vendredi 25 janvier 2013

L'état du droit concernant l'infraction de traite des personnes

Urizar c. R., 2013 QCCA 46 (CanLII)

Lien vers la décision

[71]        La notion d'exploitation est définie à l'article 279.04 C.cr.  Les agissements à la source de l'exploitation s'évaluent à l'aide d'un critère objectif.  La victime est amenée à fournir son travail ou ses services par des agissements dont il est raisonnable de s'attendre, compte tenu du contexte, à ce qu'ils fassent croire qu'un refus de sa part mettrait en danger sa sécurité ou celle d'une personne qu'elle connaît.

[72]        L'infraction peut être commise de différentes façons.  Il peut s'agir d'un geste isolé ou de gestes coordonnés pourvu que ces gestes soient posés en vue d'exploiter ou de faciliter l'exploitation de la personne.  Ainsi, celui qui recrute ou héberge pourra être accusé de la traite des personnes à la condition qu'il ait su que le geste posé l'avait été en vue d'exploiter ou de faciliter l'exploitation d'une personne.

[73]        Il n'est pas non plus nécessaire, pour que l'infraction soit consommée, qu'il y ait déplacement de personnes à proprement dit.  Dans sa Fiche de renseignements à l’intention des agents d’application de la loi en matière de traite des personnes, le ministère de la Justice précise que la traite des personnes peut se dérouler entièrement à l'intérieur des frontières canadiennes et qu'elle n'implique pas nécessairement le déplacement des victimes :

Il n’est pas nécessaire que les victimes aient franchi la frontière du Canada. La traite des personnes peut se dérouler entièrement à l’intérieur des frontières canadiennes.
Il n’est pas nécessaire que les victimes soient déplacées. Il suffit, par exemple, de les héberger ou d’exercer un contrôle, une direction ou une influence sur celles-ci afin de les exploiter ou de faciliter leur exploitation.
(je souligne)
[74]        Dans sa première partie, l'article 279.01 C.cr.utilise des termes qui reflètent une action précise : recrute, transporte, transfère, reçoit, détient, cache, héberge.  Le second segment de l'article suggère un état des choses qui découle d'une série d'agissements plutôt que d'un acte isolé : exerce un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements d'une personne.  Ces derniers termes évoquent la notion d'emprise, de mainmise, d'ascendant sur la personne et sur ses mouvements.

[75]        Ici, le législateur emploie les mêmes mots que ceux qu'il utilise en matière de proxénétisme à l'article 212(1)h) C.cr.: « aux fins de lucre, exerce un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements d'une personne…».  Dans l'arrêt Perreault c. R., notre Cour définit les éléments essentiels de cette infraction de la façon suivante :

L'élément contrôle réfère à un comportement envahissant, à une emprise laissant peu de choix à la personne contrôlée.  Ce comportement inclut par conséquent des actes de direction et d'influence.  Il y a exercice de direction sur les mouvements d'une personne lorsque des règles ou des comportements sont imposés.  L'exercice de direction n'exclut pas que la personne dirigée dispose de latitude ou d'une marge d'initiative.  L'exercice d'influence inclut des comportements moins contraignants.  Sera considérée comme une influence, toute action exercée sur une personne en vue d'aider, encourager ou forcer à s'adonner à la prostitution.

[76]        Il faut noter que le législateur reprend en matière de traite des personnes la même expression sans y ajouter d'éléments reliés à des déplacements forcés ou à des situations qui s'apparentent à celles d'un migrant.  Il ressort plutôt du texte de l'article 279.01 C.cr. que l'infraction peut être commise par des agissements qui, à degré variable, forment une contrainte sur les mouvements d'une personne en vue de l'exploiter ou de faciliter son exploitation.

[77]        Je conclus que l'interprétation de l'article 279.01 C.cr. proposée par l'appelant doit être rejetée.  Il ne ressort ni du texte de l'article ni des objectifs visés par le Parlement que l'infraction de traite des personnes soit confinée aux seuls cas de mouvements forcés qui s'apparentent à ceux d'un migrant.

[78]        En l'espèce, la preuve révèle que l'emprise d'Urizar sur la plaignante a pris différentes formes.  Il est important d'en saisir la gradation.

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