R c Morand, 2011 CanLII 48429 (QC CM)
[73] Il est reconnu que la police doit jouir d'une latitude et de pouvoirs d’employer des moyens pour combattre le crime dont les procédés sont toujours plus sophistiqués. Cependant, le fait pour la police d'engendrer de toutes pièces la commission d'un crime, par la ruse, la supercherie ou tout autre moyen inadmissible, constitue une situation tout à fait différente. La « défense de provocation policière » s'inscrit dans la seconde situation (R. c. Mack, 1988 CanLII 24 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 903, 916 et 917). Cette « défense » constitue une facette du concept d'abus de procédure. Elle tient au pouvoir d'un tribunal de se prémunir contre tout abus de procédure, c'est-à-dire d'un comportement qui viole le sens du franc-jeu et de la décence de la part des autorités, évidemment dans le but de préserver l'intégrité de l'administration de la justice (Mack, p. 920 et 938 à 942).
[74] Pour que la « provocation policière » puisse trouver application, « l'infraction doit être provoquée, amorcée ou occasionnée par la police dont la conduite doit inciter l'accusé à commettre l'infraction ». Le but du comportement policier est de poursuivre l'accusé pour ce crime. L'incitation peut résulter de la tromperie, de la fraude, de la supercherie, d'une récompense ou encore, sans que ce soit une condition essentielle, d'un piège tendu à l'accusé (Mack, p. 921, 923, 952, 953 et 962).
[75] La machination ou la situation d'incitation « doit dans tous les cas être si révoltante et si indigne qu'elle ternit l'image de la justice ». « La question est de savoir si la conduite de la police a dépassé les bornes de l'acceptable. » La conduite policière doit être « révoltante, voire scandaleuse ». L'analyse s'intéresse à la conduite policière à l'égard de l'accusé, et à ses effets sur le comportement de ces derniers et à son incidence sur l'administration de la justice (R. c. Lebrasseur, J.E. 95-1660 (C.A.)).
[76] Dans le cadre de la « provocation policière », le juge doit pouvoir conclure que l'accusé n'aurait pas commis l'infraction sans les moyens incitatifs utilisés par la police.
[77] Il y a « provocation policière » :
- soit lorsque la police fournit l'occasion de commettre une infraction en l'absence de soupçons raisonnables, ou qu'elle agit de mauvaise foi,
- soit, alors qu'elle a des soupçons raisonnables à l'égard de l'accusé, lorsqu'elle ne se contente pas fournir l'occasion de commettre l'infraction, mais le pousse à le faire (Mack, p. 959, 964 et 965).
[78] La conduite policière répréhensible peut résulter de l'exploitation des caractéristiques humaines que la société favorise, comme la compassion, la sympathie ou l'amitié, ou lorsqu'elle exploite la vulnérabilité particulière de l'accusé, comme un handicape intellectuel ou sa dépendance à certaines substances.
[79] La « provocation policière » ne peut être invoquée que lorsque la culpabilité de l'accusé est établie (Mack, p. 943, 947, 950, 951 et 972). Elle ne constitue pas un moyen de défense disculpatoire. La question en litige porte plutôt sur le comportement des représentants de l'État, son effet sur l'état d'esprit de l'accusé et sur son incidence sur la considération dont le système de justice doit jouir (Mack, p. 965).
[80] L'arrêt Mack énonce certains facteurs pertinents pour décider si les policiers ont employé des moyens inacceptables (Mack, p. 966), dont les suivants sont applicables à la présente affaire :
- si un individu moyen, avec ses points forts et ses faiblesses aurait été incité à commettre l'infraction, dans la situation de l'accusé,
- la persistance de la police dans ses moyens incitatifs,
- le genre de procédé l'utilisé,
- si la conduite policière comporte l'exploitation des émotions humaines ou de la vulnérabilité particulière de l'accusé,
- et la proportionnalité de l'implication de la police par rapport à celle de l'accusé.
[81] L'accusé doit établir par prépondérance la « provocation policière » et la déconsidération de l'administration de justice (références omises).
[82] Lorsque l'accusé rencontre son fardeau de preuve, cette défense mène à un arrêt des procédures (Mack, p. 920, 942 et 944).
[83] Selon l'arrêt Mack, (p. 975 et 976), l'arrêt des procédures fondées sur la « provocation policière » est réservé aux cas les plus manifestes alors que la conduite policière dépasse les bornes de ce qui est acceptable. Cette affirmation rejoint les principes établis subséquemment par la Cour suprême en matière d'arrêt des procédures, à savoir qu'il s'agit d'une mesure exceptionnelle, d'une réparation ultime, réservée à des situations rarissimes et exceptionnelles d'abus de procédure qui discréditent l'administration de la justice, et qui doivent satisfaire aux conditions suivantes :
- le préjudice causé par l'abus de procédure sera révélé, perpétué ou aggravé par le déroulement du procès par son issue,
- et aucune autre réparation ne peut raisonnablement faire disparaître le préjudice (références omises)
lundi 29 août 2011
La défense de plan alternatif
R c Pomerleau, 2011 CanLII 48430 (QC CM)
[168] L’infraction de garde et contrôle peut être commise sur un terrain privé, par exemple dans une entrée de garage (R. c. Shea, (1970) 4 C.C.C. 175 (P.E.I. C.S.). Toutefois, le fait que le véhicule soit sur un terrain privé, jumelé aux autres faits prouvés ou circonstances de l’affaire, peut amener le Tribunal à conclure à l’absence de garde et de contrôle (Toews, précitée).Tel est le cas en l’espèce.
[169] Au surplus, la situation dans ce dosier a déjà été commentée par l’auteur Me Karl-Emmanuel Harrison, dans son livre, Capacités affaiblies : principes et application, CCH (2e éd.), 2009, p. 305 où il mentionne ce qui suit :
« Contrairement à la personne trouvée endormie, malgré la possibilité d’un changement d’intention en raison du jugement altéré par l’alcool, les tribunaux supérieurs ont généralement acquitté la personne qui a un plan établi pour qu’une personne vienne la chercher : R. c. Friesen [1991] A.J. no 811 (QL) (C.A.). »
[170] Et Me Harrisson ajoute, à la page 306 :
« Selon cette défense du “alternate plan to go home”, lorsque la preuve révèle que la personne, ayant eu une conduite quelconque à l’égard du véhicule ou de ses accessoires et les moyens de le mettre en mouvement, utilise son véhicule en tant que refuge en attendant l’arrivée d’un tiers, il y a absence de risque réaliste de mise en mouvement du véhicule et de le rendre ainsi dangereux : (...)
Le choix délibéré et rationnel d’attendre une tierce personne pour se rendre à domicile, après avoir réalisé le danger lié à l’ivresse, élimine l’élément de dangerosité dans cette conduite qui autrement serait criminelle. En effet, il est improbable que la personne, qui démontre une telle attitude d’élimination des situations potentiellement dangereuses, puisse par la suite s’impatienter et conduire de nouveau, alors qu’elle ne serait pas en état de le faire.
[168] L’infraction de garde et contrôle peut être commise sur un terrain privé, par exemple dans une entrée de garage (R. c. Shea, (1970) 4 C.C.C. 175 (P.E.I. C.S.). Toutefois, le fait que le véhicule soit sur un terrain privé, jumelé aux autres faits prouvés ou circonstances de l’affaire, peut amener le Tribunal à conclure à l’absence de garde et de contrôle (Toews, précitée).Tel est le cas en l’espèce.
[169] Au surplus, la situation dans ce dosier a déjà été commentée par l’auteur Me Karl-Emmanuel Harrison, dans son livre, Capacités affaiblies : principes et application, CCH (2e éd.), 2009, p. 305 où il mentionne ce qui suit :
« Contrairement à la personne trouvée endormie, malgré la possibilité d’un changement d’intention en raison du jugement altéré par l’alcool, les tribunaux supérieurs ont généralement acquitté la personne qui a un plan établi pour qu’une personne vienne la chercher : R. c. Friesen [1991] A.J. no 811 (QL) (C.A.). »
[170] Et Me Harrisson ajoute, à la page 306 :
« Selon cette défense du “alternate plan to go home”, lorsque la preuve révèle que la personne, ayant eu une conduite quelconque à l’égard du véhicule ou de ses accessoires et les moyens de le mettre en mouvement, utilise son véhicule en tant que refuge en attendant l’arrivée d’un tiers, il y a absence de risque réaliste de mise en mouvement du véhicule et de le rendre ainsi dangereux : (...)
Le choix délibéré et rationnel d’attendre une tierce personne pour se rendre à domicile, après avoir réalisé le danger lié à l’ivresse, élimine l’élément de dangerosité dans cette conduite qui autrement serait criminelle. En effet, il est improbable que la personne, qui démontre une telle attitude d’élimination des situations potentiellement dangereuses, puisse par la suite s’impatienter et conduire de nouveau, alors qu’elle ne serait pas en état de le faire.
L'état du droit relatif à la preuve directe de garde et contrôle
R c Pomerleau, 2011 CanLII 48430 (QC CM)
[143] La poursuite peut aussi présenter une preuve directe d'actes de garde et de contrôle. Cette preuve devra être faite hors de tout doute raisonnable que la défenderesse exerçait la garde et le contrôle du véhicule (références omises)
[144] S’inspirant des arrêts Ford précitée, p. 249 et Toews précitée, p. 125 et 126, la définition de ce qui constitue des actes de garde et de contrôle a été donnée par la Cour d'appel de Colombie-Britannique dans l'arrêt R. v. Sinclair, [1990] B.C.J. No. 2744 :
« Three different circumstances which, short of driving, could establish care and control of a vehicule:
a) Acts which would involve some use of the car, or
b) Acts which would involve some use of its fittings and equipment, or
c) Some course of conduct associated with the vehicle;
which would involve a risk of putting the vehicle in motion so that it could become dangerous. »
[145] En plus du comportement à l'égard du véhicule ou de ses équipements, l'élément déterminant est le risque de danger pour le public. La Cour suprême a fait référence à cette notion essentielle de risque actuel ou potentiel dans l'affaire Saunders c. La Reine, 1967 CanLII 56 (SCC), [1967] R.C.S. 284, 290 et dans l'affaire Toews, précitée, p. 126 en ces termes :
« Même si une personne n'a pas l'intention immédiate de le mettre (le véhicule) en mouvement, elle peut à tout instant décider de le faire parce que son jugement est si affaibli qu'elle ne peut prévoir les conséquences possibles de ses actes. »
[146] Aussi, dans R. c. Penno, 1990 CanLII 88 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 865, 877 à 885, le juge Lamer mentionnait :
« […] lorsque l'utilisation du véhicule à moteur ne comporte aucun risque de le mettre en marche ou de le rendre dangereux, les cours de justice devraient conclure qu'il y a absence d'actus reus. »
[147] Dans R. c. Oliver, J.E. 98-1410 (C.A.), la Cour d'appel du Québec mentionnait :
« La proposition de l'appelante suivant laquelle le fait pour un conducteur d'être assis derrière le volant d'une voiture, avec la clé dans le contact, entraîne nécessairement la conclusion que le conducteur a le contrôle de la voiture est trop absolue: dans la très grande majorité des situations on pourra conclure que c'est le cas, mais, devant un jeu de circonstances donné, le tribunal pourra, sans errer en droit, conclure que ce n'est pas le cas. »
[148] Dans l'affaire La Reine c. Rioux, J.E. 2000-1463 (C.A.), permission refusée à la Cour suprême à [2001] 1 R.C.S. xii, Madame la juge Thibault de la Cour d'appel s'exprimait comme suit :
« [50] Comme la Cour suprême l'énonce dans Toews, la question de savoir si les actes de garde ou de contrôle ou une conduite quelconque d'un accusé à l'égard du véhicule comportent le risque de le remettre en mouvement repose sur l'analyse de la preuve:
Il y a, bien sûr, d'autres précédents qui portent sur la question. Cependant, la jurisprudence citée illustre le point et amène à conclure que les actes de garde ou de contrôle, hormis l'acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l'égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu'il puisse devenir dangereux. Chaque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l'on pourra conclure qu'il y a des actes de garde ou de contrôle varieront beaucoup. […] »
[149] Dans Sergerie c. La Reine, 2005 QCCA 1227 (CanLII), 2005 QCCA 1227, la Cour d’appel du Québec, citant l’affaire R. c. Clarke, (1997) 27 M.V.R. (3d) 91, p. 95-96 (C.A. N.-B.), fait la distinction suivante :
« [4] Le jugement rendu par le juge de la Cour municipale démontre que ce dernier a considéré essentiellement l’intention de l’appelant de ne pas mettre en marche le véhicule pour entretenir un doute raisonnable à l’égard de la notion de garde et de contrôle et de risque plutôt que de considérer l’ensemble des circonstances entourant l’utilisation du véhicule ou de ses accessoires. Il a erronément limité la question du risque à celle du «risque réaliste immédiat de mettre le véhicule en marche», en se fondant sur l’intention plutôt que sur la série d’actes posés par l’appelant, ce qui ne tenait pas compte d’autres aspects pertinents, tel que souligné par le juge Bastarache, alors à la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, dans Clarke, précité, au paragr. 9 :
Pour le déclarer coupable, il n’est pas nécessaire de prouver que le délinquant créait un danger immédiat pour le public. Ce qui constitue un problème de sécurité publique, c’est la possibilité que le véhicule soit mis en mouvement, délibérément ou non, par une personne en état d’ébriété. (références omises) »
[150] En 2007, dans Miron c. La Reine, précitée, par. 4, Mme la juge Lise Côté mentionne, en citant les décisions de la Cour d’appel Sergerie et Rioux, précitées, que :
« C’est la possibilité de quitter les lieux et de mettre en mouvement le véhicule par une personne en état d’ébriété, qui établit la notion de garde et de contrôle. »
[151] Il faut noter que le risque de danger ne se limite pas au risque immédiat. Il comprend le risque potentiel que le véhicule soit mis en mouvement accidentellement, non intentionnellement ou encore que l'accusé change d'avis (références omises)
[152] Également, il est important de noter que l’intention de mettre le véhicule en mouvement n’est pas pertinente en matière de preuve directe d’actes de garde et de contrôle (références omises)
[155] Chaque cas est un cas d’espèce où les principes développés par la jurisprudence doivent être appliqués en fonction des faits de l’affaire à l’étude (références omises)
[143] La poursuite peut aussi présenter une preuve directe d'actes de garde et de contrôle. Cette preuve devra être faite hors de tout doute raisonnable que la défenderesse exerçait la garde et le contrôle du véhicule (références omises)
[144] S’inspirant des arrêts Ford précitée, p. 249 et Toews précitée, p. 125 et 126, la définition de ce qui constitue des actes de garde et de contrôle a été donnée par la Cour d'appel de Colombie-Britannique dans l'arrêt R. v. Sinclair, [1990] B.C.J. No. 2744 :
« Three different circumstances which, short of driving, could establish care and control of a vehicule:
a) Acts which would involve some use of the car, or
b) Acts which would involve some use of its fittings and equipment, or
c) Some course of conduct associated with the vehicle;
which would involve a risk of putting the vehicle in motion so that it could become dangerous. »
[145] En plus du comportement à l'égard du véhicule ou de ses équipements, l'élément déterminant est le risque de danger pour le public. La Cour suprême a fait référence à cette notion essentielle de risque actuel ou potentiel dans l'affaire Saunders c. La Reine, 1967 CanLII 56 (SCC), [1967] R.C.S. 284, 290 et dans l'affaire Toews, précitée, p. 126 en ces termes :
« Même si une personne n'a pas l'intention immédiate de le mettre (le véhicule) en mouvement, elle peut à tout instant décider de le faire parce que son jugement est si affaibli qu'elle ne peut prévoir les conséquences possibles de ses actes. »
[146] Aussi, dans R. c. Penno, 1990 CanLII 88 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 865, 877 à 885, le juge Lamer mentionnait :
« […] lorsque l'utilisation du véhicule à moteur ne comporte aucun risque de le mettre en marche ou de le rendre dangereux, les cours de justice devraient conclure qu'il y a absence d'actus reus. »
[147] Dans R. c. Oliver, J.E. 98-1410 (C.A.), la Cour d'appel du Québec mentionnait :
« La proposition de l'appelante suivant laquelle le fait pour un conducteur d'être assis derrière le volant d'une voiture, avec la clé dans le contact, entraîne nécessairement la conclusion que le conducteur a le contrôle de la voiture est trop absolue: dans la très grande majorité des situations on pourra conclure que c'est le cas, mais, devant un jeu de circonstances donné, le tribunal pourra, sans errer en droit, conclure que ce n'est pas le cas. »
[148] Dans l'affaire La Reine c. Rioux, J.E. 2000-1463 (C.A.), permission refusée à la Cour suprême à [2001] 1 R.C.S. xii, Madame la juge Thibault de la Cour d'appel s'exprimait comme suit :
« [50] Comme la Cour suprême l'énonce dans Toews, la question de savoir si les actes de garde ou de contrôle ou une conduite quelconque d'un accusé à l'égard du véhicule comportent le risque de le remettre en mouvement repose sur l'analyse de la preuve:
Il y a, bien sûr, d'autres précédents qui portent sur la question. Cependant, la jurisprudence citée illustre le point et amène à conclure que les actes de garde ou de contrôle, hormis l'acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l'égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu'il puisse devenir dangereux. Chaque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l'on pourra conclure qu'il y a des actes de garde ou de contrôle varieront beaucoup. […] »
[149] Dans Sergerie c. La Reine, 2005 QCCA 1227 (CanLII), 2005 QCCA 1227, la Cour d’appel du Québec, citant l’affaire R. c. Clarke, (1997) 27 M.V.R. (3d) 91, p. 95-96 (C.A. N.-B.), fait la distinction suivante :
« [4] Le jugement rendu par le juge de la Cour municipale démontre que ce dernier a considéré essentiellement l’intention de l’appelant de ne pas mettre en marche le véhicule pour entretenir un doute raisonnable à l’égard de la notion de garde et de contrôle et de risque plutôt que de considérer l’ensemble des circonstances entourant l’utilisation du véhicule ou de ses accessoires. Il a erronément limité la question du risque à celle du «risque réaliste immédiat de mettre le véhicule en marche», en se fondant sur l’intention plutôt que sur la série d’actes posés par l’appelant, ce qui ne tenait pas compte d’autres aspects pertinents, tel que souligné par le juge Bastarache, alors à la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, dans Clarke, précité, au paragr. 9 :
Pour le déclarer coupable, il n’est pas nécessaire de prouver que le délinquant créait un danger immédiat pour le public. Ce qui constitue un problème de sécurité publique, c’est la possibilité que le véhicule soit mis en mouvement, délibérément ou non, par une personne en état d’ébriété. (références omises) »
[150] En 2007, dans Miron c. La Reine, précitée, par. 4, Mme la juge Lise Côté mentionne, en citant les décisions de la Cour d’appel Sergerie et Rioux, précitées, que :
« C’est la possibilité de quitter les lieux et de mettre en mouvement le véhicule par une personne en état d’ébriété, qui établit la notion de garde et de contrôle. »
[151] Il faut noter que le risque de danger ne se limite pas au risque immédiat. Il comprend le risque potentiel que le véhicule soit mis en mouvement accidentellement, non intentionnellement ou encore que l'accusé change d'avis (références omises)
[152] Également, il est important de noter que l’intention de mettre le véhicule en mouvement n’est pas pertinente en matière de preuve directe d’actes de garde et de contrôle (références omises)
[155] Chaque cas est un cas d’espèce où les principes développés par la jurisprudence doivent être appliqués en fonction des faits de l’affaire à l’étude (références omises)
La présomption de l’article 258(1)a) du Code criminel
R c Pomerleau, 2011 CanLII 48430 (QC CM)
[134] Lorsqu’il est prouvé que la personne poursuivie occupe la place ou la position ordinairement occupée par la personne qui conduit le véhicule à moteur, elle est réputée en avoir la garde et le contrôle à moins qu’elle n’établisse qu’elle n’occupait pas cette place ou position dans le but de mettre en marche ce véhicule.
