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jeudi 15 mai 2025

L'opportunité exclusive

Dion c. R., 2010 QCCA 941

Lien vers la décision


[52]           Comme le rappelait le juge McIntyre dans l'arrêt Yebes, précité, à la page 188 :

On peut alors conclure que, lorsqu'il est démontré qu'un crime a été commis et que les éléments de preuve incriminants retenus contre l'accusé ont principalement trait à l'occasion, la culpabilité de l'accusé n'est pas la seule déduction rationnelle qui peut en être tirée à moins que l'accusé ait eu une occasion exclusive de toute autre possibilité de le commettre. Toutefois, dans une affaire où la preuve de l'occasion est accompagnée d'autres éléments de preuve incriminants, une occasion qui n'exclut pas tout à fait toute autre possibilité peut suffire. C'est l'opinion exprimée par le juge Lacourcière dans l'arrêt R. v. Monteleone (1982), 1982 CanLII 2162 (ON CA), 67 C.C.C. (2d) 489 (C.A. Ont.), à la p. 493, où il a dit:

[TRADUCTION]  Il n'est pas obligatoire que la poursuite démontre que      l'intimé a eu, dans une affaire où d'autres circonstances incriminantes sont démontrées, une occasion qui exclut toute autre possibilité.

[Je souligne.]

[53]           Dans cette affaire, la Cour suprême conclut que l'accusé a eu l'opportunité exclusive de tuer ses deux fils adoptifs :

[…] Il y avait des éléments de preuve qui permettaient au jury de conclure raisonnablement que l'appelant Yebes avait un mobile pour tuer les garçons et qu'il a eu l'occasion de le faire. S'il n'y avait eu aucun autre élément de preuve à l'appui des arguments du ministère public, il n'y aurait aucun doute que l'appelant aurait le droit d'être acquitté, car la seule preuve d'un mobile ne serait pas suffisante pour fonder une déclaration de culpabilité et ajouter l'occasion au mobile, en l'absence de tout autre élément de preuve, ne donnera pas plus de poids aux arguments s'il n'y a pas preuve d'une occasion exclusive de toute autre possibilité. C'est ce qu'a conclu le juge McLennan dans l'arrêt R. v. Ferianz (1962), 1962 CanLII 884 (ON CA)37 C.R. 37 (C.A. Ont.). (p. 186)

[Je souligne.]

[54]           Ce principe voulant que l'opportunité exclusive puisse permettre de conclure à la culpabilité sans qu'il soit nécessaire de présenter d'autres éléments de preuve avait déjà été énoncé par la Cour suprême dans l'arrêt Imrich c. R.1977 CanLII 27 (CSC), [1978] 1 R.C.S. 622, à la page 628.

[55]           En l'espèce, il y avait au dossier de la preuve suivant laquelle le jury pouvait conclure à l'opportunité exclusive.

[56]           Il est utile de rappeler que l'opportunité exclusive impose à la poursuite de démontrer que seul l'accusé a pu commettre le crime, à l'exclusion de toute autre personne.

[57]           L'auteur E.G. Ewaschuk dans son manuel Criminal Pleadings & Practice in Canada, 2e éd., vol. 2, Aurora, Canada Law Book, p. 16-472 résume ainsi l'état du droit sur cette question :

Where there is no other evidence against the accused, the Crown must prove that the accused had the "exclusive opportunity" to have committed the crime charged. […] Where there is "other evidence", e.g. , motive, the Crown need not prove that the accused had opportunity to the exclusion of all others to have committed the crime charged, […] though proof of "non-exclusive opportunity and motive" without more may result in an unreasonable guilty verdict.

[Références omises.]

[58]           Bien que succincte, la directive du juge au jury reprend les critères applicables en matière d'opportunité exclusive. Elle énonce clairement qu'il ne peut conclure à la culpabilité uniquement à partir d'une preuve d'opportunité, à moins qu'il ne soit convaincu que l'appelant a eu l'occasion exclusive de commettre le crime.

[59]           Le juge aurait certes pu expliquer davantage que l'opportunité exclusive trouvait application selon le scénario de la preuve que retenait le jury. Toutefois, il faut garder à l'esprit qu'un jury peut conclure à la culpabilité en empruntant des chemins différents :  R. c. Thatcher, 1987 CanLII 53 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 652.

[60]           De plus, si l'avocat de l'appelant était insatisfait de la directive donnée, il se devait de le mentionner au juge et d'expliquer pourquoi une directive additionnelle était nécessaire, ce qu'il n'a pas fait. C'est d'ailleurs ce que rappelait le juge Fish dans l'arrêt R. c. Khela, [2009] 1 R.C.S. 1042009 CSC 4, au paragraphe 49 :

[49]      Certes, il incombe au juge du procès de veiller à ce que les jurés reçoivent des directives adéquates, mais les avocats ne devraient pas abdiquer leur responsabilité d’assister le tribunal. Comme le juge Bastarache l’a récemment expliqué dans R. c. Daley2007 CSC 53, [2007] 3 R.C.S. 523 :

 . . . on attend des avocats qu’ils assistent le juge du procès, en relevant les aspects des directives au jury qu’ils estiment problématiques.  Bien qu’elle ne soit pas déterminante, l’omission d’un avocat de formuler une objection est prise en compte en appel.  L’absence de plainte contre l’aspect de l’exposé invoqué plus tard comme moyen d’appel peut être significative quant à la gravité de l’irrégularité reprochée. [par. 58]

À cet égard, je constate, sans plus, qu’aucune objection n’a été formulée à l’encontre de l’exposé fait au jury en l’espèce.

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