et l'insouciance, peut constituer un fondement de faute valide en droit criminel. Pour déclarer une personne coupable en vertu de cette disposition, il faut établir qu'il y a eu une conduite qui constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu'observerait une personne raisonnablement prudente dans les circonstances. S'il existe un doute raisonnable que la conduite en question ne constitue pas un écart marqué par rapport à cette norme de diligence ou encore que des précautions raisonnables ont été prises pour s'acquitter de l'obligation de diligence dans les circonstances, un verdict d'acquittement doit être prononcé.

[47] De façon plus concrète, le juge Lamer propose au juge des faits une liste de contrôle aux fins de la détermination de la faute en vertu de l'article 86 C.cr. :

(1) La conduite de l'accusé constitue‑t‑elle un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu'observerait une personne raisonnable dans les circonstances de l'infraction?

Si la réponse est négative, l'accusé doit être acquitté puisqu'il n'a pas eu une conduite négligente par rapport à un critère objectif. Toutefois, si la réponse est affirmative, il faut alors indiquer au jury qu'il doit examiner la deuxième question:

(2) Est‑ce que la conduite de l'accusé constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence requise:

a) soit parce qu'il n'a pas réfléchi à l'obligation de diligence ni, par conséquent, au risque de préjudice que sa conduite comportait;

b) soit parce que, en raison de faiblesse humaines (sic), il n'avait pas la capacité de réfléchir à l'obligation de diligence?

Si c'est l'hypothèse a) qui est retenue, l'accusé doit être déclaré coupable puisque le droit criminel ne peut permettre que le fait de ne pas avoir été conscient d'une chose constitue une excuse à la responsabilité criminelle en cas de négligence. Si la réponse est b), il y a lieu de procéder à la troisième étape de l'examen et d'indiquer au jury d'examiner la troisième question:

(3) Dans le contexte de l'infraction en question, une personne raisonnable possédant les capacités de l'accusé aurait‑elle fait en sorte d'être conscient de l'obligation de diligence requise.

[48] Essentiellement, le juge d'instance doit d'abord établir si la conduite reprochée à l'accusé constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence puis, déterminer si l'accusé était en mesure de reconnaître qu'il n'avait pas satisfait à la norme de diligence requise dans les circonstances.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le pouvoir d'amender un acte d'accusation ou une dénonciation expliqué par la Cour d'appel de l'Ontario

R. v. K.R., 2025 ONCA 330 Lien vers la décision [ 17 ]        The power to amend an indictment or information under  s. 601(2)  of the  Crim...