[135] En vertu de cette présomption, lorsqu'il est prouvé hors de tout doute raisonnable qu'une personne occupe le siège du conducteur, celle-ci sera considérée comme ayant la garde et le contrôle du véhicule automobile à moins qu'elle n'apporte une preuve prépondérante qu'elle n'occupait pas cette place dans le but de mettre le véhicule en mouvement (références omises)
[136] La présomption de l’article 258(1)a) du Code criminel s’applique en l’espèce puisque la défenderesse occupait la place du conducteur.
[137] Pour ce qui est de la preuve servant à renverser cette présomption, elle peut découler autant de la preuve présentée en défense que de celle provenant de la poursuite (références omises)
[138] La défenderesse doit convaincre le Tribunal que son intention n'était pas de mettre le véhicule en marche. Elle doit établir une intention autre, une raison d’être dans le véhicule. Le seul fait de nier l'intention de mettre le véhicule en marche est insuffisant (références omises)
[139] Quelle qu'ait été l'intention de la défenderesse, c'est son intention lorsqu'elle prend place dans son véhicule, selon les circonstances qui l'y amènent, qui doit être appréciée (références omises)
[134] Lorsqu’il est prouvé que la personne poursuivie occupe la place ou la position ordinairement occupée par la personne qui conduit le véhicule à moteur, elle est réputée en avoir la garde et le contrôle à moins qu’elle n’établisse qu’elle n’occupait pas cette place ou position dans le but de mettre en marche ce véhicule.
[135] En vertu de cette présomption, lorsqu'il est prouvé hors de tout doute raisonnable qu'une personne occupe le siège du conducteur, celle-ci sera considérée comme ayant la garde et le contrôle du véhicule automobile à moins qu'elle n'apporte une preuve prépondérante qu'elle n'occupait pas cette place dans le but de mettre le véhicule en mouvement (références omises)
[136] La présomption de l’article 258(1)a) du Code criminel s’applique en l’espèce puisque la défenderesse occupait la place du conducteur.
[137] Pour ce qui est de la preuve servant à renverser cette présomption, elle peut découler autant de la preuve présentée en défense que de celle provenant de la poursuite (références omises)
[138] La défenderesse doit convaincre le Tribunal que son intention n'était pas de mettre le véhicule en marche. Elle doit établir une intention autre, une raison d’être dans le véhicule. Le seul fait de nier l'intention de mettre le véhicule en marche est insuffisant (références omises)
[139] Quelle qu'ait été l'intention de la défenderesse, c'est son intention lorsqu'elle prend place dans son véhicule, selon les circonstances qui l'y amènent, qui doit être appréciée (références omises)
vendredi 26 août 2011
Comment le Tribunal doit gérer le jeune âge de l'accusé et l'absence d'antécédent judiciaire lors de la détermination de la peine
R. c. Martel, 2011 QCCQ 8819 (CanLII)
[90] Le Tribunal considère les circonstances atténuantes suivantes :
1) L'accusé avait 20 ans au moment de l'accident ;
Tel que le citait l'honorable Beaulieu, dans l'affaire Perry:
S'il est vrai que jeunes et vieux ont les mêmes responsabilités lorsqu'ils sont au volant d'un véhicule et qu'ils sont égaux devant la loi, il y a cependant lieu de tenir compte de l'âge lorsque vient le temps de déterminer la peine. On ne peut exiger de la part d'un jeune adulte la même maturité que celle d'un contrevenant plus âgé, plus expérimenté. En espèce, l'immaturité attribuable au jeune âge de l'accusé a directement contribué à la conduite téméraire qui a occasionné le présent délit.
Sous un autre angle, la Cour d'appel, à maintes occasions et notamment dans R. c. Glaude, rappelle l'importance du facteur de réhabilitation lorsqu'il s'agit d'un jeune délinquant qui en est à un premier délit :
… les juges, dans l'examen de la peine la plus adéquate, tiendront compte du fait que fréquemment les très jeunes gens sont facilement influençables et font preuve d'un manque de maturité. Or dans cette perspective, les tribunaux, dans le but d'assurer la réhabilitation de ces jeunes adultes délinquants, se montrent cléments et évitent généralement de les placer dans un milieu carcéral où les détenus purgent de longues peines et sont souvent lourdement criminalisés.
2) L'absence d'antécédents judiciaires ;
Ce motif doit demeurer un facteur atténuant, tel que le reconnaît la Cour d'appel dans Camiré c. R.:
Même si la jurisprudence reconnaît que ce genre d'infraction est souvent perpétré par des citoyens sans antécédents judiciaires, cela ne signifie pas, d'une part, qu'ils sont «plus susceptibles» que d'autres de la commettre et que, d'autre part, ils ne méritent pas, pour cette raison, de bénéficier de cette circonstance atténuante. L'absence d'antécédents judiciaires, conjuguée au jeune âge de l'appelant, constitue certes une circonstance que le juge ne pouvait ignorer et dont il devait faire bénéficier l'appelant…
[90] Le Tribunal considère les circonstances atténuantes suivantes :
1) L'accusé avait 20 ans au moment de l'accident ;
Tel que le citait l'honorable Beaulieu, dans l'affaire Perry:
S'il est vrai que jeunes et vieux ont les mêmes responsabilités lorsqu'ils sont au volant d'un véhicule et qu'ils sont égaux devant la loi, il y a cependant lieu de tenir compte de l'âge lorsque vient le temps de déterminer la peine. On ne peut exiger de la part d'un jeune adulte la même maturité que celle d'un contrevenant plus âgé, plus expérimenté. En espèce, l'immaturité attribuable au jeune âge de l'accusé a directement contribué à la conduite téméraire qui a occasionné le présent délit.
Sous un autre angle, la Cour d'appel, à maintes occasions et notamment dans R. c. Glaude, rappelle l'importance du facteur de réhabilitation lorsqu'il s'agit d'un jeune délinquant qui en est à un premier délit :
… les juges, dans l'examen de la peine la plus adéquate, tiendront compte du fait que fréquemment les très jeunes gens sont facilement influençables et font preuve d'un manque de maturité. Or dans cette perspective, les tribunaux, dans le but d'assurer la réhabilitation de ces jeunes adultes délinquants, se montrent cléments et évitent généralement de les placer dans un milieu carcéral où les détenus purgent de longues peines et sont souvent lourdement criminalisés.
2) L'absence d'antécédents judiciaires ;
Ce motif doit demeurer un facteur atténuant, tel que le reconnaît la Cour d'appel dans Camiré c. R.:
Même si la jurisprudence reconnaît que ce genre d'infraction est souvent perpétré par des citoyens sans antécédents judiciaires, cela ne signifie pas, d'une part, qu'ils sont «plus susceptibles» que d'autres de la commettre et que, d'autre part, ils ne méritent pas, pour cette raison, de bénéficier de cette circonstance atténuante. L'absence d'antécédents judiciaires, conjuguée au jeune âge de l'appelant, constitue certes une circonstance que le juge ne pouvait ignorer et dont il devait faire bénéficier l'appelant…
Revue de la jurisprudence concernant l'infraction d'homicide involontaire coupable
R. c. Brassard, 2011 QCCQ 8719 (CanLII)
[39] Les principes que nous venons d'énoncer, plus particulièrement ceux retenus par notre Cour d'appel dans Salamé, précité, s'appliquent également à l'infraction d'homicide involontaire coupable.
[40] Les arrêts Creighton et Gosset, précités, traitent plus précisément de l'homicide involontaire coupable. De ces deux arrêts, on peut dégager les exigences suivantes :
• il faut une conduite constituant un acte illégal ;
• que l'acte illégal a causé la mort de la victime ;
• que l'acte illégal n'est pas une infraction de responsabilité absolue ;
• que l'acte illégal est objectivement dangereux, c'est-à-dire de nature à causer des lésions corporelles;
• il faut une prévisibilité objective du risque de mort et que l'accusé avait une capacité de prévoir le risque de mort découlant de l'activité illégale.
[41] Dans Creighton, Madame la juge McLachlin décrit bien les questions à se poser en matière de négligence pénale :
On doit se demander en premier lieu si l'actus reus a été prouvé. Il faut pour cela que la négligence représente dans toutes les circonstances de l'affaire un écart marqué par rapport à la norme de la personne raisonnable. Cet écart peut consister à exercer l'activité d'une manière dangereuse ou bien à s'y livrer alors qu'il est dangereux de le faire dans les circonstances.
Se pose ensuite la question de savoir si la mens rea a été établie. Comme c'est le cas des crimes comportant une mens rea subjective, la mens rea requise pour qu'il y ait prévision objective du risque de causer un préjudice s'infère normalement des faits. La norme applicable est celle de la personne raisonnable se trouvant dans la même situation que l'accusé. Si une personne a commis un acte manifestement dangereux, il est raisonnable, en l'absence d'indications du contraire, d'en déduire qu'elle n'a pas réfléchi au risque et à la nécessité de prudence. L'inférence normale peut toutefois être écartée par une preuve qui fait naître un doute raisonnable quant à l'absence de capacité d'apprécier le risque. Ainsi, si l'actus reus et la mens rea sont tous deux établis au moyen d'une preuve suffisante à première vue, il faut se demander en outre si l'accusé possédait la capacité requise d'apprécier le risque inhérent à sa conduite. Dans l'hypothèse d'une réponse affirmative à cette dernière question, la faute morale nécessaire est établie et un verdict de culpabilité peut à bon droit être rendu contre l'accusé. Dans l'hypothèse contraire, c'est un verdict d'acquittement qui s'impose.
(…)
Je conclus donc que la norme de diligence juridique pour tous les crimes de négligence est celle de la personne raisonnable. Les facteurs personnels n'ont aucune pertinence, si ce n'est relativement à la question de savoir si l'accusé avait la capacité requise pour apprécier le risque.
[42] Quant au caractère illégal de l'acte, la jurisprudence a déjà déterminé que cet acte ne doit pas être interprété littéralement de manière à comprendre toute violation d'une loi fédérale, provinciale ou municipale. Il doit s'agir d'un acte que toute personne raisonnable reconnaîtrait inévitablement comme étant susceptible de faire du tort à une autre personne
[39] Les principes que nous venons d'énoncer, plus particulièrement ceux retenus par notre Cour d'appel dans Salamé, précité, s'appliquent également à l'infraction d'homicide involontaire coupable.
[40] Les arrêts Creighton et Gosset, précités, traitent plus précisément de l'homicide involontaire coupable. De ces deux arrêts, on peut dégager les exigences suivantes :
• il faut une conduite constituant un acte illégal ;
• que l'acte illégal a causé la mort de la victime ;
• que l'acte illégal n'est pas une infraction de responsabilité absolue ;
• que l'acte illégal est objectivement dangereux, c'est-à-dire de nature à causer des lésions corporelles;
• il faut une prévisibilité objective du risque de mort et que l'accusé avait une capacité de prévoir le risque de mort découlant de l'activité illégale.
[41] Dans Creighton, Madame la juge McLachlin décrit bien les questions à se poser en matière de négligence pénale :
On doit se demander en premier lieu si l'actus reus a été prouvé. Il faut pour cela que la négligence représente dans toutes les circonstances de l'affaire un écart marqué par rapport à la norme de la personne raisonnable. Cet écart peut consister à exercer l'activité d'une manière dangereuse ou bien à s'y livrer alors qu'il est dangereux de le faire dans les circonstances.
Se pose ensuite la question de savoir si la mens rea a été établie. Comme c'est le cas des crimes comportant une mens rea subjective, la mens rea requise pour qu'il y ait prévision objective du risque de causer un préjudice s'infère normalement des faits. La norme applicable est celle de la personne raisonnable se trouvant dans la même situation que l'accusé. Si une personne a commis un acte manifestement dangereux, il est raisonnable, en l'absence d'indications du contraire, d'en déduire qu'elle n'a pas réfléchi au risque et à la nécessité de prudence. L'inférence normale peut toutefois être écartée par une preuve qui fait naître un doute raisonnable quant à l'absence de capacité d'apprécier le risque. Ainsi, si l'actus reus et la mens rea sont tous deux établis au moyen d'une preuve suffisante à première vue, il faut se demander en outre si l'accusé possédait la capacité requise d'apprécier le risque inhérent à sa conduite. Dans l'hypothèse d'une réponse affirmative à cette dernière question, la faute morale nécessaire est établie et un verdict de culpabilité peut à bon droit être rendu contre l'accusé. Dans l'hypothèse contraire, c'est un verdict d'acquittement qui s'impose.
(…)
Je conclus donc que la norme de diligence juridique pour tous les crimes de négligence est celle de la personne raisonnable. Les facteurs personnels n'ont aucune pertinence, si ce n'est relativement à la question de savoir si l'accusé avait la capacité requise pour apprécier le risque.
[42] Quant au caractère illégal de l'acte, la jurisprudence a déjà déterminé que cet acte ne doit pas être interprété littéralement de manière à comprendre toute violation d'une loi fédérale, provinciale ou municipale. Il doit s'agir d'un acte que toute personne raisonnable reconnaîtrait inévitablement comme étant susceptible de faire du tort à une autre personne
Revue de la jurisprudence concernant l'infraction d'usage négligent d'une arme à feu
R. c. Brassard, 2011 QCCQ 8719 (CanLII)
[43] L'article 86 C. cr. vise l'atteinte de l'objectif suivant :
Cette disposition vise à protéger les personnes contre les actes de négligence, susceptibles d'entraîner des lésions corporelles pour autrui. Parce que les armes à feu et les munitions peuvent occasionner des blessures graves ou une perte de vie, le législateur a reconnu qu'il importe que les personnes en possession de ces articles aient l'obligation de les utiliser, de les porter, de les manipuler, de les expédier ou de les entreposer d'une manière prudente et sûre.
[44] Dans l'arrêt Gosset, précité, la question posée par la Cour est la suivante : quel est le critère approprié pour déterminer ce en quoi consiste la «négligence» dans le contexte du par. 86(2) du Code criminel lorsqu'elle est l'infraction sous‑jacente de l'infraction d'homicide involontaire coupable résultant d'un acte illégal?
[45] L'analyse de la jurisprudence faite par le juge en chef Lamer l'amène à conclure que le critère à utiliser pour déterminer si la négligence a été établie ou non, doit être objectif. Dans l'arrêt Finlay, rendu le même jour, le juge en chef précise ce critère objectif. Il s'exprime ainsi :
Le critère objectif de la négligence est étudié dans l'arrêt R. c. Gosset, [1993] 3 R.C.S. 000, rendu simultanément. Dans cet arrêt, j'ai conclu que l'interprétation adéquate de l'élément de faute en vertu du par. 86(2) est la conduite qui constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu'observerait une personne raisonnablement prudente. S'il existe un doute raisonnable soit que la conduite en question ne constituait pas un écart marqué par rapport à la norme de diligence, soit que les précautions raisonnables ont été prises pour s'acquitter de l'obligation de diligence dans les circonstances, il faut prononcer un verdict d'acquittement. Dans Gosset, j'ai conclu que l'évaluation objective de la faute devait également prendre en considération la capacité d'un accusé de satisfaire à la norme de diligence requise dans les circonstances et sa possibilité de contrôler ou de compenser ses lacunes. Il n'y a toutefois pas d'«inversion de la charge de la preuve» qui imposerait à un accusé d'établir selon la prépondérance des probabilités qu'il a exercé une diligence raisonnable permettant d'écarter une imputation de faute en vertu du par. 86(2).
Comme je l'indique dans l'arrêt Gosset, il faut faire une distinction entre la négligence civile et la négligence «pénale». Dans le contexte de la négligence pénale, où une conclusion d'insouciance peut entraîner une peine d'emprisonnement, l'évaluation de la responsabilité ne va plus, comme c'est le cas en matière civile, dans le sens de la répartition de la perte; cette évaluation se rattache plutôt à la sanction de la conduite moralement blâmable, afin d'éviter de punir les personnes qui n'auraient pu agir autrement.
Pour être conforme au principe de justice fondamentale voulant que la personne moralement innocente ne soit pas privée de sa liberté, l'évaluation objective de la faute en vertu du par. 86(2) doit permettre que l'existence d'un doute raisonnable quant à savoir si l'accusé a pris suffisamment de précautions pour éviter de créer des risques ou s'il avait la capacité de satisfaire à la norme de diligence qu'observerait une personne raisonnablement prudente dans les circonstances donne lieu à un acquittement.
[46] Dans Gosset, il ajoute :
En conséquence, on ne peut soutenir que le par. 86(2) du Code criminel vise à punir un état d'esprit; en fait, cette disposition crée plutôt une infraction de négligence, qui, comme l'intention et l'insouciance, peut constituer un fondement de faute valide en droit criminel. Pour déclarer une personne coupable en vertu de cette disposition, il faut établir qu'il y a eu une conduite qui constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu'observerait une personne raisonnablement prudente dans les circonstances. S'il existe un doute raisonnable que la conduite en question ne constitue pas un écart marqué par rapport à cette norme de diligence ou encore que des précautions raisonnables ont été prises pour s'acquitter de l'obligation de diligence dans les circonstances, un verdict d'acquittement doit être prononcé.
[47] De façon plus concrète, le juge Lamer propose au juge des faits une liste de contrôle aux fins de la détermination de la faute en vertu de l'article 86 C.cr. :
(1) La conduite de l'accusé constitue‑t‑elle un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu'observerait une personne raisonnable dans les circonstances de l'infraction?
Si la réponse est négative, l'accusé doit être acquitté puisqu'il n'a pas eu une conduite négligente par rapport à un critère objectif. Toutefois, si la réponse est affirmative, il faut alors indiquer au jury qu'il doit examiner la deuxième question:
(2) Est‑ce que la conduite de l'accusé constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence requise:
a) soit parce qu'il n'a pas réfléchi à l'obligation de diligence ni, par conséquent, au risque de préjudice que sa conduite comportait;
b) soit parce que, en raison de faiblesse humaines (sic), il n'avait pas la capacité de réfléchir à l'obligation de diligence?
Si c'est l'hypothèse a) qui est retenue, l'accusé doit être déclaré coupable puisque le droit criminel ne peut permettre que le fait de ne pas avoir été conscient d'une chose constitue une excuse à la responsabilité criminelle en cas de négligence. Si la réponse est b), il y a lieu de procéder à la troisième étape de l'examen et d'indiquer au jury d'examiner la troisième question:
(3) Dans le contexte de l'infraction en question, une personne raisonnable possédant les capacités de l'accusé aurait‑elle fait en sorte d'être conscient de l'obligation de diligence requise.
[48] Essentiellement, le juge d'instance doit d'abord établir si la conduite reprochée à l'accusé constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence puis, déterminer si l'accusé était en mesure de reconnaître qu'il n'avait pas satisfait à la norme de diligence requise dans les circonstances.
[43] L'article 86 C. cr. vise l'atteinte de l'objectif suivant :
Cette disposition vise à protéger les personnes contre les actes de négligence, susceptibles d'entraîner des lésions corporelles pour autrui. Parce que les armes à feu et les munitions peuvent occasionner des blessures graves ou une perte de vie, le législateur a reconnu qu'il importe que les personnes en possession de ces articles aient l'obligation de les utiliser, de les porter, de les manipuler, de les expédier ou de les entreposer d'une manière prudente et sûre.
[44] Dans l'arrêt Gosset, précité, la question posée par la Cour est la suivante : quel est le critère approprié pour déterminer ce en quoi consiste la «négligence» dans le contexte du par. 86(2) du Code criminel lorsqu'elle est l'infraction sous‑jacente de l'infraction d'homicide involontaire coupable résultant d'un acte illégal?
[45] L'analyse de la jurisprudence faite par le juge en chef Lamer l'amène à conclure que le critère à utiliser pour déterminer si la négligence a été établie ou non, doit être objectif. Dans l'arrêt Finlay, rendu le même jour, le juge en chef précise ce critère objectif. Il s'exprime ainsi :
Le critère objectif de la négligence est étudié dans l'arrêt R. c. Gosset, [1993] 3 R.C.S. 000, rendu simultanément. Dans cet arrêt, j'ai conclu que l'interprétation adéquate de l'élément de faute en vertu du par. 86(2) est la conduite qui constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu'observerait une personne raisonnablement prudente. S'il existe un doute raisonnable soit que la conduite en question ne constituait pas un écart marqué par rapport à la norme de diligence, soit que les précautions raisonnables ont été prises pour s'acquitter de l'obligation de diligence dans les circonstances, il faut prononcer un verdict d'acquittement. Dans Gosset, j'ai conclu que l'évaluation objective de la faute devait également prendre en considération la capacité d'un accusé de satisfaire à la norme de diligence requise dans les circonstances et sa possibilité de contrôler ou de compenser ses lacunes. Il n'y a toutefois pas d'«inversion de la charge de la preuve» qui imposerait à un accusé d'établir selon la prépondérance des probabilités qu'il a exercé une diligence raisonnable permettant d'écarter une imputation de faute en vertu du par. 86(2).
Comme je l'indique dans l'arrêt Gosset, il faut faire une distinction entre la négligence civile et la négligence «pénale». Dans le contexte de la négligence pénale, où une conclusion d'insouciance peut entraîner une peine d'emprisonnement, l'évaluation de la responsabilité ne va plus, comme c'est le cas en matière civile, dans le sens de la répartition de la perte; cette évaluation se rattache plutôt à la sanction de la conduite moralement blâmable, afin d'éviter de punir les personnes qui n'auraient pu agir autrement.
Pour être conforme au principe de justice fondamentale voulant que la personne moralement innocente ne soit pas privée de sa liberté, l'évaluation objective de la faute en vertu du par. 86(2) doit permettre que l'existence d'un doute raisonnable quant à savoir si l'accusé a pris suffisamment de précautions pour éviter de créer des risques ou s'il avait la capacité de satisfaire à la norme de diligence qu'observerait une personne raisonnablement prudente dans les circonstances donne lieu à un acquittement.
[46] Dans Gosset, il ajoute :
En conséquence, on ne peut soutenir que le par. 86(2) du Code criminel vise à punir un état d'esprit; en fait, cette disposition crée plutôt une infraction de négligence, qui, comme l'intention et l'insouciance, peut constituer un fondement de faute valide en droit criminel. Pour déclarer une personne coupable en vertu de cette disposition, il faut établir qu'il y a eu une conduite qui constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu'observerait une personne raisonnablement prudente dans les circonstances. S'il existe un doute raisonnable que la conduite en question ne constitue pas un écart marqué par rapport à cette norme de diligence ou encore que des précautions raisonnables ont été prises pour s'acquitter de l'obligation de diligence dans les circonstances, un verdict d'acquittement doit être prononcé.
[47] De façon plus concrète, le juge Lamer propose au juge des faits une liste de contrôle aux fins de la détermination de la faute en vertu de l'article 86 C.cr. :
(1) La conduite de l'accusé constitue‑t‑elle un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu'observerait une personne raisonnable dans les circonstances de l'infraction?
Si la réponse est négative, l'accusé doit être acquitté puisqu'il n'a pas eu une conduite négligente par rapport à un critère objectif. Toutefois, si la réponse est affirmative, il faut alors indiquer au jury qu'il doit examiner la deuxième question:
(2) Est‑ce que la conduite de l'accusé constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence requise:
a) soit parce qu'il n'a pas réfléchi à l'obligation de diligence ni, par conséquent, au risque de préjudice que sa conduite comportait;
b) soit parce que, en raison de faiblesse humaines (sic), il n'avait pas la capacité de réfléchir à l'obligation de diligence?
Si c'est l'hypothèse a) qui est retenue, l'accusé doit être déclaré coupable puisque le droit criminel ne peut permettre que le fait de ne pas avoir été conscient d'une chose constitue une excuse à la responsabilité criminelle en cas de négligence. Si la réponse est b), il y a lieu de procéder à la troisième étape de l'examen et d'indiquer au jury d'examiner la troisième question:
(3) Dans le contexte de l'infraction en question, une personne raisonnable possédant les capacités de l'accusé aurait‑elle fait en sorte d'être conscient de l'obligation de diligence requise.
[48] Essentiellement, le juge d'instance doit d'abord établir si la conduite reprochée à l'accusé constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence puis, déterminer si l'accusé était en mesure de reconnaître qu'il n'avait pas satisfait à la norme de diligence requise dans les circonstances.
Les principes applicables à la négligence criminelle causant la mort
R. c. Brassard, 2011 QCCQ 8719 (CanLII)
[31] Comme le souligne notre Cour d'appel dans R. c. Salamé, les termes de l'article 219 C.cr. «font appel à une analyse comparative entre le manquement reproché et une norme objective, ou subjective pour certains, en vue de la qualification des agissements ou de l'omission de l'accusé». L'emploi de l'expression « insouciance déréglée ou téméraire » laisse entendre qu'un élément de l'infraction comprend un état d'esprit ou une certaine finalité morale dont est assortie la conduite qui entraîne les sanctions du droit criminel.
[32] Après une analyse poussée des principes édictés par la Cour Suprême dans Tutton, Hundal et Beatty, la Cour d'appel résume ainsi l'approche à adopter au moment de statuer sur le mérite d'une accusation de négligence criminelle :
Il faut d'abord garder à l'esprit que l'analyse doit être contextuelle et que le comportement de l'accusé doit révéler un écart de conduite marqué, ce qui distingue la faute criminelle de la faute civile. Cette analyse du comportement doit être conduite en fonction d'un critère objectif, ce qui signifie que le juge doit être satisfait hors de tout doute raisonnable que la conduite de l'accusé est entièrement et à tous égards hors norme et constitue donc cet écart marqué de comportement. Le juge doit donc apprécier cette conduite par rapport à celle de la personne raisonnable et décider si cette personne raisonnable, placée dans la même situation que l'accusé, aurait connu le risque que le comportement de l'accusé aurait entraîné pour la vie ou la sécurité d'autrui. Les caractéristiques personnelles de l'accusé comme son âge, son degré d'instruction, ne sont pas pertinentes, mais le juge « devra considérer la preuve relative à l'état d'esprit véritable de l'accusé – si une telle preuve a été présentée – pour déterminer si elle permet de douter raisonnablement qu'une personne raisonnable, placée dans la même situation que l'accusé, aurait été consciente du risque créé par ce comportement ».
[33] Ces principes sont conformes aux enseignements de la Cour Suprême dans R. c. Morrisey. Le juge Gonthier, pour la majorité, établit clairement la norme applicable aux fins d'obtenir une déclaration de culpabilité sous l'article 220a) C. cr. :
19 La norme à respecter pour obtenir une déclaration de culpabilité à l’infraction prévue à l’al. 220a) est donc plus élevée que celle applicable en matière de négligence au civil. Pour être condamné sous le régime de cette disposition, l’accusé doit avoir eu une conduite constituant une dérogation marquée par rapport à la norme: R. c. Anderson, 1990 CanLII 128 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 265, à la p. 270. Lorsque le risque de préjudice est très grand, comme c’est le cas dans les affaires de négligence criminelle causant la mort où il y a eu usage d’une arme à feu, il est souvent facile de conclure que l’accusé doit avoir prévu les conséquences: Anderson, à la p. 270. Il n’en demeure pas moins que, dans tous les cas, le ministère public doit prouver davantage que le simple fait qu’une arme a été déchargée, causant la mort. L’alinéa 220a) ne crée pas une infraction de responsabilité absolue. Il exige la preuve d’une conduite constituant une dérogation à ce point marquée par rapport à la conduite d’une personne raisonnablement prudente qu’elle témoigne d’une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. (Nos soulignements)
[37] Comme nous le verrons plus loin quant aux autres chefs d'accusation, les principes énoncés par la Cour Suprême dans les arrêts Creighton, Gosset et Finlay peuvent s'appliquer à l'accusation de négligence criminelle, en faisant les adaptations nécessaires, puisque la Cour réfère à la nécessité de prouver que la conduite constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence raisonnable qu'observerait une personne raisonnable dans les circonstances.
[38] Lors de son analyse contextuelle de l'affaire, le Tribunal peut considérer la preuve d'une violation à une disposition réglementaire ou législative. Toutefois, la Cour Suprême, dans R. c. Leblanc, nous rappelle que la simple violation d'une obligation imposée par une loi ou un règlement ne démontre pas en soi une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie d'autrui. Cette insouciance doit toujours être prouvée hors de tout doute raisonnable par la poursuite.
[31] Comme le souligne notre Cour d'appel dans R. c. Salamé, les termes de l'article 219 C.cr. «font appel à une analyse comparative entre le manquement reproché et une norme objective, ou subjective pour certains, en vue de la qualification des agissements ou de l'omission de l'accusé». L'emploi de l'expression « insouciance déréglée ou téméraire » laisse entendre qu'un élément de l'infraction comprend un état d'esprit ou une certaine finalité morale dont est assortie la conduite qui entraîne les sanctions du droit criminel.
[32] Après une analyse poussée des principes édictés par la Cour Suprême dans Tutton, Hundal et Beatty, la Cour d'appel résume ainsi l'approche à adopter au moment de statuer sur le mérite d'une accusation de négligence criminelle :
Il faut d'abord garder à l'esprit que l'analyse doit être contextuelle et que le comportement de l'accusé doit révéler un écart de conduite marqué, ce qui distingue la faute criminelle de la faute civile. Cette analyse du comportement doit être conduite en fonction d'un critère objectif, ce qui signifie que le juge doit être satisfait hors de tout doute raisonnable que la conduite de l'accusé est entièrement et à tous égards hors norme et constitue donc cet écart marqué de comportement. Le juge doit donc apprécier cette conduite par rapport à celle de la personne raisonnable et décider si cette personne raisonnable, placée dans la même situation que l'accusé, aurait connu le risque que le comportement de l'accusé aurait entraîné pour la vie ou la sécurité d'autrui. Les caractéristiques personnelles de l'accusé comme son âge, son degré d'instruction, ne sont pas pertinentes, mais le juge « devra considérer la preuve relative à l'état d'esprit véritable de l'accusé – si une telle preuve a été présentée – pour déterminer si elle permet de douter raisonnablement qu'une personne raisonnable, placée dans la même situation que l'accusé, aurait été consciente du risque créé par ce comportement ».
[33] Ces principes sont conformes aux enseignements de la Cour Suprême dans R. c. Morrisey. Le juge Gonthier, pour la majorité, établit clairement la norme applicable aux fins d'obtenir une déclaration de culpabilité sous l'article 220a) C. cr. :
19 La norme à respecter pour obtenir une déclaration de culpabilité à l’infraction prévue à l’al. 220a) est donc plus élevée que celle applicable en matière de négligence au civil. Pour être condamné sous le régime de cette disposition, l’accusé doit avoir eu une conduite constituant une dérogation marquée par rapport à la norme: R. c. Anderson, 1990 CanLII 128 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 265, à la p. 270. Lorsque le risque de préjudice est très grand, comme c’est le cas dans les affaires de négligence criminelle causant la mort où il y a eu usage d’une arme à feu, il est souvent facile de conclure que l’accusé doit avoir prévu les conséquences: Anderson, à la p. 270. Il n’en demeure pas moins que, dans tous les cas, le ministère public doit prouver davantage que le simple fait qu’une arme a été déchargée, causant la mort. L’alinéa 220a) ne crée pas une infraction de responsabilité absolue. Il exige la preuve d’une conduite constituant une dérogation à ce point marquée par rapport à la conduite d’une personne raisonnablement prudente qu’elle témoigne d’une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. (Nos soulignements)
[37] Comme nous le verrons plus loin quant aux autres chefs d'accusation, les principes énoncés par la Cour Suprême dans les arrêts Creighton, Gosset et Finlay peuvent s'appliquer à l'accusation de négligence criminelle, en faisant les adaptations nécessaires, puisque la Cour réfère à la nécessité de prouver que la conduite constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence raisonnable qu'observerait une personne raisonnable dans les circonstances.
[38] Lors de son analyse contextuelle de l'affaire, le Tribunal peut considérer la preuve d'une violation à une disposition réglementaire ou législative. Toutefois, la Cour Suprême, dans R. c. Leblanc, nous rappelle que la simple violation d'une obligation imposée par une loi ou un règlement ne démontre pas en soi une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie d'autrui. Cette insouciance doit toujours être prouvée hors de tout doute raisonnable par la poursuite.
La négligence criminelle VS le comportement téméraire des chasseurs
R. c. Brassard, 2011 QCCQ 8719 (CanLII)
[34] Plus loin, le juge Gonthier précise que la disposition relative à la négligence criminelle s'applique également au comportement téméraire des chasseurs. Il fournit plusieurs exemples jurisprudentiels à cet égard dont R. c.Stewart. Il en tire le principe suivant :
23 (…) Essentiellement, le fait de tirer sans avoir au préalable déterminé adéquatement la nature de la cible constitue une dérogation marquée par rapport à la conduite d'un chasseur prudent. Lorsqu'une personne agit ainsi et cause la mort d'autrui, elle engage sa responsabilité criminelle sous le régime de l'al. 220a).
[35] Le juge Gonthier résume ainsi la jurisprudence en matière de chasse :
25 (…) En outre, il s’est établi une jurisprudence détaillée en matière de chasse, formée de décisions dans lesquelles les juges ont exonéré des personnes qui croyaient raisonnablement qu’elles tiraient sur un animal et non sur un être humain. Le fait qu’un chasseur portait du camouflage aux couleurs d’un orignal a permis d’établir une telle croyance raisonnable dans l’affaire Stewart, précitée, par exemple. Dans cette affaire, le chasseur avait pris ses précautions et commis une erreur raisonnable. La chasse donne lieu à des accidents raisonnables et déraisonnables, tout comme l’usage d’armes à feu peut donner lieu à des accidents raisonnables et déraisonnables dans d’autres contextes. Chacun de ces accidents est tragique, mais ils ne sont pas tous sources de responsabilité criminelle.
[36] La majorité est d'avis que lorsque des personnes chassant avec des armes à feu se tiennent à proximité l’une de l’autre, chacune d’elles doit redoubler de prudence pour éviter de causer du tort aux autres. Par conséquent, lorsqu’ils chassent, les chasseurs ne doivent appuyer sur la détente de leur arme que s’ils ont la conviction raisonnable que leur cible n’est pas un autre être humain. Les personnes qui utilisent des armes à feu doivent faire preuve d’une vigilance accrue (…)
[34] Plus loin, le juge Gonthier précise que la disposition relative à la négligence criminelle s'applique également au comportement téméraire des chasseurs. Il fournit plusieurs exemples jurisprudentiels à cet égard dont R. c.Stewart. Il en tire le principe suivant :
23 (…) Essentiellement, le fait de tirer sans avoir au préalable déterminé adéquatement la nature de la cible constitue une dérogation marquée par rapport à la conduite d'un chasseur prudent. Lorsqu'une personne agit ainsi et cause la mort d'autrui, elle engage sa responsabilité criminelle sous le régime de l'al. 220a).
[35] Le juge Gonthier résume ainsi la jurisprudence en matière de chasse :
25 (…) En outre, il s’est établi une jurisprudence détaillée en matière de chasse, formée de décisions dans lesquelles les juges ont exonéré des personnes qui croyaient raisonnablement qu’elles tiraient sur un animal et non sur un être humain. Le fait qu’un chasseur portait du camouflage aux couleurs d’un orignal a permis d’établir une telle croyance raisonnable dans l’affaire Stewart, précitée, par exemple. Dans cette affaire, le chasseur avait pris ses précautions et commis une erreur raisonnable. La chasse donne lieu à des accidents raisonnables et déraisonnables, tout comme l’usage d’armes à feu peut donner lieu à des accidents raisonnables et déraisonnables dans d’autres contextes. Chacun de ces accidents est tragique, mais ils ne sont pas tous sources de responsabilité criminelle.
[36] La majorité est d'avis que lorsque des personnes chassant avec des armes à feu se tiennent à proximité l’une de l’autre, chacune d’elles doit redoubler de prudence pour éviter de causer du tort aux autres. Par conséquent, lorsqu’ils chassent, les chasseurs ne doivent appuyer sur la détente de leur arme que s’ils ont la conviction raisonnable que leur cible n’est pas un autre être humain. Les personnes qui utilisent des armes à feu doivent faire preuve d’une vigilance accrue (…)
La notion d'affaiblissement des facultés, incluant celle qui découle de l’état de fatigue d’un individu sur sa capacité de conduire
R. c. Beaudry-Bédard, 2011 QCCQ 8853 (CanLII)
[56] Le risque de danger doit donc s’évaluer en tenant compte du jugement de l’accusé, dont les capacités sont affaiblies par l’effet de l’alcool.
[57] L’auteur Harrison écrit avec justesse quant à la notion d'affaiblissement des facultés :
« […] Or, bien qu’une odeur d’alcool et des yeux rougis puissent permettre d’en déduire un affaiblissement de la capacité d’un individu, ce sont plutôt les constatations relatives à la conduite erratique du véhicule, à une démarche chancelante, à une précarité de l’équilibre, à la difficulté à produire les documents exigés par la loi ou à un langage difficile qui permettent de conclure hors de tout doute raisonnable à un affaiblissement de la capacité de conduire un véhicule. […] »
[59] Dans Stellato, la Cour suprême conclut que la quantité d’alcool n’est pas déterminante et ne constitue pas un élément de l’infraction.
[60] Dans l’arrêt Blais, la Cour d’appel du Québec écrit :
« […] De toute façon, la quantité d’alcool consommé n’est pas d’une importance déterminante. Certaines personnes peuvent être affectées par une petite quantité tandis que d’autres peuvent consommer une quantité plus importante avant d’éprouver des symptômes de facultés affaiblies. Il y a également des éléments comme la fatigue et le stress qui peuvent influencer l’effet de la consommation d’alcool. »
[61] Dans Laplante, le juge Chabot de la Cour supérieure s’exprime ainsi quant à l’état de fatigue d’un individu sur sa capacité de conduire :
« Par ailleurs, lorsqu’une personne se trouve dans une condition de fatigue, peu importe la raison, la consommation d’alcool, qui pourrait être dans d’autres circonstances inoffensives (sic) peut résulter chez cette personne en un affaiblissement de sa capacité de conduire un véhicule automobile :
"[…] the trial judge dit not err in concluding that where alcohol could be found to be the triggering event in the unusual driving, whether or not it was accompanied by lack of sleep, lack of food or other substance, the offence was complete. At p. 173, Issue 13, June, 1987, R. v. Campbell, 5 W.C.B. 468, February 25, 1981, B.C. Co. Ct. held that :
‘If as result of lack of rest the accused finds himself in a fatigued condition as a result of which consumption of alcohol which might not otherwise cause him to become impaired, causes in that instance his ability to drive to become impaired, then the Crown has proven the case beyond a reasonable doubt.’
Once the trial judge in the instant case found impairment of the ability to drive due to the consumption of alcohol, his perception that the impairment might also partially have been caused because the appelant may have been suffering from fatigue, does not provide a defence to the charge." »
[56] Le risque de danger doit donc s’évaluer en tenant compte du jugement de l’accusé, dont les capacités sont affaiblies par l’effet de l’alcool.
[57] L’auteur Harrison écrit avec justesse quant à la notion d'affaiblissement des facultés :
« […] Or, bien qu’une odeur d’alcool et des yeux rougis puissent permettre d’en déduire un affaiblissement de la capacité d’un individu, ce sont plutôt les constatations relatives à la conduite erratique du véhicule, à une démarche chancelante, à une précarité de l’équilibre, à la difficulté à produire les documents exigés par la loi ou à un langage difficile qui permettent de conclure hors de tout doute raisonnable à un affaiblissement de la capacité de conduire un véhicule. […] »
[59] Dans Stellato, la Cour suprême conclut que la quantité d’alcool n’est pas déterminante et ne constitue pas un élément de l’infraction.
[60] Dans l’arrêt Blais, la Cour d’appel du Québec écrit :
« […] De toute façon, la quantité d’alcool consommé n’est pas d’une importance déterminante. Certaines personnes peuvent être affectées par une petite quantité tandis que d’autres peuvent consommer une quantité plus importante avant d’éprouver des symptômes de facultés affaiblies. Il y a également des éléments comme la fatigue et le stress qui peuvent influencer l’effet de la consommation d’alcool. »
[61] Dans Laplante, le juge Chabot de la Cour supérieure s’exprime ainsi quant à l’état de fatigue d’un individu sur sa capacité de conduire :
« Par ailleurs, lorsqu’une personne se trouve dans une condition de fatigue, peu importe la raison, la consommation d’alcool, qui pourrait être dans d’autres circonstances inoffensives (sic) peut résulter chez cette personne en un affaiblissement de sa capacité de conduire un véhicule automobile :
"[…] the trial judge dit not err in concluding that where alcohol could be found to be the triggering event in the unusual driving, whether or not it was accompanied by lack of sleep, lack of food or other substance, the offence was complete. At p. 173, Issue 13, June, 1987, R. v. Campbell, 5 W.C.B. 468, February 25, 1981, B.C. Co. Ct. held that :
‘If as result of lack of rest the accused finds himself in a fatigued condition as a result of which consumption of alcohol which might not otherwise cause him to become impaired, causes in that instance his ability to drive to become impaired, then the Crown has proven the case beyond a reasonable doubt.’
Once the trial judge in the instant case found impairment of the ability to drive due to the consumption of alcohol, his perception that the impairment might also partially have been caused because the appelant may have been suffering from fatigue, does not provide a defence to the charge." »
Revue de la jurisprudence concernant la présomption de garde et contrôle prévue l’article 258 (1) a)
R. c. Beaudry-Bédard, 2011 QCCQ 8853 (CanLII)
[40] L’infraction de garde et contrôle exige la preuve de l’intention d’avoir cette garde et contrôle du véhicule après avoir volontairement consommé de l’alcool ou une drogue.
[41] Pour réussir, le ministère public doit établir que la capacité de conduire de l’accusé est affaiblie par l’effet de l’alcool et, par la suite, établir que ce dernier a la garde et le contrôle du véhicule, soit par le biais de la présomption légale prévue à l’article 258 (1) c) du Code criminel ou par preuve directe que l’accusé a eu la garde et le contrôle de son véhicule.
[42] L’article 258 (1) a) du Code criminel édicte une présomption de garde et contrôle qui se lit ainsi :
(...)
[43] Le juge Philippon de la Cour d’appel dans l’arrêt Hamel, avec lequel le juge Proulx se dit d’accord avec l’exposé en droit et non avec ses conclusions, expose succinctement chacune des étapes quand vient le moment de statuer si nous sommes en présence d’une garde et contrôle :
« "[L]a means rea de l’infraction d’avoir la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur est l’intention d’assumer la garde ou le contrôle après avoir volontairement consommé de l’alcool ou une drogue. L’actus reus est l’acte qui consiste à assumer la garde ou le contrôle du véhicule alors que la consommation volontaire d’alcool ou d’une drogue a affaibli la capacité de conduire."
La jurisprudence a également établi que l’absence d’intention de mettre le véhicule en marche ne constitue pas un moyen de défense pour l’accusé. Cet élément est pertinent seulement lorsque la présomption prévue à l’alinéa 258(1)a) est invoquée. En effet, pour la renverser, l’accusé doit démontrer, selon la balance des probabilités, qu’il n’avait pas l’intention de mettre le véhicule en marche. Mais s’il réussit, il ne sera pas nécessairement acquitté, le ministère public pouvant établir autrement qu’il y a eu effectivement garde ou contrôle.
Pour ce faire, la Couronne doit prouver que l’accusé a posé des gestes comportant un élément de contrôle ou de garde du véhicule :
"[L]es actes de garde ou de contrôle, hormis l’acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l’égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu’il puisse devenir dangereux."
[…]
Enfin, il importe de souligner que la notion de garde ou de contrôle est une question de faits. Ainsi, "[c]haque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l’on pourra conclure qu’il y a des actes de garde ou de contrôle varieront beaucoup." »
[44] La Cour d’appel dans l’arrêt R. c. Rousseau écrit :
« […] À mon avis, la poursuite devait présenter la preuve hors de tout doute raisonnable de l’utilisation consciente du véhicule ou de ses accessoires, ce qui peut se traduire par le risque de le mettre en mouvement et représenter le danger que le législateur a voulu éviter."
[45] Le Tribunal retient de la jurisprudence que « lorsque l’utilisation du véhicule à moteur ne comporte aucun risque de le mettre en marche et de le rendre dangereux, les cours de justice devraient conclure qu’il y a absence de l’actus reus ».
[48] Pour réfuter cette présomption, l’accusé doit, par prépondérance des probabilités, convaincre le Tribunal qu’il n’a pas l’intention de mettre le véhicule en mouvement.
[49] Le moment où doit s’évaluer l’intention de l’accusé fait l’objet de nombreux débats au Canada.
[50] Or, le Tribunal est d’avis, comme l’expose la Cour d’appel de la Saskatchewan, que c’est au moment où l’accusé est trouvé assis derrière le volant qui doit faire l’objet d’une analyse quant à son intention, car comme l’écrit l'auteur Me Harrison : « La possibilité d’acquitter un conducteur ivre doit être ouverte pour récompenser la sagesse tardive et éviter qu’il ne s’endorme au volant ou ne sombre dans un coma profond en tentant de se rendre à son domicile ».
[51] Après avoir écouté les explications fournies par l’accusé et les constatations du policier qui intervient auprès de ce dernier, le Tribunal est d’avis que l’intention de l’accusé, au moment de son interception, est de dormir et qu’il n’a pas l’intention de mettre son véhicule en mouvement repoussant ainsi l’application de la présomption légale prévue à l’article 258 (1) c) du Code criminel.
[52] Puisque l’accusé a réfuté la présomption de garde et contrôle et le ministère public doit maintenant établir les éléments essentiels de l’infraction sans le bénéfice de la présomption.
[53] Dans l’arrêt Ford, le juge Ritchie de la Cour suprême écrit :
« Il peut y avoir garde même en l’absence de cette intention (de mettre le véhicule en mouvement) lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, un accusé accomplit un acte ou une série d’actes ayant trait à l’utilisation du véhicule ou de ses accessoires, qui font que le véhicule peut être mis en marche involontairement, créant le danger que l’article vise à prévenir. »
[54] Dans son ouvrage portant sur les capacités affaiblies, l’auteur Me Karl-Emmanuel Harrison écrit :
« Sans limiter la généralité de ce que peut constituer un acte comportant une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, la jurisprudence reconnaît les actes suivants : déverrouiller la portière, s’asseoir sur le banc du conducteur, fermer la portière, insérer la clé dans le contact, démarrer le moteur, baisser les vitres latérales par crainte du monoxyde de carbone, s’assurer que le levier d’embrayage est à la position "park", lever ou abaisser le levier du frein d’urgence, utiliser la chaîne stéréophonique afin d’écouter de la musique et mettre en marche l’appareil de chauffage. […]
Un historique de la jurisprudence révèle également que l’expression « la garde ou le contrôle » commande une interprétation restrictive de manière à viser les personnes qui sont susceptibles de mettre le véhicule en mouvement. […] La disposition vise donc à empêcher qu’une personne en état d’ébriété qui est en présence immédiate d’un véhicule et qui a le moyen de le contrôler ou de le mettre en mouvement, ne devienne un danger pour le public : R. c. Butler, [1939] 4 D.L.R. 592 (C.A. Alta.); R. c. Kennedy, [1964] 2 C.C.C. 94, 41 C.R. 274 (C.S. C.-B.). »
[55] Dans Hamel, le juge Proulx de la Cour d’appel écrit :
« Dans Toews, on a cité également l’arrêt R. c. Thomson (1940) 75 C.C.C. 141 (C.A. N.-É.), duquel on peut dégager la proposition qu’une personne qui se trouve dans une voiture et a à sa portée les moyens de la mettre en marche en a le contrôle. Il n’est pas requis que cette personne ait l’intention immédiate de mettre le véhicule en marche puisque la disposition vise à empêcher qu’une personne en état d’ébriété qui est en présence immédiate d’un véhicule et qui a le moyen de le contrôler ou de le mettre en mouvement, ne devienne un danger pour le public. »
[40] L’infraction de garde et contrôle exige la preuve de l’intention d’avoir cette garde et contrôle du véhicule après avoir volontairement consommé de l’alcool ou une drogue.
[41] Pour réussir, le ministère public doit établir que la capacité de conduire de l’accusé est affaiblie par l’effet de l’alcool et, par la suite, établir que ce dernier a la garde et le contrôle du véhicule, soit par le biais de la présomption légale prévue à l’article 258 (1) c) du Code criminel ou par preuve directe que l’accusé a eu la garde et le contrôle de son véhicule.
[42] L’article 258 (1) a) du Code criminel édicte une présomption de garde et contrôle qui se lit ainsi :
(...)
[43] Le juge Philippon de la Cour d’appel dans l’arrêt Hamel, avec lequel le juge Proulx se dit d’accord avec l’exposé en droit et non avec ses conclusions, expose succinctement chacune des étapes quand vient le moment de statuer si nous sommes en présence d’une garde et contrôle :
« "[L]a means rea de l’infraction d’avoir la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur est l’intention d’assumer la garde ou le contrôle après avoir volontairement consommé de l’alcool ou une drogue. L’actus reus est l’acte qui consiste à assumer la garde ou le contrôle du véhicule alors que la consommation volontaire d’alcool ou d’une drogue a affaibli la capacité de conduire."
La jurisprudence a également établi que l’absence d’intention de mettre le véhicule en marche ne constitue pas un moyen de défense pour l’accusé. Cet élément est pertinent seulement lorsque la présomption prévue à l’alinéa 258(1)a) est invoquée. En effet, pour la renverser, l’accusé doit démontrer, selon la balance des probabilités, qu’il n’avait pas l’intention de mettre le véhicule en marche. Mais s’il réussit, il ne sera pas nécessairement acquitté, le ministère public pouvant établir autrement qu’il y a eu effectivement garde ou contrôle.
Pour ce faire, la Couronne doit prouver que l’accusé a posé des gestes comportant un élément de contrôle ou de garde du véhicule :
"[L]es actes de garde ou de contrôle, hormis l’acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l’égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu’il puisse devenir dangereux."
[…]
Enfin, il importe de souligner que la notion de garde ou de contrôle est une question de faits. Ainsi, "[c]haque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l’on pourra conclure qu’il y a des actes de garde ou de contrôle varieront beaucoup." »
[44] La Cour d’appel dans l’arrêt R. c. Rousseau écrit :
« […] À mon avis, la poursuite devait présenter la preuve hors de tout doute raisonnable de l’utilisation consciente du véhicule ou de ses accessoires, ce qui peut se traduire par le risque de le mettre en mouvement et représenter le danger que le législateur a voulu éviter."
[45] Le Tribunal retient de la jurisprudence que « lorsque l’utilisation du véhicule à moteur ne comporte aucun risque de le mettre en marche et de le rendre dangereux, les cours de justice devraient conclure qu’il y a absence de l’actus reus ».
[48] Pour réfuter cette présomption, l’accusé doit, par prépondérance des probabilités, convaincre le Tribunal qu’il n’a pas l’intention de mettre le véhicule en mouvement.
[49] Le moment où doit s’évaluer l’intention de l’accusé fait l’objet de nombreux débats au Canada.
[50] Or, le Tribunal est d’avis, comme l’expose la Cour d’appel de la Saskatchewan, que c’est au moment où l’accusé est trouvé assis derrière le volant qui doit faire l’objet d’une analyse quant à son intention, car comme l’écrit l'auteur Me Harrison : « La possibilité d’acquitter un conducteur ivre doit être ouverte pour récompenser la sagesse tardive et éviter qu’il ne s’endorme au volant ou ne sombre dans un coma profond en tentant de se rendre à son domicile ».
[51] Après avoir écouté les explications fournies par l’accusé et les constatations du policier qui intervient auprès de ce dernier, le Tribunal est d’avis que l’intention de l’accusé, au moment de son interception, est de dormir et qu’il n’a pas l’intention de mettre son véhicule en mouvement repoussant ainsi l’application de la présomption légale prévue à l’article 258 (1) c) du Code criminel.
[52] Puisque l’accusé a réfuté la présomption de garde et contrôle et le ministère public doit maintenant établir les éléments essentiels de l’infraction sans le bénéfice de la présomption.
[53] Dans l’arrêt Ford, le juge Ritchie de la Cour suprême écrit :
« Il peut y avoir garde même en l’absence de cette intention (de mettre le véhicule en mouvement) lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, un accusé accomplit un acte ou une série d’actes ayant trait à l’utilisation du véhicule ou de ses accessoires, qui font que le véhicule peut être mis en marche involontairement, créant le danger que l’article vise à prévenir. »
[54] Dans son ouvrage portant sur les capacités affaiblies, l’auteur Me Karl-Emmanuel Harrison écrit :
« Sans limiter la généralité de ce que peut constituer un acte comportant une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, la jurisprudence reconnaît les actes suivants : déverrouiller la portière, s’asseoir sur le banc du conducteur, fermer la portière, insérer la clé dans le contact, démarrer le moteur, baisser les vitres latérales par crainte du monoxyde de carbone, s’assurer que le levier d’embrayage est à la position "park", lever ou abaisser le levier du frein d’urgence, utiliser la chaîne stéréophonique afin d’écouter de la musique et mettre en marche l’appareil de chauffage. […]
Un historique de la jurisprudence révèle également que l’expression « la garde ou le contrôle » commande une interprétation restrictive de manière à viser les personnes qui sont susceptibles de mettre le véhicule en mouvement. […] La disposition vise donc à empêcher qu’une personne en état d’ébriété qui est en présence immédiate d’un véhicule et qui a le moyen de le contrôler ou de le mettre en mouvement, ne devienne un danger pour le public : R. c. Butler, [1939] 4 D.L.R. 592 (C.A. Alta.); R. c. Kennedy, [1964] 2 C.C.C. 94, 41 C.R. 274 (C.S. C.-B.). »
[55] Dans Hamel, le juge Proulx de la Cour d’appel écrit :
« Dans Toews, on a cité également l’arrêt R. c. Thomson (1940) 75 C.C.C. 141 (C.A. N.-É.), duquel on peut dégager la proposition qu’une personne qui se trouve dans une voiture et a à sa portée les moyens de la mettre en marche en a le contrôle. Il n’est pas requis que cette personne ait l’intention immédiate de mettre le véhicule en marche puisque la disposition vise à empêcher qu’une personne en état d’ébriété qui est en présence immédiate d’un véhicule et qui a le moyen de le contrôler ou de le mettre en mouvement, ne devienne un danger pour le public. »
jeudi 25 août 2011
Le fait pour une femme d'être seins nus en public n'est pas en soi une infraction criminelle
District of Maple Ridge v. Meyer, 2000 BCSC 902 (CanLII)
[49] The law concerning the appearance of top-free females in public places has been recently considered and defined. The mere act of public nudity is not an offense. [R. v. Jacob 1996 CanLII 1119 (ON C.A.), (1996), 112 C.C.C. (3d) 1 (Ont.C.A.)]
[49] The law concerning the appearance of top-free females in public places has been recently considered and defined. The mere act of public nudity is not an offense. [R. v. Jacob 1996 CanLII 1119 (ON C.A.), (1996), 112 C.C.C. (3d) 1 (Ont.C.A.)]
lundi 8 août 2011
Les éléments constitutifs de l'infraction d'attroupement illégal
R. c. Jordan Aubin et Al., 2006 CanLII 58790 (QC CM)
[40] Pour être déclaré coupable de cette infraction, deux éléments essentiels doivent être prouvés : la participation à un attroupement illégal (actus reus) et l’intention de participer à un attroupement illégal (mens rea).
Actus reus
[41] L’actus reus de l’infraction est constitué par le fait d’être l’une des personnes composant l’attroupement illégal
[42] Il n’est pas nécessaire que la poursuite établisse que tel ou tel défendeur a participé depuis le début de l’attroupement jusqu’à son arrestation
[43] La poursuite n’a pas non plus à produire un ou des témoins pour établir par preuve directe que tel ou tel défendeur était présent, les règles de preuve circonstancielle habituelles peuvent suffire.
[44] Bref, la simple présence dans l’attroupement illégal, à un moment ou à un autre, est suffisante pour constituer l’actus reus de l’infraction
Mens rea
[45] La mens rea requise est l’intention de participer à un attroupement illégal. Il n’est pas nécessaire que la poursuite établisse que tel ou tel participant a posé un geste précis; cette preuve serait difficile à faire compte tenu de la « dynamique d’un attroupement, la confusion qui y règne, tant dans cet attroupement que dans l’esprit des forces de l’ordre appelées sur les lieux »
[46] Il n’est pas nécessaire non plus que la poursuite prouve que tel ou tel participant avait l’intention de commettre une infraction criminelle. La simple présence volontaire à un attroupement illégal est suffisante
[47] Bref, l’acquiescement passif est également criminalisé.
[40] Pour être déclaré coupable de cette infraction, deux éléments essentiels doivent être prouvés : la participation à un attroupement illégal (actus reus) et l’intention de participer à un attroupement illégal (mens rea).
Actus reus
[41] L’actus reus de l’infraction est constitué par le fait d’être l’une des personnes composant l’attroupement illégal
[42] Il n’est pas nécessaire que la poursuite établisse que tel ou tel défendeur a participé depuis le début de l’attroupement jusqu’à son arrestation
[43] La poursuite n’a pas non plus à produire un ou des témoins pour établir par preuve directe que tel ou tel défendeur était présent, les règles de preuve circonstancielle habituelles peuvent suffire.
[44] Bref, la simple présence dans l’attroupement illégal, à un moment ou à un autre, est suffisante pour constituer l’actus reus de l’infraction
Mens rea
[45] La mens rea requise est l’intention de participer à un attroupement illégal. Il n’est pas nécessaire que la poursuite établisse que tel ou tel participant a posé un geste précis; cette preuve serait difficile à faire compte tenu de la « dynamique d’un attroupement, la confusion qui y règne, tant dans cet attroupement que dans l’esprit des forces de l’ordre appelées sur les lieux »
[46] Il n’est pas nécessaire non plus que la poursuite prouve que tel ou tel participant avait l’intention de commettre une infraction criminelle. La simple présence volontaire à un attroupement illégal est suffisante
[47] Bref, l’acquiescement passif est également criminalisé.
La motion de non-lieu
R. c. Jordan Aubin et Al., 2006 CanLII 58790 (QC CM)
[33] Le critère d’évaluation de la suffisance de la preuve par le juge lors de la présentation d’une requête en non-lieu est le même que celui que le juge doit appliquer à l’enquête préliminaire.
[34] Le critère n’est pas : est-ce qu’il y a absence totale de preuve de l’un ou de plusieurs des éléments essentiels d’une infraction? mais plutôt : est-ce qu’il y a une preuve prima facie de l’infraction?
[35] C’est-à-dire : est-ce que la preuve, si elle demeure non contredite ou non expliquée serait suffisante pour qu’un juge qui s’instruit correctement en droit ou pour un jury instruit correctement en droit par un juge puisse conclure à la culpabilité du défendeur, et ce, hors de tout doute raisonnable?
[36] Lors de l’évaluation de la suffisance de la preuve, le juge ne doit pas se prononcer sur la crédibilité des témoins mais plutôt prendre pour acquis qu’ils seront crus.
[37] Le critère d’évaluation de la suffisance de la preuve par le juge à l’enquête préliminaire, tel que défini par la loi, la jurisprudence et la doctrine, a été repris par l’honorable juge Morris J. Fish, avant qu’il ne devienne membre de notre Cour suprême dans une étude publiée dans La Revue du Barreau, tome 39, numéro 3, mai-juin 1979, p. 607 et intitulée « Committal for Trial : ‘ Some ’ evidence is not ‘ sufficient ’» :
" Whenever guilt can be rationally inferred from the evidence, a justice at preliminary inquiry must commit the accused for trial. The justice is not predicting how the trial will end. But he is making a judicial finding that the evidence is strong enough, if unanswered at trial and believed by the jury, to prove guilt beyond a reasonable doubt.
From the very wording of s. 475 it is apparent that ‘some’ evidence is not enough to warrant a committal for trial. The evidence must be ‘sufficient’. Nor is ‘total absence’ the test for a discharge. Insufficiency is the operative standard. It is likewise apparent operative standard. It is likewise apparent that the justice must evaluate the evidence. He is directed to commit or discharge on the basis of ‘his opinion’ as to its sufficiency.
The test for committal to trial is identical to the test upon a motion for nonsuit or for a directed verdict at trial. There do remain pockets of resistance to this notion but the question must be taken as settled by MORABITO (1949 7 C.R. 88), Feeley (1952-353, 15 C.R. 354), Paul (1976 27 C.C.C. 2d, p. 1) and of course Sheppard (United states of America v. Sheppard, 1977, 30 C.C.C., 2d, p. 424). The common test, ‘sufficient evidence’, is throughout these judgments equated with “prima facie case”, in either of its two accepted senses, never means less than “sufficient evidence”. And the phrase “sufficient evidence”, use in relation to criminal law, invariably means evidence upon which “a jury might, in the absence of contradiction or explanation, reasonably and properly convict”.
That is the law. Everything else is commentary. "
[38] La Cour d’appel du Québec a appliqué par la suite cette analyse de l’état du droit dans l’arrêt Attorney General of Quebec v. Hamel
[33] Le critère d’évaluation de la suffisance de la preuve par le juge lors de la présentation d’une requête en non-lieu est le même que celui que le juge doit appliquer à l’enquête préliminaire.
[34] Le critère n’est pas : est-ce qu’il y a absence totale de preuve de l’un ou de plusieurs des éléments essentiels d’une infraction? mais plutôt : est-ce qu’il y a une preuve prima facie de l’infraction?
[35] C’est-à-dire : est-ce que la preuve, si elle demeure non contredite ou non expliquée serait suffisante pour qu’un juge qui s’instruit correctement en droit ou pour un jury instruit correctement en droit par un juge puisse conclure à la culpabilité du défendeur, et ce, hors de tout doute raisonnable?
[36] Lors de l’évaluation de la suffisance de la preuve, le juge ne doit pas se prononcer sur la crédibilité des témoins mais plutôt prendre pour acquis qu’ils seront crus.
[37] Le critère d’évaluation de la suffisance de la preuve par le juge à l’enquête préliminaire, tel que défini par la loi, la jurisprudence et la doctrine, a été repris par l’honorable juge Morris J. Fish, avant qu’il ne devienne membre de notre Cour suprême dans une étude publiée dans La Revue du Barreau, tome 39, numéro 3, mai-juin 1979, p. 607 et intitulée « Committal for Trial : ‘ Some ’ evidence is not ‘ sufficient ’» :
" Whenever guilt can be rationally inferred from the evidence, a justice at preliminary inquiry must commit the accused for trial. The justice is not predicting how the trial will end. But he is making a judicial finding that the evidence is strong enough, if unanswered at trial and believed by the jury, to prove guilt beyond a reasonable doubt.
From the very wording of s. 475 it is apparent that ‘some’ evidence is not enough to warrant a committal for trial. The evidence must be ‘sufficient’. Nor is ‘total absence’ the test for a discharge. Insufficiency is the operative standard. It is likewise apparent operative standard. It is likewise apparent that the justice must evaluate the evidence. He is directed to commit or discharge on the basis of ‘his opinion’ as to its sufficiency.
The test for committal to trial is identical to the test upon a motion for nonsuit or for a directed verdict at trial. There do remain pockets of resistance to this notion but the question must be taken as settled by MORABITO (1949 7 C.R. 88), Feeley (1952-353, 15 C.R. 354), Paul (1976 27 C.C.C. 2d, p. 1) and of course Sheppard (United states of America v. Sheppard, 1977, 30 C.C.C., 2d, p. 424). The common test, ‘sufficient evidence’, is throughout these judgments equated with “prima facie case”, in either of its two accepted senses, never means less than “sufficient evidence”. And the phrase “sufficient evidence”, use in relation to criminal law, invariably means evidence upon which “a jury might, in the absence of contradiction or explanation, reasonably and properly convict”.
That is the law. Everything else is commentary. "
[38] La Cour d’appel du Québec a appliqué par la suite cette analyse de l’état du droit dans l’arrêt Attorney General of Quebec v. Hamel
vendredi 5 août 2011
Analyse de la jurisprudence sur la notion de harcèlement criminel par la Cour d'appel du Québec
Bertrand c. R., 2011 QCCA 1412 (CanLII)
[172] Dans l'arrêt Lamontagne, le juge Proulx écrit ceci au sujet de la notion de harcèlement:
25 Le « harcèlement» n'est pas défini par le législateur à l'art. 264.
26 Dans les arrêts Ryback et Sillipp, supra, l'on s'entend pour donner à ce mot une interprétation contextuelle. ll ne suffit pas que la plaignante soit « vexed, disquieted or annoyed », encore faut-il démontrer que la conduite prohibée ait « tormented, troubled, worried continually or chronically, plagued, bedeviled and badgered », soulignent ces arrêts.
27 Enfin, Nicholas Bala dans « Criminal Code Amendments to Increase Protection to Children & Women: Bills C-126 & C-128 », 21 C.R. (4th) 365, adopte la définition du harcèlement proposée dans certaines décisions, comme signifiant le fait de « vex, trouble, annoy continually or chronically ».
28 De ces définitions du « harcèlement » auxquelles je me range, je retiens que l'on ne se limite pas au sens classique et restreint du mot qui est de « soumettre sans répit à de petites attaques réitérées, à de rapides assauts incessants » (Le Petit Robert I, 1987). « Harceler » peut tout aussi bien signifier le fait d'« importuner (qqn) par des demandes, des sollicitations, des incitations » (Le Grand Robert de la langue française, 1992), ce qui traduit bien l'idée qu'il doit s'agir d'un comportement qui a pour effet d'importuner en raison de sa continuité ou de sa répétition, (« vex, trouble, annoy continually or chronically »).
29 En raison de la distinction que fait le législateur entre l'acte interdit au sens du par. (2) et le harcèlement comme conséquence ultime de l'acte, on ne peut donc tout simplement faire l'équation entre les deux, d'où la nécessité, comme je viens de l'exposer, de s'interroger sur la définition de l'état d'« harcèlement », indépendamment des actes interdits qui peuvent générer cet état et qui sont expressément prévus au par. (2).
30 En l'espèce, de cet incident unique caractérisé par les mots employés par l'appelant dans le contexte qu'il précise et qui est retenu par la juge, compte tenu également du silence de la plaignante quant à son état, ne peut se dégager la conclusion que de fait elle a été harcelée de quelque façon que ce soit. Le défaut de prouver cet élément devait entraîner l'acquittement.
[173] Tout comme le juge d'instance, je ne doute absolument pas que « l’état psychologique des plaignants démontr[e] qu’ils ont été troublés, inquiétés ou importunés ». La seule question est de savoir si la deuxième partie de sa conclusion selon laquelle « et, par conséquent, victimes de harcèlement criminel » est fondée.
[174] Je partage l'affirmation du juge d'instance qui estime, s'appuyant sur l'arrêt Kosikar de la Cour d'appel de l'Ontario, que l'infraction de harcèlement peut être commise lors d'un seul incident.
[175] Dans une décision postérieure à l'arrêt Kosikar et au jugement entrepris, l'arrêt Kohl, le juge Armstrong de la Cour d'appel de l'Ontario procède à l'analyse des arrêts Kosikar et O'Connor dans le contexte d'une affaire où la conduite de l'accusé à l'égard d'une joggeuse, bien que brève, était à la fois menaçante et harcelante.
[177] Le juge Armstrong analyse la jurisprudence sur la notion de harcèlement criminel. Il écrit ce qui suit à ce sujet :
26 Counsel for the appellant submits that, for a single incident to constitute harassment under s. 264 of the Criminal Code such incident must be linked to past conduct or "carry with it the threat of future contact." He relies upon this court's reasons for judgment in R. v. Kosikar 1999 CanLII 3775 (ON CA), (1999), 138 C.C.C. (3d) 217 at para. 28 where Goudge J.A. said:
Moreover, while in this case the prior contact is important proof of the consequence caused to the complainant, it is possible to imagine a case where the complainant's feeling harassed would be proven not through the context of prior contact but by evidence of a single incident that carried the real future prospect of the continuing tormenting of the complainant. In other words, prior contact may not be the only way of proving the necessary consequence of a single act of threatening conduct.
27 In Kosikar, the conduct relied upon by the Crown was an abusive letter sent after a previous conviction for harassing the complainant. The issue before the court was whether a single incident (the letter) could found a conviction under s. 264, given the harassment element of the offence. Goudge J.A. concluded that a single incident could be sufficient to support a conviction. He said at para. 20:
As a matter of statutory interpretation I do not think that s. 264(2)(d) is limited to repeated threatening conduct to the exclusion of a single threatening act. Parliament expressly required repeated conduct in defining the prohibited acts in s. 264(2)(a) and (b). The absence of such a qualification in s. 264(2)(d) strongly suggests to me a legislative intention not to confine that prohibition to repeated threatening conduct, but to encompass a single threatening act as well.
Goudge J.A. went on to say that the threatening conduct need not be repetitious provided that it produces in the complainant a state of being harassed. Relying in part on Sillipp, Goudge J.A. concluded that a state of being harassed involved the complainant being "tormented, troubled, worried continually or chronically, plagued, bedevilled and badgered".
28 In a more recent judgment of this court, R. v. O'Connor, 2008 ONCA 206 (CanLII), [2008] O.J. No. 1125, 2008 ONCA 206, Simmons J.A. appears to carry the analysis in Kosikar a step further. At paras. 4 and 5, Simmons J.A. said:
In Kosikar, evidence of prior contact between the accused and the complainant was used to show that as the consequence of a letter the complainant felt harassed. However, Goudge J.A. also stated, "it is possible to imagine a case where the complainant's feeling harassed would be proven ... by evidence of a single incident that carried the real future prospect of the continuing tormenting of the complainant."
On the facts of this case, in my view, it was open to the trial judge to find that the complainant was harassed both because the appellant's behaviour during the incident was persistent and because the incident occurred while the appellant was subject to a probation order requiring that he have no contact with the complainant.
29 I would adopt the approach taken by the court in O'Connor. Even though the conduct in this case occurred over a relatively short period of time and there was no prior contact, it was highly threatening and persistent. The appellant jumped out of the bushes, blocked the progress of the complainant with outstretched arms, chased her down the road where she fled from him, then stood outside the Montgomery residence and stared at her. The trial judge properly described the appellant's conduct as persistent:
When the persistence of his actions are taken into consideration with the fact that during this time he spoke no words to ease what obviously from his apology appeared to him to have an unfavourable effect on the complainant, his actions may, as previously described, appear as threatening conduct ...
30 During the encounter with the appellant, brief as it was, the complainant reasonably feared for her safety and was clearly in a state of being harassed
[178] L'analyse du juge Armstrong commande l'adhésion.
[179] Les auteurs Manning, Mewett & Sankoff énoncent d'ailleurs une approche compatible avec l'analyse du juge Armstrong sur cette question :
Still, there will be instances where the physical aspect of harassment will be a contested element of the Crown's case, notwithstanding the victim's reasonably held fear. The distinction between the two elements is most clear when the prohibited conduct relates to a single act, such as where the accused engaged in threatening conduct. For example, in Lamontagne, the accused was convicted of criminally harassing his wife after he made a threatening comment while being arrested by police for another offence. There was no doubt that the comment in question could be taken as threatening and that it could cause a person to reasonably fear for their safety, but the Québec Court of Appeal nonetheless overturned the conviction, holding that there was no evidence of the complainant having been harassed. The court held that the independent element of harassment required "that the conduct must have the effect of bothering someone because of its continuity or repetition", and given the absence of evidence of any other incidents, it could not be said that the complainant was in fact harassed by the activity.
This conclusion seems reasonable enough, and demonstrates that the need for the victim to be harassed is a means of limiting the possibility of convicting an accused for a single incident. That said, a conviction may well occur where the surrounding context provides evidence that the victim was actually harassed by the individual action. In Kosikar, the accused had a 15-year history of harassing the complainant with letters, and had been convicted of criminal harassment and other offences previously. He then sent one final letter of a threatening nature, and was convicted under section 264. The trial and appellate courts had no difficulty in concluding that the victim was harassed by the single incident. …
…
This seems like a reasonable compromise. Where the focus of a charge is a single incident of threatening activity, it is unlikely to qualify as harassing without a significant amount of additional context. In Lamontagne, this supporting factual background was lacking, but in Kosikar, the prior conduct provided unassailable evidence that the victim was harassed.
[180] En l'espèce, il faut avoir à l'esprit une distinction importante énoncée par le juge Proulx dans l'arrêt Lamontagne.
[181] Selon lui, il ne faut pas faire d'équation entre l'acte, ici la conduite menaçante qui a fait raisonnablement craindre les plaignants pour leur sécurité, et la conséquence ultime de cet acte, l'état de harcèlement. Il s'agit d'un élément essentiel différent et supplémentaire dont la nature qualitative est distincte. Selon les termes mêmes de l'article 264 C.cr., les plaignants doivent s'être sentis harcelés.
[182] Même si l'infraction de harcèlement criminel peut être appliquée dans un contexte nouveau et inédit, la prudence s'impose si on ne veut pas la dénaturer et lui conférer une portée qu'elle n'a pas.
[172] Dans l'arrêt Lamontagne, le juge Proulx écrit ceci au sujet de la notion de harcèlement:
25 Le « harcèlement» n'est pas défini par le législateur à l'art. 264.
26 Dans les arrêts Ryback et Sillipp, supra, l'on s'entend pour donner à ce mot une interprétation contextuelle. ll ne suffit pas que la plaignante soit « vexed, disquieted or annoyed », encore faut-il démontrer que la conduite prohibée ait « tormented, troubled, worried continually or chronically, plagued, bedeviled and badgered », soulignent ces arrêts.
27 Enfin, Nicholas Bala dans « Criminal Code Amendments to Increase Protection to Children & Women: Bills C-126 & C-128 », 21 C.R. (4th) 365, adopte la définition du harcèlement proposée dans certaines décisions, comme signifiant le fait de « vex, trouble, annoy continually or chronically ».
28 De ces définitions du « harcèlement » auxquelles je me range, je retiens que l'on ne se limite pas au sens classique et restreint du mot qui est de « soumettre sans répit à de petites attaques réitérées, à de rapides assauts incessants » (Le Petit Robert I, 1987). « Harceler » peut tout aussi bien signifier le fait d'« importuner (qqn) par des demandes, des sollicitations, des incitations » (Le Grand Robert de la langue française, 1992), ce qui traduit bien l'idée qu'il doit s'agir d'un comportement qui a pour effet d'importuner en raison de sa continuité ou de sa répétition, (« vex, trouble, annoy continually or chronically »).
29 En raison de la distinction que fait le législateur entre l'acte interdit au sens du par. (2) et le harcèlement comme conséquence ultime de l'acte, on ne peut donc tout simplement faire l'équation entre les deux, d'où la nécessité, comme je viens de l'exposer, de s'interroger sur la définition de l'état d'« harcèlement », indépendamment des actes interdits qui peuvent générer cet état et qui sont expressément prévus au par. (2).
30 En l'espèce, de cet incident unique caractérisé par les mots employés par l'appelant dans le contexte qu'il précise et qui est retenu par la juge, compte tenu également du silence de la plaignante quant à son état, ne peut se dégager la conclusion que de fait elle a été harcelée de quelque façon que ce soit. Le défaut de prouver cet élément devait entraîner l'acquittement.
[173] Tout comme le juge d'instance, je ne doute absolument pas que « l’état psychologique des plaignants démontr[e] qu’ils ont été troublés, inquiétés ou importunés ». La seule question est de savoir si la deuxième partie de sa conclusion selon laquelle « et, par conséquent, victimes de harcèlement criminel » est fondée.
[174] Je partage l'affirmation du juge d'instance qui estime, s'appuyant sur l'arrêt Kosikar de la Cour d'appel de l'Ontario, que l'infraction de harcèlement peut être commise lors d'un seul incident.
[175] Dans une décision postérieure à l'arrêt Kosikar et au jugement entrepris, l'arrêt Kohl, le juge Armstrong de la Cour d'appel de l'Ontario procède à l'analyse des arrêts Kosikar et O'Connor dans le contexte d'une affaire où la conduite de l'accusé à l'égard d'une joggeuse, bien que brève, était à la fois menaçante et harcelante.
[177] Le juge Armstrong analyse la jurisprudence sur la notion de harcèlement criminel. Il écrit ce qui suit à ce sujet :
26 Counsel for the appellant submits that, for a single incident to constitute harassment under s. 264 of the Criminal Code such incident must be linked to past conduct or "carry with it the threat of future contact." He relies upon this court's reasons for judgment in R. v. Kosikar 1999 CanLII 3775 (ON CA), (1999), 138 C.C.C. (3d) 217 at para. 28 where Goudge J.A. said:
Moreover, while in this case the prior contact is important proof of the consequence caused to the complainant, it is possible to imagine a case where the complainant's feeling harassed would be proven not through the context of prior contact but by evidence of a single incident that carried the real future prospect of the continuing tormenting of the complainant. In other words, prior contact may not be the only way of proving the necessary consequence of a single act of threatening conduct.
27 In Kosikar, the conduct relied upon by the Crown was an abusive letter sent after a previous conviction for harassing the complainant. The issue before the court was whether a single incident (the letter) could found a conviction under s. 264, given the harassment element of the offence. Goudge J.A. concluded that a single incident could be sufficient to support a conviction. He said at para. 20:
As a matter of statutory interpretation I do not think that s. 264(2)(d) is limited to repeated threatening conduct to the exclusion of a single threatening act. Parliament expressly required repeated conduct in defining the prohibited acts in s. 264(2)(a) and (b). The absence of such a qualification in s. 264(2)(d) strongly suggests to me a legislative intention not to confine that prohibition to repeated threatening conduct, but to encompass a single threatening act as well.
Goudge J.A. went on to say that the threatening conduct need not be repetitious provided that it produces in the complainant a state of being harassed. Relying in part on Sillipp, Goudge J.A. concluded that a state of being harassed involved the complainant being "tormented, troubled, worried continually or chronically, plagued, bedevilled and badgered".
28 In a more recent judgment of this court, R. v. O'Connor, 2008 ONCA 206 (CanLII), [2008] O.J. No. 1125, 2008 ONCA 206, Simmons J.A. appears to carry the analysis in Kosikar a step further. At paras. 4 and 5, Simmons J.A. said:
In Kosikar, evidence of prior contact between the accused and the complainant was used to show that as the consequence of a letter the complainant felt harassed. However, Goudge J.A. also stated, "it is possible to imagine a case where the complainant's feeling harassed would be proven ... by evidence of a single incident that carried the real future prospect of the continuing tormenting of the complainant."
On the facts of this case, in my view, it was open to the trial judge to find that the complainant was harassed both because the appellant's behaviour during the incident was persistent and because the incident occurred while the appellant was subject to a probation order requiring that he have no contact with the complainant.
29 I would adopt the approach taken by the court in O'Connor. Even though the conduct in this case occurred over a relatively short period of time and there was no prior contact, it was highly threatening and persistent. The appellant jumped out of the bushes, blocked the progress of the complainant with outstretched arms, chased her down the road where she fled from him, then stood outside the Montgomery residence and stared at her. The trial judge properly described the appellant's conduct as persistent:
When the persistence of his actions are taken into consideration with the fact that during this time he spoke no words to ease what obviously from his apology appeared to him to have an unfavourable effect on the complainant, his actions may, as previously described, appear as threatening conduct ...
30 During the encounter with the appellant, brief as it was, the complainant reasonably feared for her safety and was clearly in a state of being harassed
[178] L'analyse du juge Armstrong commande l'adhésion.
[179] Les auteurs Manning, Mewett & Sankoff énoncent d'ailleurs une approche compatible avec l'analyse du juge Armstrong sur cette question :
Still, there will be instances where the physical aspect of harassment will be a contested element of the Crown's case, notwithstanding the victim's reasonably held fear. The distinction between the two elements is most clear when the prohibited conduct relates to a single act, such as where the accused engaged in threatening conduct. For example, in Lamontagne, the accused was convicted of criminally harassing his wife after he made a threatening comment while being arrested by police for another offence. There was no doubt that the comment in question could be taken as threatening and that it could cause a person to reasonably fear for their safety, but the Québec Court of Appeal nonetheless overturned the conviction, holding that there was no evidence of the complainant having been harassed. The court held that the independent element of harassment required "that the conduct must have the effect of bothering someone because of its continuity or repetition", and given the absence of evidence of any other incidents, it could not be said that the complainant was in fact harassed by the activity.
This conclusion seems reasonable enough, and demonstrates that the need for the victim to be harassed is a means of limiting the possibility of convicting an accused for a single incident. That said, a conviction may well occur where the surrounding context provides evidence that the victim was actually harassed by the individual action. In Kosikar, the accused had a 15-year history of harassing the complainant with letters, and had been convicted of criminal harassment and other offences previously. He then sent one final letter of a threatening nature, and was convicted under section 264. The trial and appellate courts had no difficulty in concluding that the victim was harassed by the single incident. …
…
This seems like a reasonable compromise. Where the focus of a charge is a single incident of threatening activity, it is unlikely to qualify as harassing without a significant amount of additional context. In Lamontagne, this supporting factual background was lacking, but in Kosikar, the prior conduct provided unassailable evidence that the victim was harassed.
[180] En l'espèce, il faut avoir à l'esprit une distinction importante énoncée par le juge Proulx dans l'arrêt Lamontagne.
[181] Selon lui, il ne faut pas faire d'équation entre l'acte, ici la conduite menaçante qui a fait raisonnablement craindre les plaignants pour leur sécurité, et la conséquence ultime de cet acte, l'état de harcèlement. Il s'agit d'un élément essentiel différent et supplémentaire dont la nature qualitative est distincte. Selon les termes mêmes de l'article 264 C.cr., les plaignants doivent s'être sentis harcelés.
[182] Même si l'infraction de harcèlement criminel peut être appliquée dans un contexte nouveau et inédit, la prudence s'impose si on ne veut pas la dénaturer et lui conférer une portée qu'elle n'a pas.
jeudi 4 août 2011
Les éléments constitutifs de l'infraction de fuite (249.1 Ccr)
R. v. Kulchisky, 2007 ABCA 110 (CanLII)
[4] The second ground of appeal relates to the conviction, pursuant to s. 249.1(1) of the Criminal Code. The argument is that the trial judge misapprehended the essential elements of the crime and, accordingly, failed to appreciate that the factual underpinnings could not support a conviction. The essential elements are the following:
· The accused must be operating a motor vehicle.
· A peace officer must be pursuing the accused.
· The evidence must establish that the accused knows a police officer is in pursuit.
· The peace officer must be operating a motor vehicle.
· The accused must fail to stop his vehicle as soon as reasonable in the circumstances.
· The accused must have no reasonable excuse for his failure to stop.
· The accused must fail to stop “in order to evade the peace officer.”
[10] To evade, in our view, equates with an attempt to elude or get away from. The motive for evasion, assuming the absence of a reasonable excuse, is of no moment. If the intent is “to get away”, say, to avoid an argument with the pursuing police officer and to seek out another, the trial judge will have to evaluate whether, in the light of all of the evidence, that amounts to a reasonable excuse. The judgment below, read in its entirety, makes clear that the trial judge disbelieved the Appellant’s explanation. The conviction, accordingly, with respect to that count, is also sustained.
[4] The second ground of appeal relates to the conviction, pursuant to s. 249.1(1) of the Criminal Code. The argument is that the trial judge misapprehended the essential elements of the crime and, accordingly, failed to appreciate that the factual underpinnings could not support a conviction. The essential elements are the following:
· The accused must be operating a motor vehicle.
· A peace officer must be pursuing the accused.
· The evidence must establish that the accused knows a police officer is in pursuit.
· The peace officer must be operating a motor vehicle.
· The accused must fail to stop his vehicle as soon as reasonable in the circumstances.
· The accused must have no reasonable excuse for his failure to stop.
· The accused must fail to stop “in order to evade the peace officer.”
[10] To evade, in our view, equates with an attempt to elude or get away from. The motive for evasion, assuming the absence of a reasonable excuse, is of no moment. If the intent is “to get away”, say, to avoid an argument with the pursuing police officer and to seek out another, the trial judge will have to evaluate whether, in the light of all of the evidence, that amounts to a reasonable excuse. The judgment below, read in its entirety, makes clear that the trial judge disbelieved the Appellant’s explanation. The conviction, accordingly, with respect to that count, is also sustained.
mercredi 3 août 2011
Ce qu'est l'intention spécifique selon les auteurs Côte-Harper, Manganas et Turgeon
R. c. Fiset, 2011 QCCQ 1344 (CanLII)
[59] Selon les auteurs Côte-Harper, Manganas et Turgeon, pour commettre ce type d'infraction, il faut que :
« …l'accusée fasse quelque chose dans le but d'atteindre un résultat ou une conséquence qu'il assigne à sa conduite… »
et aussi que :
« …les actes de la deuxième catégorie (intention spécifique) ont été préconçus et constituent des étapes franchies délibérément dans la poursuite d'un objectif illégal… »
bref :
« … les infractions d'intention spécifique exigent un processus mental qui aboutit à la formulation d'une intention spécifique… »
finalement :
« …il faut qu'elle (l'accusée) ait l'intention de réaliser le but ou la conséquence… »
[59] Selon les auteurs Côte-Harper, Manganas et Turgeon, pour commettre ce type d'infraction, il faut que :
« …l'accusée fasse quelque chose dans le but d'atteindre un résultat ou une conséquence qu'il assigne à sa conduite… »
et aussi que :
« …les actes de la deuxième catégorie (intention spécifique) ont été préconçus et constituent des étapes franchies délibérément dans la poursuite d'un objectif illégal… »
bref :
« … les infractions d'intention spécifique exigent un processus mental qui aboutit à la formulation d'une intention spécifique… »
finalement :
« …il faut qu'elle (l'accusée) ait l'intention de réaliser le but ou la conséquence… »
Les éléments constitutifs de l'infraction de fabrication de faux document et de l'utilisation de faux document
R. c. Bourré, 2005 CanLII 32091 (QC CQ)
[18] Or, la preuve doit reposer sur trois éléments pour trouver l'accusé coupable sous l'article 366 C.cr., soit:
➢ un faux document;
➢ l'accusé doit savoir qu'il fait un faux;
➢ l'intention que ce document soit utilisé pour porter préjudice à autrui.
[19] L'article 368 n'exige cependant pas la preuve que l'accusé avait l'intention de porter préjudice à quelqu'un.
[18] Or, la preuve doit reposer sur trois éléments pour trouver l'accusé coupable sous l'article 366 C.cr., soit:
➢ un faux document;
➢ l'accusé doit savoir qu'il fait un faux;
➢ l'intention que ce document soit utilisé pour porter préjudice à autrui.
[19] L'article 368 n'exige cependant pas la preuve que l'accusé avait l'intention de porter préjudice à quelqu'un.
Exemple jurisprudentiel de ce que constitue "soit l'altération, en quelque partie essentielle, d'un document authentique" ou "une altération essentielle dans un document authentique"
R. c. Lagacé, 1995 CanLII 5166 (QC CA)
L'appelante ne conteste pas avoir effacé la mention inscrite à l'endos du chèque par l'avocat de l'assureur; elle soutient plutôt que son geste ne revêt aucun caractère criminel, au sens de l'article 321 et du paragraphe 366(2) Code criminel, cette inscription pouvant être effacée car elle n'était pas essentielle puisque sans valeur, ni effets légaux au sens de la Loi sur les lettres de change, L.R.C. (1985), ch. B-4.
L'argument est ingénieux mais, à mon avis, ce faisant l'appelante cherche à nous distraire du véritable enjeu de ce dossier. Elle n'est pas accusée d'avoir fait un faux chèque; elle est accusée d'avoir fait un faux document, en effaçant la mention restrictive apposée à l'endos du chèque par l'avocat de l'assureur, et de l'avoir utilisé.
Il est possible, quoique je me garde bien de décider de la question, que cette mention n'ait aucune valeur au sens de la Loi sur les lettre de change mais elle en avait certainement pour les parties. Monsieur le juge Durand, par son ordonnance du 21 janvier 1991, exigeait la présence d'une mention précise à l'endos du chèque soit "Pour dépôt seulement au compte en fidéicommis de Me Nadon et Me Laforest". Il n'a pas précisé qui devait apposer cette mention à l'endos du chèque ni à quel moment cela devait être fait. C'est dans ce contexte que l'avocat de l'assureur, en présence de l'appelante, a inscrit cette mention à l'endos du chèque avant de le remettre à l'avocat. Il ne s'agissait peut-être pas encore d'un endossement au sens de la Loi sur les lettres de change, et je ne décide pas de la question, mais cette mention devenait certainement, dans les faits et dans l'esprit de tous, une "partie essentielle" du chèque.
Le fait de gommer cette mention et d'en changer le texte constituait alors "soit l'altération, en quelque partie essentielle, d'un document authentique" (366(2)(a) Code criminel) ou "une altération essentielle dans un document authentique" (366(2)(c) Code criminel).
L'appelante ne conteste pas avoir effacé la mention inscrite à l'endos du chèque par l'avocat de l'assureur; elle soutient plutôt que son geste ne revêt aucun caractère criminel, au sens de l'article 321 et du paragraphe 366(2) Code criminel, cette inscription pouvant être effacée car elle n'était pas essentielle puisque sans valeur, ni effets légaux au sens de la Loi sur les lettres de change, L.R.C. (1985), ch. B-4.
L'argument est ingénieux mais, à mon avis, ce faisant l'appelante cherche à nous distraire du véritable enjeu de ce dossier. Elle n'est pas accusée d'avoir fait un faux chèque; elle est accusée d'avoir fait un faux document, en effaçant la mention restrictive apposée à l'endos du chèque par l'avocat de l'assureur, et de l'avoir utilisé.
Il est possible, quoique je me garde bien de décider de la question, que cette mention n'ait aucune valeur au sens de la Loi sur les lettre de change mais elle en avait certainement pour les parties. Monsieur le juge Durand, par son ordonnance du 21 janvier 1991, exigeait la présence d'une mention précise à l'endos du chèque soit "Pour dépôt seulement au compte en fidéicommis de Me Nadon et Me Laforest". Il n'a pas précisé qui devait apposer cette mention à l'endos du chèque ni à quel moment cela devait être fait. C'est dans ce contexte que l'avocat de l'assureur, en présence de l'appelante, a inscrit cette mention à l'endos du chèque avant de le remettre à l'avocat. Il ne s'agissait peut-être pas encore d'un endossement au sens de la Loi sur les lettres de change, et je ne décide pas de la question, mais cette mention devenait certainement, dans les faits et dans l'esprit de tous, une "partie essentielle" du chèque.
Le fait de gommer cette mention et d'en changer le texte constituait alors "soit l'altération, en quelque partie essentielle, d'un document authentique" (366(2)(a) Code criminel) ou "une altération essentielle dans un document authentique" (366(2)(c) Code criminel).
lundi 1 août 2011
Revue exhaustive de la jurisprudence sur la question de faits similaires par le juge François Marchand
R. c. M.C., 2010 QCCQ 15842 (CanLII)
[38] Tel que mentionné par le soussigné dans l'affaire R. c. Rock Ferland, décision datée du 2 novembre 2004 sur une preuve de voir-dire concernant l'admissibilité de faits similaires en preuve, différents critères et balises ont été énoncés par la Cour suprême.
[39] Ainsi, dans R. c. Handy, la Cour suprême confirme la règle d'exclusion voulant que la preuve de faits similaires soit présumée inadmissible, puisque le risque que cette preuve cause un préjudice est élevé, en détournant l'attention du juge ou du jury. Toutefois, elle ajoute que plus la preuve se rapproche de l'accusation, plus sa valeur probante augmente. Il incombe donc à la poursuite de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la valeur probante de la preuve de faits similaires l'emporte sur le préjudice qu'elle peut causer.
[40] Dans R. c. C. (M.H.) la Cour suprême statue:
«Notre Cour a examiné les principes régissant la recevabilité de la preuve d'actes similaires dans l'arrêt R. c. B. (C.R.), 1990 CanLII 142 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 717. La preuve de disposition qui montre seulement que l'accusé est le genre de personne susceptible d'avoir commis l'infraction en cause est généralement irrecevable. Cette preuve est susceptible d'avoir un grave effet préjudiciable en amenant le jury à penser que l'accusé est une «mauvaise» personne. En même temps, elle est d'une pertinence limitée relativement à la vraie question, celle de savoir si l'accusé a commis l'infraction particulière dont il est inculpé. Il y aura des cas, cependant, où la preuve d'actes similaires touchera à autre chose que la disposition et sera considérée comme ayant une véritable valeur probante. Cette valeur probante tient ordinairement au fait que les actes comparés sont à ce point inhabituels et présentent des similitudes à ce point frappantes que ces similitudes ne peuvent pas être attribuées à une coïncidence. Cette preuve ne devrait être utilisée que lorsque la force probante l'emporte nettement sur le préjudice, ou sur le danger que le jury rende un verdict de culpabilité pour des raisons illogiques.
La nature de la preuve d'actes similaires en l'espèce, comporte de graves dangers de préjudice pour l'appelant. Comme je l'ai dit dans l'arrêt R. c. B. (C.R.), à la p. 735, dans un cas «où la preuve de faits similaires que l'on veut présenter est une preuve à charge d'un acte moralement répugnant commis par l'accusé, le préjudice qui peut en résulter est grave et la valeur probante de la preuve doit vraiment être grande pour permettre sa réception». Le juge du procès a le devoir d'apprécier les facteurs relatifs à la valeur probante et au préjudice, puis de déterminer si, nonobstant la règle fondamentale d'exclusion, la valeur probante de la preuve est tellement forte qu'elle fait pencher la balance en faveur de son utilisation.»
[41] Il faut être prudent pour ne pas trop ouvrir la porte à l'admissibilité d'une preuve de propension, puisque la crédibilité est une question omniprésente dans la plupart des procès, et que tout ce qui ternit la moralité de l'accusé peut accessoirement accroître la crédibilité du plaignant.
[42] La règle qui interdit, avant verdict, toute preuve des antécédents judiciaires de l'accusé ainsi que son mode de vie en général, vise à assurer que le prévenu sera jugé pour l'infraction dont il est accusé et non pas en fonction de sa moralité ou de ses crimes passés. Cette règle vise les preuves dont le seul but est d'établir une propension qui ne se rapporte pas au crime reproché. On considère qu'une telle preuve n'a aucune valeur probante.
[43] Dans André Gagnon c. Sa Majesté La Reine la Cour d'appel du Québec écrit:
«64. … suivant l'état du droit, les faits similaires seront admis, à titre d'exception, lorsque la valeur probante qui en découle dépasse leur effet préjudiciable. La valeur probante d'une preuve ne s'apprécie pas dans l'absolu; elle doit être évaluée en rapport avec une question soulevée, soit par les chefs d'accusation soit par la défense qui est offerte.
[65] La valeur probante d'une preuve de faits similaires dépend du degré de similitude qui existe entre ces faits et les infractions reprochées. Dans l'arrêt Handy, la Cour suprême rappelle les facteurs qui permettent de conclure à la similitude nécessaire :
(1) la proximité temporelle des actes similaires;
(2) la mesure dans laquelle les autres actes ressemblent dans leurs moindres détails à la conduite reprochée;
(3) la fréquence des actes similaires;
(4) les circonstances entourant les faits similaires ou s'y rapportant;
(5) tout trait distinctif commun aux épisodes;
(6) les faits subséquents;
(7) tout autre facteur susceptible d'étayer ou de réfuter l'unité sous-jacente des actes similaires.»
[…]
[68] Dans la recherche des similitudes ou des différences entre les infractions, l'approche mathématique ou comptable est à proscrire. L'exercice auquel la Cour suprême nous convie est la recherche d'un certain équilibre …
[…]
[71] Dans R. c. Handy, le juge Binnie décrivait comme ceci l'exercice auquel doit se livrer le juge d'instance pour équilibrer la valeur probante d'une preuve de faits similaires et le préjudice qui peut découler de sa recevabilité :
Justice est rendue lorsqu'on écarte une preuve pertinente dont l'effet préjudiciable l'emporte sur sa valeur probante (R. c. Marquard, 1993 CanLII 37 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 223, p. 246), et lorsqu'on admet une preuve dont la valeur probante est plus grande que son effet préjudiciable (quoique ce soit là l'exception). La justice inclut l'intérêt de la société dans la découverte de la véracité des accusations ainsi que l'intérêt de la société et de l'accusé dans l'équité procédurale. Un système de justice criminelle dans lequel des déclarations de culpabilité injustifiées ont été prononcées notamment en raison de notions erronées de moralité et de propension ne devrait pas (et ne doit pas) prendre à la légère le risque qu'une preuve de propension soit mal utilisée.»
[44] En principe, la preuve d'une prédisposition à accomplir le type d'acte reproché est irrecevable à raison du danger qui peut en découler.
[45] Dans R. c. B., le juge Sopinka écrit:
«La principale raison d'exclusion relative à la propension est qu'il existe une tendance tout à fait humaine à juger les actes d'une personne en fonction de son caractère. Surtout avec des jurys, la tentation serait forte de conclure qu'un voleur a volé, qu'un homme violent a commis des voies de fait et qu'un pédophile s'est livré à des actes de pédophilie.»
[46] Le degré de similitude exigé varie selon le but pour lequel la preuve de faits similaires est présentée. Ainsi, lorsqu'il s'agit de prouver l'identité de l'auteur de l'infraction, les tribunaux exigent un très haut degré de similitude, puisque le risque de préjudice pour l'accusé est grand. Il faut alors que le crime soit véritablement signé par son auteur.
[47] Les tribunaux font par ailleurs preuve d'une plus grande souplesse si le but visé est de nier une défense de bonne foi ou d'association honnête, par la preuve d'un comportement systématique.
[48] Il fut aussi reconnu que la preuve présentée à titre de faits similaires n'a pas nécessairement à établir la commission d'une infraction et qu'au surplus, celle relative aux faits postérieurs aux événements reprochés est aussi admissible.
[49] En fait, le Ministère public n'a qu'à faire une preuve prima facie de la participation de l'accusé à l'infraction qui lui est reprochée, à titre de fait similaire.
[50] La valeur probante de la preuve d'acte similaire doit être analysée en fonction de la question soulevée. Celle-ci doit être appréciée au regard du préjudice que l'accusé peut subir.
[59] Le Tribunal a pris connaissance d'une décision rendue par l'honorable Claude Leblond, le 15 janvier 2009 dans l'affaire R. c. Cormier. Celui-ci a refusé une preuve de faits similaires, alors que dans cette affaire, il y avait, malgré tout, un nombre impressionnant de faits et d'actes similaires. Il a toutefois dénoté des différences et divergences, lesquelles lui ont permis de conclure que l'admissibilité de la preuve de faits similaires causerait un préjudice à l'accusé.
[60] Le soussigné fait siens les citations et propos tenus par l'honorable juge Leblond, lesquels se lisent comme suit:
[29] Dans R. c. Handy (2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908), la Cour suprême réitère que la règle en matière d'actes similaires en est une d'exclusion.
« Il est évident que l’intimé a raison de plaider l’inadmissibilité de la preuve d’inconduite qui va au-delà de ce qui est allégué dans l’acte d’accusation et qui ne fait que ternir sa réputation. Personne n’est accusé d’avoir une prédisposition ou propension « générale » au vol, à la violence ou à quoi que ce soit d’autre. En général, l’exclusion vise à interdire l’utilisation de la preuve de moralité en tant que preuve circonstancielle d’une conduite, c’est-à-dire pour inférer des « faits similaires » que l’accusé avait une propension ou une prédisposition à accomplir le type d’actes reprochés et qu’il est donc coupable de l’infraction (note précitée). »
[30] Évidemment, la poursuite cherche par cette preuve à tirer une inférence. Une telle inférence doit cependant rencontrer des exigences précises.
« Les inférences que l’on cherche à faire doivent être conformes au bon sens, aux notions intuitives de probabilité et à l’improbabilité d’une coïncidence (2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908, par. 42). »
[34] La question de savoir si la valeur probante d’une preuve l’emporte ou non sur son effet préjudiciable ne peut être tranchée qu’en fonction de la fin, i.e de la question soulevée et donc de la question en litige (2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908, par. 69).
« Les questions soulevées découlent des faits allégués dans l’accusation ainsi que des moyens de défense invoqués ou raisonnablement escomptés. Il incombe donc au ministère public de cerner la question en litige dans le procès, à laquelle on prétend que la preuve de prédisposition se rapporte. Si la question n’est plus litigieuse, comme, par exemple, lorsque l’accusé a admis le fait, la preuve n’est plus pertinente et doit être exclue (2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908, par. 74).»
[36] Lorsqu'une preuve d'actes similaires est présentée pour étayer la crédibilité d'une plaignante, la Cour suprême émet quelques réserves.
« Selon le ministère public, la question en litige concerne de façon générale la « crédibilité de la plaignante » et plus particulièrement [traduction] « le fait que l’accusé est fortement prédisposé à accomplir l’acte même qui est allégué dans les accusations portées contre lui ». Toutefois, il y a des précisions à apporter. Il faut prendre garde de trop ouvrir la porte à l’admission de la preuve de propension ou, comme on le dit parfois, de permettre qu’elle ait une trop grande incidence sur la preuve que le ministère public doit présenter (Sopinka, Lederman et Bryant, op. cit., § 11.26). La crédibilité est une question omniprésente dans la plupart des procès, qui, dans sa portée la plus étendue, peut équivaloir à une décision sur la culpabilité ou l’innocence.
Tout ce qui ternit la moralité de l’accusé peut accessoirement accroître la crédibilité du plaignant. Décider que la « question soulevée » porte sur la crédibilité risque, à moins qu’on en limite la portée, de donner lieu à l’admission de rien de plus qu’une preuve de prédisposition générale (« mauvaise personnalité ») (2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908, par. 115 et 116).
[42] Dans l'analyse de la force probante des actes dits similaires, il faut se demander quelle inférence peut-on tirer de ces faits en relation avec la question en litige.
[38] Tel que mentionné par le soussigné dans l'affaire R. c. Rock Ferland, décision datée du 2 novembre 2004 sur une preuve de voir-dire concernant l'admissibilité de faits similaires en preuve, différents critères et balises ont été énoncés par la Cour suprême.
[39] Ainsi, dans R. c. Handy, la Cour suprême confirme la règle d'exclusion voulant que la preuve de faits similaires soit présumée inadmissible, puisque le risque que cette preuve cause un préjudice est élevé, en détournant l'attention du juge ou du jury. Toutefois, elle ajoute que plus la preuve se rapproche de l'accusation, plus sa valeur probante augmente. Il incombe donc à la poursuite de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la valeur probante de la preuve de faits similaires l'emporte sur le préjudice qu'elle peut causer.
[40] Dans R. c. C. (M.H.) la Cour suprême statue:
«Notre Cour a examiné les principes régissant la recevabilité de la preuve d'actes similaires dans l'arrêt R. c. B. (C.R.), 1990 CanLII 142 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 717. La preuve de disposition qui montre seulement que l'accusé est le genre de personne susceptible d'avoir commis l'infraction en cause est généralement irrecevable. Cette preuve est susceptible d'avoir un grave effet préjudiciable en amenant le jury à penser que l'accusé est une «mauvaise» personne. En même temps, elle est d'une pertinence limitée relativement à la vraie question, celle de savoir si l'accusé a commis l'infraction particulière dont il est inculpé. Il y aura des cas, cependant, où la preuve d'actes similaires touchera à autre chose que la disposition et sera considérée comme ayant une véritable valeur probante. Cette valeur probante tient ordinairement au fait que les actes comparés sont à ce point inhabituels et présentent des similitudes à ce point frappantes que ces similitudes ne peuvent pas être attribuées à une coïncidence. Cette preuve ne devrait être utilisée que lorsque la force probante l'emporte nettement sur le préjudice, ou sur le danger que le jury rende un verdict de culpabilité pour des raisons illogiques.
La nature de la preuve d'actes similaires en l'espèce, comporte de graves dangers de préjudice pour l'appelant. Comme je l'ai dit dans l'arrêt R. c. B. (C.R.), à la p. 735, dans un cas «où la preuve de faits similaires que l'on veut présenter est une preuve à charge d'un acte moralement répugnant commis par l'accusé, le préjudice qui peut en résulter est grave et la valeur probante de la preuve doit vraiment être grande pour permettre sa réception». Le juge du procès a le devoir d'apprécier les facteurs relatifs à la valeur probante et au préjudice, puis de déterminer si, nonobstant la règle fondamentale d'exclusion, la valeur probante de la preuve est tellement forte qu'elle fait pencher la balance en faveur de son utilisation.»
[41] Il faut être prudent pour ne pas trop ouvrir la porte à l'admissibilité d'une preuve de propension, puisque la crédibilité est une question omniprésente dans la plupart des procès, et que tout ce qui ternit la moralité de l'accusé peut accessoirement accroître la crédibilité du plaignant.
[42] La règle qui interdit, avant verdict, toute preuve des antécédents judiciaires de l'accusé ainsi que son mode de vie en général, vise à assurer que le prévenu sera jugé pour l'infraction dont il est accusé et non pas en fonction de sa moralité ou de ses crimes passés. Cette règle vise les preuves dont le seul but est d'établir une propension qui ne se rapporte pas au crime reproché. On considère qu'une telle preuve n'a aucune valeur probante.
[43] Dans André Gagnon c. Sa Majesté La Reine la Cour d'appel du Québec écrit:
«64. … suivant l'état du droit, les faits similaires seront admis, à titre d'exception, lorsque la valeur probante qui en découle dépasse leur effet préjudiciable. La valeur probante d'une preuve ne s'apprécie pas dans l'absolu; elle doit être évaluée en rapport avec une question soulevée, soit par les chefs d'accusation soit par la défense qui est offerte.
[65] La valeur probante d'une preuve de faits similaires dépend du degré de similitude qui existe entre ces faits et les infractions reprochées. Dans l'arrêt Handy, la Cour suprême rappelle les facteurs qui permettent de conclure à la similitude nécessaire :
(1) la proximité temporelle des actes similaires;
(2) la mesure dans laquelle les autres actes ressemblent dans leurs moindres détails à la conduite reprochée;
(3) la fréquence des actes similaires;
(4) les circonstances entourant les faits similaires ou s'y rapportant;
(5) tout trait distinctif commun aux épisodes;
(6) les faits subséquents;
(7) tout autre facteur susceptible d'étayer ou de réfuter l'unité sous-jacente des actes similaires.»
[…]
[68] Dans la recherche des similitudes ou des différences entre les infractions, l'approche mathématique ou comptable est à proscrire. L'exercice auquel la Cour suprême nous convie est la recherche d'un certain équilibre …
[…]
[71] Dans R. c. Handy, le juge Binnie décrivait comme ceci l'exercice auquel doit se livrer le juge d'instance pour équilibrer la valeur probante d'une preuve de faits similaires et le préjudice qui peut découler de sa recevabilité :
Justice est rendue lorsqu'on écarte une preuve pertinente dont l'effet préjudiciable l'emporte sur sa valeur probante (R. c. Marquard, 1993 CanLII 37 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 223, p. 246), et lorsqu'on admet une preuve dont la valeur probante est plus grande que son effet préjudiciable (quoique ce soit là l'exception). La justice inclut l'intérêt de la société dans la découverte de la véracité des accusations ainsi que l'intérêt de la société et de l'accusé dans l'équité procédurale. Un système de justice criminelle dans lequel des déclarations de culpabilité injustifiées ont été prononcées notamment en raison de notions erronées de moralité et de propension ne devrait pas (et ne doit pas) prendre à la légère le risque qu'une preuve de propension soit mal utilisée.»
[44] En principe, la preuve d'une prédisposition à accomplir le type d'acte reproché est irrecevable à raison du danger qui peut en découler.
[45] Dans R. c. B., le juge Sopinka écrit:
«La principale raison d'exclusion relative à la propension est qu'il existe une tendance tout à fait humaine à juger les actes d'une personne en fonction de son caractère. Surtout avec des jurys, la tentation serait forte de conclure qu'un voleur a volé, qu'un homme violent a commis des voies de fait et qu'un pédophile s'est livré à des actes de pédophilie.»
[46] Le degré de similitude exigé varie selon le but pour lequel la preuve de faits similaires est présentée. Ainsi, lorsqu'il s'agit de prouver l'identité de l'auteur de l'infraction, les tribunaux exigent un très haut degré de similitude, puisque le risque de préjudice pour l'accusé est grand. Il faut alors que le crime soit véritablement signé par son auteur.
[47] Les tribunaux font par ailleurs preuve d'une plus grande souplesse si le but visé est de nier une défense de bonne foi ou d'association honnête, par la preuve d'un comportement systématique.
[48] Il fut aussi reconnu que la preuve présentée à titre de faits similaires n'a pas nécessairement à établir la commission d'une infraction et qu'au surplus, celle relative aux faits postérieurs aux événements reprochés est aussi admissible.
[49] En fait, le Ministère public n'a qu'à faire une preuve prima facie de la participation de l'accusé à l'infraction qui lui est reprochée, à titre de fait similaire.
[50] La valeur probante de la preuve d'acte similaire doit être analysée en fonction de la question soulevée. Celle-ci doit être appréciée au regard du préjudice que l'accusé peut subir.
[59] Le Tribunal a pris connaissance d'une décision rendue par l'honorable Claude Leblond, le 15 janvier 2009 dans l'affaire R. c. Cormier. Celui-ci a refusé une preuve de faits similaires, alors que dans cette affaire, il y avait, malgré tout, un nombre impressionnant de faits et d'actes similaires. Il a toutefois dénoté des différences et divergences, lesquelles lui ont permis de conclure que l'admissibilité de la preuve de faits similaires causerait un préjudice à l'accusé.
[60] Le soussigné fait siens les citations et propos tenus par l'honorable juge Leblond, lesquels se lisent comme suit:
[29] Dans R. c. Handy (2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908), la Cour suprême réitère que la règle en matière d'actes similaires en est une d'exclusion.
« Il est évident que l’intimé a raison de plaider l’inadmissibilité de la preuve d’inconduite qui va au-delà de ce qui est allégué dans l’acte d’accusation et qui ne fait que ternir sa réputation. Personne n’est accusé d’avoir une prédisposition ou propension « générale » au vol, à la violence ou à quoi que ce soit d’autre. En général, l’exclusion vise à interdire l’utilisation de la preuve de moralité en tant que preuve circonstancielle d’une conduite, c’est-à-dire pour inférer des « faits similaires » que l’accusé avait une propension ou une prédisposition à accomplir le type d’actes reprochés et qu’il est donc coupable de l’infraction (note précitée). »
[30] Évidemment, la poursuite cherche par cette preuve à tirer une inférence. Une telle inférence doit cependant rencontrer des exigences précises.
« Les inférences que l’on cherche à faire doivent être conformes au bon sens, aux notions intuitives de probabilité et à l’improbabilité d’une coïncidence (2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908, par. 42). »
[34] La question de savoir si la valeur probante d’une preuve l’emporte ou non sur son effet préjudiciable ne peut être tranchée qu’en fonction de la fin, i.e de la question soulevée et donc de la question en litige (2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908, par. 69).
« Les questions soulevées découlent des faits allégués dans l’accusation ainsi que des moyens de défense invoqués ou raisonnablement escomptés. Il incombe donc au ministère public de cerner la question en litige dans le procès, à laquelle on prétend que la preuve de prédisposition se rapporte. Si la question n’est plus litigieuse, comme, par exemple, lorsque l’accusé a admis le fait, la preuve n’est plus pertinente et doit être exclue (2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908, par. 74).»
[36] Lorsqu'une preuve d'actes similaires est présentée pour étayer la crédibilité d'une plaignante, la Cour suprême émet quelques réserves.
« Selon le ministère public, la question en litige concerne de façon générale la « crédibilité de la plaignante » et plus particulièrement [traduction] « le fait que l’accusé est fortement prédisposé à accomplir l’acte même qui est allégué dans les accusations portées contre lui ». Toutefois, il y a des précisions à apporter. Il faut prendre garde de trop ouvrir la porte à l’admission de la preuve de propension ou, comme on le dit parfois, de permettre qu’elle ait une trop grande incidence sur la preuve que le ministère public doit présenter (Sopinka, Lederman et Bryant, op. cit., § 11.26). La crédibilité est une question omniprésente dans la plupart des procès, qui, dans sa portée la plus étendue, peut équivaloir à une décision sur la culpabilité ou l’innocence.
Tout ce qui ternit la moralité de l’accusé peut accessoirement accroître la crédibilité du plaignant. Décider que la « question soulevée » porte sur la crédibilité risque, à moins qu’on en limite la portée, de donner lieu à l’admission de rien de plus qu’une preuve de prédisposition générale (« mauvaise personnalité ») (2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908, par. 115 et 116).
[42] Dans l'analyse de la force probante des actes dits similaires, il faut se demander quelle inférence peut-on tirer de ces faits en relation avec la question en litige.
La preuve de faits similaires
R. c. Handy, 2002 CSC 56, [2002] 2 RCS 908
La règle générale d’exclusion voulant que la preuve de faits similaires soit présumée inadmissible a été confirmée à maintes reprises. Elle reconnaît que le risque que cette preuve cause un préjudice, détourne l’attention du jury et entraîne un délai excessif l’emporte habituellement sur sa valeur probante. Cependant, il peut se poser des questions à l’égard desquelles la valeur probante de la preuve de faits similaires l’emporte sur le risque qu’elle soit mal utilisée. Il se peut que les circonstances similaires écartent toute coïncidence ou autre explication tendant à innocenter l’accusé. Plus la preuve se rapproche spécifiquement de l’accusation, plus sa valeur probante augmente. Il incombe à la poursuite de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la valeur probante de la preuve de faits similaires l’emporte sur le préjudice qu’elle peut causer.
La preuve de faits similaires ne cesse pas d’être une preuve de propension du fait qu’elle se rapporte à une question autre que la prédisposition générale.
La principale source de valeur probante est le rapport existant entre la preuve en cause et les infractions reprochées. Parmi les facteurs qui peuvent justifier l’admission d’une telle preuve, il y a la proximité temporelle des épisodes similaires, la ressemblance sur le plan des détails, la fréquence des actes similaires, les similitudes sur le plan des circonstances et tout trait distinctif. Les facteurs justifiant l’exclusion comprennent le caractère incendiaire des actes similaires, la question de savoir si le ministère public peut prouver ce qu’il avance à l’aide d’éléments de preuve moins préjudiciables, le risque de détournement d’attention du jury et la question de savoir si l’admission de la preuve entraînera un délai excessif.
La règle générale d’exclusion voulant que la preuve de faits similaires soit présumée inadmissible a été confirmée à maintes reprises. Elle reconnaît que le risque que cette preuve cause un préjudice, détourne l’attention du jury et entraîne un délai excessif l’emporte habituellement sur sa valeur probante. Cependant, il peut se poser des questions à l’égard desquelles la valeur probante de la preuve de faits similaires l’emporte sur le risque qu’elle soit mal utilisée. Il se peut que les circonstances similaires écartent toute coïncidence ou autre explication tendant à innocenter l’accusé. Plus la preuve se rapproche spécifiquement de l’accusation, plus sa valeur probante augmente. Il incombe à la poursuite de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la valeur probante de la preuve de faits similaires l’emporte sur le préjudice qu’elle peut causer.
La preuve de faits similaires ne cesse pas d’être une preuve de propension du fait qu’elle se rapporte à une question autre que la prédisposition générale.
La principale source de valeur probante est le rapport existant entre la preuve en cause et les infractions reprochées. Parmi les facteurs qui peuvent justifier l’admission d’une telle preuve, il y a la proximité temporelle des épisodes similaires, la ressemblance sur le plan des détails, la fréquence des actes similaires, les similitudes sur le plan des circonstances et tout trait distinctif. Les facteurs justifiant l’exclusion comprennent le caractère incendiaire des actes similaires, la question de savoir si le ministère public peut prouver ce qu’il avance à l’aide d’éléments de preuve moins préjudiciables, le risque de détournement d’attention du jury et la question de savoir si l’admission de la preuve entraînera un délai excessif.
Le principe fondamental pour voir si la réouverture d'enquête est possible est de déterminer si l'accusé serait lésé dans sa défense
R. c. P. (M.B.), [1994] 1 RCS 555
Le principe fondamental qui s'applique pour déterminer si le ministère public devrait être autorisé à rouvrir sa preuve a toujours été de savoir si l'accusé serait lésé dans sa défense. Le pouvoir discrétionnaire du juge du procès à cet égard doit être exercé judiciairement et avoir pour objet d'assurer qu'il est dans l'intérêt de la justice de le faire. Traditionnellement, on a considéré qu'il y a une corrélation entre le stade auquel sont rendues les procédures et le préjudice et l'injustice que subit l'accusé.
Avant que le ministère public ait terminé sa preuve, le juge du procès jouit d'une grande latitude dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de permettre au ministère public de citer de nouveau un témoin pour qu'il corrige son témoignage antérieur.
Dès que le ministère public termine réellement sa preuve, mais avant que la défense choisisse de produire une preuve, le critère que doit appliquer le juge du procès est généralement considéré comme celui selon lequel on doit permettre de rouvrir la preuve pour remédier à un oubli ou à une omission par inadvertance du ministère public dans la présentation de sa preuve, pourvu naturellement que la justice l'exige et que la défense ne soit pas lésée.
Après que le ministère public a terminé sa preuve et que la défense a commencé à y répondre, le pouvoir discrétionnaire d'une cour est très limité et c'est seulement dans des circonstances très particulières que le ministère public sera autorisé à rouvrir sa preuve. Le fait de permettre au ministère public de rouvrir sa preuve après que la défense a commencé à y répondre minerait le principe directeur interdisant l'auto‑incrimination.
L'arrêt Robillard de notre Cour, qui aborde de façon plus libérale le pouvoir discrétionnaire du juge du procès en matière de réouverture, même après la clôture de la preuve de la défense, doit être interprété restrictivement comme s'appliquant seulement aux situations où le ministère public cherche à rouvrir sa preuve pour corriger un vice de forme.
Le principe fondamental qui s'applique pour déterminer si le ministère public devrait être autorisé à rouvrir sa preuve a toujours été de savoir si l'accusé serait lésé dans sa défense. Le pouvoir discrétionnaire du juge du procès à cet égard doit être exercé judiciairement et avoir pour objet d'assurer qu'il est dans l'intérêt de la justice de le faire. Traditionnellement, on a considéré qu'il y a une corrélation entre le stade auquel sont rendues les procédures et le préjudice et l'injustice que subit l'accusé.
Avant que le ministère public ait terminé sa preuve, le juge du procès jouit d'une grande latitude dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de permettre au ministère public de citer de nouveau un témoin pour qu'il corrige son témoignage antérieur.
Dès que le ministère public termine réellement sa preuve, mais avant que la défense choisisse de produire une preuve, le critère que doit appliquer le juge du procès est généralement considéré comme celui selon lequel on doit permettre de rouvrir la preuve pour remédier à un oubli ou à une omission par inadvertance du ministère public dans la présentation de sa preuve, pourvu naturellement que la justice l'exige et que la défense ne soit pas lésée.
Après que le ministère public a terminé sa preuve et que la défense a commencé à y répondre, le pouvoir discrétionnaire d'une cour est très limité et c'est seulement dans des circonstances très particulières que le ministère public sera autorisé à rouvrir sa preuve. Le fait de permettre au ministère public de rouvrir sa preuve après que la défense a commencé à y répondre minerait le principe directeur interdisant l'auto‑incrimination.
L'arrêt Robillard de notre Cour, qui aborde de façon plus libérale le pouvoir discrétionnaire du juge du procès en matière de réouverture, même après la clôture de la preuve de la défense, doit être interprété restrictivement comme s'appliquant seulement aux situations où le ministère public cherche à rouvrir sa preuve pour corriger un vice de forme.
L'état du droit concernant la réouverture d'enquête
R. c. G. (S.G.), [1997] 2 RCS 716
La décision du juge du procès de permettre au ministère public de rouvrir sa preuve n'importe quand avant le prononcé d'un verdict est une décision discrétionnaire, et, partant, un tribunal d'appel fera généralement preuve de retenue à son égard. Ce pouvoir doit être exercé judiciairement, toutefois, et dans l'intérêt de la justice. La question fondamentale à laquelle il faut répondre est de savoir si l'accusé sera lésé dans sa défense. L'étendue du pouvoir discrétionnaire du juge du procès d'autoriser le ministère public à rouvrir sa preuve diminue à mesure que le procès avance parce qu'il y a plus de chances pour que la défense soit lésée.
À la troisième étape du procès, c'est‑à‑dire lorsque la défense a déjà commencé à répondre à la preuve du ministère public, ce pouvoir est extrêmement limité et est beaucoup moins susceptible d'être exercé en faveur du ministère public.
Une réouverture à ce stade ne devrait être autorisée que dans les circonstances tout à fait exceptionnelles qui ressemblent beaucoup aux deux exemples donnés dans l'arrêt P. (M.B.): lorsque la conduite de la défense a directement ou indirectement contribué à l'omission du ministère public de présenter les éléments de preuve en question avant la clôture de sa preuve, et lorsque l'omission ou l'erreur du ministère public portait sur un point non controversé de pure forme et n'avait rien à voir avec le fond de l'affaire. En dehors de ces deux exemples, le ministère public aura beaucoup de difficulté à obtenir la réouverture de sa preuve après que l'accusé a commencé à y répondre.
L'une des principales craintes que suscite le fait de permettre au ministère public de rouvrir sa preuve pendant la troisième étape du procès est l'atteinte au droit de l'accusé de ne pas être mobilisé contre lui‑même. Le ministère public ne doit pas être autorisé à modifier la preuve qu'il a produite après que l'accusé a commencé à y répondre. En outre, le ministère public ne devrait pas être autorisé à bénéficier de l'avantage injuste qui résultera forcément du fait que «sa preuve soit scindée».
Le fait que le ministère public n'est pas responsable de l'omission de produire les éléments de preuve dans le cadre de sa preuve ne change rien au droit de l'accusé de connaître la preuve avant d'avoir à y répondre. À la troisième étape du procès, la possibilité de citer à nouveau des témoins à charge et de rouvrir la preuve de la défense ne peut jamais réparer complètement le préjudice causé à la défense.
La décision du juge du procès de permettre au ministère public de rouvrir sa preuve n'importe quand avant le prononcé d'un verdict est une décision discrétionnaire, et, partant, un tribunal d'appel fera généralement preuve de retenue à son égard. Ce pouvoir doit être exercé judiciairement, toutefois, et dans l'intérêt de la justice. La question fondamentale à laquelle il faut répondre est de savoir si l'accusé sera lésé dans sa défense. L'étendue du pouvoir discrétionnaire du juge du procès d'autoriser le ministère public à rouvrir sa preuve diminue à mesure que le procès avance parce qu'il y a plus de chances pour que la défense soit lésée.
À la troisième étape du procès, c'est‑à‑dire lorsque la défense a déjà commencé à répondre à la preuve du ministère public, ce pouvoir est extrêmement limité et est beaucoup moins susceptible d'être exercé en faveur du ministère public.
Une réouverture à ce stade ne devrait être autorisée que dans les circonstances tout à fait exceptionnelles qui ressemblent beaucoup aux deux exemples donnés dans l'arrêt P. (M.B.): lorsque la conduite de la défense a directement ou indirectement contribué à l'omission du ministère public de présenter les éléments de preuve en question avant la clôture de sa preuve, et lorsque l'omission ou l'erreur du ministère public portait sur un point non controversé de pure forme et n'avait rien à voir avec le fond de l'affaire. En dehors de ces deux exemples, le ministère public aura beaucoup de difficulté à obtenir la réouverture de sa preuve après que l'accusé a commencé à y répondre.
L'une des principales craintes que suscite le fait de permettre au ministère public de rouvrir sa preuve pendant la troisième étape du procès est l'atteinte au droit de l'accusé de ne pas être mobilisé contre lui‑même. Le ministère public ne doit pas être autorisé à modifier la preuve qu'il a produite après que l'accusé a commencé à y répondre. En outre, le ministère public ne devrait pas être autorisé à bénéficier de l'avantage injuste qui résultera forcément du fait que «sa preuve soit scindée».
Le fait que le ministère public n'est pas responsable de l'omission de produire les éléments de preuve dans le cadre de sa preuve ne change rien au droit de l'accusé de connaître la preuve avant d'avoir à y répondre. À la troisième étape du procès, la possibilité de citer à nouveau des témoins à charge et de rouvrir la preuve de la défense ne peut jamais réparer complètement le préjudice causé à la défense.
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